M. Xavier Iacovelli. Cet amendement a pour objet de procéder à une sous-indexation de 0,4 point par rapport à l'inflation des pensions de retraite de 2026 à 2030.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la commission souhaite réintroduire le gel des montants de prestations sociales et des pensions de retraite sur leur niveau de 2025, au travers de son amendement n° 715 rectifié. L'effort de tous les Français est requis pour participer au redressement budgétaire de notre pays, mais nous souhaitons préserver nos concitoyens les plus fragiles. C'est pourquoi seules l'allocation aux adultes handicapés et les pensions de retraite inférieures à 1 400 euros seront indexées sur l'inflation au 1er janvier 2026. Je le rappelle, le rendement de la mesure est estimé à 1,9 milliard d'euros.
L'amendement n° 126 rectifié septies étant identique à celui de la commission, j'y suis nécessairement favorable.
Les amendements nos 1258 rectifié bis, 1491 rectifié bis et 1629 rectifié bis, ainsi que le sous-amendement n° 1796 rectifié bis tendent à rétablir l'article 44 dans une rédaction différente de celle qui a été choisie par la commission.
L'amendement n° 1258 rectifié bis est presque identique à celui de la commission : il vise à revaloriser les pensions de retraite inférieures à 1 426,30 euros, c'est-à-dire au Smic. L'amendement n° 1491 rectifié bis a pour objet de revaloriser les pensions inférieures à 1 800 euros. L'amendement n° 1629 rectifié bis tend à sous-indexer les seules pensions de retraite et non les prestations sociales.
Avis défavorable sur ces trois amendements.
Quant au sous-amendement n° 1796 rectifié bis de M. Capo-Canellas, il tend à prévoir la revalorisation des pensions inférieures à 1 400 euros, la sous-indexation sur l'inflation des pensions comprise entre 1 400 euros et 3 000 euros, et la non-revalorisation des pensions supérieure à 3 000 euros. Je comprends le souci de préserver les classes moyennes, mais une telle mesure s'éloigne de l'objectif d'efforts budgétaires collectifs qui est le nôtre, afin de redresser les finances publiques. Cette question se pose aussi dans les entreprises, d'ailleurs, quand les gens qui perçoivent le Smic rattrapent ceux qui sont juste au-dessus.
En tout état de cause, la commission demande le retrait de ce sous-amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Je commence par l'amendement n° 1258 rectifié bis de M. Daniel Chasseing.
La situation de finances publiques est préoccupante et, nous ne pouvons l'ignorer, un effort de contribution doit être demandé à tous pour y remédier. Le Gouvernement a déjà avancé les propositions sur ce sujet dans le projet de loi de finances (PLF) et dans le PLFSS. Dans la première version du texte, il proposait de stabiliser pour une année le montant des prestations sociales, dans un contexte d'inflation modérée, environ 1 %. Pour ce qui concerne les retraites, nous avions envisagé que soit demandé un effort supplémentaire au cours des années suivantes – 2027, 2028, 2029 –, dans un souci de convergence, avec une forme de surindexation à hauteur de 0,4 % ; d'ailleurs, cette idée avait émergé du dialogue social au cours du conclave entre partenaires sociaux.
Le Gouvernement a bien conscience de la sensibilité de cette mesure, tout comme du fait que les retraités ne constituent peut-être pas un bloc homogène. Aussi, tout en soutenant le rétablissement de cette mesure dans son principe, le Gouvernement s'en remet, sur cet amendement ainsi que sur les amendements identiques nos 126 rectifié septies et 715 rectifié, à la sagesse du Sénat, afin qu'il trouve les équilibres justes et les bons paramètres.
J'en viens au sous-amendement n° 1796 rectifié bis.
Comme la rapporteure, nous pensons que divers éléments rendent son application complexe. D'abord, il y a une difficulté technique : aucun lissage n'est prévu autour des seuils de revalorisation, ce qui pourrait le rendre contraire au principe d'égalité devant les charges publiques, donc à la Constitution. Ensuite, la rédaction proposée pour les pensions situées entre 1 400 et 3 000 euros conduirait non pas à revaloriser ces pensions à hauteur de 30 % de l'inflation, mais à réduire le montant des pensions par application d'un coefficient de revalorisation drastiquement réduit. La revalorisation différenciée des pensions est complexe à mettre en œuvre pour les caisses de sécurité sociale.
Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre sous-amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j'y serai défavorable.
J'en viens aux amendements nos 1491 rectifié bis et 1629 rectifié bis.
Je ne reviens pas sur la situation des finances publiques. Nous avons parfaitement conscience que la mesure peut être sensible pour les retraités, mais, je le répète, les retraités ne constituent pas un bloc homogène ; il n'est donc pas aberrant de réfléchir à une segmentation, à une approche plus ciblée du gel ; d'où la proposition d'un traitement différencié. On peut en débattre. En tout cas je vous remercie de proposer le rétablissement, par le biais de vos amendements, d'une mesure importante.
Tout en soutenant le rétablissement de cette mesure dans son principe, le Gouvernement s'en remet également, sur ces deux amendements, à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La commission des affaires sociales propose de rétablir l'article 44 du texte, supprimé par l'Assemblée nationale.
On pourrait mettre cet article sur le podium des horreurs, puisqu'il gèle les prestations sociales et les pensions de retraite en 2026. Ainsi, les prestations familiales, les prestations d'autonomie, les prestations de solidarité, l'aide d'urgence pour les victimes de violences conjugales, les rentes AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles), l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, l'allocation de rentrée scolaire, la prime de naissance ou d'adoption, le complément du libre choix du mode de garde, même l'allocation forfaitaire en cas de décès, seront gelées en 2026.
Néanmoins, la majorité sénatoriale a beaucoup de cœur (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) : l'allocation aux adultes handicapés ne sera pas concernée par le gel… Tant mieux d'ailleurs pour ses bénéficiaires.
Cette « année blanche » sera en réalité une année noire pour les plus fragiles de ce pays, qui subiront une perte de pouvoir d'achat, en raison de l'augmentation du coût de la vie, de l'augmentation des prix de l'énergie, des assurances et des loyers. Le gel des prestations sociales frappera les plus fragiles et les plus précaires.
L'amendement de la commission prévoit également le gel des pensions de retraite au-dessus de 1 400 euros et la désindexation des pensions de 2027 à 2030. Savez-vous réellement, mes chers collègues, ce que cela aura comme conséquences pour les retraités de ce pays, pour lesquels chaque euro compte ?
Chers collègues de la majorité sénatoriale, lors de l'examen du PLFSS pour 2025, vous aviez proposé un gel des pensions de retraite pendant six mois, à partir de 1 500 euros. Ainsi, en un an, vous avez revu votre copie à la baisse de 100 euros. D'année en année, vous faites toujours mieux…
Vous préférez faire des économies sur ceux qui ont peu, comme les familles monoparentales et les retraités, plutôt que de mettre à contribution ceux qui ont beaucoup, comme les actionnaires ou les grandes entreprises. Tout au long de l'examen de ce PLFSS, nous vous avons proposé des recettes, que vous avez refusées pour protéger vos amis, les plus riches de ce pays ! (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et SER. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Le montant du revenu de solidarité active pour une personne seule, c'est 568,94 euros net. Par ailleurs, une personne seule bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) ne peut percevoir plus de 250 euros d'allocation logement. Je ne connais pas un endroit en France – peut-être en existe-t-il encore quelques-uns – où l'on peut trouver un logement à 250 euros par mois. Imaginez donc ce qu'il reste, une fois que l'on a payé son loyer, même en percevant l'allocation logement…
Pour une personne isolée avec un enfant, le RSA s'élève à 814,62 euros. La moyenne d'une pension mensuelle de retraite, si l'on touche une bonification comme parent de trois enfants – cela ne concerne donc pas tout le monde –, s'élève à 1 541 euros net.
Alors, je vous pose la question, mes chers collègues, avec un tel niveau de revenu, ces personnes-là sont-elles privilégiées, ou même à l'aise ? Depuis le début de l'examen de ce PLFSS, vous ne cessez de dire que les efforts doivent être partagés. Est-ce que les quelques millions de personnes dont je viens de parler sont responsables du déficit ? Non ! Est-ce à elles de le payer ? Non !
Considérez-vous qu'il soit équitable de « ponctionner » ces personnes-là, alors que vous avez obstinément refusé de faire participer les plus grandes fortunes, d'imposer les revenus du capital ? À chacune de nos propositions, vous osez nous opposer un refus catégorique et puis, sans aucune vergogne, vous gelez les revenus de personnes qui vivent avec 568 euros par mois ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Après ces quelques jours de débats sur le PLFSS, nous examinons maintenant des mesures qui démontreront que nous n'avons pas du tout les mêmes valeurs, mes chers collègues. Au travers de vos amendements, vous proposez de rétablir le fameux article 44, qui gèle les pensions et les prestations sociales.
Vous avez indiqué, madame la rapporteure, que tous les Français devaient faire un effort. Or nous vous avons proposé au cours des derniers jours plusieurs mesures pour que ceux qui ont le plus fassent des efforts ; mais vous les avez refusées. Quand nous avons proposé d'augmenter certaines taxes, certaines participations, certaines contributions, quand il s'est agi de cibler ceux qui ont le plus et qui peuvent faire cet effort, vous avez refusé !
Et maintenant, vous demandez à ceux qui ont le moins – ceux qui peuvent prétendre aux prestations familiales, aux prestations d'autonomie, aux prestations de solidarité – de faire un effort. Selon vous, la solidarité nationale, c'est bien, mais ces personnes touchent trop, elles doivent faire un effort. Elles ont trop, selon vous, quand elles perçoivent 568 euros de RSA par mois et que ce gel des prestations entraînera pour elles une perte de pouvoir d'achat de 81 euros par an ? Peut-être que, pour vous, 81 euros, ce n'est rien du tout ; peut-être pensez-vous que ceux qui ont le moins peuvent aisément participer à cet effort.
Eh bien, nous ne partageons pas cette vision de la société, nous considérons que la solidarité nationale s'impose ; nous pensons qu'il faut prendre en compte les situations extrêmement délicates de certains et demander à ceux qui ont le plus de contribuer plus, et non l'inverse ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Silvana Silvani. La majorité sénatoriale rétablit l'article concernant le gel des prestations sociales et des pensions de retraite. La droite sénatoriale avait clairement annoncé son intention de « nettoyer » le PLFSS, mais vous ajoutez ici une tache indélébile à notre modèle de protection sociale.
La sécurité sociale permet de réduire fortement les inégalités. En gelant les prestations et les pensions, vous remettez en question cet effet d'amortissement.
Il est intéressant de noter que vous avez refusé de relever le taux de CSG sur le capital, qui permettait de dégager 2 milliards d'euros de recettes, mais que vous proposez de sanctionner les plus précaires pour réaliser 2 milliards d'euros d'économies.
Comme l'écrivait Alphonse Allais : « Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres. » Il est probable qu'avec cette politique, le nombre de pauvres augmentera encore.
Votre amendement prévoit également de désindexer les pensions entre 2027 et 2030. Nous avons déjà connu ce débat lors de l'adoption de l'amendement Wauquiez l'an dernier : il visait le gel des pensions et a contribué à la chute du gouvernement Barnier. Cette désindexation des pensions permettrait donc de faire des économies sur le dos des retraités.
Je terminerai en m'interrogeant sur le réel enjeu de cet amendement. Le Premier ministre ayant annoncé être prêt à renoncer au gel des pensions et des minima sociaux, quel est l'objectif de la majorité sénatoriale ? Voulez-vous démontrer au Gouvernement que des parlementaires qui ne sont pas soumis au risque d'une dissolution sont prêts à défendre des mesures d'austérité injustes ? Ou adressez-vous un signal pour la suite de la navette parlementaire, alors que la CMP a 99 % de risques d'échouer ? S'agit-il d'un indicateur préparant le terrain d'une future loi spéciale ? En tout état de cause, cette année blanche est un chiffon rouge agitée par la majorité : nous rejetons cette mesure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le gel des prestations, dont les minima de solidarité, restera comme l'une des propositions honteuses de ce projet de loi. Non contents d'avoir atteint le plus haut taux de pauvreté depuis trente ans – un Français sur sept, un enfant sur cinq –, vous vous attaquez aux prestations de solidarité, celles dont la fonction redistributive permet justement à plus de 4 millions de Français d'éviter de basculer dans la pauvreté.
Si la pauvreté touche toujours autant les familles monoparentales, son augmentation est due à celle des travailleurs pauvres, car votre politique a permis de décorréler baisse du taux de chômage et baisse de la pauvreté.
L'emploi ne protège plus de la pauvreté, et vous prétendez valoriser le travail ! Votre politique conduit à accélérer la déflation salariale ; dès lors, pour maintenir l'écart avec les prestations sociales, dans un deuxième temps, vous gelez ces dernières. L'ensemble de votre politique est une machine à produire des pauvres et à faire exploser les inégalités. Vous ne luttez pas contre la pauvreté, mais vous luttez contre les pauvres.
Par ce gel, le RSA va perdre plus de 8 euros de revalorisation, qui permettraient simplement à ses bénéficiaires de suivre l'inflation. Leur pouvoir d'achat va donc baisser. N'entendez-vous donc pas l'alerte des associations caritatives sur le fait qu'elles n'arrivent plus à faire face à l'augmentation du public qu'elles accompagnent ? Le modèle pour demain est-il celui des soupes populaires ? Ce n'est pas celui de la sécurité sociale !
L'exclusion de l'AAH est une bonne nouvelle, car elle aurait conduit à une perte de revalorisation de 13 euros, puisque ce minimum est bien supérieur au RSA.
Mais, après avoir voulu opposer actifs et retraités, qui sont pourtant attaqués successivement, vous voulez diviser les publics des minima. Vous ne reculez décidément devant rien. Diviser pour masquer votre politique qui favorise les ménages des derniers centiles de revenus : cela n'est pas nouveau, mais ce n'est pas le modèle de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Cette mesure de gel des prestations sociales et des retraites est injuste, mais elle est de surcroît inefficace économiquement.
Elle est injuste, car vous prélevez 2 milliards d'euros sur l'ensemble de nos concitoyens en affirmant – à tort – que l'effort doit être partagé. C'est faux ! Lors de l'examen de ce PLFSS, nous avons fait plusieurs propositions visant à mettre à contribution les plus hauts revenus, les patrimoines les plus importants et les revenus du capital : vous avez systématiquement balayé ces pistes. Or ces 2 milliards auraient pu être trouvés de façon quasi indolore pour ces catégories, alors que votre mesure sera très douloureuse puisqu'elle frappera les plus fragiles.
Dans un pays où plus de 15 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, vous jetterez encore davantage de nos concitoyens dans la précarité.
Concernant les retraités, certains collègues affirment que les pensions ont été fortement revalorisées : et pour cause, l'inflation a été d'un niveau exceptionnel ! Heureusement que nous n'avons pas gelé les pensions les années précédentes : encore plus de retraités auraient sombré dans la pauvreté !
Ce n'est pas la seule mesure qui concernera les retraités : la fin de l'abattement de 10 %, remplacé par un forfait de 2 000 euros ; la taxe sur les complémentaires santé, qui pèsera lourdement sur les retraités dont les contrats sont plus coûteux ; enfin, l'invention d'un « SMIC des retraités » fixé à 1 400 euros, inférieur au salaire minimum pour les salariés.
Le moteur économique de la France est en grande partie « boosté » par la consommation : ce n'est pas en plombant cette dernière que vous allez redresser la France. Ce sont vos politiques, que vous poursuivez et que vous amplifiez, qui ont conduit notre pays à la situation actuelle. Elles ne produiront aucun résultat différent à l'avenir !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. En présentant mon amendement n° 1258 rectifié bis, j'ai bien précisé – même si cela n'y figure pas – qu'il fallait indexer les pensions inférieures à 1 400 euros. Je souhaite donc modifier mon amendement pour le rendre identique à l'amendement n° 715 rectifié de la commission.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Évidemment, on n'avait pas de doutes !
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 1258 rectifié ter, dont le libellé est strictement identique à celui des amendements nos 126 rectifié septies et 715 rectifié.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteure, pour justifier le rétablissement du gel de l'indexation des prestations sociales et des retraites, vous affirmez : « On a des difficultés et il faut bien que tout le monde contribue. » Nous aurions presque pu vous suivre si, depuis huit jours, vous n'aviez pas systématiquement refusé que tout le monde contribue. Vous avez tout fait pour que les hauts revenus, les dividendes et les grandes entreprises ne soient pas sollicités.
En fin d'examen de ce PLFSS, après avoir exempté ceux qui ont le plus, vous sollicitez ceux qui ont le moins pour combler les déficits.
En lisant votre amendement, j'ai constaté qu'à un moment votre main était restée suspendue : vous avez finalement épargné les personnes atteintes de handicap. Peut-être avez-vous eu plus de mal à assumer de cibler cette catégorie ? Je m'en réjouis pour elles. Quoi qu'il en soit, j'espère que la suite de la navette fera disparaître la mesure introduite par cet amendement.
Pourquoi ce traitement particulier pour les personnes en situation de handicap ? Parce que, dans votre esprit, ce n'est pas leur faute. Mais les familles monoparentales, qui perdront l'indexation de l'allocation de soutien familial, de l'allocation de rentrée scolaire et des allocations familiales, celles qui représentent un tiers des familles pauvres, celles dont 45 % des enfants vivent dans la pauvreté, pourquoi n'ont-elles pas droit au même traitement ? Non seulement ce que vous faites est injuste, mais c'est aussi moralement inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Yannick Jadot applaudit également.)
M. Mickaël Vallet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je comprends la contrainte qui pèse sur la commission : l'obligation de faire des choix et de produire un effet budgétaire pour éviter l'aggravation des déficits. C'est tout l'enjeu et toute la difficulté de ce PLFSS.
Je remercie Mme la rapporteure d'avoir envisagé d'aller plus loin dans l'indexation, même s'il convient de rester au niveau proposé par la commission. J'entends sa demande de retrait en ce qui concerne le sous-amendement n° 1796 rectifié bis.
En revanche, les explications du ministre sur un multiplicateur moindre, censé faire baisser les pensions, m'ont échappé, tout comme l'argument constitutionnel évoqué. On invoque souvent cet argument dans de telles situations…
Quoi qu'il en soit, j'accepte de retirer mon sous-amendement.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1796 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Ce débat autour de l'article 44 reflète ce qui s'est passé depuis le début de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans notre hémicycle : la droite contre la gauche.
Nous avons ici un amendement, puis des réponses toutes préparées sur un ensemble, alors qu'un certain nombre d'amendements pourraient inviter au débat, à la discussion, et peut-être au compromis. Personne ne s'y intéresse.
Je suis favorable, et je l'ai dit dès le départ, à ce que tous les Français participent à l'effort dont notre pays a besoin.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Voilà !
M. Martin Lévrier. Or, depuis quatre jours, je prends notre que l'évolution de ce PLFSS se fait dans un sens, beaucoup moins dans l'autre. Je l'ai dit, je n'y reviens pas.
Les jeunes apprentis, les revenus du capital, plusieurs catégories ne sont jamais concernées, tandis que d'autres, souvent parmi les plus modestes, le sont toujours.
Je vous propose une véritable réflexion et je vous soumets l'amendement n° 1491 rectifié bis, qui constitue une forme de compromis. Je n'en suis pas directement l'auteur, il vient des partenaires sociaux. Je vous invite vraiment à avoir cette discussion plutôt que de rester dans votre couloir, où d'un côté l'on dit : « Il faut, vous comprenez », et de l'autre : « Ce n'est pas bien du tout. » Essayons au moins d'avoir le débat.
M. Jean-Jacques Panunzi. Encore le « en même temps » !
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour explication de vote.
M. Ian Brossat. Nous abordons l'un des aspects les plus indécents de ce que la droite sénatoriale s'apprête à faire dans le cadre de ce PLFSS : geler les prestations sociales et les pensions supérieures à 1 400 euros. Dans un pays qui compte 10 millions de pauvres et n'avait pas connu un tel taux de pauvreté depuis 1996, selon les dernières statistiques de l'Insee, prendre une telle responsabilité dans un tel contexte, c'est atteindre un niveau d'indécence absolument monstrueux !
Cette mesure est doublement indécente.
Elle est d'abord indécente parce qu'elle créera de nouveaux pauvres supplémentaires. Estimez-vous que 10 millions de pauvres ne suffisent pas ? Ne voyez-vous pas, vous aussi, dans vos départements que les files de l'aide alimentaire s'allongent ? De plus en plus de personnes tombent dans la pauvreté à cause des décisions qui sont prises depuis des années.
Cette mesure est ensuite indécente parce que, tout en prétendant que tout le monde doit faire un effort, vous épargnez ceux qui se gavent depuis des années grâce à vos décisions gouvernementales. Nous, nous l'assumons : nous ne disons pas que tout le monde doit faire des efforts. Certains cumulent efforts et sacrifices depuis longtemps, tandis que d'autres ne sont jamais mis à contribution !
Lorsque paraîtront les prochaines statistiques sur la pauvreté en France, épargnez-nous au moins vos larmes de crocodile. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement n° 1629 rectifié bis de notre collègue Iacovelli reprend le projet de relevé de conclusions de l'ex-conclave, en lui donnant quasiment la valeur d'un accord interprofessionnel, voire d'un blanc-seing des partenaires sociaux.
Je doute que ces conclusions, qui sous-indexent jusqu'en 2030 les pensions des retraités – y compris celles des 2 millions de retraités vivant sous le seuil de pauvreté – pour récupérer les milliards de recettes abandonnées ailleurs, auraient trouvé un consensus majoritaire parmi les organisations syndicales, dont – il faut le rappeler – 43 % n'étaient plus présentes !
Cette mesure intervient dans le contexte de la baisse tendancielle du niveau de vie des retraités, qui décroche de celui des actifs, comme des taux de remplacement en forte baisse des futures générations de retraités, que cette sous-indexation veut brutalement accélérer.
Cette sous-indexation intervient alors que le Gouvernement et la droite ont justifié le recul de l'âge de la retraite comme un effort des actifs pour ne pas baisser les pensions et appauvrir les retraités. Voilà donc où mène la volonté d'opposer les actifs – pourtant futurs retraités – et les retraités. Ce qu'il faut, c'est faire payer le monde du travail et ne pas s'interroger sur la déflation salariale qui plombe les comptes du système de retraite.
Cette proposition de gel des pensions, qui n'exclut que les pensions couvertes par les retraites minimales, aurait un impact majeur sur les retraites modestes, lesquelles sont souvent celles de femmes. Il y a évidemment d'autres solutions. La non-compensation des cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires coûte chaque année plus de 2 milliards d'euros. La sous-compensation des allégements généraux a représenté, selon la Cour des comptes, 42 % du déficit de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Vous le voyez bien, d'autres choix sont possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Tous ces amendements visent à faire un geste, plus ou moins ample, en faveur des pensions de retraite et des minima sociaux. Aucun ne nous satisfait.
Ce que nous voulons, c'est maintenir la suppression de l'article 44, car il fait peser une nouvelle fois le redressement sur les personnes âgées et les plus vulnérables. Je ne reviendrai pas sur les 10 millions de pauvres qui viennent d'être évoqués.
Pour vous, il faut diminuer à n'importe quel prix les dépenses, sans jamais créer de nouvelles recettes. Au cours de la première partie de ce PLFSS, nous n'avons cessé de vous présenter des propositions afin que ce partage de l'effort auquel vous êtes si attachés s'applique aussi aux plus aisés de nos concitoyens, au moins aux plus riches d'entre eux.
Vous avez balayé d'un revers de main toutes ces recettes, pourtant substantielles, qui auraient permis d'épargner les plus démunis. Pour la majorité sénatoriale, il s'agit d'un dogme : ne pas solliciter les plus aisés, encore moins les plus fortunés.
À l'inverse, nous estimons que les familles aux revenus très élevés doivent contribuer comme tout le monde. Je rappelle les 1 800 familles qui ne paient que 26 % d'impôt au lieu de 50 % : une source de recettes majeure qui viendrait abonder le budget de la sécurité sociale. Maintenons donc la suppression de cet article 44. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Thomas Dossus. Au fond, lors de l'examen de ce budget de la sécurité sociale comme de celui de l'État, qui va commencer bientôt au Sénat, une seule interrogation se pose : qui va payer la note de huit années d'une politique de l'offre inefficace et de tous ces cadeaux fiscaux ?
Avec l'article 44 et le rétablissement du gel des prestations, une réponse se dessine.
Certes, l'amendement n° 715 rectifié est présenté comme un geste de générosité, puisqu'il exclut du gel les bénéficiaires de l'AAH, mais il sacrifie tout de même l'ensemble des autres allocataires des minima sociaux ainsi que les retraités, censés pouvoir supporter cette perte de revalorisation et donc de pouvoir d'achat. Nous parlons de retraites à partir de 1 400 euros. Près de 6 millions de bénéficiaires des minima sociaux se retrouveront donc sollicités pour rétablir les comptes sociaux.
En revanche, nous voyons certains verser des larmes de crocodile lorsque l'on envisage de faire contribuer les plus grands patrimoines de ce pays. Par conséquent, les comptes sociaux demeureront déséquilibrés, et l'attrition des recettes – cette politique des caisses vides – se poursuivra. Que ferons-nous l'année prochaine ? Allons-nous encore devoir geler des allocations tous les ans pendant quatre ans, comme pour la sous-indexation prévue des pensions ? Combien de temps ferons-nous payer aux plus modestes cette politique de l'offre qui creuse le déficit de toutes les administrations publiques ?
Cette quasi-année blanche n'a pas non plus pour objectif de faire contribuer tout le monde. Les 3,6 milliards d'euros que vous entendez récupérer sur le dos des ménages les plus pauvres et modestes servent à compenser la division par deux de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés inscrite dans le projet de loi de finances, qui ferait perdre 4 milliards d'euros aux comptes publics. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)