Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour explication de vote.
M. Khalifé Khalifé. Je souhaite apporter un témoignage sur les quotas. Je viens d'un département, la Moselle, régi par le régime local, où le ratio applicable aux officines est de 3 500 habitants et non de 2 500. Lors de la crise de cet été, nous avons constaté qu'aucune pharmacie, sur les 725 communes du département, n'était en difficulté, à l'exception d'une, déjà fragile auparavant.
Il semblerait donc que le seuil de 3 500 habitants soit le plus pertinent. En attendant d'aller plus loin, je soutiens le système des antennes proposé par notre rapporteure.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1002 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 50 :
| Nombre de votants | 342 |
| Nombre de suffrages exprimés | 340 |
| Pour l'adoption | 111 |
| Contre | 229 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1191 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 1390 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 21
Insérer deux alinéas ainsi rédigés
...° Après l'article L. 4131-6, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-…. – Dans les zones dans lesquelles le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé, définies par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé, le conventionnement d'un médecin libéral en application de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ne peut intervenir qu'en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans des conditions équivalentes dans la même zone. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. » ;
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l'amendement n° 1191.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L'article 21 reprend les mesures du pacte de lutte contre les déserts médicaux pour améliorer l'accès aux soins. Nous considérons que ces mesures sont nettement insuffisantes pour répondre aux difficultés rencontrées par nos concitoyens pour accéder à un médecin.
Nous proposons de consolider l'article 21, en dotant notre pays d'un mécanisme de régulation de l'installation des médecins dans les zones à forte densité médicale.
Cet article prévoit de renforcer l'accès aux soins sur les territoires, y compris le soir et le week-end. Pour atteindre cet objectif, nous proposons de conditionner l'installation dans certaines zones à forte densité médicale au départ d'un médecin de cette même zone.
Selon un sondage de l'institut Odoxa de juin 2025, les difficultés d'accès aux soins ont progressé de 9 % en un an : 84 % des Français rencontrent des difficultés pour obtenir un rendez-vous rapide chez un médecin spécialiste et 41 % connaissent le même problème pour voir rapidement un médecin généraliste.
Alors que 87 % de la population vit dans un désert médical, il nous semble indispensable de sortir du dogme de la liberté d'installation qui, avec le numerus clausus et la casse de l'hôpital public, a largement participé aux difficultés d'accès aux soins.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l'amendement n° 1390.
Mme Anne Souyris. Par cet amendement, nous proposons, à l'instar du groupe CRCE-K, d'instaurer un conventionnement sélectif à l'installation des médecins dans les zones à forte densité médicale.
C'est une proposition soft, qui va moins loin, sur le plan de la régulation de l'installation, que la proposition de loi dite Garrot ou même que celle de Philippe Mouiller que nous avons examinée au printemps dernier.
Il s'agit de répondre à un enjeu essentiel : limiter la poursuite de la concentration de l'offre de soins au bénéfice d'une plus juste répartition territoriale, en prévoyant que le conventionnement d'un médecin libéral dans les zones où le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé ne puisse intervenir que concomitamment à la cessation d'activité d'un praticien exerçant dans des conditions équivalentes au sein de la même zone.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces amendements s'inspirent d'une disposition que nous avons soutenue dans le cadre de la proposition de loi dite Mouiller visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires.
Cette mesure vise à conditionner l'installation d'un médecin libéral en zone surdense à la cessation concomitante d'activité d'un autre médecin.
Les amendements présentés s'en distinguent toutefois sur plusieurs points.
Ils ne prévoient aucun mécanisme dérogatoire, lorsque le médecin qui projette de s'installer dans une zone surdense s'engage à exercer en zone sous-dense, ce que nous avions prévu dans la proposition de loi Mouiller.
Je souhaite que cette proposition, adoptée par le Sénat, avance à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement avait d'ailleurs engagé la procédure accélérée sur ce texte ; je pense que nous pouvons raisonnablement espérer qu'il aboutisse.
Par ailleurs, il me semble que ces amendements seraient censurés par le Conseil constitutionnel, car la mesure ne relève pas du champ de la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. J'ai entendu dire que la liberté d'installation était un dogme qu'il fallait battre en brèche. Mais c'est l'opposé d'un dogme !
Mathématiquement, on ne peut pas répondre par de la régulation à une pénurie qui touche 90 % de notre territoire. Si nous avions beaucoup de médecins, je ne verrais pas d'inconvénient à cette proposition. En l'occurrence, la mesure me paraît inefficace et même de nature à aggraver la situation.
Au reste, je ne sais pas si cet article est le lieu pour débattre de ce sujet.
Quoi qu'il en soit, je suis très défavorable à ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, nous connaissons vos positions, qui sont assez « raccord » avec celles de la majorité sénatoriale. Notre divergence de vues est réelle.
Pour notre part, nous considérons que c'est lorsqu'il y a pénurie qu'il faut réguler, afin de limiter les écarts et les inégalités. L'histoire nous l'a clairement démontré.
Madame la ministre, je suis au regret de vous rappeler que nombre de nos concitoyens vivent aujourd'hui dans des territoires abandonnés par les professionnels de santé, alors même que ces derniers sont, de fait, rémunérés en grande partie par de l'argent public.
Au demeurant, en admettant votre argument, la régulation des autres professions de santé devrait tomber. Or à quoi assistons-nous ces dernières années, si ce n'est à une montée en puissance de la régulation de l'installation des professionnels de santé ? Il n'y a pas de raison que les médecins y échappent. Cela se fait d'ailleurs dans d'autres pays de l'Union européenne, que l'on ne peut pas soupçonner d'être des économies administrées… Les choses sont très claires !
J'y insiste, on voit bien que les mesures incitatives ne fonctionnent pas, que tout l'argent qui a été dépensé l'a été en vain.
À un moment donné, la puissance publique doit envoyer un message clair, à la fois aux professionnels de santé et à nos concitoyens. Ces derniers attendent légitimement de pouvoir bénéficier des mêmes droits que les autres et de ne pas être considérés comme des citoyens de seconde zone, reçus dans des cabinets secondaires par des médecins qui changent tous les quatre matins – quand ils viennent jusque là – et qui, au mieux, sont présents, sur la base du volontariat, deux jours par mois. Une telle situation n'est pas acceptable, madame la ministre !
Nous sommes bien conscients qu'il n'y a pas de solution magique et que le chemin est long, mais nous devons assumer et revendiquer une régulation de l'installation des médecins. J'ajoute que les auteurs de ces amendements proposent un format relativement souple. De fait, il s'agit d'une disposition très mesurée ; il pourrait y avoir des solutions beaucoup plus drastiques.
Nous souhaitons que les choses puissent avancer. L'Assemblée nationale a proposé un chemin.
Mme la présidente. Il faut conclure.
M. Simon Uzenat. Il nous faut maintenant l'emprunter.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vais essayer de développer quelques arguments pour conforter ma position.
Nous dressons le même constat : ce dont les patients ont besoin dans nos territoires, c'est, en premier lieu, d'un médecin généraliste traitant.
La première raison pour laquelle une régulation, telle qu'elle est proposée, ne serait pas bonne est que, contrairement à d'autres métiers – on peut penser, par exemple, aux enseignants –, le jeune médecin que l'on contraindra d'une façon ou d'une autre à s'installer dans un endroit où il ne veut pas aller a la possibilité de choisir d'autres modes d'exercice, si tant est qu'il veuille rester médecin...
Il pourra choisir l'un des nombreux postes disponibles dans les établissements de santé – hôpital ou clinique. Il pourra choisir un autre secteur, par exemple médecin de la sécurité sociale ou du travail. Il pourra aussi aller exercer à l'étranger, y compris dans un pays voisin, puisque, partout dans le monde, la démographie médicale est trop faible.
La première raison pour laquelle votre solution ne sera pas efficace est donc que le médecin peut faire autre chose.
Par ailleurs, vous évoquez les autres secteurs régulés, comme les officines. Or nous constatons que, en raison du numerus clausus qui est l'un des facteurs explicatifs des difficultés toujours croissantes dans nos territoires, la régulation – le débat que nous venons d'avoir sur les officines a pourtant montré qu'elle était poussée et bien organisée – ne fonctionne pas dès lors que la démographie n'est pas favorable.
Je vais m'en tenir à ces deux raisons.
Vous dites, monsieur Uzenat, qu'il faut un message clair, mais ce n'est pas un message de vérité que ces amendements envoient à nos concitoyens. Leur dispositif paraît constituer une solution, mais je suis profondément convaincue que leur adoption aggraverait en fait la situation.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, les pharmacies sont régulées et nous venons de voter le maintien du droit actuel – pas de création dans les communes de moins de 2 500 habitants.
Pour ma part, comme je le dis depuis très longtemps, je suis favorable à la régulation de la présence des médecins sur l'ensemble du territoire. Si l'on régule la présence des médecins, on règle en partie le problème des pharmacies et un certain nombre d'autres difficultés.
Il faut écouter ce que disent les collectivités territoriales sur la question de la santé. Depuis 2009, ce sont vingt-cinq dispositifs qui se cumulent pour inciter à l'installation des médecins là où on a besoin d'eux. Ces dispositifs représentent énormément d'argent. Leur description – la Cour des comptes a récemment dressé leur tableau lors d'une audition devant la commission des affaires sociales – est absolument incroyable.
De ce point de vue, le système du déconventionnement est un minimum, mais c'est au moins un premier moyen pour essayer de dissuader les médecins de s'installer dans des zones où il y en a déjà trop.
Par ailleurs, je veux dire qu'il n'est pas vrai que 90 % du territoire se trouve désormais en zone désertique. Moi qui habite en zone rurale, je sais ce que c'est que de chercher un médecin ! En revanche, à Paris, où j'ai la chance de me rendre toutes les semaines, je ne rencontre aucune difficulté à obtenir une consultation chez un spécialiste dans les vingt-quatre heures…
Il est faux de dire que l'Île-de-France ou la région de Rennes sont des déserts médicaux. En revanche, je veux bien que l'on parle du Centre-Bretagne !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous vous rejoignons, madame la ministre, sur l'existence d'un problème démographique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous plaidons en faveur d'un effort de formation autrement plus important qu'aujourd'hui, car nous sommes encore très en deçà des besoins.
En effet, outre le problème des déserts médicaux, les médecins, nous le savons, ne travaillent plus autant que leurs prédécesseurs, ce dont nous ne saurions leur faire grief.
Je pourrais également évoquer les besoins qu'occasionne le vieillissement de la population et d'autres questions encore. Il faut donc vraiment davantage de médecins.
Cependant, le problème n'est pas que démographique : nous constatons que, même lorsqu' il y a un peu plus de médecins formés, ces derniers s'installent souvent là où leurs confrères exercent déjà. En revanche, ils sont toujours moins nombreux à s'installer dans les déserts médicaux. Il y a donc bien un problème de régulation.
J'entends que vous êtes, comme d'autres, opposée à nos amendements. Cette opposition est récurrente. Mais, pour l'instant, nous ne voyons pas d'autres réponses d'ordre structurel.
Mme Céline Brulin. J'y viens, au risque de vous devancer, madame la ministre. Je ne considère pas que ce qui est proposé à l'article 21 bis soit d'ordre structurel. J'ai plutôt l'impression que c'est du grand bricolage.
En ce moment, les ministres de la santé se succèdent – je le dis avec tout le respect que je vous dois – et, dans ce défilé, chacun y va de son dispositif. Les mesures s'empilent et plus personne n'y comprend rien.
Nous constatons que les réponses apportées, par exemple l'accueil de médecins solidaires dans 151 communautés de communes, mettent en colère tout un tas de territoires qui sont objectivement, selon les chiffres mêmes des agences régionales de santé, des déserts médicaux, mais ne verront pas arriver le moindre nouveau médecin.
Par conséquent, oui, nous continuerons de proposer cette régulation,…
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Céline Brulin. … puisque nous ne voyons pas venir de réponses structurelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Cela fait partie des débats de l'année… (Sourires.)
Je répète que je ne suis pas philosophiquement opposé à la régulation ou à l'obligation. Le problème que j'y vois est que cela ne fonctionnera pas.
La première raison est très simple : je l'ai déjà dit, les jeunes médecins ne sont pas des poissons rouges que l'on transfère d'un aquarium à un autre.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Bernard Jomier. Le système n'est pas clos. Même si on peut le regretter, nous sommes dans un système ouvert, dont on peut s'échapper de multiples façons. Or, par définition, une obligation est faite pour que l'on n'y échappe pas. Dès lors que l'on peut y échapper, elle ne tient plus.
En l'occurrence, il est tellement simple d'échapper à la régulation ! Il y a une telle pénurie, tellement d'endroits où un médecin peut aller travailler, tellement d'autres façons d'exercer que cela n'a aucune chance d'aboutir à quoi que ce soit.
Deuxièmement, il est faux de dire que les professions régulées sont les mieux réparties sur le territoire – je vous invite à consulter les atlas.
La profession régulée depuis le plus longtemps est, me semble-t-il, celle d'infirmier. Or leur répartition est très hétérogène. Pourquoi cela se voit-il peu ? Parce que les infirmières sont nombreuses ! Il y en a énormément ; il y en a même excessivement. (Mme Céline Brulin le conteste.)
Oui, ma chère collègue, nous en avons formé énormément ! Malgré tout, nous en manquons à certains endroits, parce que leur répartition est très inégale malgré la régulation. Quand les gens ne veulent pas, ils ne veulent pas ! On le sait depuis l'expérience algérienne des années 1960 : les autorités avaient tenté d'envoyer dans le sud du pays les médecins qui restaient sur la côte nord, à Alger, et cela n'a pas plus marché que chez nous.
Ce n'est donc pas une question philosophique : c'est une question pratique. Il faut faire autrement.
En revanche, je veux y insister, 4 000 jeunes médecins vont arriver dans 100 départements, soit 40 par département.
Mme Sophie Primas. Et chaque année !
M. Bernard Jomier. Un échec de cette initiative serait une honte pour nos territoires.
Et, dans cette situation, les étudiants ne peuvent pas échapper à l'obligation. Encore faut-il respecter ces jeunes médecins et créer les conditions qui les amèneront, ensuite, à rester dans ces territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J'entends ce qui est dit, madame la ministre. Évidemment, le numerus clausus nous a plombés et nous plombera pendant encore quelques années – nous en avons tous convenu.
De ce point de vue, ce qu'on a inventé à la place, le parcours accès spécifique santé (Pass) et la licence accès santé (LAS), ne vaut pas mieux ! Il faut bien reconnaître que c'est un fouillis…
Comme cela nous a été dit lors des auditions, on a cru que la suppression du numerus clausus améliorerait beaucoup les choses, mais on s'est rendu compte que le Pass-LAS était une usine à gaz et que personne n'y comprenait rien. Des mesures ont d'ailleurs dû être prises pour régler certaines difficultés.
Cependant, que l'on dise que la régulation ne fonctionnera pas me pose problème. A-t-on seulement essayé un jour ? Jamais ! Comment peut-on donc nous dire que la régulation ne marchera pas ? La preuve du pudding, c'est qu'on le mange…
Pour ma part, je propose que nous essayions pendant un an ou deux. Nous ferons alors le bilan pour voir si cela fonctionne ou pas, mais ne disons pas maintenant qu'il ne faut pas essayer, puisque nous ne l'avons jamais fait. Donnons-nous un, deux ou trois ans avant de tirer des conclusions.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela ne sert à rien !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous hochez la tête, madame la rapporteure générale, mais nous n'avons pas essayé ! Alors, essayons.
Quelle est la situation aujourd'hui ? Je viens de regarder sur Doctolib, comme je l'ai fait l'an passé. Si je cherche un rendez-vous avec un médecin généraliste dans le VIe arrondissement de Paris, j'en trouve un pour demain ou après-demain. Je n'ai rien contre les habitants du VIe arrondissement ; tant mieux pour eux s'ils sont soignés.
Mais, dans mon territoire, trouver un médecin traitant, surtout en ruralité, est une autre affaire ! Que me disent les gens qui cherchent à prendre un rendez-vous avec un généraliste ? Que le délai est d'une semaine, voire de dix ou quinze jours ! Il n'y a même plus de médecins traitants dans ma ville qui n'est pourtant pas une petite ville.
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avons dû mettre en place un certain nombre de dispositifs pour avoir des médecins traitants.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Ce n'est pas parce que l'on n'a pas essayé une mesure qu'il faut nécessairement l'expérimenter ! J'entends dire qu'il faudrait le faire, parce que nous n'avons pas essayé. Cela ne marche pas toujours ainsi.
De nombreux choix s'offrent aux médecins – Mme la ministre l'a dit – et, si on les obligeait, ils pourraient être tentés de devenir salariés, voire d'aller exercer dans un autre pays.
Bernard Jomier parle de 40 médecins juniors par département. Certes, c'est ce à quoi l'on aboutit en moyenne si l'on fait la division, mais, en Corrèze, 16 sont déjà affectés, ce qui n'est pas si mal. Leur déploiement commencera en novembre 2026 et continuera les années suivantes. Nous aurons alors fait un grand pas.
Voyons comment cela se passe avant de dire à des étudiants qu'ils doivent aller à tel ou tel endroit. Il est possible que l'obligation fonctionne, mais essayons d'abord la solution des médecins juniors.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je vais essayer de ne pas verser dans la provocation, mais cela s'annonce ardu.
Je tiens, d'abord, à souligner la dangerosité politique de la formule : « Nous n'avons jamais essayé. » Elle recèle un péril politique extrême ! (Sourires et exclamations.) Essayons autre chose que « Nous n'avons jamais essayé, allons-y ! ».
Je clos cette parenthèse et je présente mes excuses à nos collègues qui ont utilisé cette formule au sujet du médical et non du politique, mais elle pourrait bien se voir exploitée en ce sens.
Je souhaite revenir sur la démographie médicale.
Remontons à la loi instituant le numerus clausus en 1971. Lors de sa première application, par Mme Simone Veil, 7 500 médecins devaient être formés ; ensuite, sous M. Jack Ralite, on a réduit ce nombre à 3 500 et cette politique a perduré quasiment jusqu'à la période d'Alain Juppé.
Mme Céline Brulin. Jack Ralite n'est pas resté si longtemps ministre de la santé !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Ce n'est qu'à partir de Lionel Jospin que le quota de médecins à former a commencé à augmenter, un mouvement poursuivi par Jean-Pierre Raffarin et ses successeurs à Matignon.
Je garde un souvenir précis des débats qui se sont tenus dans cet hémicycle sous la présidence de M. François Hollande, lors de l'examen de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. La ministre de l'époque, avec qui j'entretenais par ailleurs d'excellentes relations, nous répondait, lorsque nous alertions sur le manque de praticiens : « Il n'y a jamais eu autant de médecins sur le territoire national ! ».
Il est impératif de garder cet historique à l'esprit. Il est facile de déplorer l'absence de médecins et d'accuser l'actuelle ministre, qui n'en peut mais ; l'origine du problème est en réalité ancienne.
La première à avoir réagi face à ce système et acté la suppression du numerus clausus fut Mme Agnès Buzyn, que j'appréciais également. Elle a mis en œuvre cette réforme.
Je précise que l'arrivée de 3 700 médecins à partir de novembre 2026, évoquée par Bernard Jomier, découle de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale présentée par Bruno Retailleau – je le regrette pour ses détracteurs, mais de notre côté, nous l'apprécions.
Mme Sophie Primas. Eh oui !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Cette mesure a ensuite été introduite dans la loi via un amendement déposé par Corinne Imbert dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Ces 3 700 praticiens s'installeront donc sur le territoire dès novembre 2026.
S'agissant des 13 500 médecins issus de la suppression du numerus clausus, leur formation exige dix années. Ils n'arriveront par conséquent qu'à partir de 2032.
Il convient également de mentionner la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires de M. Philippe Mouiller, laquelle prévoit notamment une analyse des besoins des territoires, menée conjointement avec les départements, les agences régionales de santé (ARS), l'ordre des médecins et les usagers. Cette mesure me paraît intéressante.
Surtout s'est imposée la nécessité, pour les médecins qui s'installent, quel que soit leur lieu d'exercice, de consacrer une partie de leur temps aux territoires médicalement désertifiés.
Nous travaillons donc sur ce sujet depuis des années. La formation d'un médecin requiert du temps et je ne vous le cache pas, je n'accorderais aucune confiance à un praticien formé en un, deux ou trois ans.
M. Martin Lévrier. Nous n'avons jamais essayé ! (Sourires.)
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. N'essayez jamais, je vous en conjure ! (Nouveaux sourires.) Il faut dix ans pour former un médecin.
Les premiers effectifs disponibles, ceux issus de la proposition de loi de Bruno Retailleau, seront disponibles en novembre 2026, les suivants en 2032.
Je le redis, à compter de novembre 2026, nous accueillerons chaque année 3 700 nouveaux jeunes médecins sur le territoire. Cela laisse espérer des améliorations notables dans l'accès aux soins. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je souhaite évoquer la situation de la jeunesse et singulièrement la première année du Pass-LAS.
J'ai engagé des travaux visant à améliorer cette première année, car nous nous accordons tous pour considérer que c'est nécessaire. J'ai été rapporteure de la loi qui a réformé les études de santé ; si celle-ci a bien mis fin au numerus clausus, son évaluation démontre à l'évidence qu'elle requiert encore des ajustements. Je rappelle du reste que la loi elle-même n'est pas en cause ; il convient surtout de revoir son application.
Le travail a débuté et une amélioration verra le jour à la rentrée 2027. L'objectif est une plus grande homogénéisation, ainsi qu'une capacité accrue d'encadrement et d'orientation des étudiants au sein de ces cursus devenus très complexes, dont le vécu s'avère douloureux.
Je voudrais vous parler des étudiants en santé. Nous évoquions tout à l'heure la santé mentale, les chiffres indiquent que ces étudiants ne vont pas bien : ils présentent deux fois plus de risques sur tous les indicateurs, qu'il s'agisse de tentatives de suicide ou de prises d'anxiolytiques, comparativement aux autres étudiants. Ce constat vaut pour l'ensemble des étudiants en santé, mais particulièrement pour ceux qui sont en médecine.
Nous portons la responsabilité collective de soutenir nos jeunes étudiants en médecine et de les écouter, lorsque nous débattons du sujet de la régulation. Écoutons-les aussi, quand ils nous soumettent des propositions pour se rendre dans les territoires, car ce sont des jeunes et ils n'ont pas d'a priori.
Ce constat a nourri les politiques de mes prédécesseurs – vous l'avez rappelé, je dois être la septième ou la huitième à ce poste en deux ans, ce qui incite à l'humilité – ; il préexistait évidemment à mon arrivée.
Les mesures prises permettront d'instaurer une première année de formation dans chaque département et de mieux faire connaître les territoires. Grâce au concours des collectivités, s'agissant notamment de l'aménagement des locaux pour les stages chez le médecin traitant et de l'adaptation des transports, ces mesures favoriseront l'installation de nos jeunes dans les territoires.
J'en viens aux docteurs juniors. Il nous faudra trouver un arrangement : l'amendement que vous avez voté sur le financement me pose un problème pour cette quatrième année. La navette parlementaire permettra, je l'espère, d'améliorer la situation.
Quoi qu'il en soit, les 3 700 jeunes qui arriveront seront bien accueillis dans ces territoires et, pour certains, y demeureront. Ce type de mesure a prouvé son utilité.
Dès lors, nous devons soutenir nos jeunes et répondre à leurs demandes, plutôt que de leur adresser un message de contrainte qui, de surcroît, serait inefficace, puisqu'ils ont la possibilité de s'orienter vers d'autres voies. Entourons-les, en ce moment plus que jamais.