Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.

M. Pierre Barros. Cet après-midi, nous avons commencé nos travaux vers quatorze heures trente avec l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025. Madame la ministre de l'action et des comptes publics, Amélie de Montchalin, a affirmé à différentes reprises que l'État entrait dans l'ère de l'efficacité budgétaire.

Je pose une question simple : est-il réellement efficace de geler les prestations sociales et les retraites ? Du point de vue de la consommation des crédits budgétaires de l'État, peut-être. Mais les personnes auxquelles ces prestations sont versées – comme cela a été rappelé – en dépendent pour vivre au quotidien.

Si, demain, ces montants n'évoluent plus, ces personnes s'enfonceront dans la difficulté. Vers qui se tourneront-elles ? L'État réalisera alors, en quelque sorte, une bonne affaire sur le dos des collectivités. Car il reviendra aux centres communaux d'action sociale (CCAS) et aux associations d'accompagner ces publics de plus en plus nombreux.

Or le projet de loi de finances qui arrive malmène les finances locales, en particulier les finances des collectivités, départements et régions, qui disposeront de moins de moyens pour accompagner les personnes les plus pauvres. Il reviendra donc malheureusement aux communes d'assumer les prestations que l'État renonce à verser ou à faire évoluer à leur juste mesure.

Chers collègues, je suis très inquiet de la façon dont se positionne le Sénat sur ces questions. Nous sommes la chambre des territoires, la chambre des collectivités. Avec de telles décisions, vous n'aiderez pas les élus locaux. Ce choix serait une grave erreur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Ce gel des prestations sociales et des pensions de retraite revient à imposer une baisse de niveau de vie encore plus importante à des millions de bénéficiaires.

Ne pas indexer les revenus sur l'inflation, c'est accentuer la contrainte qui pèse sur les personnes qui doivent arbitrer chaque jour entre se chauffer ou manger, se loger ou se soigner. Les plus touchés sont les familles monoparentales et les enfants : 20 % des enfants de moins de trois ans sont pauvres.

Cette mesure est d'une injustice incroyable, alors que vous refusez toutes les mesures que nous pouvons proposer en parallèle et que vous avez refusé tous nos amendements visant à faire contribuer plus justement tous les Français. Les revenus du patrimoine ou du capital ont, eux, augmenté en 2022 de plus de 7,3 %. Les revenus du capital en 2023 ont augmenté de plus de 15,5 %. Les dividendes continuent de progresser, avec plus de 10 % en 2022. Ces revenus sont exonérés de cotisations sociales, et vous demandez aux bénéficiaires des minima sociaux de contribuer encore.

En réduisant le pouvoir d'achat des plus fragiles, vous faites des choix politiques qui demandent toujours plus aux plus pauvres et toujours moins aux plus riches. Vous abîmez notre cohésion sociale. Vous faites ainsi monter les positions les plus radicales. Vous faites grandir la défiance envers nos institutions, à commencer par la sécurité sociale. Le financement de la protection sociale doit être justement réparti. Vos propositions sont ici indécentes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Barros applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Nous ne parlons pas uniquement de seuils ou de lignes budgétaires. Revenons aux personnes. De qui parle-t-on ? Qui sont celles et ceux qui seront impactés dans leur quotidien par vos propositions ? En réalité, ce sont surtout des femmes qui seront touchées par ces propositions indécentes, ainsi que les a qualifiées l'un de mes collègues.

De qui parle-t-on lorsqu'on évoque les familles monoparentales sinon de femmes ? Il s'agit, je le rappelle, d'une famille sur quatre, soit de 2 millions de familles et de 3 millions d'enfants. On parle de celles qui figurent parmi les plus touchées dans le dernier rapport de l'Insee, qui faisait état d'une augmentation historique de la pauvreté dans notre pays. On parle de celles qui sont massivement touchées par le mal-logement ou la précarité locative.

On parle de celles que vous avez essayé de flouer lorsque, pour la seule avancée positive de la part du gouvernement précédent sur le complément de libre choix du mode de garde (CMG), vous avez poussé l'indécence jusqu'à financer l'extension de ce complément pour les familles monoparentales ayant un enfant de 6 à 12 ans en allant prendre dans la poche de celles qui avaient un enfant de 0 à 6 ans.

C'est à ces femmes-là que vous enfoncez la tête sous l'eau ! C'est à ces enfants-là que vous allez construire un chemin de précarité et précarisation ! C'est à elles et à eux que vous refusez de construire un avenir dans notre pays ! C'est bien de ces personnes-là que nous parlons. Ce ne sont pas des propos en l'air : ce sont des femmes et des enfants que vous condamnez à la précarité et à la pauvreté. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Que faisons-nous au travers de ces deux amendements identiques n° 126 rectifié septies et 715 rectifié, présentés par la commission et le groupe UC ? Au nom du principe de responsabilité, nous sauvons le système par répartition. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Franck Montaugé. Vous sauvez surtout les riches !

M. Olivier Henno. L'Agirc-Arrco a choisi de geler les pensions pendant cinq ans ; cette décision a permis de les sauvegarder. Le régime dispose aujourd'hui d'un fonds de réserve de 15 milliards d'euros.

M. Olivier Henno. M. Dossus demande : qui va payer la note si cette fuite en avant continue ? Pas les plus riches : les plus fragiles et surtout les plus jeunes. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Céline Brulin. Avec vous, c'est sûr !

M. Olivier Henno. Votre variable d'ajustement demeure l'endettement, la fuite en avant, la politique de l'autruche. Les Français ne s'y trompent pas : peu à peu, ils perdent confiance dans le système par répartition. Le grand blessé de votre politique – et de votre démagogie – sera ce système. Si un jour nos concitoyens préfèrent la capitalisation, vous en serez les responsables ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Je vous invite à méditer cette citation de Péguy : « Le triomphe des démagogies est passager. Mais les ruines sont éternelles. » (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Je prends acte avec regret de la position de la commission. L'amendement n° 1629 rectifié bis constituait un juste milieu : il excluait les prestations sociales et les minima sociaux afin de ne pas pénaliser les plus modestes, tout en sollicitant un effort mesuré, grâce à une sous-indexation à 0,4 % des retraites. Cette sous-indexation garantissait une revalorisation, mais moindre que celle que l'inflation laissait prévoir. À mes yeux, il s'agissait d'un bon compromis qui aurait pu faire consensus.

En effet, monsieur Gontard, cette proposition était issue du conclave des partenaires sociaux, c'était d'ailleurs l'une des rares à faire consensus. (Mme Raymonde Poncet Monge le conteste.) Mais il aurait mieux valu vous abstenir des 43 % de partenaires sociaux n'ayant pas siégé au conclave et de nous faire la morale, vous qui n'avez pas beaucoup siégé ces quatre derniers jours pour le PLFSS ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Monsieur le ministre, nous avons bien compris que vous étiez préoccupé : c'est d'ailleurs le grand gimmick de ce PLFSS.

Finalement, ce gel est un symbole : celui de savoir qui doit payer la note d'un État qui, pourtant, doit de l'argent à la sécurité sociale et le lui prend sans le lui restituer, du moins pas totalement.

Il en est ainsi depuis le départ. Non seulement l'État prend de l'argent dans la poche de la sécurité sociale et ne le lui rend pas, mais, de surcroît, toutes les taxes visent les plus pauvres.

Ainsi, en 2026, les prestations sociales et les pensions ne devraient plus être indexées sur l'inflation. Leur montant resterait identique à celui de 2025, alors que les prix continueront d'augmenter. Autrement dit, plus l'inflation sera élevée, plus la perte de pouvoir d'achat sera forte, mécaniquement.

Le rendement des seules mesures de gel et de sous-indexation est estimé à environ 1,9 milliard d'euros en 2026, ce qui représente une économie très limitée par rapport aux 600 milliards d'euros de dépenses sociales.

Les prestations visées dans l'article incluent des minima sociaux et des aides de base : allocations familiales, RSA, aides personnalisées au logement (APL), prime d'activité, certaines allocations médico-sociales, pensions de retraite de base, à l'exception des plus petites pensions et de l'AAH, que la commission a eu la « gentillesse » d'exclure du dispositif dans son amendement.

Le constat est clair : le gel frappe proportionnellement davantage les ménages modestes, qui consacrent l'essentiel de leurs revenus au logement, à l'énergie et à l'alimentation, c'est-à-dire les postes les plus sensibles à l'inflation.

De plus, l'absence de revalorisation interagit avec l'application des seuils fiscaux et sociaux, que nous examinerons bientôt, ce qui risque de faire basculer certains foyers vers une CSG ou un impôt plus élevé, donc sans gain réel de pouvoir d'achat.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Tout à l'heure, je siégeais dans l'une des salles de notre noble institution, dans laquelle est affiché le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En la regardant, je me disais : il est magnifique que nous soyons sortis de l'Ancien Régime… Je songeais que depuis la proclamation de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, durant toute l'histoire de la République, grâce à l'œuvre par exemple du Conseil national de la Résistance, notre pays a mis en pratique les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité – j'insiste notamment sur l'égalité. Voilà qui est vraiment magnifique.

Vous avez lu comme moi, je présume, mes chers collègues, – ne serait-ce que pour aborder ce débat de manière rationnelle – le rapport de l'Insee paru en juin dernier, qui révèle que le nombre de pauvres dans notre pays a crû de 650 00 en un an – j'y insiste : 650 000 ! – pour atteindre 12 millions.

J'ai lu également, comme vous, je l'espère, un autre rapport de l'Insee, publié la semaine dernière, qui indique que, durant les vingt dernières années, les 0,1 % les plus riches ont vu leur revenu augmenter de 120 %, tandis que celui du quart de la population le plus pauvre n'a progressé que de 24 %.

Je me demande ce qui a déraillé. Qu'est-ce qui a déraillé, en effet, pour que la majorité de la Haute Assemblée, du Sénat de la République, retrouve, d'une certaine façon, des réflexes de la Chambre des pairs de la Restauration ? (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Nous avons l'impression, dans ce débat, d'être revenus à l'Ancien Régime ; vos mots ne sont plus « Liberté, égalité, fraternité », mais « Assistanat, générosité – il s'agissait, je l'espère, monsieur le ministre, d'un lapsus – et charité ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il est temps de revenir à la République et à ses valeurs, qui sont affichées dans cette enceinte ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe CRCE-K.)

M. Laurent Duplomb. Jadot, président !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. L'évolution de ce débat illustre ce que nous avions dénoncé dès le début de l'examen de ce PLFSS.

Un certain nombre de mots résonnent. Certains osent parler de principe de responsabilité. Mais de quelle responsabilité s'agit-il ? Qui est responsable ?

Doit-on penser aux 80 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales accordés aux entreprises qui structurent mécaniquement ce PLFSS et aboutissent à l'endettement que nous connaissons ? La majorité sénatoriale ne veut pas s'attaquer à ces milliards.

En revanche, on nous dit que tout le monde doit faire un effort. Eh bien non ! Tout le monde ne doit pas faire un effort, parce qu'il y en a qui subissent, qui sont des victimes, qui n'ont pas le choix.

Décide-t-on, en effet, d'être pauvre ? Décide-t-on de naître dans une famille monoparentale ? Décide-t-on de ne pas avoir de logement ? Décide-t-on que son enfant décède ? Personne ne décide de cela !

La République doit être aux côtés de ces femmes et de ces hommes pour les protéger. Le préambule de la Constitution de 1946 ne dispose-t-il pas que la France est une République « sociale » ?

Voyez-vous, mes chers collègues, dans le débat qui a lieu aujourd'hui, nous sommes en train d'inverser cette logique.

Vous voulez une République morale, une République de la vertu, où certains devraient être responsables, alors qu'ils n'en ont même pas les moyens, quand on laisse tranquilles ceux qui s'enrichissent jour après jour ! Telle est la réalité. Tel est bien l'objet de l'article 44 du projet de loi, dans sa version initiale.

Devons-nous, oui ou non, geler les prestations ? Bien évidemment que non ! Les geler, c'est faire croire, comme vous le faites de manière très insidieuse – c'est en cela que ce budget est foncièrement nocif, quelles que soient les améliorations qui pourront y être apportées –, que, finalement, nous serions tous égaux face à cette responsabilité. Or, tel n'est pas le cas ! Dans notre pays, il y a des pauvres, il y a des riches, et ils ne sont pas égaux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J'ai entendu l'intervention d'Olivier Henno, il y a quelques instants. Il est d'ailleurs l'un des rares sur les bancs de la droite à s'exprimer aujourd'hui – je salue donc son courage.

Je remarque incidemment que le nombre de sénateurs de gauche présents aujourd'hui dans l'hémicycle est plus élevé que le nombre de sénateurs de droite pour cette discussion. Est-ce parce que vous avez mauvaise conscience ? Peut-être avez-vous peur de rendre compte à vos électeurs le moment venu ? (Protestations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

N'ayez pas peur ! Exprimez-vous, mes chers collègues, dites que vous allez porter un mauvais coup à la politique sociale et aux acquis qui datent des jours heureux du CNR !

Monsieur Henno a cité Péguy. Je voudrais citer Alphonse Allais, journaliste et humoriste que vous connaissez peut-être. Il disait : « Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres. » (Cela a déjà été dit ! sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Eh bien, je le répète, parce que vous ne l'avez pas bien entendu !

Tel est le chemin que vous suivez et continuerez de suivre au cours de ce débat.

Pour notre part, notre boussole n'a pas changé et ne changera pas. Nous continuerons de défendre coûte que coûte, en dépit de vos propos et de votre démarche réactionnaires, les Français qui ne sont pour rien dans la situation budgétaire dans laquelle nous nous trouvons. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pouvez-vous au moins accepter ce principe ? Les pauvres, les retraités, les femmes seules ne sont en rien responsables des difficultés et du fait que ce budget soit si mauvais pour la France.

Nous nous préoccupons d'abord d'eux. Nous les défendrons bec et ongles et nous montrerons aux Français quels sont les choix de société qui différencient la gauche de la droite. C'est aussi le sens de ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Je souhaite répondre au président Kanner.

J'indique que le groupe Les Républicains soutiendra l'amendement déposé par Mme la rapporteure. Nous avons demandé un scrutin public et nous voterons l'amendement de la commission.

Il s'agit, je le rappelle – et je le dis à l'attention notamment de notre collègue Martin Lévrier –, de rétablir un article qui figurait dans le projet de loi initial.

Mme Frédérique Puissat. Nous apportons toutefois deux correctifs, l'un sur les petites retraites et l'autre sur le handicap.

Ensuite, en faisant quelques recherches dans la presse, j'ai trouvé un article qui évoquait les propos d'un Premier ministre. Je le cite : « Le Premier ministre a détaillé ce mercredi les mesures qui devraient permettre d'économiser 50 milliards d'euros d'ici à 2017, comme promis […] en début d'année. Les recrutements des fonctionnaires sont maintenus, mais la revalorisation du RSA et d'autres prestations sociales est reportée. » Les propos rapportés sont ceux de Manuel Valls, et François Hollande était alors Président de la République…

Je n'ai rien d'autre à ajouter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Pour justifier le gel des pensions et des prestations, M. le ministre a rappelé la situation préoccupante des finances publiques et Mme la rapporteure a souligné que tout le monde devait contribuer.

Or la situation des finances publiques est le produit d'un déficit organisé, par choix, depuis huit ans.

Vous indiquez qu'il faut faire contribuer tout le monde, mais est-ce vraiment le cas, dans ce texte ? Quand nous avons proposé de mettre à contribution les revenus du capital, en augmentant la CSG, le Sénat s'y est opposé.

Quand nous avons ensuite formulé de nouvelles propositions, afin, par exemple, de lutter contre les rentes et la financiarisation dans le domaine de la santé, vous avez là aussi dit non.

Par les expressions « tout le monde », « tous les Français », il faut entendre, en fait, les Français qui touchent des prestations sociales. Ce sont bien eux qui sont visés au travers de cet article.

Il faut entendre aussi les apprentis, puisque la majorité sénatoriale a rétabli les dispositions qui visent à les mettre à contribution – ils vont perdre entre 100 et 200 euros.

Non contents de nettoyer, comme promis, le texte, non pas au Kärcher, mais au chalumeau, pour être sûrs que rien ne repousse, vous avez innové, mes chers collègues, au cours de l'examen de ce PLFSS, en demandant aux salariés de travailler plus, alors que nous savons que cela réduira mécaniquement la rémunération du travail.

Vous avez même lancé un ballon d'essai, en proposant de supprimer la gratuité de la complémentaire santé solidaire, l'ex-CMU, alors qu'elle s'adresse à des populations modestes, qui comptent beaucoup de familles monoparentales. L'amendement a été retiré, heureusement.

La bataille pour des recettes justes socialement et efficaces économiquement n'est pas une hystérie fiscale. Nous avons mené cette bataille depuis que l'examen du texte a commencé, voilà plusieurs jours.

J'ai siégé en permanence, et parfois, peut-être sous l'effet de la fatigue, il m'est arrivé de songer à Don Salluste dans La Folie des grandeurs : « Les pauvres, c'est fait pour être très pauvres, et les riches, très riches ! » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. J'ai l'impression que nous nous trompons de débat. Certains veulent en faire une question d'opposition entre les riches et les pauvres, mais ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Depuis le début de la discussion, je n'entends parler que de taxation des riches, etc. Or, ce n'est pas du tout le sujet : nous parlons des prestations sociales, qui sont versées au titre de la redistribution en France. Dois-je rappeler que la France est l'un des pays où le niveau de la redistribution est parmi les plus élevés au monde ? (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Il est clair que la France vit au-dessus de ses moyens…

M. Michel Canévet. … puisque nous finançons des dépenses considérées comme étant de fonctionnement – je parle de la sécurité sociale – par du déficit, au risque de reporter sur les générations futures les errements actuels.

Il importe donc de sensibiliser le plus grand nombre à la nécessité de réaliser des efforts. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Il ne s'agit pas d'enlever quoi que ce soit à qui que ce soit ; il s'agit simplement de considérer que les prestations ne peuvent pas augmenter de façon aussi importante que certains le voudraient, tout en ne pénalisant personne – car j'ai aussi entendu dire que l'on allait pénaliser les pauvres… – et tout en prenant en compte, notamment, la situation des retraités percevant de petites pensions.

Il me semble important de souligner que l'on est attentif à toutes les situations. Nous nous inscrivons toujours dans une logique de redistribution. Ne nous trompons pas de débat en voulant opposer les uns aux autres !

M. Emmanuel Capus. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. J'indique que la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 1258 rectifié ter, qui a été rendu identique à celui de la commission.

Je voudrais, par ailleurs, apporter quelques précisions, afin de corriger quelques erreurs que j'ai entendues.

Certains ont dit que le gel ou la sous-indexation s'appliquerait en 2027 et jusqu'en 2030. En réalité, les lois de financement sont régies par le principe d'annualité. Par conséquent, le gel ne s'appliquera qu'en 2026, et non les années suivantes.

Je rappelle aussi que, en 2024, toutes les prestations ont augmenté de 5,2 %.

Mme Raymonde Poncet Monge. C'était l'inflation !

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Cela a représenté, pour les seules pensions de retraite, un coût de 15 milliards d'euros. Elles ont également été augmentées cette année, en 2025, de 2,2 %. Vous ne pouvez donc pas dire que nous ne faisons rien !

Mme Raymonde Poncet Monge. C'est l'inflation !

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Alors que la version que l'Assemblée nationale nous a transmise prévoyait un déficit de 24 milliards d'euros, nous proposons de ramener celui-ci à 18 milliards d'euros, ce qui semble être un niveau acceptable.

Nous avons essayé d'avoir une démarche équilibrée.

En ce qui concerne les allègements de charges pour les entreprises, nous avons accompli un travail important l'année dernière, afin de ne pas aller trop loin. Je tenais à le préciser.

Mme Céline Brulin. Un gros travail ? 1,5 milliard !

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Notre objectif est de préserver la sécurité sociale, de maintenir la branche vieillesse, le système par répartition, notre système de santé, les branches autonomie et famille. Nous avons tous ces sujets en tête et nous ne regardons pas la situation par le petit bout de la lorgnette, au travers d'un simple amendement.

Madame Rossignol, je m'occupe du handicap depuis des décennies, y compris lorsque je travaillais en entreprise. J'ai même reçu un prix pour avoir embauché des personnes handicapées. Je ne vous permets donc pas de dire que ce que je fais n'est pas moralement acceptable ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Aujourd'hui, en ce DuoDay au Sénat, je n'accepte pas vos propos.

Enfin, pour terminer, monsieur Jadot, j'apprécie beaucoup vos effets de manche. On ne vous voit jamais au Sénat, mais il est magnifique de nous avoir rappelé la devise de la République ! Merci beaucoup. (Marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je suis favorable au redressement des comptes publics. Nous devons redresser nos comptes publics, mais, pour reprendre une métaphore que j'ai déjà employée en ma qualité de vigneron, avant de mettre le vin dans une barrique, on doit s'assurer qu'elle ne fuit pas, sinon, cela ne sert à rien.

Je suis donc également contre l'invention perpétuelle de nouveaux impôts pour boucher le trou. On n'y arrivera jamais. Il faut faire des économies !

Avez-vous examiné les économies que l'on pourrait réaliser sur les frais administratifs, qui ont été multipliés par quatre à l'hôpital en vingt-cinq ans, en raison de la création des ARS, des comités Théodule, des Hauts Conseils machin, etc. Or on n'y touche pas. A priori, ils n'ont pas servi à grand-chose. On ne peut pas dire que la santé en France se soit améliorée en vingt-cinq ans. Je ne comprends donc pas pourquoi on n'y touche pas.

Le redressement des comptes doit également passer par la justice fiscale. Là encore, on envoie un mauvais signal : après avoir visé les jeunes, les apprentis, on s'attaque aujourd'hui à ceux qui bénéficient de prestations, aux retraités, etc. Ce n'est pas très bon.

Il faudrait parvenir à mieux équilibrer l'effort, parce que tout le monde doit contribuer. L'effort fiscal et de redressement des comptes publics doit être partagé et ne pas porter sur les mêmes.

Je vous ai dit que j'étais contre de nouveaux impôts. Mais, dans ce PLFSS, il ne s'agit plus d'un prélèvement à la source : c'est désormais un prélèvement avant le versement, directement dans la nappe phréatique !

Enfin, pour terminer, je ne vous parlerai pas d'analyse financière, de comptabilité ou de mathématiques, mais de calcul, comme me le disait mon instituteur au cours moyen.

Ainsi, les 2 milliards d'euros d'économies annoncés ne se réaliseront pas, parce que les couples modestes dépensent 21 % de leur revenu en taxes diverses. De plus, il faut tenir compte des prises en charge auxquelles devront procéder les conseils départementaux ou les CCAS. Au final, nous n'économiserons sans doute que 1,5 milliard.

L'État, la sécurité sociale, les départements, les communes ont beau avoir des budgets différents, c'est toujours le même contribuable qui paie in fine !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1258 rectifié ter, 126 rectifié septies et 715 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 57 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 198
Contre 120

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 44 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 1491 rectifié bis et 1629 rectifié bis n'ont plus d'objet.

Article 44
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l'article 45

Article 45

I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° (nouveau) Après le b bis de l'article L. 12, il est inséré un b ter ainsi rédigé :

« b ter) Bonification d'un trimestre pour chacun de leurs enfants nés à compter du 1er janvier 2004, pour les femmes fonctionnaires ou militaires, ayant accouché postérieurement à leur recrutement ; »

2° (nouveau) L'article L. 12 bis est complété par les mots : « , dont l'un est pris en compte au titre de la bonification prévue au b ter de l'article L. 12. » ;

3° L'article L. 25 bis est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli » sont remplacés par les mots : « dans des conditions déterminées par décret et qui justifient d' » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

c) Sont ajoutés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles peuvent être réputés avoir donné lieu au versement de cotisations à la charge de l'assuré tout ou partie :

« 1° Des périodes de service national ;

« 2° Des périodes pendant lesquelles les fonctionnaires ont été placés en congé de maladie statutaire ainsi que des périodes comptées comme périodes d'assurance dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au titre de la maladie, de la maternité et de l'incapacité temporaire ;

« 3° Des périodes d'assurance validées en application des articles L. 381-1 et L. 381-2 du code de la sécurité sociale et des périodes pendant lesquelles les fonctionnaires, les magistrats et les militaires remplissaient les conditions d'affiliation à l'assurance vieillesse du régime général mentionnées aux mêmes articles L. 381-1 et L. 381-2, mais étaient affiliés à un régime spécial ;

« 4° Des trimestres de bonification ou de majoration de durée d'assurance attribués en application du b de l'article L. 12 et de l'article L. 12 bis du présent code, des articles L. 351-4 et L. 351-5 du code de la sécurité sociale ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, selon les conditions propres à chacun de ces régimes. »

II. – Après l'article L. 781-29 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 781-29-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 781-29-1. – S'agissant de la retraite anticipée pour carrière longue prévue à l'article L. 732-18-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, les droits à pension sont appréciés dans les conditions prévues à l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2026. »

III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 351-1-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli » sont remplacés par les mots : « dans des conditions déterminées par décret et qui justifient d' » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

c) Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Ce décret précise notamment les conditions dans lesquelles peuvent être réputés avoir donné lieu au versement de cotisations à la charge de l'assuré tout ou partie :

« 1° De certaines périodes d'assurance validées en application de l'article L. 351-3 ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, selon les conditions propres à chacun de ces régimes ;

« 2° Des périodes d'assurance validées en application des articles L. 381-1 et L. 381-2 et des périodes pendant lesquelles les fonctionnaires, les magistrats et les militaires vérifiaient les conditions d'affiliation à l'assurance vieillesse du régime général mentionnées aux mêmes articles L. 381-1 et L. 381-2, mais étaient affiliés à un régime spécial ;

« 3° Des trimestres de bonification ou de majoration de durée d'assurance attribués en application des articles L. 351-4 et L. 351-5 du présent code, du b de l'article L. 12 et de l'article L. 12 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse, selon les conditions propres à chacun de ces régimes. » ;

2° Le IX de l'article L. 351-4 est abrogé ;

3° Le II de l'article L. 643-3 est ainsi rédigé :

« II. – L'âge prévu au premier alinéa du I est abaissé dans les conditions définies à l'article L. 351-1-1, les références au régime général étant remplacées par celles au régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales. » ;

4° Le II de l'article L. 653-2 est ainsi rédigé :

« II. – L'âge prévu au premier alinéa du I est abaissé dans les conditions définies à l'article L. 351-1-1, les références au régime général étant remplacées par celles au régime d'assurance vieillesse de base des avocats. »

IV. – Le B du VIII de l'article 87 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« S'agissant de la retraite anticipée pour carrière longue prévue à l'article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, les droits à pension sont appréciés, pour les pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026, dans les conditions prévues à l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2026. »

V. – Le présent article s'applique aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026. Le I est applicable à la même date aux assurés relevant de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ainsi qu'à ceux relevant du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État.