M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.

L'amendement n° I-1456 rectifié est présenté par MM. Barros et Savoldelli, Mme Apourceau-Poly, M. Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, M. Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Ouzoulias, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie.

L'amendement n° I-2479 rectifié est présenté par MM. Fernique, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l'article 50 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, les mots : « du premier exercice » sont remplacés par les mots : « des deux premiers exercices ».

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l'amendement n° I-1456 rectifié.

M. Fabien Gay. Dans la mesure où la taxe au tonnage est appliquée quasiment partout dans le monde, si nous venions à la raboter, il suffirait évidemment à Rodolphe Saadé d'aller voir ailleurs pour concourir à l'obtention d'un autre régime fiscal.

En même temps, il est légitime que le Parlement et nos concitoyens s'intéressent à la question. Il s'agit d'un avantage fiscal considérable, qui bénéficie, et pas qu'un peu, à un seul acteur – à hauteur de 98 %, tout de même –, dont je viens de nommer le dirigeant.

Un tel avantage lui a permis, depuis la crise de la covid, d'étendre son empire. Il s'est diversifié d'abord dans le fret, non seulement, bien sûr, maritime, mais aussi aérien et fret ferroviaire, puis dans le monde médiatique, en rachetant un certain nombre de titres de presse et de médias : La Provence, Corse-Matin, La Tribune, La Tribune Dimanche, RMC, BFM, Brut…

M. Michel Canévet. Et bientôt L'Humanité ! (Sourires sur les travées du groupe UC.)

M. Fabien Gay. Il est donc légitime de s'interroger sur la taxe au tonnage.

Même si personne, sur ces travées, ne propose d'en finir avec un tel dispositif, ce qui nous mettrait en difficulté, cela ne doit pas nous empêcher, dans un contexte de crise, y compris lorsqu'il s'agit d'une entreprise ayant bénéficié indirectement, comme beaucoup d'autres, des plans de relance de l'économie, de nous demander si une niche fiscale offrant un tel avantage ne devrait pas être à un moment donné plafonnée ou, en tout cas, réduite, afin de ne pas peser excessivement sur le budget de l'État.

Les montants en cause ont été rappelés : 5,7 milliards d'euros en 2023 ; un peu moins en 2024, soit 3,8 milliards d'euros. Il y a là une vraie question, et vous ne pourrez pas l'éviter en vous contentant de nous dire : « Ne faisons rien. »

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l'amendement n° I-2479 rectifié.

M. Guillaume Gontard. Par cet amendement de repli, dont le premier cosignataire est également Jacques Fernique, nous proposons simplement de reconduire la contribution exceptionnelle qui vise spécifiquement notre armateur français CMA CGM.

L'an passé, l'ancien ministre des comptes publics, Laurent Saint-Martin, arguait de circonstances particulières – une fiscalité spécifique pour des raisons qui le sont tout autant – pour justifier les mesures particulières appliquées à ce secteur d'activité. La taxe que nous proposons rapporterait entre 300 millions d'euros et 500 millions d'euros, ce qui paraît très raisonnable pour un acteur qui représente 12,7 % de part de marché mondial.

Je le répète, les marges de la compagnie ont été alimentées au détriment du pouvoir d'achat de nos concitoyens, grâce à l'avantage fiscal que représente la taxe au tonnage. Il est donc normal et non disproportionné que cet armateur s'acquitte a minima de cette surtaxe exceptionnelle, votée ici, au Sénat, je le rappelle, lors de l'examen du précédent budget.

M. le président. Les deux amendements suivants sont eux aussi identiques.

L'amendement n° I-232 rectifié bis est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guiol et Masset, Mmes M. Carrère et Girardin et M. Roux.

L'amendement n° I-664 rectifié est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué au titre de l'exercice clos à compter du 31 décembre 2025 une contribution exceptionnelle sur les entreprises qui déterminent leur résultat imposable à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l'article 209-0 B du code général des impôts.

II. – Sont redevables de la taxe mentionnée au I les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 1 milliard d'euros.

Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent II s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition ramené le cas échéant, à douze mois.

Pour les entreprises membres d'un groupe au sens des articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la taxe exceptionnelle est due par chaque entreprise qui remplit individuellement la condition de chiffre d'affaires prévue au premier alinéa du présent II.

III. – L'assiette de la taxe exceptionnelle est égale au résultat d'exploitation retracé dans le compte de résultat mentionné au II de l'article 38 de l'annexe III du code général des impôts dans sa version applicable au 31 décembre 2025, pour sa part correspondant aux opérations à raison desquelles l'option prévue à l'article 209-0 B du même code a été exercée.

IV. – Le taux de la taxe exceptionnelle est fixé à 9 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 et à 5,5 % pour le second exercice clos à compter de cette même date.

V. – Les réductions et crédits d'impôts et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la taxe exceptionnelle.

VI. – La taxe exceptionnelle n'est pas admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable.

VII. – La taxe exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

VIII. – La taxe exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.

IX. – Après le 2° de l'article 7 de l'ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l'adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d'autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :

«  – La taxe exceptionnelle sur les entreprises qui déterminent leur résultat imposable à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de l'article 209-0-B du code général des impôts prévue à l'article de la loi n° du de finances pour 2026 ; ».

La parole est à M. Raphaël Daubet, pour présenter l'amendement n° I-232 rectifié bis.

M. Raphaël Daubet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l'amendement n° I-664 rectifié.

Mme Isabelle Briquet. Il est également défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je suis toujours méfiant quand je vois arriver une flopée d'amendements dont on me dit qu'ils sont des amendements d'appel ; parfois, cela finit mal !

MM. Fabien Gay, Guillaume Gontard et Grégory Blanc. Ce ne sont pas des amendements d'appel !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Certains collègues, en défendant leur amendement, ont bien indiqué qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. À mon sens, il ne peut y avoir, en l'espèce, d'amendement d'appel, car, au travers de ces propositions, ce sont des points de vue qui s'expriment.

Je reste cohérent avec la ligne adoptée par la commission, qui souhaite supprimer la surtaxe d'IS. Le moment est venu de donner un signal clair pour en finir avec le zigzag fiscal, avec le « p'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non », avec cette espèce de flou, qui n'est même plus artistique, autour de mille et une taxes.

Disons-le, la taxe au tonnage est un avantage qui a permis à l'entreprise concernée de se reconstituer, de se remettre sous pavillon français, de croître et de trouver une place majeure dans le commerce et le transport maritime mondial. En France, cela représente autour de 20 000 emplois et, à l'échelle mondiale, près de 100 000, ainsi que plus de 20 milliards d'euros de contributions fiscales.

Faisons donc attention : ne participons pas à cette espèce de chasse aux grands groupes, en disant ou, en tout cas, en laissant entendre que ce n'est pas parce qu'ils font notre fierté que nous ne pouvons pas leur « piquer » un peu d'argent, voire davantage, au motif que cela épargnerait les autres. (M. Thomas Dossus s'exclame.) Il nous faut trouver des points d'équilibre, avant éventuellement d'examiner de quelle manière le dispositif pourrait évoluer.

En tout cas, pour cette année, il convient de tenir une ligne politique claire. La commission émet donc un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Cela a été dit par la plupart des intervenants : nous avons un champion mondial, qui figure dans le top 5 ; parmi les quatre autres, on compte un Allemand, un Chinois, un Danois et un Suisse. Soyons-en fiers.

J'ajoute que je n'ai jamais entendu ce champion mondial faire du chantage au siège social. Jamais. N'entrons donc pas dans cette logique qui voudrait faire croire que, s'il était davantage taxé, il partirait. Non, il est extrêmement ancré en France, plus précisément – c'est un supporter du Paris Saint-Germain qui vous le dit – à Marseille. Il soutient ainsi fortement un club qui n'est pas le mien : je ne puis donc être suspecté…

M. Fabien Gay. De parti pris !

M. Roland Lescure, ministre. … d'entretenir quelque biais que ce soit sur le sujet !

L'entreprise en question a placé quinze bâtiments sous pavillon français voilà à peine quinze jours, alors que la discussion qui nous occupe ce matin avait lieu à l'Assemblée nationale. Nous parlons donc bien d'un champion mondial et, en plus, d'un champion fier d'être français et marseillais.

Par conséquent, nous sommes évidemment défavorables aux amendements, à l'exception, j'y reviendrai, de l'amendement n° I-1450, car leur adoption obérerait de manière durable et forte la compétitivité d'un champion français et fier de l'être. Vraiment, nous nous tirerions une balle dans le pied.

J'insiste donc : mesdames, messieurs les sénateurs, ne votez pas ces amendements. Je suggère même leur retrait, pour dire à cette entreprise toute notre fierté de la voir non seulement implantée en France, mais y rester.

Concernant l'amendement n° I-1450, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat. En effet, monsieur Savoldelli, son adoption permettrait, par parallélisme des formes, de garantir, au cas où la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, à laquelle, vous le savez, nous sommes favorables, serait maintenue dans le cadre de la navette, que la contribution exceptionnelle des grandes entreprises soumises à la taxe au tonnage puisse être augmentée de manière exceptionnelle.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Il s'agit d'un sujet ô combien important. La France est un grand pays maritime, qui possède le deuxième espace maritime le plus étendu au monde. Si nous voulons le rester, il nous faudra toujours des armateurs. Or ces derniers sont confrontés à la concurrence internationale.

Chacun peut donc comprendre la nécessité de leur réserver des règles de fiscalité avantageuses par rapport à des concurrents à bas coût.

Par ailleurs, ces armateurs doivent pouvoir essaimer sur l'ensemble du globe pour être véritablement performants.

Enfin, ils sont confrontés aux enjeux de la transition énergétique : il leur faut donc des moyens pour y faire face.

Tout cela m'amène à dire qu'il importe absolument de soutenir les armateurs français.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Monsieur le ministre, je suis fier – nous devons tous l'être –, des entreprises françaises, de toutes les entreprises françaises qui font le choix de la France. Il n'y a pas de difficulté sur ce point.

Nous pouvons tous nous réjouir ici d'avoir une économie qui puisse se développer, s'épanouir. En la matière, nous n'avons qu'une seule boussole : accompagner ces entreprises, les amener à être encore plus fortes sur la scène internationale. Je ne comprends donc pas votre argument, permettez-moi de vous le dire.

Le sujet n'est pas d'affaiblir CMA CGM, ni, d'ailleurs, les autres entreprises dans notre pays. Il s'agit de savoir, ce qui relève d'un point de vue différent par rapport au débat sur le patrimoine, si, à un moment donné, en matière de fiscalité, nous sommes capables de demander à certaines entreprises de réaliser un effort un peu plus important, pour permettre de mieux soutenir les autres.

Cela suppose d'opérer des transferts, de faire du rééquilibrage fiscal, d'aller chercher de l'argent dans certains endroits, par exemple pour mieux aider le secteur du logement.

Plus notre politique économique sera globale, plus elle sera essentielle pour le développement de notre pays. CMA CGM est une entreprise fière d'être française ; nous sommes tout aussi fiers qu'elle le soit et qu'elle se développe. Toutefois, CMA CGM a besoin d'être appuyée par la force diplomatique de la France, de commercer avec des ports maritimes à la productivité renforcée, à l'attractivité croissante, à la capacité d'investissement assurée. Pour cela, nous avons besoin de plus d'argent, non de moins d'État.

Par conséquent, que de telles entreprises soient mises quelque peu à contribution pour nous permettre de mieux accomplir les missions qui sont les nôtres, en vue, notamment, de soutenir leur développement, ne me paraît pas scandaleux.

Puisqu'une disposition similaire sera prévue à l'article 4 dans le cadre de la navette, par cohérence, il faut faire évoluer la taxe au tonnage pour CMA CGM.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.

M. Olivier Rietmann. Cher collègue Pierre Barros, vous avez indiqué à juste titre que CMA CGM avait contracté un prêt garanti par l'État d'un milliard d'euros. L'entreprise l'a cependant remboursé, et cette opération a largement rapporté au budget de l'État, au vu des intérêts qu'elle a payés.

M. Grégory Blanc. Elle a donc bien bénéficié d'un apport de liquidités !

M. Olivier Rietmann. Cela a été dit, la taxe au tonnage a évidemment une portée mondiale. Si nous nous y attaquons, nous allons taper sur une seule entreprise, française, et pas sur les autres, ce qui la mettra en difficulté.

Faut-il le rappeler, le nombre d'emplois liés au secteur maritime et portuaire en France est de 20 000 pour CMA CGM, mais de 500 000 pour l'ensemble du pays. Ces personnes n'apprécieraient sans doute pas que l'on mette des boulets aux entreprises qui les emploient.

Tout cela n'empêche pas CMA CGM de payer la surtaxe à l'IS, qui représente, me semble-t-il, 400 millions d'euros : voilà qui est, d'ores et déjà, une contribution exceptionnelle.

Par ailleurs, je suis surpris que le groupe écologiste dépose ce genre d'amendement. Si la taxe au tonnage a permis à CMA CGM de payer moins d'impôts, ce régime lui donne surtout les moyens d'investir, sur la période 2025-2026, un milliard d'euros dans la décarbonation de sa flotte,…

M. Grégory Blanc. C'est très bien ! (M. Guillaume Gontard approuve.)

M. Olivier Rietmann. … ce qui va tout de même dans le bon sens.

Certes, il y a eu 3,8 milliards d'euros de moindres rentrées fiscales dans les caisses de l'État en 2023 et 1,5 milliard d'euros en 2024, mais ce montant va encore baisser, car le coût du fret maritime continue de diminuer. Et ce système permet des investissements très importants dans la transition écologique.

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour explication de vote.

M. Raphaël Daubet. Ces leçons de fierté me choquent.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce ne sont pas des leçons…

M. Raphaël Daubet. Ce n'est pas du tout le moment de s'y livrer. L'an dernier, lorsque la question de la contribution exceptionnelle s'est posée, y compris pour CMA CGM, personne ne s'en est offusqué. Nous avons pris une décision parce que les finances publiques l'exigeaient : il y avait un enjeu de redressement.

Il est tout à fait normal de considérer que, cette année, une fois de plus, et peut-être cela va-t-il encore se répéter, nous avons besoin d'aller chercher des ressources nouvelles.

M. Roland Lescure, ministre. D'où mon avis de sagesse sur l'amendement n° I-1450 !

M. Raphaël Daubet. Ce n'est donc ni une question de fierté ni une volonté de « piquer de l'argent » à cette entreprise. Ce n'est pas ainsi qu'il faut le voir, et ce n'est pas notre manière de penser et de présenter le débat.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. J'ai trouvé une correspondance entre mon analyse et celle de M. le ministre : le problème vient de l'érosion de la base taxable. Voilà la réalité concrète dont nous devons parler, et c'est exactement la question que se pose l'État danois avec Maersk.

Nous avons là un groupe oligopolistique, dans un secteur où il y a donc très peu d'offreurs et énormément de demandeurs. Nous sommes tous fiers de cette entreprise, là n'est pas la question.

C'est bien pour répondre à la problématique de l'érosion de la base taxable, qui sera durable si nous ne faisons rien, que nous proposons une telle disposition, laquelle ne va pas mettre un groupe de cette importance en grande difficulté ; c'est aussi ce que propose, par exemple, l'État danois pour Maersk.

Ils ne sont que quelques armateurs à dominer le marché : c'est un monopole capitalistique, et il n'y a rien d'irrespectueux dans mon propos. À un moment donné, il faut arrêter l'érosion de la base taxable. Je le répète, la véritable question, ce n'est pas la taxe, c'est la base taxable qui échappe à nos recettes fiscales nationales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1917 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1450.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1919 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-665 rectifié, I-1918 rectifié ter et I-2478 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1456 rectifié et I-2479 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-232 rectifié bis et I-664 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-1449, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 33,3 % » ;

2° Après le a septies, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« ...° Le taux normal de l'impôt sur les sociétés mentionné au deuxième alinéa du présent I est fixé à :

« – 20 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 38 120 € et 76 240 € ;

« – 25 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 76 241 € et 152 480 € ;

« – 30 % pour la fraction de bénéfice imposable par période de douze mois comprise entre 152 481 € et 304 960 € ; ».

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Nous entendons régulièrement invoquer ce que l'on appelle la courbe de Laffer, selon laquelle plus on baisse les taux d'imposition, plus les recettes augmenteraient mécaniquement grâce à un supposé surcroît d'activité.

Voilà quarante ans que ce récit sert de justification aux politiques de réduction de la fiscalité sur le capital. Nous l'avons encore entendu ce matin, et je pense que nous continuerons à l'entendre pendant les semaines d'examen de ce projet de loi de finances pour 2026.

Permettez-moi de rappeler que la courbe de Laffer n'est ni une loi ni même une théorie robuste. Elle a été, selon les historiens eux-mêmes, littéralement dessinée au dos d'une serviette lors d'un dîner à Washington dans les années 1970 ; je ne dirai pas par qui. Et depuis, ce croquis improvisé semble valoir démonstration scientifique.

Mes chers collègues, la progressivité de l'impôt répond à quatre réalités économiques incontestables dans les économies avancées : les profits augmentent plus vite que les salaires ; les multinationales captent des rentes de monopole et d'oligopole ; l'optimisation et l'érosion des bases fiscales se sont industrialisées ; la part des bénéfices dans la valeur ajoutée ne cesse de croître.

Entre 2011 et 2021, les cent plus grandes entreprises françaises cotées en bourse ont versé en moyenne 71 % de leurs bénéfices sous forme de dividendes et de rachats d'actions. Sur la même période, les dépenses par salarié ont augmenté de 22 %, tandis que les versements aux actionnaires ont crû de 57 %. Dans ce contexte, maintenir un taux unique d'impôt sur les sociétés revient à faire peser l'effort proportionnellement plus sur les petites entreprises que sur les géants du capital.

C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter d'une mesure temporaire sur l'impôt sur les sociétés ni continuer à empiler les baisses d'impôts non financées. Ces dernières n'ont ni soutenu la croissance ni stimulé l'investissement productif.

Aussi, par cet amendement, nous proposons de rétablir le taux de l'impôt sur les sociétés à 33,3 % et d'introduire un élément de progressivité avec un barème d'impôt sur les sociétés fonction du bénéfice imposable.

M. le président. L'amendement n° I-1300 rectifié ter, présenté par MM. Capus et Laménie, Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Grand, V. Louault et Brault, Mme L. Darcos, MM. Chevalier, A. Marc et Chasseing, Mme Lermytte et MM. Levi et Pointereau, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article 219 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa du I, les taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 24 % » ;

2° Au b du I, le taux : « 15 % » est remplacé par le taux : « 14 % ».

II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Cet amendement est l'exact contraire de celui qui vient d'être présenté. Il y a un vrai débat, deux positions radicalement opposées. Les communistes veulent augmenter les impôts ; nous, nous voulons les baisser. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

En effet, en France, nous avons déjà les entreprises les plus taxées, les plus étouffées par les contributions,…

M. Emmanuel Capus. … les taxes, les redevances, les impôts de toute la zone euro, de toute l'Union européenne et même de toute l'OCDE.

Nous avons déjà les impôts les plus élevés. Les entreprises sont donc étouffées.

Et nos collègues communistes nous disent que la courbe de Laffer ne « fonctionne pas » ? Pourtant, il suffit de considérer les chiffres – notre collègue Olivier Rietmann les a rappelés tout à l'heure –, c'est mathématique. En 2016, avec un taux à 33 %, l'impôt sur les sociétés a rapporté 30 milliards d'euros. En 2024, avec un taux à 25 %, le même impôt rapporte 57,4 milliards d'euros. On a baissé le taux, et les recettes fiscales ont doublé !

La raison en est très simple ; c'est le principe qui est effectivement énoncé par la courbe de Laffer : « Trop d'impôt tue l'impôt. » Quand vous baissez les impôts, cela augmente les recettes fiscales !

Puisque nous sommes dans la théorie et le débat politique, intellectuel et économique, permettez-moi de citer Jean-Baptiste Say, économiste du XIXe siècle – c'est le siècle dans lequel vivent les communistes ; cela ne devrait pas les dépayser (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.) –, qui écrivait ceci : « Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte. Par une raison contraire, une diminution d'impôts, en multipliant les jouissances du public, augmente les recettes du fisc et fait voir au gouvernement ce qu'il gagne à être modéré. »

Comme les quatre sénateurs de Maine-et-Loire sont présents dans l'hémicycle, je voudrais rappeler que nous sommes un territoire de modération et combien nous sommes attachés à de tels principes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-1449 et sollicite le retrait de l'amendement n° I-1300 rectifié ter – j'ai bien compris qu'il s'agit d'un amendement d'appel –, qui a au moins un mérite : nous rappeler qu'en termes d'impôt sur les sociétés, la France est encore au-dessus du taux moyen des pays de l'OCDE, soit 24 %.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1449.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1300 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-670, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Thierry Cozic.