M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, c'est du fonctionnement de la démocratie qu'il est question ici : quand des décisions plaisent à une partie de l'hémicycle, cela vaut pour l'avenir ; mais quand d'autres décisions ne lui conviennent pas, alors elles sont sempiternellement remises en cause... Ce climat concourt à la « bordélisation » générale ! (Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) Je le pense !

Lorsque la crise sanitaire est survenue, des mesures exceptionnelles ont été prises à tous les niveaux, notamment avec les collectivités et en leur faveur.

Je me souviens des débats sur la compensation pour les opérateurs privés dans le cadre des délégations de service public (DSP), et des difficultés que rencontraient les régies des collectivités. À chaque fois, le Gouvernement s'est efforcé d'apporter des ajustements, et nous l'avons soutenu en cela. Il ne faut pas l'oublier !

Sur la décision de supprimer la CVAE, le Parlement s'est prononcé de manière souveraine.

Je veux bien que l'on refasse le match, mais il faut tout de même rappeler quelques évidences : notre pays affiche un très haut niveau de prélèvements obligatoires, un très haut niveau de dépenses publiques et un très haut niveau de déficit public. Par ailleurs, notre croissance est relativement faible et le niveau de déficit de notre commerce extérieur est très préoccupant.

S'il y a eu un sursaut de croissance au troisième trimestre 2025, nous le devons, permettez-moi de le dire, à quelques grands secteurs industriels et à de grands opérateurs industriels – ceux à qui vous déploriez ce matin que l'on fasse des cadeaux.

Par ailleurs, si j'entends les conclusions des études que vous avez citées, je regarde aussi les résultats des sondages : 78 % des Français jugent que les impôts sont trop élevés dans notre pays. (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Fabien Gay. Pas les impôts sur les entreprises !

M. Vincent Éblé. Et pas 100 % ? Cela ne veut rien dire !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Laissez-moi poursuivre, je ne vous ai pas interrompus !

Vous serez d'accord avec moi pour constater que ces 78 % de Français – ils étaient 75 % il y a deux ans – ne paient pas tous l'impôt sur le revenu, et qu'ils ne sont pas tous soumis à des prélèvements fiscaux qu'ils jugent trop élevés... Et la dérive continue.

Nous avons donc fait le choix de procéder à des réglages un peu différents et d'envoyer des signaux pour que la croissance économique, qu'il faut absolument préserver, soit au rendez-vous – ou en tout cas pour que l'effet récessif ne soit pas trop important –, et afin de donner des perspectives. Si l'on considère la situation du pays, on ne peut pas dire que l'on ait brillamment réussi jusqu'à présent...

Dans ce contexte global, il nous faut donc diminuer la dépense publique et abaisser le niveau des impôts pour favoriser un sursaut de croissance. C'est une trajectoire comme une autre, qui n'est pas forcément partagée par tout le monde, mais c'est celle que le Sénat défend depuis un certain temps !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. On peut changer les règles du jeu une fois que le match a été joué, mais ce n'est pas juste.

Une discussion sur la compensation de la CVAE a eu lieu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, et la mesure a été adoptée – le rapporteur général l'a dit – dans les deux chambres sur la base d'une moyenne des années 2020, 2021, 2022 et 2023.

En 2021 et 2022, les recettes de TVA étaient plus dynamiques que celles de la CVAE, d'après ce que l'on en savait. On a donc eu tendance, sur la base des moyennes historiques, à surcompenser.

Si l'on commence à dire que l'année 2023 a été un peu meilleure que prévu et qu'il faut donc compenser, que fera-t-on si tel n'est pas le cas pour 2024 ?

La règle qui a été adoptée est, sur une longue période, très largement favorable à la compensation. Aussi, je maintiens l'avis défavorable du Gouvernement sur tous ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. M. le rapporteur général s'est opportunément livré à un cadrage d'ensemble.

Je suis très à l'aise pour parler de ce sujet puisque je me suis abstenu, ce matin, sur la suppression de la surtaxe d'impôt sur les sociétés. Sur cette affaire de CVAE, j'étais partagé. Le groupe Union Centriste a d'ailleurs plusieurs fois rappelé que le fait de baisser le niveau des recettes alors que l'on rencontre un problème de déficit n'est pas forcément l'approche la plus judicieuse...

Nous avons un problème de temporalité : il faut aujourd'hui, certes, faire des économies, mais aussi améliorer le taux d'emploi et soutenir l'activité. Lorsque l'on aura atteint un niveau de croissance et un taux d'emploi bien supérieurs, nos affaires financières seront un peu « hors d'eau »…

La difficulté, c'est que nous devons faire deux choses contradictoires.

La surtaxe de l'impôt sur les sociétés avait, il est vrai, un effet récessif, bien documenté. Quant à la CVAE, cela reste un boulet : si l'on compare notre situation avec celle de nos partenaires européens, on constate que l'on taxe trop les entreprises avant même qu'elles aient pu engranger le moindre bénéfice. Nous sommes devant cette contradiction.

Pour autant, nous sommes en première lecture. La question qui se posera demain est celle de l'équilibre entre l'effort demandé aux entreprises et l'effort demandé aux particuliers. De ce point de vue, concernant le barème de l'impôt sur le revenu – je l'ai dit hier, mais aussi lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à propos de l'indexation des retraites –, il convient d'envoyer des signaux et de montrer que l'effort est bien réparti. Et d'ici à la fin du parcours parlementaire de ce texte, nous aurons intérêt à bouger légèrement les curseurs.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je vous le dis avec beaucoup de respect, monsieur le rapporteur général, je goûte peu votre leçon visant, selon moi, à remettre en cause le droit d'amendement et le droit de l'opposition à débattre de façon acceptable de l'ensemble des sujets.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce n'est pas ce que je dis !

M. Fabien Gay. Ou alors il faut nous dire franchement que vous souhaitez vous passer de nous ; dans ce cas, nous nous en irons... Vous laissez entendre qu'il y a, d'un côté, des gens responsables et, de l'autre, des irresponsables qui souhaiteraient rouvrir perpétuellement tous les débats.

Or vous vous êtes contredit. En effet, la CVAE devait initialement s'éteindre en 2030, puis vous nous avez proposé une suppression en 2028 ; et il faudrait maintenant qu'elle disparaisse dès aujourd'hui ?

Vous remettez en cause la décision que vous-même avez prise. Personne ne vous le reprochera puisque notre débat est démocratique. Même si nous ne sommes pas d'accord avec vous, nous ne vous dirons jamais que vous êtes irresponsable ! Attention à ce type d'argumentaire, que vous venez vous-même de battre en brèche !

Je vous le dis sereinement, le débat parlementaire, et notamment le débat sénatorial, doit se situer à un autre niveau : nous déposons des amendements ; vous êtes en désaccord politique et vous l'exprimez en vous fondant sur des faits établis ; le débat a lieu, puis il est tranché, et l'on vote. Pour notre part, nous respecterons toujours le résultat du vote. Mais l'argument d'autorité que vous venez d'employer pour nous faire taire n'est pas admissible dans cet hémicycle !

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.

Mme Ghislaine Senée. M. le rapporteur général nous a expliqué qu'il y avait trop de prélèvements. Mais qu'est-ce que voient les Français aujourd'hui ?

Ils voient qu'il y a 10 millions de pauvres en France, que les services publics se dégradent, alors que la richesse de cinq cents familles a explosé en sept ans.

Ils voient que des entreprises, notamment des PME, sont à la peine parce qu'elles ne bénéficient pas des baisses d'impôt qui profitent aux grandes entreprises. C'est la réalité ! Et puisque les petites entreprises représentent le premier employeur, alors le chômage repart.

Vous nous expliquez depuis huit ans que la France est le champion du monde des prélèvements obligatoires. Mais en réalité, le modèle que vous défendez ne fonctionne pas ! Cela fait huit ans que les Français se serrent la ceinture et attendent des résultats ; or c'est l'inverse qui se passe.

M. Vincent Delahaye. Cela fait quarante ans que l'on augmente les impôts !

Mme Ghislaine Senée. Mon collègue Fabien Gay vient de dire que l'on ne pouvait pas vous traiter d'irresponsables. Je pense, quant à moi, que vouloir maintenir un modèle qui ne fonctionne pas est une preuve d'irresponsabilité !

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Mon propos s'inscrit dans la continuité de celui de Ghislaine Senée.

On nous explique depuis huit ans que la politique de l'offre, qui est l'œuvre d'Emmanuel Macron et qui a été mise en place à partir de 2017, est formidable. Or, aujourd'hui, nous avons sous les yeux l'exemple type d'une politique complètement inefficace, avec un capitalisme sous perfusion – hier, je parlais de stéroïdes fiscaux : des aides publiques aux entreprises qui atteignent un niveau record et ne sont pas conditionnées, et des baisses d'impôt permanentes en faveur des sociétés.

Si la politique de l'offre était si efficace, elle devrait créer de l'emploi !

M. Roland Lescure, ministre. On en a créé !

M. Thierry Cozic. En 2024, le ministre Bruno Le Maire...

M. Albéric de Montgolfier. Ah non, pas lui !

M. Thierry Cozic. ... avait dit, sur le site de l'usine Renault de Sandouville, que la réindustrialisation de la France était le plus grand succès du macronisme. Cette assertion ne résiste pas à l'analyse !

La part de l'industrie manufacturière dans le PIB est passée en deçà de 10 % cette année, pour la première fois depuis les débuts de la Ve République. Et la part de l'emploi industriel dans la totalité de l'emploi salarié privé est passée de 16,4 % en 2018 à 15,4 % en 2024.

Monsieur le ministre, vous claironnez sur tous les plateaux de radio et de télévision que, selon les prévisions, les chiffres devraient être bons en 2025. Or, selon une étude récente de Trendeo, les usines sont moins nombreuses en France : le pays a perdu, en net, 25 usines au premier semestre 2025 ; et au second semestre de l'année 2024, l'Hexagone avait déjà perdu 34 usines.

La CGT a dénombré 300 plans de licenciements, et de 130 000 à 200 000 emplois menacés ou supprimés depuis septembre 2023.

S'agissant des investissements directs étrangers (IDE), nous serions les champions d'Europe. C'est vrai pour ce qui est du nombre d'entreprises, mais pas pour ce qui est des valeurs, des volumes et du nombre d'emplois salariés, pour lesquels la France se situe à peu près dans la moyenne européenne.

Ces quelques exemples sont significatifs des résultats de la politique qui a été menée, une politique qui a ruiné notre pays et l'a mis en très grande difficulté budgétaire. Et vous continuez !

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Je voudrais répondre à Ghislaine Senée et à Fabien Gay. Que voulons-nous faire ? Améliorer la situation des Français. Comment y parvenir ? Par le travail notamment. Pour développer le travail dans notre pays, il faut des entreprises qui soient compétitives, particulièrement sur les marchés internationaux.

Nous cherchons donc à assurer la compétitivité de nos entreprises sur un marché de plus en plus globalisé, caractérisé par le marché unique européen et la concurrence internationale. Pour cela, il faut réussir à diminuer les charges qui pèsent sur les entreprises. Tel est précisément le sens de l'article 11.

Selon le rapport de la commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises de notre collègue Fabien Gay, « il […] ressort que le prélèvement net sur les sociétés non financières françaises atteint 20 % de la valeur ajoutée brute, soit le deuxième plus élevé de l'Union européenne ».

M. Fabien Gay. Il faut lire le reste !

M. Michel Canévet. Le constat est clair : nos entreprises ont des boulets aux pieds. C'est pourquoi nous devons les soulager, comme nous essayons de le faire avec ces mesures qui auront des répercussions à l'avenir – il ne faut pas en attendre des résultats immédiats.

Louis Vogel nous a récemment conviés à une rencontre avec Philippe Aghion, prix Nobel d'économie, qui rappelait que les principaux handicaps de la France sont le taux d'emploi et le taux d'innovation. Il est impératif, mes chers collègues, de tout faire pour améliorer ces deux leviers. Et c'est par les entreprises que cet objectif sera atteint.

Il est temps d'en prendre conscience : ce que nous faisons aujourd'hui vise justement à améliorer la situation économique globale, ainsi que celle de l'ensemble des Français. Je rappelle que la France est l'un des pays du monde où la redistribution est la plus importante.

M. Olivier Rietmann. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Nous avons – et c'est tout le sujet – un désaccord politique de fond.

M. Roland Lescure, ministre. Oui !

M. Grégory Blanc. Qu'est-ce que la productivité ? Lorsqu'un département n'est plus en mesure d'entretenir un pont et qu'il le fait fermer, contraignant les salariés et les entreprises de logistique à faire des détours et à perdre du temps, est-ce de la productivité ? Si nous souhaitons accroître la productivité de notre pays, il faut des infrastructures de qualité.

Nous faisons face au dérèglement climatique. Nous le savons, nous avons devant nous un mur d'investissement et il faudra adapter nos infrastructures – nos routes, nos digues, le rail –, mais également nos universités. Car c'est justement tout cet écosystème qui contribue au développement et au soutien de nos entreprises qui a décroché depuis un certain nombre d'années.

Les grands groupes internationaux qui choisissent de s'implanter en France mettent en avant deux critères : d'une part, la qualité de nos infrastructures ; d'autre part, celle de notre main-d'œuvre. Si les deux déclinent, nous perdrons inévitablement en attractivité.

Or il faut au contraire l'améliorer : c'est le premier effort à faire.

Le deuxième effort, c'est de trouver de nouvelles marges pour les réorienter vers le soutien aux entreprises – en améliorant les infrastructures, comme je viens de l'évoquer – et pour aider d'autres secteurs économiques qui sont en souffrance et dont nous avons besoin – je pense aux secteurs du logement et du bâtiment, où les besoins sont réels et dans lesquels le tissu des PME est en difficulté.

De grâce, ne nous faites pas le coup d'opposer ceux qui défendent les entreprises et ceux qui s'y refuseraient ! Vous avez rejeté tout à l'heure l'un de nos amendements qui visait à soutenir les très petites entreprises (TPE) en abaissant leur fiscalité. Vous avez préféré diminuer celle des grands groupes !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Mon explication de vote vaudra défense de l'amendement n° I-1444. Vous noterez que je fais gagner du temps à notre assemblée…

D'abord, je ne comprends pas pourquoi, depuis trois jours, on noircit autant le tableau en matière de compétitivité. Vous nous expliquez, mes chers collègues, que nos entreprises ne sont pas compétitives et qu'elles n'ont pas les moyens de se battre pas dans la jungle financière mondiale. Mais nous avons tous observé que le produit de l'impôt sur les sociétés avait augmenté de 5 milliards d'euros. Si les entreprises françaises se portaient si mal, alors que nous n'avons pas relevé le taux de cet impôt – vous avez veillé au grain ! –, comment expliquer un tel rendement ?

De nombreuses entreprises en France travaillent et s'en sortent très bien. Arrêtez de noircir les choses ! Ces 5 milliards d'euros proviennent du travail des entreprises, de leurs salariés et de leurs dirigeants. Il est faux de dire que tout va mal !

Durant nos longues journées de débat, il peut nous arriver d'avoir un coup de chaud ou d'employer une expression maladroite. Mais nous avons raison de demander que commission et Gouvernement expliquent leurs positions et argumentent.

Nous avons tous été élus locaux ici. Je n'invente donc rien quand je m'interroge sur les évolutions de la CVAE : comment les maires, les présidents de département ou de région font-ils pour gérer les réformes successives de cette imposition ? La CVAE a connu cinq trajectoires différentes en cinq ans, mes chers collègues ! La donne a changé presque chaque année : réduction de moitié du taux en 2021 ; suppression en 2023 ; étalement dans le temps en 2024 ; report de la suppression en 2025 ; et, finalement, modulation de la trajectoire en 2026… Comment l'exécutif d'une collectivité locale fait-il pour établir son plan pluriannuel d'investissement (PPI) ?

La question dont nous débattons révèle un problème : le fait qu'un impôt national – la TVA, que certains souhaitent d'ailleurs augmenter significativement – vienne désormais compenser un impôt économique local. Cela ne va pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1676 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1439 et I-1886 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° I-193 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, M. Montaugé, Mme Le Houerou, M. Bourgi, Mme Canalès, MM. Ros, Devinaz et Redon-Sarrazy, Mme Matray, MM. Fichet, Pla, Ziane et Bouad, Mme Bélim, MM. P. Joly, Féraud et Kerrouche, Mme Monier et M. Tissot, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... – Le B du présent I n'est pas applicable aux entreprises soumises à l'obligation prévue à l'article L. 229-25 du code de l'environnement qui n'ont pas satisfait à cette obligation pour l'exercice clos au 31 décembre 2025.

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Il s'agit d'un amendement de repli. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je ne suis pas favorable à l'accélération du calendrier de suppression de la CVAE, mais je souhaite au moins faire en sorte que cette anticipation, si elle est imposée, soit liée au respect d'obligations environnementales par les entreprises.

Je souhaite revenir sur les propos du rapporteur général, qui reprochait aux oppositions de ne pas tenir compte des positions passées, de parler toujours des mêmes sujets et, peut-être aussi, de manquer parfois de cohérence.

Je le rappelle, nous avions prévu que la surtaxe de l'impôt sur les sociétés ne dure qu'un an ; la mesure devait être exceptionnelle. Or, pour d'autres dispositifs exceptionnels, tels que des suramortissements également prévus pour un an, on invoque l'argument des besoins des entreprises pour justifier leur prolongation. Il existe donc un « deux poids, deux mesures » au bénéfice des entreprises, et, surtout, au détriment de nos recettes fiscales.

Comme l'a très bien dit mon collègue Thierry Cozic, nous nous rendons compte que la politique de l'offre n'a pas eu les effets escomptés. Elle était censée relancer l'activité, ce qui n'a pas été le cas. Elle devait permettre à l'État d'engranger des recettes supplémentaires ; nos finances publiques ne se trouveraient pas dans cette situation si tel avait été le cas.

Alors que nous constatons l'échec de cette politique, vous appuyez sur l'accélérateur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour explication de vote.

M. Pierre Barros. Je serai très bref, car nous avons déjà beaucoup discuté de la CVAE. Mes chers collègues, il est encore temps de considérer que vous n'avez pas bien évalué les termes du sujet. Après avoir écouté les élus des communes et des départements, il est encore temps de reconnaître qu'il est nécessaire de réexaminer la question dans un cadre plus large.

Je veux revenir sur un épisode intéressant, survenu le 18 juin 2017. François Baroin, alors président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), a déclaré – ce ne sont pas tout à fait les mots qu'il a employés, mais le sens y est – au Président Macron, qui venait d'être élu, à propos de la suppression de la taxe d'habitation : « Monsieur le Président, vous attaquez un impôt qui ne vous appartient pas. »

C'est exactement la même chose pour la CVAE ! Nous sommes en train de supprimer un impôt qui appartient aux territoires. Et il se passera la même chose que pour la taxe d'habitation : on va faire tourner la machine – pour la taxe d'habitation, cela a commencé il y a plusieurs mois, voire quelques années – ; on va préparer des propositions de loi pour « retricoter » un dispositif mal ficelé – une fois que le mal est fait, il est difficile de revenir en arrière – et rétablir ce lien fondamental entre la population, l'impôt et le financement des services publics.

La page de la CVAE n'est pas complètement tournée. Autorisons-nous une pause pour examiner ce dossier sérieusement. Je peux entendre que les entreprises ont besoin d'une détente fiscale, même s'il existe manifestement une certaine marge, mais elles ont également besoin de collectivités suffisamment solides pour soutenir les services publics et agir en matière de logement.

Le préfet du Val-d'Oise, avec qui j'ai eu une longue discussion, estime que le logement est la mère des batailles si l'on veut soutenir le développement économique. Sans logement, il n'y a pas de développement économique ! La boucle est bouclée...

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-193 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-1444, présenté par MM. Barros et Savoldelli, Mmes Cukierman et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Brossat, Mmes Brulin et Corbière Naminzo, MM. Corbisez et Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Ouzoulias, Mmes Silvani et Varaillas, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« .... – À compter de 2026 et jusqu'à sa suppression définitive, le produit net de la taxe sur la valeur ajoutée, défini comme le produit brut budgétaire de l'année, déduction faite des remboursements et restitutions effectués par les comptables assignataires, est affectée aux communes qui ne sont pas membres d'un établissement public de coopération intercommunale mentionné à l'article 1609 nonies C du code général des impôts, à la métropole de Lyon pour sa part intercommunale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et aux établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au I de l'article 1379-0 bis du même code, ainsi qu'aux départements, à la Ville de Paris, au Département de Mayotte, à la métropole de Lyon pour sa part départementale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, à la collectivité territoriale de Guyane, à la collectivité territoriale de Martinique et à la collectivité de Corse.

« Un décret en Conseil d'État fixe, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2026
Article 12 (priorité)

Après l'article 11 (priorité)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-49 rectifié ter, présenté par MM. Capus et Laménie, Mmes Paoli-Gagin et Bourcier, MM. Grand, V. Louault et Brault, Mmes L. Darcos et Lermytte et MM. Chevalier, A. Marc, Rochette, Pointereau et Levi, est ainsi libellé :

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles L. 137-30 à L. 137-39 du code de la sécurité sociale sont abrogés.

II. – La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Je vais mettre tout le monde d'accord : dans la mesure où la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) n'appartient pas aux collectivités territoriales, il n'y a pas de problème, les ponts vont tenir ! Je propose donc de la supprimer.

M. Savoldelli a été distrait : il n'a pas remarqué que, depuis hier, nous avons prorogé la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), créé une taxe sur les holdings et institué un impôt sur la fortune improductive. Ce matin, nous avons même mis en place une contribution exceptionnelle sur les rachats d'actions. Bref, notre collègue doit être sourd d'une oreille pour ne pas avoir entendu que tous ces impôts avaient été créés ou prorogés !

Il est désormais temps de commencer à en supprimer : nos entreprises sont soumises à trop d'impôts.

Nous devons favoriser la productivité. Or il existe un impôt encore plus stupide que les autres : la C3S. Pourquoi ? Parce que l'entreprise paie cet impôt de production même lorsqu'elle est déficitaire ! C'est un impôt vraiment débile, presque aussi bête que la taxe Zucman… Il a, par ailleurs, un effet négatif non négligeable : il est particulièrement nocif pour l'industrie, parce que le bien est taxé plusieurs fois, à chaque étape de la chaîne de production. Nous devons donc impérativement supprimer la C3S, mes chers collègues.

Puisqu'il faut rester mesuré et dans la mesure où j'ai bien compris, monsieur le rapporteur général, que l'avis de la commission des finances était défavorable sur ce type d'amendement, je maintiens certes ma demande sur le fond – nous la réexaminerons lors d'une prochaine occasion –, mais je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° I-49 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° I-1740 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Bilhac et Cabanel, Mme Guillotin, M. Guiol, Mmes Jouve, Pantel et Girardin et M. Masset, est ainsi libellé :

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa de l'article L. 137-32 du code de la sécurité sociale, après les mots : « après application d'un abattement égal à »,  le nombre : « 19 » est remplacé par le nombre : « 50 ».

II. – La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Michel Masset.