Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 1063 et 1221 ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Soit parce qu'ils auraient pour conséquence de supprimer la possibilité de déléguer les dossiers relevant de l'alinéa 6 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale aux médecins-conseils, soit parce qu'ils rendraient l'avis de ces derniers non opposable à la caisse, les amendements nos 1063 et 1221 videraient le dispositif de sa substance.

Je le répète, le risque est clair. Si l'on ne fait rien, nous devrons arbitrer entre une dégradation de la qualité de l'instruction des dossiers et l'augmentation des délais de traitement réglementaires. Aucune de ces éventualités n'est souhaitable.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L'article 39 vise à simplifier la procédure d'instruction des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles, afin de remédier à l'engorgement des CRRMP et de prendre en compte les tensions de la démographie médicale.

Le Gouvernement proposait que les dossiers actuellement examinés par les CRRMP – ceux qui ne remplissent pas une ou plusieurs des conditions prévues par le tableau des maladies professionnelles mentionné à l'alinéa 6 – soient à l'avenir examinés par deux médecins-conseils du service médical de l'assurance maladie.

Cette mesure a suscité des craintes, voire des oppositions, de la part des acteurs du secteur, d'associations représentant les victimes et de parlementaires. L'absence d'intervention directe du médecin du travail dans le processus d'avis a été particulièrement regrettée.

Madame la rapporteure, votre amendement n° 708 vise à restreindre le champ de l'examen par les seuls médecins-conseils aux dossiers ne remplissant pas la condition du délai de prise en charge d'une pathologie, soit 44 % des dossiers relevant de l'alinéa 6.

Je vous remercie de cette proposition, qui rejoint les réflexions parallèles du Gouvernement pour obtenir un compromis équilibré. Elle répond en effet à l'objectif initial de simplification de la procédure, tout en préservant l'avis du médecin du travail lorsque cela est nécessaire, ce qui était la demande des associations de victimes et d'un grand nombre de parlementaires.

Pour ces raisons, j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 708.

En ce qui concerne les amendements nos 1063 et 1221, comme Mme la rapporteure, j'estime que leurs dispositions remettent profondément en cause plusieurs avancées. J'émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, les modalités d'établissement du diagnostic ou de recueil de l'avis des médecins-conseils qui s'impose à la caisse seront fixées par décret. Comment pourrions-nous voter un texte sans en connaître le détail ni en débattre ?

Comme vous l'avez indiqué, la proposition du Gouvernement suscite des désaccords. Je rappelle que les médecins-conseils sont rattachés à la CPAM. N'y a-t-il pas là un risque de conflit d'intérêts ?

Supposons que les médecins-conseils aient pour objectif de contenir les dépenses de la sécurité sociale, de quel côté se placeront-ils ? Du côté de la sécurité sociale ou de celui de la protection des victimes ? C'est là le problème essentiel de ce texte.

En clair, nous courons le risque que, demain, les conditions d'indemnisation des maladies professionnelles ne soient durcies au détriment des travailleurs, ou encore que les pouvoirs des médecins-conseils dans la procédure de reconnaissance de ces maladies ne soient renforcés.

Monsieur le ministre, reconnaissez que cet article n'est pas abouti. Pouvez-vous écarter le risque que je viens d'évoquer ? Mon département compte énormément de victimes de l'amiante, pour lesquelles nous nous battons. Je demande donc des explications.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Bien que la mesure envisagée conserve un aspect collégial grâce à l'intervention de deux médecins-conseils, elle signe l'abandon, je le répète, de l'approche pluridisciplinaire.

Il est vrai que les services sont engorgés et que les délais ne sont pas tenables. Mais c'est pour ces mêmes raisons que le médecin du travail a été progressivement évincé du système.

Personnellement, j'ai connu la visite d'embauche assurée par un médecin du travail. Ce dernier a été remplacé par la suite par une infirmière. D'une visite annuelle, nous sommes passés à une visite tous les deux ans. Puis, cette visite a été réservée aux seuls postes spécifiques.

Dans ce projet, il n'est pas question de repasser devant la médecine du travail au bout d'un mois d'arrêt maladie ou au retour d'un congé maternité.

On nous ressert toujours les mêmes arguments : il n'y a pas assez de médecins du travail. Et comme il n'y en a pas assez, rendez-vous compte que certains salariés – au passage, cela me paraît relever quelque peu du fantasme – prolongeraient leur arrêt dans l'attente de voir un médecin du travail !

Toujours est-il que, de réforme en réforme, le code du travail se vide de la médecine du travail. Je le répète, le médecin du travail ne juge pas un état clinique en soi ; il le juge en relation avec le poste de travail. C'est lui qui demande que l'on adapte le poste à la personne, et non l'inverse.

Depuis dix ou quinze ans, la médecine du travail, cette belle spécificité française, ne fait que s'affaiblir. Or c'était vraiment l'un de nos points forts.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mesdames les sénatrices, les médecins du travail restent des médecins : ils sont soumis à une déontologie sérieuse. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu'il y aurait deux catégories de médecins. Tous travaillent en conscience, je tenais à vous le dire.

Notre volonté est de simplifier les choses. Les associations de victimes, que nous avons associées à notre réflexion, estiment que nos travaux vont dans le bon sens.

C'est le Conseil d'État qui a demandé que les modalités de diagnostic soient renvoyées à des décrets. Un véritable travail de préparation, d'échange et d'écoute a été mené, je le répète, avec les associations de victimes, mais aussi avec les professionnels et les deux chambres du Parlement, notamment leurs commissions. C'est donc un travail sérieux qui vous est ici présenté.

Concernant les médecins du travail, nous reconnaissons une certaine tension. Cependant, les infirmiers spécialisés sont tout à fait capables de réaliser un certain nombre de missions en matière de santé au travail. Ils y sont d'ailleurs habilités. Par conséquent, l'organisation ne présente aucun trou dans la raquette.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 708.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 1063 et 1221 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Article 39 (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 40 (précédemment réservé)

Après l'article 39 (précédemment réservé)

Mme la présidente. L'amendement n° 540 rectifié bis, présenté par Mme Pantel, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Masset et Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :

Après l'article 39

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au II, à la deuxième phrase du III, au 1° du IV et au V de l'article L. 221-1-5 du code de la sécurité sociale, après la référence : « 1° » sont insérés les mots : « et au a du 2° ».

La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Cet amendement, déjà adopté à plusieurs reprises par le Sénat, vise à confier au fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) la mission de mener des actions de prévention contre l'exposition aux agents chimiques dangereux.

Lors du remplacement du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) par le compte professionnel de prévention (C2P), quatre facteurs de risque ont été supprimés : les trois risques ergonomiques – port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques –, ainsi que l'exposition à des agents chimiques dangereux incluant des poussières et des fumées.

Le Fipu, créé par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, se concentre aujourd'hui sur la prévention de l'usure liée aux trois facteurs ergonomiques. Le dernier facteur exclu du C2P en 2017, à savoir l'exposition aux agents chimiques dangereux, reste, en revanche, hors du champ d'action du fonds.

Or l'exposition à ces agents se trouve à l'origine de nombreuses pathologies graves, comme certains cancers, maladies respiratoires ou troubles neurologiques. Il est donc essentiel de renforcer la prévention dans ce domaine.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Depuis la réforme du compte professionnel de prévention, celui-ci n'est plus alimenté, en effet, en cas d'exposition d'un salarié à des agents chimiques dangereux, parmi lesquels les fumées et les poussières.

La même réforme avait également prévu l'exclusion du C2P des facteurs ergonomiques, mais la réforme des retraites de 2023 est venue créer le Fipu, afin de financer les actions de sensibilisation, de prévention ou de formation à l'intention des salariés exposés à ces risques.

La commission avait donc soutenu, lors de l'institution du Fipu, un amendement visant à inclure dans son champ les agents chimiques dangereux qui, après avoir été adopté par le Sénat, n'avait pas été maintenu dans la suite de la navette parlementaire.

Élargir les missions du Fipu aux risques liés aux agents chimiques dangereux apparaît opportun. Cela permettrait d'accompagner les employeurs dans la définition d'actions de prévention pour les salariés concernés.

Je le répète année après année, la prévention des risques professionnels doit devenir une priorité absolue. Mes chers collègues, je vous invite donc à adopter cet amendement, auquel la commission a réservé un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je partage la préoccupation, exprimée à l'instant par M. Guiol et par Mme la rapporteure, de mieux prévenir le risque chimique, qui est bien sûr l'un des plus sérieux dans l'industrie.

Il y a d'abord un principe : la suppression totale des expositions aux agents dangereux, qui reste la meilleure solution. Et en cas d'impossibilité – cela arrive dans certains processus industriels –, l'employeur a la responsabilité de réduire l'exposition des travailleurs au niveau le plus bas possible techniquement, en mettant en œuvre tous les moyens d'organisation et les mesures de protection nécessaires.

Cette protection n'est absolument pas négociable. Il s'agit d'une obligation juridique incombant à l'employeur, qui doit avoir évalué les risques au préalable.

Je rappelle que le quatrième plan Santé au travail (PST 4) renforce les actions de prévention sur le terrain contre le risque chimique et que le cinquième plan, actuellement en préparation, sera plus ambitieux encore en la matière.

Enfin, il faut mentionner la convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche AT-MP, qui prévoit des efforts financiers significatifs en matière d'accompagnement de la prévention du risque chimique. La préoccupation est donc largement partagée.

La question de fond est de savoir si le Fipu est le bon vecteur pour répondre à ces enjeux. Élargir ses missions impliquerait de pouvoir identifier simplement les métiers exposés.

Or le risque chimique est particulièrement complexe à évaluer. L'expérience de l'intégration du facteur de risque chimique au C3P a montré la très grande complexité de la définition d'un système d'évaluation harmonisé du risque sur la base de critères nationaux de pénibilité qui s'imposeraient à tous.

Enfin, consacrer à enveloppe constante des financements aux risques chimiques poserait deux difficultés majeures. D'une part, cela réduirait les moyens dédiés aux risques ergonomiques, cause de 40 000 maladies professionnelles en 2021 ; d'autre part, cela laisserait penser à tort que ce n'est pas à l'employeur de financer les mesures de protection et de prévention.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 540 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 39.

L'amendement n° 988, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 39

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatrième de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail émet un avis ou un rapport recommandant la création ou la modification d'un tableau de maladies professionnelles, les tableaux mentionnés aux alinéas précédents peuvent être révisés et complétés par des décrets, dans un délai de trois mois. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à respecter l'une des dix recommandations du rapport d'information de 2024 que je mentionnais tout à l'heure, à savoir réduire le délai entre la publication du rapport de l'Anses et celle du décret modifiant ou créant un tableau.

La commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, qui se réunit tous les trois ans, constate en effet que ses recommandations ne sont pas mises en œuvre. Elle a émis le souhait de se réunir tous les ans, non pas pour estimer de nouveau le coût réel de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la branche maladie, mais pour suivre ses recommandations.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Si nous nous en tenions à la lettre de cet engagement, le paritarisme de la branche AT-MP serait menacé.

Tel n'est assurément pas l'objectif de cet amendement, mais sa rédaction laisse tout de même supposer que l'État pourrait décider unilatéralement, et par décret, de modifier les tableaux, laissant un délai de trois mois à peine aux partenaires sociaux pour acter les recommandations de l'Anses. Cela reviendrait à complètement contourner les prérogatives des partenaires sociaux en la matière.

Rappelons que, dans la grande majorité des cas, les modifications de tableaux s'effectuent sur l'initiative de ces derniers : toute évolution est en effet soumise à l'avis de la commission spécialisée n° 4 du Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), qui associe les partenaires sociaux à ses travaux.

Dire que la modification des tableaux s'enkyste et que le dialogue social en la matière manque parfois de réactivité, c'est une chose ; en conclure qu'il faille sortir complètement les partenaires sociaux de l'équation, c'en est une autre.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je me réjouis d'entendre parler des partenaires sociaux. Il est important de les associer : quand nous parlons de maladies professionnelles, nous sommes au cœur du dialogue social.

Madame la sénatrice, au travers de cet amendement, vous proposez de réviser les tableaux de maladies professionnelles par décret dans un délai de trois mois.

La reconnaissance des maladies professionnelles repose sur deux systèmes. Dans le premier, dit principal, les décisions sont prises par les caisses de sécurité sociale sur le fondement des tableaux de maladies professionnelles. Le second, dit complémentaire, concerne les maladies ne remplissant pas les conditions prévues par les tableaux réglementaires.

Le code du travail prévoit la consultation du COCT, notamment de sa commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles, pour la révision des tableaux de maladies professionnelles.

Cette commission, la CS4, est constituée d'un collège de partenaires sociaux, composé paritairement de représentants d'organisations d'employeurs et de salariés. Elle s'appuie sur des expertises scientifiques, en particulier celles de l'Anses, et respecte une charte de fonctionnement précisant la procédure de définition du programme de travail annuel.

La procédure de création et de révision des tableaux de maladies professionnelles dépend donc largement du dialogue social. En ce sens, elle ne peut être contrainte temporellement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 988.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 906, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 39

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° du de financement de la sécurité sociale pour 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les moyens lui permettant de revenir sur les dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2023 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles pour l'année 2024 abaissant le taux net moyen national de cotisation AT-MP de 2,24 % à 2,12 % en compensation de l'augmentation des cotisations vieillesse à la suite des dispositions de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Dans le rapport intitulé Pour nos retraites, commandé par M. Olivier Dussopt en prévision de la réforme des retraites, il était indiqué que des hausses des taux de cotisation employeur de retraite de base seraient mises en place pour les salariés du régime général. Jusque-là, nous n'y voyons pas de problème.

Toutefois, le rapport prévoyait également que, « conformément à la volonté de ne pas augmenter le coût du travail », ces hausses seraient « compensées par une baisse à due proportion du taux de cotisation AT-MP ».

Nous nous interrogeons souvent, dans cet hémicycle, sur la pertinence et le sens des transferts. En voilà un nouvel exemple. Faut-il augmenter les cotisations retraite ? Baissons donc les autres ! Cela n'a rien à voir, mais peu importe, l'essentiel est de ne pas augmenter le niveau de cotisation.

Une baisse de 0,12 point de la cotisation AT-MP a donc ramené le taux moyen de cotisation à 2,12 %, pour compenser une hausse symétrique du taux de cotisation vieillesse.

Or, comme l'a souligné la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2025 sur la situation financière de la sécurité sociale, la branche AT-MP, d'habitude excédentaire, se trouve pour la première fois depuis 2012 en situation de déficit.

C'est un danger pour les droits des travailleurs victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, dans un contexte d'intensification du travail et d'augmentation du nombre de décès liés au travail.

Par ailleurs, la transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la répartition de la charge financière en cas de faute inexcusable de l'employeur améliore l'indemnisation, mais augmente mécaniquement les dépenses.

Par conséquent, la trajectoire financière ne permet plus de maintenir ces dispositions sans creuser le déficit et sans compromettre les droits des victimes d'accidents du travail, ni d'atteindre l'équilibre.

Le présent amendement vise donc l'abrogation de l'arrêté visant à baisser les cotisations AT-MP.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Le swap de taux acté dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a privé de manière pérenne la branche AT-MP de 1,5 milliard d'euros de cotisations, afin d'abonder en miroir la branche vieillesse sans augmenter globalement les prélèvements obligatoires.

Avec la hausse du transfert vers la branche maladie, il s'agit là de la principale explication de la dégradation subite de la situation financière de la branche AT-MP, comme l'a rappelé également la Cour des comptes.

Madame la sénatrice, je ne puis que partager votre inquiétude concernant les répercussions d'un tel swap de taux pour la branche AT-MP, en particulier pour ses marges de manœuvre en matière de prévention.

Conformément à sa position habituelle sur les demandes de rapport, la commission a toutefois émis un avis défavorable sur votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L'équilibre de la branche AT-MP est inscrit dans les textes comme résultant de la loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, son interprétation est suffisamment souple pour que cela n'implique pas un équilibrage de chaque solde annuel.

Le taux net moyen national de cotisation AT-MP est fixé par arrêté, mais les éléments de calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles sont fixés conformément aux conditions générales de l'équilibre financier de la branche.

Par ailleurs, le délai de six mois qui est proposé dans cet amendement pour la remise du rapport ne correspond pas au calendrier de publication des éléments de calcul.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 906.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement et d'un sous-amendement.

L'amendement n° 1360 rectifié, présenté par Mme Nadille, MM. Iacovelli, Lévrier, Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l'article 39

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au V de l'article 90 de la loi n° 2025-199 de financement de la sécurité sociale pour 2025, la date : « 1er juin 2026 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2027 ».

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 351-1-4 est ainsi modifié :

a) Au I, après le mot : « permanente », est inséré le mot « professionnelle », et les mots : « de l'article L. 434-2 » sont remplacés par les mots : « du deuxième alinéa de l'article L. 434-1-A » ;

b) Au premier alinéa du III, après le mot : « permanente », sont insérés les mots : « professionnelle au sens du deuxième alinéa de l'article L. 434-1 A » et aux deuxième, quatrième, cinquième et sixième alinéas, après le mot : « permanente » est inséré le mot : « professionnelle » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 434-3, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par la référence : « I ».

III. – Les dispositions du II s'appliquent aux pensions prenant effet à compter de la date fixée en application du V de l'article 90 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 tel que modifié par le I du présent article.

La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Cet amendement vise à reporter au 1er janvier 2027 au plus tard l'entrée en vigueur de la réforme de la réparation de l'incapacité permanente, prévue par l'article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Depuis l'adoption de ce texte, des travaux approfondis ont été conduits au sein de la commission AT-MP avec les partenaires sociaux sur le barème médical, le référentiel de capitalisation et la meilleure prise en compte du retentissement professionnel des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Toutefois, l'ampleur de la réforme et la refonte du système de formation de la Cnam, ainsi que la préparation des outils de formation et de la documentation pour les agents et les médecins-conseils ont entraîné des retards. Par ailleurs, certains points nécessitent des ajustements.

Dans ces conditions, une mise en œuvre de la réforme au 1er juin 2026 ne permettrait pas de garantir juridiquement et techniquement aux victimes une indemnisation pleinement sécurisée.

Nous proposons donc un ajustement de calendrier visant à sécuriser la réforme sans remettre en cause son principe. Enfin, la rédaction de l'amendement intègre les éléments de coordination juridique nécessaires à ce changement de date.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1836, présenté par Mme Richer, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 1360, alinéa 3

Remplacer la date :

1er janvier 2027

par la date :

1er novembre 2026

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. L'adoption tardive de la dernière loi de financement de la sécurité sociale et des négociations plus longues que prévu entre les partenaires sociaux ont rendu intenables les échéances fixées dans le calendrier initial pour la réforme des prestations d'incapacité permanente de la branche AT-MP, adoptée l'an dernier par le Sénat.

Si l'impossibilité de tenir les délais impartis est regrettable, il nous revient d'en prendre acte pour garantir la réalisation des développements informatiques importants que présuppose la mise en œuvre de l'évolution des modalités de calcul des rentes viagères et des indemnités en capital.

Il faut toutefois accélérer le processus au maximum, au bénéfice des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. La réforme revalorisera en effet considérablement les prestations, en leur accordant un caractère dual.

Selon la direction de la sécurité sociale, la date du 1er novembre retenue dans le sous-amendement de la commission est la plus précoce qui soit raisonnablement envisageable.

C'est pourquoi je n'accorderai un avis favorable à l'amendement n° 1360 rectifié qu'en cas d'adoption du sous-amendement n° 1836 de la commission.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les deux propositions vont dans le même sens et ne diffèrent que par un ajustement de date, qui a son importance.

Madame Nadille, comme vous, le Gouvernement est très attaché à la mise en œuvre de cette réforme. Il l'est d'autant plus qu'un consensus social a été exprimé par les partenaires sociaux. Nous nous inscrivons donc pleinement dans la méthode que nous apprécions et qui consiste à faire d'abord converger les partenaires sociaux, pour ensuite traduire leur accord dans la loi.

Ce consensus vise à améliorer l'indemnisation en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle et à mieux prendre en compte le préjudice personnel subi par les victimes.

Je suis également très attaché à ce que l'ensemble des conditions permettant de garantir la bonne application de cette réforme pour les victimes soient réunies. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 1360 rectifié.

Le sous-amendement n° 1386 a pour objet de tendre quelque peu les délais, en avançant la date de mise en œuvre de quelques mois. Je m'en remets sur ce point à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1836.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1360 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)