Mme Sophie Primas. Bien envoyé !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l'article.

M. Guillaume Gontard. Nous sommes en 2025, année du quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale et du régime général des retraites. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Il est important de le souligner, mes chers collègues : ce sont quatre-vingts années durant lesquelles nous avons fait fonctionner ce régime.

Or c'est le moment même que vous choisissez pour élaborer le pire budget que la sécurité sociale ait jamais connu. Nous l'avons constaté toute cette semaine, nous l'entendons encore dans vos interventions de cet après-midi : vous vous entêtez dans votre dogmatisme ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Gontard. Ambroise Croizat avait raison quand il déclarait : « Ne me parlez pas d'acquis sociaux, mais de conquis sociaux, car le patronat ne désarme jamais. » Non, la droite ne désarme jamais. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous affirmez vouloir sauver le système par répartition, mais, en réalité, vous êtes en train de le tuer ! Vous l'avez tué toute cette semaine, à coups d'exonérations et de non-compensations ; vous le faites depuis des années.

Nous comprenons pourtant fort bien que l'origine du problème est à chercher dans la baisse des recettes. Je vous appelle donc une nouvelle fois à sortir de vos dogmatismes.

M. François Bonhomme. Parole d'expert !

M. Guillaume Gontard. Soyez responsables, mes chers collègues, car nous sommes dans une période où l'on a besoin de responsabilité !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je ne vous le fais pas dire !

M. Guillaume Gontard. Nous souhaitons, nous aurions préféré une abrogation de la réforme des retraites. Cet article ne nous offre qu'une suspension, ou un décalage. Mais nous, nous savons faire des compromis, et les accepter.

Alors, mes chers collègues de la majorité, faites montre d'un tantinet de réalisme, ouvrez les yeux sur l'environnement politique ! Il y a eu des élections législatives il n'y a pas si longtemps, me semble-t-il, lors desquelles les retraites ont été au cœur du débat. Chacun de vos candidats à la députation a défendu cette réforme. Et quel en a été le résultat ? Votre score moyen n'a pas dépassé 5,4 % !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. – Et le vôtre ?

M. Guillaume Gontard. À un moment donné, il faut savoir écouter. Cette réforme des retraites n'a jamais été votée à l'Assemblée nationale.

M. Olivier Rietmann. Elle a été votée ici !

M. Guillaume Gontard. Une écrasante majorité des actifs, 90 % d'entre eux, y sont opposés. Écoutez donc, ne serait-ce qu'un instant, les citoyennes et les citoyens français ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l'article.

M. Yannick Jadot. Au fond, l'objet de cet article est de soigner une blessure démocratique. Personne n'est satisfait de cette réforme des retraites ni de la façon dont elle a été menée ; même vous qui la souteniez, vous ne pouvez vous satisfaire de la manière dont tout cela s'est passé.

Quand on suscite une telle opposition dans l'opinion publique, en particulier de la part des salariés, quand on triture ainsi nos règles et nos institutions pour faire passer une réforme, on crée une blessure démocratique. Dès lors, notre responsabilité collective, dans le vote qui s'annonce, est moins de trancher que de soigner.

J'imagine, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, que vous défendrez, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2027, le recul de l'âge de départ à la retraite jusqu'à 67 ans – cela fait déjà partie de vos propositions. Nous soutiendrons tout autre chose, en l'occurrence l'abrogation de cette réforme. Quoi qu'il en soit, avant que les électeurs ne tranchent ce débat, au vu de l'état du pays aujourd'hui, trouver un compromis, une solution d'apaisement serait tout de même une bonne nouvelle.

En effet, nous sommes tous conscients, d'un côté comme de l'autre, que pour une grande part de nos concitoyens, la démocratie est aujourd'hui comme mise en examen. Depuis trop longtemps, la démocratie que nous défendons légitimement, y compris contre l'extrême droite, ne les protège plus. Les dysfonctionnements de nos institutions et l'impuissance de nos politiques publiques font que beaucoup se sentent relégués et méprisés ; ils ont l'impression que la démocratie, en fait, ne s'occupe plus d'eux. Nous avons le devoir d'y remédier au travers des textes budgétaires qu'il nous revient de voter.

Or que faites-vous ? Vous avez entériné le gel des minima sociaux. Dans quelques jours, vous voterez la réduction du budget des associations ; ce sera la deuxième lame.

M. Yannick Jadot. Franchement, mes chers collègues, ne ratez pas cette occasion d'apaiser le pays et de soigner un tant soit peu cette blessure démocratique ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l'article.

Mme Laurence Rossignol. Il y a quelques instants, notre collègue Bruno Retailleau, pour justifier la suppression de cet article qui suspend la réforme des retraites, invoquait comme premier argument le fait que cette disposition constituerait le prix du compromis passé entre le Gouvernement et les socialistes.

Mais enfin, mon cher collègue, quand bien même ce serait le cas – nous sommes capables de passer un compromis avec le Gouvernement, et celui-ci non seulement avec les socialistes, mais aussi avec tous ceux qui, comme Yannick Jadot vient de l'exposer en détail, sont soucieux de réparer une blessure démocratique –, il ne vous aura tout de même pas échappé que cette réforme suscitait l'hostilité des trois quarts des Français ! Même si vous êtes convaincus d'avoir raison, vous ne pouvez éternellement éviter de vous poser la question des conséquences démocratiques d'un tel affrontement avec un si grand nombre de nos concitoyens.

Oui, j'estime que le temps est au compromis ; il importe aujourd'hui que des hommes et des femmes politiques responsables se montrent capables de passer des compromis. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous en avons besoin, tant sur le plan social que sur le plan politique.

En effet, notre pays est menacé de toutes parts. Vous le savez, car vous vous intéressez beaucoup aux menaces intérieures ; pour ma part, je m'intéresse beaucoup aux menaces extérieures.

M. Mathieu Darnaud. Nous aussi !

Mme Laurence Rossignol. Nous avons besoin d'un pays qui soit suffisamment fort et uni pour affronter ces menaces, à l'approche d'échéances politiques lourdes et graves.

Il est tout de même plus qu'étonnant, mes chers collègues, que vous nous reprochiez de passer des compromis. Vous n'avez pas moins de six ministres dans ce gouvernement ! Nous, socialistes, n'en avons pas un seul, mais nous sommes au moins capables de passer des compromis dans l'intérêt du pays et des Français. Quant à vous, je ne sais trop quel est l'intérêt que vous défendez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je trouve ce débat particulièrement intéressant, mais je dois dire, monsieur le président Kanner, que j'ignorais que vous eussiez une spécialité médicale en psychiatrie et en gériatrie. (Protestations sur les travées du groupe SER.) En effet, vous nous reprochez d'empêcher les gens de vieillir mal, en les forçant à travailler. Mais enfin, ce n'est pas du tout ainsi que les choses se passent ! Le travail contribue en bonne partie à la bonne santé, quoi que l'on dise. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Céline Brulin. Ça dépend de quel travail !

M. Patrick Kanner. Venez donc à Dunkerque expliquer cela aux salariés d'ArcelorMittal !

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur Kanner, je vous ai écouté sans vous interrompre, permettez-moi de parler à mon tour !

M. Patrick Kanner. Ne soyez pas aussi caricatural, alors !

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Vous-même l'avez été, et même à l'extrême sur des sujets de médecine !

Il est un point qui me semble extrêmement important, mais que personne n'a encore évoqué dans ce débat. La réforme Touraine prévoyait d'en venir à 43 années de cotisations ; la réforme Borne ne prévoit pas autre chose. (Marques d'approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Kanner. L'âge légal, dans la réforme Touraine, c'était 62 ans !

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Mais à quel âge les gens auraient-ils pu partir à la retraite, aux termes de la réforme Touraine ? À 63 ans et 8 mois… En 2023, on a simplement rajouté quatre mois, pour que les gens puissent partir à la retraite à 64 ans. Dans ces conditions, mes chers collègues, en toute honnêteté, la violence des termes que certains d'entre vous ont employés dans vos interventions se justifie-t-elle ? Je ne le pense pas.

En revanche, je reconnais une erreur dans la réforme Borne : le fait que ce fut une réforme strictement financière. Comme elle a pris la forme d'une loi de financement de la sécurité sociale, la pénibilité a été exclue du texte…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi l'avez-vous votée, alors ?

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Certes, lors de son examen au Sénat – je le rappelle à l'intention de ceux qui ne siégeaient pas encore parmi nous –, nous y avions introduit des dispositions visant à prendre en compte la pénibilité, comme Mme El Khomri l'avait souhaité, ou encore des mesures améliorant la retraite des femmes…

M. Patrick Kanner. C'était une mauvaise réforme !

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur Kanner, je me souviens bien que vous avez voté avec nous ces dispositions relatives aux femmes, à la prise en compte des grossesses dans le calcul des pensions, ou encore au temps de travail et aux carrières longues. Tout cela, nous l'avons voté, mais le Conseil constitutionnel l'a évidemment censuré du fait de la nature juridique du texte.

Dès lors, la sagesse serait, plutôt que de revenir sur la loi qui a été adoptée – par le 49.3, malheureusement – en 2023, de travailler sur la pénibilité, la retraite des femmes et les carrières longues. Surtout, arrêtons de nous invectiver pour rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l'article.

M. Éric Kerrouche. J'ai écouté attentivement les interventions de nos collègues Bruno Retailleau et Olivier Henno, qui nous ont exposé tout le mal que représentent selon eux les solutions mises en place par les socialistes au cours de l'histoire ; à les entendre, elles seraient à l'origine de l'ensemble des dérives de la France. Je retrouve là comme un écho de certains propos tenus jadis par des députés ou sénateurs de droite, que je voudrais vous citer.

Ainsi, s'agissant de la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels, qui a limité à dix heures la journée de travail, le député Paul Beauregard déclarait : « La réduction des heures de travail est une chimère socialiste qui ruinera nos usines et découragera le capital. »

Lors de l'instauration des retraites ouvrières et paysannes, en 1910, un sénateur de droite affirmait : « Vous créez une retraite que l'ouvrier ne demande pas et que l'État ne pourra pas payer. Nous faisons naître des espérances que nous serons incapables de satisfaire. » Un autre encore disait ceci : « On veut faire croire que l'État pourra assurer à tous une vieillesse paisible. Ce n'est qu'une illusion coûteuse qui compromettra nos finances et nos libertés. »

Je vous le dis donc tout à fait clairement, mes chers collègues de droite : vous serez toujours les défenseurs de quelques-uns au détriment de tous ! C'est ce même choix que vous vous apprêtez à faire ce soir : le choix de la résignation sociale. Si vous le faites, si vous confirmez ce renoncement, il se fera au détriment du plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, sur l'article.

M. Pierre Barros. Il y a du monde ce soir dans notre hémicycle, et c'est bien normal : c'est un vrai débat politique qui se tient sur cet article, un débat important sur des choix qui permettent d'ailleurs de distinguer clairement la droite de la gauche.

Certes, nous ne referons pas aujourd'hui tout le débat sur les retraites, mais l'examen de cet article nous autorise tout de même à discuter un tant soit peu de toutes ces problématiques.

Il est question ici non seulement d'efficacité budgétaire, mais d'un réel choix de société. Ainsi, M. Retailleau veut aller encore plus loin, au-delà de la réforme des retraites : il pose la question du temps de travail, en remettant en cause les 35 heures, et en suggérant que la France, qui, selon lui, ne travaille pas suffisamment, pourrait travailler un peu plus pour créer un peu plus de richesses.

Certes, je ne nierai pas que c'est le travail qui produit la richesse ; il a en outre le mérite de nous inscrire dans la société, il peut procurer une réelle satisfaction quand on produit réellement quelque chose. Mais, quand on participe, comme beaucoup d'entre nous, à la vie de la collectivité, quand on est élu municipal, on sait que la vie productive de chacun ne se réduit pas au travail salarié.

Il ne faut pas oublier tout le travail que l'on fournit et produit en dehors du temps de travail. Intervenir dans le milieu associatif, faire de la politique quand on est actif ou à la retraite, c'est l'occasion de faire autre chose et de produire d'autres richesses. Quand ils s'inscrivent dans un cadre budgétaire, le débat sur les retraites et celui sur le temps de travail éludent souvent la richesse que l'on crée en dehors du temps de vie au travail.

Pour ma part, pendant vingt ans, j'ai réduit mon temps de travail pour faire de la politique. Ce choix, que j'ai fait comme beaucoup d'entre nous, mes chers collègues, a été heureux, puisqu'il m'a permis de m'épanouir à la fois au travail et en politique.

Nous évoquons aujourd'hui la question du temps dans une institution qui a fêté son cent cinquantième anniversaire cette année et qui a vu naître de nombreuses avancées sociales. Il ne faut surtout pas créer les conditions d'un retour à l'époque où l'hémicycle dans lequel nous siégeons a été construit, lorsque hommes, femmes, enfants, travaillaient dix heures par jour, soixante heures par semaine, dans des conditions épouvantables.

Mme la présidente. Merci, mon cher collègue.

M. Pierre Barros. Mesurons, mes chers collègues, tous les progrès qui ont été accomplis et toutes les avancées sociales qui perdurent.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l'article.

M. Laurent Duplomb. En réalité, ce n'est pas la force des opposants qui provoque cette suspension, mais bel et bien l'aveuglement des dirigeants, enfermés dans une logique de fuite en avant, cédant au chantage et n'hésitant pas à s'autodésigner otages du diktat de quelques minorités. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Suspendre pour ne pas gouverner, c'est pire qu'un échec, c'est un aveu d'impuissance. C'est un retour à la case départ !

Pendant que l'Europe repousse l'âge de départ à la retraite – à 67 ans en Italie et en Espagne ; à 70 ans au Danemark –, la France ferait marche arrière, comme d'ailleurs dans beaucoup de domaines,…

M. Ian Brossat. Avec les pesticides ?

M. Laurent Duplomb. … pour revenir à 62,5 ans.

Le pire, c'est qu'il faut bien voir que la suspension de ladite réforme des retraites fait définitivement basculer celle-ci dans le vide, vers une suppression irrévocable. Qui oserait en effet se risquer à remettre le sujet sur la table à la veille de l'élection présidentielle ? (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Thomas Dossus. Vous êtes pourtant majoritaires au Sénat !

M. Laurent Duplomb. Pour celui qui tenterait de défendre cette réforme tant écornée, l'exercice serait suicidaire. Résultat, la suspension, qui sera en définitive une suppression inévitable, conduira à creuser allègrement un déficit qui compte pour moitié dans l'accroissement de notre dette depuis dix ans.

Aujourd'hui, et c'est inquiétant, presque personne ne semble remettre en cause ce renoncement que les générations futures payeront au prix fort, car, pour elles, il ne restera plus que des miettes du système de retraite par répartition et beaucoup de dettes.

Comme l'a écrit Marc Bloch, c'est non pas l'absence de moyens qui frappent, mais « l'incapacité de commandement » de nos responsables politiques qui « ne se sont pas seulement laissés battre », mais qui « ont [aussi] estimé très tôt naturel d'être battus ».

L'histoire nous enseigne que les Nations s'effondrent non pas seulement sous les coups de l'ennemi, mais par l'usure interne, par la rupture entre les gouvernants et les gouvernés. La suspension de la réforme des retraites doit être prise pour ce qu'elle est : le signal d'une étrange défaite. (Marques d'impatience sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Laurent Duplomb. Refuser de réformer, c'est préparer l'effondrement silencieux d'un système à bout de souffle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 128 rectifié nonies est présenté par MM. Henno et Marseille, Mme Billon, MM. Bleunven, Bonneau, Cadic, Cambier, Canévet, Cazabonne, Chauvet, Cigolotti et Courtial, Mme de La Provôté, MM. Delahaye, S. Demilly et Dhersin, Mme Doineau, MM. Fargeot et Folliot, Mmes Gacquerre et Guidez, MM. Haye et L. Hervé, Mme Herzog, M. Hingray, Mmes Housseau et Jacquemet, MM. Kern, Lafon, Laugier et Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, P. Martin, Maurey, Menonville et Mizzon, Mmes Morin-Desailly et Patru, M. Pillefer et Mmes Romagny, Sollogoub, Tetuanui, Vérien, Vermeillet et Perrot.

L'amendement n° 155 rectifié ter est présenté par MM. Capus, Malhuret et Chasseing, Mmes Bourcier, Lermytte, Bessin-Guérin, L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Brault, Grand, Laménie, Chevalier, L. Vogel, Wattebled, Rochette, Pellevat, Médevielle et V. Louault et Mme Canayer.

L'amendement n° 716 est présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 1512 rectifié ter est présenté par M. Le Rudulier, Mme Dumont, MM. Khalifé, Sido et Séné, Mme Lopez et MM. H. Leroy et Panunzi.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l'amendement n° 128 rectifié nonies.

M. Olivier Henno. Il n'est pas question de revenir une nouvelle fois sur les arguments échangés à l'issue de ces débats intenses.

Cet amendement a pour objet de préserver la réforme de 2023, qui a été engagée pour sauver le système de retraite par répartition. Monsieur Kerrouche, il s'agit de revenir non pas sur la totalité des conquêtes sociales,…

M. Patrick Kanner. Vous en rêvez !

M. Olivier Henno. … que nous approuvons toutes, mais sur la suspension de la réforme des retraites.

Notre raisonnement est très simple. Nous constatons que, quand un pays travaille moins, il s'appauvrit ; et, quand un pays s'appauvrit, ce sont les plus fragiles et les plus pauvres qui payent la note. C'est ce dont nous ne voulons pas pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l'amendement n° 155 rectifié ter.

M. Emmanuel Capus. J'ai une bonne nouvelle pour le président Kanner. Je vais la lui apprendre, car, manifestement, elle n'est pas encore arrivée jusqu'à ses oreilles. M. Kanner vit visiblement sur la même île que le Rassemblement national, puisqu'elle n'a manifestement pas non plus été portée à la connaissance de ce parti politique. Cette bonne nouvelle, c'est que nous vivons en moyenne dix ans de plus qu'il y a quelques années. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Comme M. le vice-président Milon l'a indiqué, le travail participe évidemment grandement à l'allongement de l'espérance de vie. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Nous ne volons donc pas deux années de vie : nous continuerons à vivre huit, neuf, dix ans de plus en bonne santé.

Nous faisons comme tous les pays du monde qui, eux, ne vivent pas sur une île. Nous allons faire comme la Belgique et l'Espagne, qui ont repoussé l'âge de départ à la retraite à 65 ans, comme l'Allemagne, le Portugal et l'Irlande, qui l'ont repoussé à 66 ans,…

M. Mickaël Vallet. Comme le Luxembourg !

M. Emmanuel Capus. … comme l'Italie et les Pays-Bas, qui l'ont repoussé à 67 ans. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Mme Monique Lubin. Et le taux d'emploi ?

M. Emmanuel Capus. Comment les gens font-ils pour travailler après 62 ans, madame Lubin ? Il serait bon que vous alliez sur place le constater. En fait, c'est simple : ils travaillent. Et figurez-vous que cela améliore la qualité de vie des seniors. C'est le meilleur moyen de lutter contre le défaut de travail des salariés les plus âgés. Tout cela est corrélé à l'allongement de la vie…

Nous allons donc faire exactement ce que font tous les autres pays.

L'erreur funeste, le péché originel, c'est la retraite à 60 ans de François Mitterrand. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Elle a été une catastrophe, un contresens historique.

Depuis, quels que soient les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, que les Premiers ministres se nomment Balladur ou Rocard, les ministres Woerth ou Touraine, personne n'a jamais renoncé à une réforme des retraites, tout simplement parce que celles-ci s'imposent.

Nous nous apprêtons à faire la même chose. Ne pas le faire serait une première.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Emmanuel Capus. Nous ne renoncerons pas à réformer et nous ne sacrifions pas les générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 716.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Nous en arrivons aux amendements tendant à supprimer cette mesure de suspension de la réforme des retraites.

Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez été interrogés dans vos territoires sur cette réforme. Pour ma part, j'ai constaté que celle-ci avait été intégrée par nos concitoyens.

Le parti socialiste a agité un chiffon rouge (Mme Laurence Rossignol proteste.) : la réforme des retraites ou la censure du Gouvernement, afin de faire gagner un trimestre aux générations nées en 1964 et 1965 – tout cela pour un coût de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,5 milliard d'euros en 2027, si l'on tient compte de la mesure sur les carrières longues adoptée à l'Assemblée nationale.

Comme la France a beaucoup d'argent, il n'y a pas de problème...

M. Patrick Kanner. On a trouvé des recettes !

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les recettes ? Oui, on les a trouvées…

M. Patrick Kanner. Sur le dos des plus faibles !

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Non, sur le dos des retraités, monsieur Kanner, parce que nous n'avons pas le choix si nous voulons conserver la retraite par répartition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le choix est simple : soit le report de l'âge de départ à la retraite, soit la baisse des pensions, soit la hausse des cotisations. À vous de choisir…

C'est d'ailleurs ce que j'ai dit aux syndicats. Quand on leur demande ce qu'ils proposent, ils ne nous parlent pas des riches, car ils ont conscience que cela relève du projet de loi de finances et n'a rien à voir avec la branche vieillesse.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons supprimer l'article 45 bis.

Cette suspension de la réforme n'est que de la poudre de perlimpinpin ; c'est une annonce pour sauver le Gouvernement – je ne suis d'ailleurs pas très convaincue que cela fonctionne. Pour les retraités, on sacrifie la jeunesse et les jeunes actifs, que ce débat n'intéresse pas, parce qu'eux savent bien qu'ils n'auront pas de retraite – et cela me fend le cœur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour présenter l'amendement n° 1512 rectifié ter.

M. Stéphane Le Rudulier. Je me suis penché sur la philosophie de notre système par répartition. Si un constat doit faire l'unanimité – et je pense que c'est le cas dans cet hémicycle –, c'est qu'il faut le sauvegarder.

De quoi s'agit-il ? Il s'agit de financer les retraites de demain avec les bébés d'aujourd'hui. Cette équation n'est valable que si l'on bénéficie d'une parenthèse démographique enchantée similaire à celle des années 1950.

Or que constatons-nous a minima ? Nous sommes face à un double phénomène. D'une part, la population vieillit. Avec l'allongement de la durée de vie, dont tout le monde peut se réjouir, cinq générations cohabitent aujourd'hui. D'autre part, notre taux de natalité est en berne et la pyramide des âges décline.

Face à ce constat démographique, c'est la petite mort du système par répartition qui est aujourd'hui en jeu.

M. Laurent Duplomb. Tout à fait ! Et ce sont les pauvres qui trinquent !

M. Stéphane Le Rudulier. Comme l'a rappelé Bruno Retailleau, en 1945, on comptait six actifs pour un retraité. Aujourd'hui, on en est à 1,6 actif pour un retraité. Dans quinze ans, c'est-à-dire demain, ce même ratio sera de 1,2. En 2040, nous connaîtrons un pic démographique auquel succédera un déclin des actifs – on prévoit une baisse de 30 % de ces derniers en 2045. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Clou du spectacle, les Français travaillent 170 heures de moins en moyenne que dans le reste des pays européens. Qu'il faille travailler davantage est une évidence…

Je conclurai par un clin d'œil à M. Kerrouche, qui semble nostalgique de la loi de 1910. Celle-ci prévoyait un système par capitalisation pour les ouvriers et les paysans qui gagnaient moins de 3 000 francs par an et, tenez-vous bien, un âge légal de départ à la retraite à 65 ans… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Quelle est l'analyse du Gouvernement sur cette suspension de la réforme des retraites ?

Certes, je devine la position majoritaire du Sénat,…

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. … car je connais le sérieux budgétaire qui caractérise la chambre haute.

Mais le Gouvernement a perçu cette mesure comme une condition nécessaire à la stabilité politique et économique voulue par les Français. Je rappelle en effet que 61 % des Français sont favorables à une forme de stabilité. Il en va de même des entreprises. Les changements perpétuels de gouvernement depuis quelques mois commencent à nuire au fonctionnement de notre pays.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : pour le Gouvernement, cette suspension n'est pas une abrogation – j'en suis désolé pour le côté gauche de cet hémicycle. Certes, elle suspend le déploiement initial de la réforme des retraites, dont les paramètres ont été figés au moment de son adoption, mais, à défaut d'une autre réforme, celle-ci reprendra au 1er janvier 2028. Je réponds ainsi aux questions qui ont pu être posées sur l'avenir de la réforme.

Quel est le coût de cette suspension ?

Pour le moment, au regard des modifications opérées par l'Assemblée nationale, puisque des ajustements ont eu lieu au cours des débats, notamment sur les carrières longues, cette disposition coûtera 300 millions d'euros en 2026 et 1,9 milliard d'euros en 2027. Je précise que tout cela peut évoluer jusqu'au vote définitif.

Cette suspension a un avantage, celui de donner du temps au dialogue social. C'est fondamental – j'y ai beaucoup insisté durant les débats –, car cela permettra par exemple de revenir sur la question de la pénibilité que vous avez évoquée, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous ne sommes pas passés loin d'un accord sur ce point, mais nous n'y sommes finalement pas parvenus.

Certains d'entre vous ont souligné que cette réforme avait été élaborée dans le cadre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale et qu'elle s'était donc bornée aux aspects financiers.