M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à conditionner les aides publiques accordées aux grandes entreprises à des engagements contraignants. En effet, dès lors qu'il est question d'argent public, il ne me paraît pas inutile de prévoir des dispositifs ciblés.

Aussi, cet amendement tend à faire coïncider nos stratégies et engagements en matière climatique et sociale et notre politique d'accompagnement des entreprises, en mettant fin à la distribution de financements publics sans condition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement – comme chaque année sur des amendements analogues…

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Parmi les nombreux chantiers que nous lancerons dès le 5 janvier 2026 figure celui des aides aux entreprises, à la suite notamment des conclusions de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises, dont Fabien Gay était le rapporteur. Nous nous sommes en effet engagés à réfléchir à ce sujet et à formuler des propositions.

Dans l'attente de ces travaux, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I- 2221 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-1847 rectifié, présenté par Mme Poncet Monge, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1 du I de l'article 244 quater F du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un montant maximal de la place d'accueil pris en charge au titre du crédit d'impôt mentionné au premier alinéa du 1 est déterminé chaque année par la Caisse nationale des allocations familiales pour chaque département, après consultation du Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et des collectivités territoriales. Ce montant tient compte des coûts de fonctionnement ou du foncier, à partir du tarif au mètre carré déterminé par les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels dans les conditions déterminées par l'article 1498 du code général des impôts. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement de ma collègue Raymonde Poncet Monge concerne les crèches privées à but lucratif.

La privatisation commerciale croissante du secteur des crèches a ouvert la porte à de multiples dérives, permises par l'insuffisante régulation de la captation des ressources publiques par quelques grands groupes privés privilégiant la rentabilité.

Parmi certaines pratiques répandues, il faut citer l'instrumentation et l'optimisation de dispositifs fiscaux tels que le crédit d'impôt famille (Cifam).

Dans leur rapport conjoint de janvier 2024 sur les modèles de financement et la qualité d'accueil des microcrèches, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) ont pointé les multiples limites de ce crédit d'impôt : ce dispositif a contribué à l'accroissement des inégalités, non seulement parce qu'il profite le plus souvent aux grandes entreprises, mais également parce qu'aucune réglementation ne plafonne le prix unitaire du berceau, ce qui a alimenté un effet inflationniste.

La liberté accordée aux microcrèches en matière de pratiques commerciales a ainsi permis aux grands groupes privés de fixer, au détriment des entreprises, des tarifs anormalement élevés.

Comme le remarque le journaliste Victor Castanet dans son livre Les Ogres, certaines entreprises, conscientes des failles du système, ont ainsi ciblé des clients aisés et fait exploser le tarif par berceau, sans que la qualité soit davantage au rendez-vous ou que le reste à charge soit moindre pour les familles.

M. le président. L'amendement n° I-2561 rectifié quinquies, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Courtial et Anglars, Mme Belrhiti, M. H. Leroy, Mme V. Boyer, MM. Sido, Levi, Khalifé et Cambon, Mme Malet, MM. Genet et Longeot, Mme Jacques, MM. Menonville et Chaize, Mme Demas, M. Milon et Mme Dumas, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article 244 quater F du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant maximal susceptible d'être pris en charge au titre du seul financement du berceau est déterminé chaque année par la Caisse nationale des allocations familiales pour chaque département, après consultation du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et des collectivités territoriales. Il tient compte des coûts de fonctionnement ou du foncier, à partir du tarif au mètre carré déterminé par les commissions départementales des valeurs locatives des locaux professionnels dans les conditions déterminées par l'article 1498 du code général des impôts. »

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Même si le dispositif de mon amendement est proche de celui que vient de présenter M. Dossus, le raisonnement et la philosophie qui le sous-tendent en diffèrent quelque peu.

Le présent amendement vise à soutenir la création de places en crèche, tout en garantissant une plus juste allocation des ressources publiques, notamment fiscales.

Le crédit d'impôt famille (Cifam) permet aux entreprises de financer des berceaux pour accueillir les enfants de leurs employés. C'est un bon dispositif, car il contribue à fidéliser les salariés. Il soutient l'emploi tout en rendant service aux parents, dans un contexte de pénurie de places en crèche.

Néanmoins, deux rapports publiés en 2024, l'un, conjointement, par l'Igas et l'IGF, l'autre par la Cour des comptes, ont révélé certains effets d'aubaine.

Afin de limiter d'éventuels abus, cet amendement a pour objet de plafonner le prix unitaire du berceau. En effet, certains berceaux peuvent être facturés entre 8 000 et 18 000 euros ! Si le Cifam prévoit déjà un plafond de dépenses éligibles à 500 000 euros, qui permet de cantonner le dispositif, le prix unitaire du berceau peut donc atteindre jusqu'à 18 000 euros. Et certaines entreprises – qui, je le précise, ne représentent évidemment pas la majorité – en profitent allègrement !

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2025, M. le rapporteur général avait indiqué que l'adoption d'une telle mesure reviendrait à créer un plafond pour l'ensemble de la niche fiscale. C'est la raison pour laquelle mon amendement tend à viser plus particulièrement le prix des places de berceau.

Cette mesure figurait d'ailleurs parmi les recommandations du rapport de la mission sénatoriale sur l'efficacité du contrôle des établissements d'accueil du jeune enfant et sur ses éventuelles défaillances, rendu public en mars 2025.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je crains que ces deux amendements n'aient pour seul effet d'empêcher certaines entreprises de soutenir la création de places en crèche, notamment dans les territoires sous-dotés, où les prix de marché sont justement très élevés en raison de la pénurie.

J'y suis donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Nous devrons avoir un vrai débat sur la politique de la petite enfance ; je ne doute pas que les échéances électorales à venir nous en offriront l'occasion.

Plusieurs missions d'inspection recommandent, dans divers rapports, de ne rien modifier aux dispositifs de crédit d'impôt en vigueur dans l'attente d'un vrai débat de société sur le modèle économique du secteur.

Aussi, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. J'entends les arguments du ministre et du rapporteur général.

Cependant, je tiens à souligner que les dérapages et les abus sont notoires, d'autant que le tarif moyen d'un berceau est connu. S'il est vrai que, pour certains marchés locaux, des spécificités peuvent expliquer une majoration des prix, cela ne peut justifier des tarifs parfois deux fois plus élevés qu'ailleurs, voire davantage !

Enfin, permettez-moi d'évoquer un cas concret : quand une entreprise achète ou réserve quarante berceaux, à 10 000 euros pièce, la dépense finale s'établit à 400 000 euros et le coût réel final s'élève à 100 000 euros. Dans le même temps, si une autre entreprise réserve vingt berceaux, à 20 000 euros l'unité, la dépense finale et le coût net final sont identiques. Or l'une fournit quarante berceaux à ses salariés, tandis que l'autre n'en procure que la moitié…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I- 1847 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I- 2561 rectifié quinquies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-2571 rectifié ter, présenté par Mmes Canalès, Poumirol, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mme Brossel, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Devinaz, Fagnen et Jomier, Mme Linkenheld, M. Lurel, Mme Le Houerou, M. Mérillou, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Stanzione, Tissot, Uzenat et Ziane, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 244 quater F du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ne sont pas éligibles au crédit d'impôt les dépenses engagées pour la réservation de places d'accueil d'enfants au sein des établissements et services mentionnés à l'article L. 2324-1 du code de l'action sociale et des familles lorsqu'elles sont facturées par un tiers qui n'est pas le gestionnaire de l'établissement accueillant effectivement l'enfant. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Le dispositif de cet amendement, défendu de longue date par notre collègue Marion Canalès, a été fort bien présenté par Thomas Dossus et Marie-Do Aeschlimann.

Je suis par conséquent un peu étonné par les craintes et par l'excessive prudence de notre rapporteur général.

Il s'agit là d'un véritable scandale, financé à 75 % par l'argent public ! Les profits excèdent 4 000 euros par berceau ! En refusant de réguler ou d'encadrer l'intermédiation, vous alimentez cette affaire.

En outre, je ne crois pas qu'une telle mesure raréfierait la concurrence ou nuirait à l'attractivité des territoires. De même, ce n'est pas la pénurie des places en crèche qui est responsable de cette situation, mais la quête de surrentabilité des grands groupes : quatre grandes entreprises, dont trois très grandes, dominent en effet le marché.

Nous proposons donc, par cet amendement, de réduire l'éligibilité au crédit d'impôt en excluant les plateformes réservataires du dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I- 2571 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze,

est reprise à quatorze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2026, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 138, rapport n° 139, avis nos 140, 141, 142, 143, 144 et 145).

Dans la discussion des articles, nous examinons par priorité, au sein du titre Ier de la première partie, l'article 11.

Après l'article 4
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2026
Après l'article 11 (priorité)

Article 11 (priorité)

I. – L'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 est ainsi modifié :

A. – Au 1° du Q du I :

1° Le f bis est abrogé ;

2° Le début du g est ainsi rédigé :

« g) Au même dernier alinéa, dans sa rédaction résultant du f du présent 1° le taux : « 1,438 % » est remplacé… (le reste sans changement) ; »

B. – Au XXVII :

1° Aux G bis, H, I et J, l'année : « 2030 » est remplacée par l'année : « 2028 » ;

2° Au I ter, les mots : « et de 2028 » sont supprimés ;

3° Aux I quater et I quinquies, l'année : « 2029 » est remplacée par l'année : « 2027 » ;

4° Le I sexies est abrogé.

II. – Aux G, H et I du IV de l'article 79 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, l'année : « 2029 » est remplacée par l'année : « 2027 ».

III. – Les I, II et VI de l'article 62 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 sont abrogés.

IV. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2026.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, cet article 11 vise à accélérer la trajectoire de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Nous avons, chaque année, le même débat, et je regrette, monsieur le ministre, les revirements des gouvernements successifs sur ce sujet dans le cadre de chaque programmation budgétaire, et ce depuis la loi de finances initiale pour 2023. Cette instabilité nuit à la lisibilité du cadre fiscal applicable à nos entreprises, ainsi qu'à leur capacité à se projeter et à investir, et affecte également nos collectivités.

La position de la commission, elle, est constante : compte tenu du caractère anti-économique de la CVAE, la suppression de cet impôt doit être menée à son terme. Il me semble que l'article 11 repose sur une approche équilibrée, conciliant, d'une part, un soutien immédiat à nos entreprises industrielles, et d'autre part, la nécessité de ne pas dégrader trop brutalement, à court terme, les recettes du budget de l'État.

Cet équilibre doit être préservé. C'est la raison pour laquelle j'émettrai un avis défavorable tant sur les amendements visant à supprimer définitivement la CVAE dès 2026 que sur tous ceux qui tendent à rétablir cette contribution, sous différentes formes.

Je suis également défavorable à l'idée de conditionner la suppression de la CVAE au respect, par les entreprises, de l'obligation de publication d'un bilan de leurs émissions de CO2. Nous le disons, année après année : cette mesure complexifierait inutilement le travail des services chargés du contrôle fiscal en détournant la CVAE de son objectif économique pour en faire un instrument de coercition environnementale.

Par ailleurs, je constate que plusieurs amendements ont pour objet de réaffecter la part résiduelle de la CVAE aux collectivités locales. Je ne vois pas quel serait l'intérêt de leur attribuer un impôt voué à disparaître, sur lequel elles ne disposent d'ailleurs d'aucun pouvoir de taux et dont les baisses successives ont déjà été compensées par une fraction de TVA.

Je ne serai guère plus favorable aux mesures visant à modifier les modalités de calcul des fractions de TVA affectées aux collectivités territoriales en compensation de la suppression de la CVAE. Ces propositions ne s'appuient sur aucun compromis validé par l'une ou l'autre chambre du Parlement. Elles me semblent, en outre, déconnectées des attentes des élus locaux, qui souhaitent avant tout de la stabilité et de la visibilité sur leurs ressources, plutôt que soient remises en cause, chaque année, des règles établies.

Pour toutes ces raisons, je le redis, j'émettrai un avis défavorable sur tous les amendements à l'article 11.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Roland Lescure, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, le rapporteur général a parlé d'or : je le rejoins entièrement et émettrai le même avis que lui sur l'ensemble des amendements à l'article 11.

Le Gouvernement soutient bien entendu la poursuite de la suppression de la CVAE. En effet, la France détient la médaille d'argent au classement européen des impôts de production ! Or l'effet pervers des impôts de cette nature est qu'ils contraignent leurs contributeurs à s'en acquitter avant même d'avoir commencé à gagner de l'argent ! Ils ont donc un impact direct sur la compétitivité des entreprises.

Actuellement, 300 000 entreprises, dont des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), sont redevables de la CVAE. C'est donc cet impôt que le Gouvernement a souhaité réduire en priorité.

Aussi, j'émettrai également un avis défavorable sur tous les amendements visant à annuler la suppression de cette contribution, à en accélérer le calendrier de mise en œuvre ou à en modifier les modalités de compensation.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° I-31 est présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° I-663 est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° I-1440 est présenté par MM. Savoldelli et Barros, Mme Apourceau-Poly, MM. Bacchi, Basquin et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Ouzoulias, Mmes Silvani et Varaillas, M. Xowie, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l'amendement n° I-31.

Mme Ghislaine Senée. J'hésite à maintenir cet amendement : puisque l'on sait d'avance que les avis de la commission et du Gouvernement seront défavorables, à quoi bon poursuivre nos débats ?

Le présent amendement a pour objet de supprimer l'article 11, lequel vise à accélérer la trajectoire de suppression de la CVAE, après l'avoir retardée l'an dernier en raison du contexte budgétaire. La mesure prévue par cet article, mes chers collègues, nous fera perdre 1,1 milliard d'euros…

Je m'attendais à ce que nous parvenions à un consensus sur le sujet : en effet, nous nous accordons tous à reconnaître que la suppression de la taxe d'habitation a rompu le lien entre les collectivités et leurs habitants. Or nous nous inscrivons dans la même logique en désolidarisant, cette fois, les entreprises de leurs territoires.

Monsieur le ministre, vous répondez à notre demande de stabilité et de lisibilité en indiquant que, demain, la suppression de la CVAE sera compensée par des fractions de TVA. Or, comme nous le verrons ultérieurement, les versements de TVA n'ont rien de stable, puisque la dynamique de cette taxe est souvent gelée. Ce n'est donc pas la voie à suivre.

Par ailleurs, ce qui choque le plus les membres de mon groupe, c'est que nous faisons encore un cadeau de 1,1 milliard d'euros aux entreprises ! Depuis le début de l'examen de la première partie de ce projet de loi de finances, nous nous sommes déjà privés de recettes considérables que le Gouvernement proposait dans la copie initiale : cela présage une seconde partie catastrophique…

J'aurais souhaité que nous respections, a minima, la trajectoire actuelle de suppression de la CVAE, au lieu de l'accélérer : il y va en effet de l'autonomie fiscale de nos communes.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l'amendement n° I-663.

Mme Isabelle Briquet. Cet amendement de suppression de l'article 11 est identique à celui de Ghislaine Senée.

Mes chers collègues, nous nous apprêtons à réduire un impôt, pour un coût très important, sans que le moindre scénario macroéconomique n'en ait validé l'efficacité.

Et ce n'est pas tout : contrairement à ce que prétend le discours officiel, les grandes gagnantes de cette opération ne sont pas les PME. Aucune étude ne prouve ce que vous avancez, monsieur le ministre.

Ghislaine Senée l'a rappelé : l'impact de cette baisse d'impôt pèse pour 1,1 milliard d'euros dans le budget de l'État, alors que celui-ci est déjà sous tension.

Avons-nous besoin d'une telle mesure, quand on sait qu'elle ne nous permettra pas d'atteindre nos objectifs ?

Vous avez raison : continuons donc à réduire les recettes dont nous avons grandement besoin…

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l'amendement n° I-1440.

M. Pierre Barros. Comme les orateurs précédents, je m'oppose à la suppression de la CVAE.

Monsieur le rapporteur général, nous ne devons pas rencontrer les mêmes élus sur le territoire ! Je suis conseiller municipal et membre d'une intercommunalité, la communauté d'agglomération de Roissy Pays de France. Un très grand nombre de projets de développement économique, notamment industriels, y ont cours, plaçant ce territoire à la tête de la région parisienne en termes d'essor économique.

Eh bien, sachez que les élus de Roissy Pays de France et, plus largement, de l'est du Val-d'Oise sont tout à fait opposés à la suppression des impôts économiques ! En effet, ces impôts garantissent des ressources à ces territoires, qui bénéficient autant qu'ils pâtissent de ce développement.

Certes, l'aéroport de Roissy, c'est énormément de valeur ajoutée, mais ce sont aussi beaucoup de nuisances liées au bruit, à la pollution et aux flux. L'intercommunalité a donc besoin de moyens, d'autant plus qu'elle compte de nombreuses communes pauvres, à l'instar de Villiers-le-Bel, Sarcelles ou encore Garges-lès-Gonesse.

Si nous rompons ce lien entre les entreprises qui produisent ces richesses et les territoires qui en ont besoin, je ne vois pas pourquoi les collectivités continueraient à mobiliser des moyens pour accompagner le développement économique.

Cette mesure, enfin, pose un autre problème, tout aussi vertigineux pour les comptes publics : celui de la compensation. Celle-ci n'est jamais à la hauteur des recettes perdues. Or il s'agit là d'une conséquence insupportable pour les collectivités. Arrêtons le massacre !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je soutiens bien entendu ces amendements, pour une raison simple : j'ai toujours été opposé à la suppression de la CVAE. Je n'ai pas changé d'avis !

Il est question ici du dialogue entre l'État et les collectivités, puisque celles-ci ne touchent déjà plus la CVAE. Cette contribution a été compensée, dans des conditions qui ont été rappelées.

On a commencé par supprimer la moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Ensuite, c'est à 4 milliards d'euros de CVAE que nous avons renoncé.

Les 4 milliards d'euros restants ont tout d'abord été divisés en quatre parts par Bruno Le Maire. Mais finalement, cela s'est révélé tellement compliqué que la suppression totale a été reportée de plusieurs années. Et, comme si l'État était devenu riche, vous revenez à cette proposition dans ce budget ! Je ne crois pourtant pas que ce soit la bonne année pour voter une telle mesure…

La CVAE soulève aussi le problème de la relation entre l'État et les entreprises. À ce titre, je me souviens très nettement des propos de Patrick Martin. Interrogé l'année dernière, à la radio, sur le report de la suppression de la CVAE, répartie en un milliard d'euros chaque année pendant quatre ans, par Bruno Le Maire, il disait : « 1 milliard, cela ne sert à rien ! ». Réécoutez cette interview !

Pourquoi cela ne sert-il à rien ? Tout simplement parce qu'il n'y a pas d'effet de masse ! Supprimer 4 milliards d'euros, cela peut faire bouger les choses ; supprimer 1 milliard, cela se perd dans les sables… Ces propos avaient d'ailleurs mis Bruno Le Maire extrêmement en colère…

Patrick Martin a raison : appliquons donc l'idée du Medef (Mouvement des entreprises de France) ! (Sourires sur les travées du groupe SER. – M. Thierry Cozic applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que les impôts sur la production étaient un facteur de compétitivité et qu'il ne fallait pas taxer les entreprises avant qu'elles n'aient gagné le moindre euro.

Malheureusement, dans une étude publiée le 17 octobre 2025, l'Institut des politiques publiques (IPP) indique qu'une baisse ou une suppression de la CVAE n'aurait aucun effet significatif sur les résultats, l'activité ou l'investissement des entreprises. Il s'agit donc d'une dépense publique massive, sans effet ni impact démontré.

Comme l'a rappelé le président de la commission, cette suppression a été échelonnée. Or ce saupoudrage n'a pas entraîné d'effets de masse sur l'économie et sur les entreprises.

Par ailleurs, on nous dit toujours que les PME seront les grandes gagnantes de cette mesure ; là encore, l'étude de l'IPP le contredit. Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, ce sont les grandes entreprises et les ETI, notamment industrielles et exportatrices, qui ont capté l'essentiel des baisses d'impôts. Or une telle disposition représente un coût budgétaire insoutenable dans la période actuelle !

Les baisses d'impôts de cette nature – c'est une étude qui le démontre – n'ont pas prouvé leur efficacité économique. En outre, les mécanismes de compensation réduisent l'autonomie financière des collectivités et, finalement, participent à la déterritorialisation des impôts, ce que nous regrettons tous.

Ces mesures sont sans effet et ne témoignent d'aucune cohérence stratégique. C'est une baisse pour rien. Aussi, je soutiendrai ces amendements à l'article 11.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je souhaite vous livrer un modeste témoignage. Au préalable, je veux saluer le travail de qualité fourni par la commission des finances, dont les rapports de grande valeur, qui font 600, 700, voire 800 pages, contiennent des rappels historiques, ce que j'apprécie. En effet, je suis un nostalgique – j'en parlais tout à l'heure avec Pierre Barros. Je considère pour ma part qu'il n'est pas inutile d'évoquer le passé.

Autrefois, il y avait la patente, cet impôt lié à l'exercice d'une activité professionnelle, puis la taxe professionnelle, qui a été supprimée par la loi de finances de 2010 et remplacée par la contribution économique territoriale (CET), laquelle se compose de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Si tous les articles du projet de loi de finances sont importants, l'article 11 l'est particulièrement, puisqu'il vise à réduire progressivement le taux de la CVAE.

Depuis hier, nous parlons des impôts de production et nous disons qu'il faut soutenir les entreprises, le monde économique. Au sein du groupe Les Indépendants – République et Territoires, nous en sommes tous persuadés. Je soutiens d'ailleurs les propos de notre collègue et porte-parole Emmanuel Capus.