M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la deuxième fois consécutive, en six ans de mise en œuvre, que la trajectoire définie par la loi de programmation de la recherche, qui était supposée soutenir un réinvestissement de 25 milliards d'euros pour la période 2020-2030, n'est pas respectée.

En 2026, il sera alloué au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » quelque 453 millions d'euros de moins que ce que prévoyait à l'origine la LPR.

En tenant compte des 250 millions d'euros d'annulations de crédits en cours de gestion et l'accumulation des charges non compensées aux organismes de recherche, on ne peut que se demander si la LPR demeure une référence pertinente ou si elle est désormais caduque, cinq années seulement après son adoption.

Je tiens à le rappeler, l'effort de recherche français, c'est-à-dire la dépense intérieure de recherche et développement (R&D), rapportée au PIB, s'élève à 2,2 %. Ce chiffre reste nettement en deçà de l'objectif de 3 % fixé par l'Union européenne, dans le cadre du programme Horizon Europe, et est très inférieur à l'effort consenti par des pays tels que la Corée du Sud, Israël ou les États-Unis.

Or les dépenses de recherche et d'innovation sont fondamentales pour assurer la croissance future de notre pays, comme l'ont montré les travaux de notre récent prix Nobel d'économie, Philippe Aghion.

Ainsi, si une stabilisation temporaire de la dynamique prévue dans la loi de programmation de la recherche peut se concevoir, eu égard à la dégradation des finances publiques, il conviendra de la relancer dans les années à venir, afin de ne pas perdre le bénéfice des premières années d'exécution de ce texte, en particulier sur des sujets cruciaux, tels que l'énergie nucléaire, le spatial et le numérique.

En matière nucléaire, la proposition du rapporteur spécial Jean-François Rapin, consistant à rétablir les 15 millions d'euros de crédits en faveur de la recherche au sein du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) que le Gouvernement prévoyait de supprimer, est particulièrement bienvenue.

En ce qui concerne la question spatiale, nous avons évité le pire lors de la conférence ministérielle de l'ESA, qui s'est tenue à Brême à la fin du mois de novembre. Avec une souscription de 3,6 milliards d'euros, la France est distancée par l'Allemagne, qui investira 5 milliards d'euros, mais demeure le deuxième contributeur de l'ESA, devant l'Italie.

Enfin, en matière numérique et d'intelligence artificielle, nous devons maintenir notre belle dynamique. À cet égard, la décision de Yann Le Cun d'établir sa future start-up à Paris est un beau symbole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Hingray applaudit également.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteure pour avis de la commission de la culture sur les crédits alloués à la recherche, je veux exprimer une conviction, largement partagée ici : la recherche publique française est un pilier fondamental de notre souveraineté, de notre compétitivité et de notre avenir.

Notre pays dispose d'un écosystème scientifique d'excellence reconnu à l'international, soutenu par ses organismes, ses universités, ses grandes écoles et, surtout, par ses chercheurs, ses ingénieurs, se techniciens, dont l'engagement doit être salué.

Le contexte budgétaire est contraint. En conséquence, il impose des choix difficiles et une maîtrise nécessaire de la dépense publique. Toutefois, ces contraintes ne doivent pas nous faire perdre de vue que la recherche est un investissement stratégique de long terme, déterminant pour l'innovation, la croissance et la cohésion de notre pays.

Lors de l'examen de la loi de programmation de la recherche en 2020, la commission de la culture avait souligné la nécessité de concentrer l'effort sur les premières années de la trajectoire ; si elle avait obtenu gain de cause, les faits lui donnent aujourd'hui raison, quant au risque d'essoufflement de la programmation. En effet, pour la deuxième année consécutive, la trajectoire n'est pas respectée et l'effort budgétaire prévu n'est que très partiellement au rendez-vous, car il est essentiellement concentré sur la poursuite de revalorisations salariales.

Ce coup de frein fait peser un risque réel sur la dynamique de réinvestissement engagée entre 2020 et 2024. Il entre par ailleurs en tension avec l'ambition affichée par la France de renforcer son attractivité scientifique, notamment au travers de l'initiative Choose France for Science, qui vise à accueillir des chercheurs internationaux et à promouvoir la liberté académique. Cette ambition est légitime et nécessaire, mais elle doit impérativement s'appuyer sur des moyens lisibles, stables et prévisibles.

Utiliser la recherche comme variable d'ajustement budgétaire, à l'heure où la France et l'Europe veulent affirmer leur souveraineté scientifique, suscite quelques interrogations. Une telle décision constituerait un signal peu encourageant pour les chercheurs, les entreprises innovantes et toute une génération de jeunes scientifiques. Une modification en bonne et due forme de la LPR, associant cette fois-ci le Parlement, aurait sans doute permis de réfléchir collectivement aux moyens que l'État est prêt à allouer à un secteur crucial.

La commission de la culture est également très attentive à la situation financière de l'Agence nationale de la recherche (ANR). L'insuffisance des crédits de paiement et la baisse des autorisations d'engagement font peser un risque sérieux sur les futurs appels à projets. Un retour à des taux de succès inférieurs aux standards internationaux serait un échec collectif.

Nous vous alertons également sur la nouvelle mise à contribution des opérateurs de recherche pour le financement de mesures sociales, notamment le compte d'affectation spéciale « Pensions ». La répétition de ces transferts de charges insuffisamment compensés fragilise durablement leurs équilibres financiers et leur capacité d'action.

Malgré ces réserves importantes, la commission de la culture est favorable à l'adoption de ces crédits, en raison de leur légère augmentation. Elle appelle toutefois à la plus grande vigilance, car, au-delà des ajustements conjoncturels, c'est bien une trajectoire durable pour la recherche publique que nous devons préserver collectivement.

Derrière ces lignes budgétaires, ce sont des découvertes, des emplois, des entreprises de demain et, au fond, une certaine idée de l'avenir de notre pays qui se jouent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, la commission de la culture s'est intéressée de près au pilotage des établissements d'enseignement supérieur, en s'appuyant très largement sur le rapport d'information écrit par Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi sur la stratégie universitaire de l'État, adopté le 22 octobre dernier.

Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » font partie des budgets relativement préservés dans ce projet de loi de finances, mais cela s'est fait au prix de plusieurs renoncements.

Tout d'abord, la sixième « marche » de la LPR est inférieure de 20 millions d'euros à l'« annuité » prévue. Cette sous-exécution est aggravée par l'intégration, dans cette enveloppe, de manière à mon avis très discutable, des moyens des nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp). Ainsi, pour la deuxième année, la trajectoire de la LPR n'est pas respectée ; cela soulève la question de la pertinence des lois de programmation, en matière d'enseignement supérieur ou dans d'autres domaines.

Le deuxième renoncement porte sur la réforme des bourses, dont la deuxième phase est reportée sine die. En attendant, l'absence d'indexation des barèmes sur l'inflation conduit à l'éviction mécanique de nombreux étudiants, annulant ainsi les effets de la réforme de 2023.

Par ailleurs, ce budget repose sur un nouveau recours à la contribution des établissements, selon l'habitude désormais bien ancrée de ne pas compenser entièrement les mesures salariales ou sociales décidées par l'État, pratique bien connue des élus locaux. La commission de la culture ne partage pas l'analyse du Gouvernement sur les réserves des établissements. La dégradation de leur situation financière, conjuguée au manque de fiabilité de leur suivi comptable et à la défiance qui caractérise leur relation avec l'État, doit conduire à suspendre tout prélèvement sur leur trésorerie.

La commission a donc adopté un amendement visant à réduire de moitié le reste à charge au titre du CAS « Pensions », évoqué il y a quelques instants. J'estime par ailleurs que les établissements ne doivent pas négliger les leviers dont ils disposent, à commencer par la majoration des droits d'inscription des étudiants extracommunautaires.

Enfin, il me semble urgent de resserrer les financements publics des formations supérieures privées ; je sais que c'est un sujet qui vous tient à cœur, monsieur le ministre. Le système actuel est en effet marqué par un contrôle exigeant des établissements d'intérêt général, tandis que les établissements à but lucratif prospèrent, grâce à une captation large des financements publics de l'apprentissage.

Ces financements doivent être réservés aux formations dont la qualité pédagogique est reconnue. Cette ambition suppose que toutes les formations financées par des fonds publics fassent l'objet d'une évaluation conduite sous l'égide du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres). Aujourd'hui, l'existence de cette instance est remise en cause. Il me semble pourtant que celle-ci doit occuper une place centrale dans la régulation de l'ensemble des formations supérieures.

Sur le fondement de ces observations, la commission a jugé passables, si je puis me permettre, monsieur le ministre, les crédits de l'enseignement supérieur, mais s'est néanmoins prononcée en faveur de leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Louis Vogel applaudit également.)

Organisation des travaux

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, je vous indique, pour la bonne information de tous, que 92 amendements sont à examiner sur cette mission. La conférence des présidents a fixé la durée maximale de notre discussion à quatre heures.

Compte tenu de l'organisation de la journée, nous pourrions prévoir quinze minutes supplémentaires de discussion, ce qui nous permettra de terminer l'examen de cette mission aux alentours d'une heure trente du matin et d'ouvrir la séance de demain à dix heures trente.

Si l'examen de la présente mission excédait le délai imparti, il serait reporté à la fin de la discussion des autres missions de cette semaine, conformément à l'organisation de nos travaux arrêtée par la conférence des présidents, en accord avec la commission des finances.

En outre, la conférence des présidents, réunie mercredi 3 décembre 2025, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir l'examen d'une mission de manière sereine dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. En ce qui concerne la présente mission, le nombre d'amendements examinés, rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui, nous conduit à devoir observer un rythme d'examen de 35 amendements par heure, ce qui est élevé.

Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer aujourd'hui l'examen de cette mission, les durées d'intervention seront, en application de la décision de la conférence des présidents, fixées à une minute.

MM. Jacques Grosperrin et Laurent Burgoa. Parfait !

Recherche et enseignement supérieur (suite)

M. le président. Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux saluer dès à présent le fait que notre pays cherche à réaliser des économies sans les faire peser sur le dos de la recherche : dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons aujourd'hui, les crédits alloués à l'enseignement supérieur sont préservés et les opérateurs stabilisés.

Avec une hausse de 260 millions d'euros en 2026, ce budget parvient en effet à trouver un certain équilibre, qui est tout aussi nécessaire que la poursuite de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. Ce qui est en jeu n'est pas anodin, puisqu'il s'agit de moyens supplémentaires consacrés à la rémunération des doctorants et du personnel de recherche, ainsi qu'au financement de la recherche sur appels à projets.

Notre groupe soutiendra l'amendement déposé par notre collègue Jean-Baptiste Blanc sur le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec), qui ne s'adresse aujourd'hui qu'au personnel relevant des corps des enseignants-chercheurs et des chercheurs. L'année 2026 doit permettre de financer des mesures en faveur de l'attractivité des carrières des chercheurs, des contrats doctoraux et d'une nouvelle vague de création de chaires de professeur junior (CPJ).

D'un point de vue global, nous saluons la volonté de territorialiser le pilotage de l'enseignement supérieur, ambition qui s'accompagne de l'inscription dans le PLF d'une enveloppe de 44,5 millions d'euros.

Toutefois, la hausse de 4 points du taux de contribution des employeurs au CAS « Pensions », qui ne devrait être compensée qu'à moitié, soit à hauteur de 81 millions d'euros, devrait avoir un impact sur les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

Le risque pèse en particulier sur les universités déjà en difficulté, nombre d'entre elles étant confrontées à une hausse de leurs coûts de fonctionnements, mais aussi sur les organismes nationaux de recherche. Nous reviendrons sur ce sujet au cours du débat.

Je souhaite également saluer la hausse des crédits alloués à la recherche spatiale. Le programme budgétaire y afférent couvre la subvention versée au Centre national d'études spatiales (Cnes) pour ses activités nationales et bilatérales, ainsi que les contributions françaises à l'ESA et à l'Organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques (Eumetsat), essentielles à la souveraineté de notre pays en matière spatiale.

La France a formé et envoyé dans l'espace de nombreux scientifiques, comme Jean-Loup Chrétien, en 1981, ou encore à Claudie Haigneré, en 1996, qui fut ensuite votre prédécesseure, monsieur le ministre, sans oublier Thomas Pasquet, le spationaute européen le plus expérimenté à ce jour, avec 400 jours passés dans l'espace à son actif.

Notre pays n'a pas dit son dernier mot puisque, dans deux mois, la spationaute nivernaise Sophie Adenot décollera pour la Station spatiale internationale (ISS) : peut-on trouver meilleur symbole pour faire rêver les Françaises et les Français et surtout démontrer à toutes ces femmes et ces filles que les filières scientifiques leur sont grandement ouvertes ?

Monsieur le ministre, dans le pays de Marie Curie, il n'est pas acceptable de constater à l'école une autocensure féminine persistante à l'égard de ces filières. Selon un récent rapport d'information de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, publié en octobre dernier par Marie-Do Aeschlimann, Jocelyne Antoine, Laure Darcos, Didier Marie et ma collègue drômoise Marie-Pierre Monier, moins d'un tiers des chercheurs scientifiques et à peine un quart des ingénieurs en France sont des femmes. Cette situation est d'autant plus navrante que de multiples signaux indiquent une détérioration de cette situation depuis la dernière décennie.

Dans ces conditions, je compte sur vous, monsieur le ministre, pour agir et renverser la tendance. L'égalité des chances au féminin ne doit pas être un slogan, elle doit devenir une réalité.

Puisqu'on parle de la jeunesse, le Gouvernement poursuit son soutien aux étudiants modestes, ainsi que la lutte contre la précarité étudiante : en témoignent la prolongation du ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers ou encore le gel du tarif de restauration à 3,30 euros, qui concernera tous les étudiants pour l'année universitaire en cours.

N'oublions pas que les moyens des Crous sont rehaussés de près de 15 millions d'euros, afin de rénover les logements, et que les crédits engagés permettront de poursuivre le dispositif Santé Psy étudiant. Celui-ci permet d'assurer la prise en charge à 100 % de douze séances avec un psychologue partenaire, dont pas moins de 14 000 étudiants ont déjà pu bénéficier depuis la création du dispositif en 2021. Si l'année 2025 touche à sa fin, avec pour conséquence la désignation d'une autre grande cause nationale, la santé mentale doit rester une priorité.

Enfin, je souligne que 428 millions d'euros sont inscrits pour 2026 au programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». La formation d'ingénieurs, de vétérinaires et de paysagistes est également un enjeu stratégique pour notre pays, ce qui nous oblige à proposer des formations dans des conditions optimales du point de vue des coûts et de qualité du service, mais encore faut-il susciter davantage de vocations. Je suis convaincu que le bachelor agro, créé par la loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, nous y aidera dès la rentrée scolaire 2026.

En ce qui concerne les vétérinaires, que devons-nous penser du fait que 4 000 étudiants français partent chaque année se former en Roumanie ? Environ 90 % d'entre eux suivent des cours en médecine humaine ou vétérinaire à Cluj-Napoca. La mobilité étudiante au sein de l'Union européenne peut être synonyme d'ouverture et je n'y suis absolument pas opposé, mais l'ordre de grandeur et l'évolution des chiffres me troublent.

Compte tenu des priorités du Gouvernement, ainsi que de la répartition et de l'augmentation des enveloppes budgétaires, le groupe RDPI votera pour les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yan Chantrel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche affiche une hausse en trompe-l'œil de 176 millions d'euros. Parmi les moyens nouveaux, 87 millions d'euros sont prévus au titre de la loi de programmation de la recherche, en deçà de la trajectoire fixée, et 45 millions d'euros financeront le déploiement des nouveaux Comp.

Cette hausse d'à peine 0,64 %, sur un budget de près de 27 milliards d'euros, paraît plus que minime. Elle se transforme même en baisse lorsqu'on la considère en euros constants, puisqu'elle est inférieure au taux d'inflation attendue en 2026, estimée à 1,3 %. Cette affirmation est d'autant plus vraie que la mission, cette année, pérennise les coupes budgétaires adoptées dans le cadre du PLF pour 2025 via un amendement du Gouvernement.

La réalité, c'est que nos universités continuent d'être en grande détresse. Cette année, 58 établissements sur 70 ont présenté un budget initial en déficit. En 2026, leurs finances restent encore largement grevées par des surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie et surtout par des dépenses que l'État impose aux universités et persiste à ne pas compenser.

Je pense aux mesures Guerini, que l'on estime supérieures à 150 millions d'euros pour 2026, aux nouvelles obligations réglementaires concernant la protection sociale complémentaire, évaluées à 62 millions d'euros, et au nouveau relèvement de 4 points du taux de CAS « Pensions », qui n'est compensé qu'à hauteur de 81 millions d'euros, malgré des besoins estimés à 200 millions d'euros.

C'est la raison pour laquelle notre groupe défendra des amendements visant à compenser ces coûts, pour lesquels l'État décideur refuse d'être payeur, car ils font peser sur nos universités un poids démesuré. L'Assemblée nationale elle-même avait d'ailleurs adopté un amendement visant à assurer une compensation totale du CAS « Pensions ». Il convient de le réintroduire dans le PLF.

Les conséquences sont lourdes sur la capacité d'accueil des universités – près de 30 000 places ont été supprimées en master et en licence à la rentrée 2025 – et sur le recrutement. Nos universités doivent se reposer sur des vacataires abondamment exploités, qui continuent d'être sous-payés. Ils sont 160 000 à assurer plus de 5 millions d'heures de travaux dirigés, soit l'équivalent du service de près de 30 000 enseignants-chercheurs titulaires à temps plein. Dans ces conditions, nous défendrons un amendement visant à rétablir un niveau de rémunération conforme à leurs qualifications et à leurs missions.

Enfin, les conséquences sont lourdes pour les étudiants. Les crédits consacrés à la vie étudiante sont en baisse de 1 % par rapport au budget pour 2025. Cette tendance est toutefois mitigée par la légère progression des aides indirectes : je pense notamment à l'enveloppe de 375 millions d'euros destinée à financer les dépenses de fonctionnement des Crous en matière de logement et de restauration, qui permettra la pérennisation du repas à 1 euro.

La baisse la plus significative concerne les bourses accordées sur critères sociaux, leur enveloppe étant réduite de 1,5 %. Le Gouvernement explique cette coupe par une baisse du nombre de boursiers, en lien avec l'apprentissage. Cet argument est inaudible, monsieur le ministre, à l'heure où la précarité augmente chez les étudiants. Les besoins en aide alimentaire se multiplient pour répondre à l'urgence sociale – notamment chez ceux qui ne sont pas éligibles aux bourses –, d'une part, à cause des effets de seuil du système actuel et, d'autre part, en raison de la non-indexation des bourses sur l'inflation.

Il est urgent de mettre en place la réforme structurelle des bourses, qui est repoussée depuis deux ans. En attendant, nous défendrons un amendement pour revenir sur la coupe de 35 millions d'euros opérée dans le budget des bourses.

Dans l'ensemble, la dépense par étudiant continue de s'établir à environ 13 000 euros par an, soit près de 1 000 euros de moins qu'il y a dix ans. C'est le signe que l'État n'a pas accompagné l'augmentation massive des effectifs et qu'il a mis sous pression les universités.

Tout cela continue de profiter à l'enseignement privé lucratif, dont on connaît la capacité à exploiter le désespoir des jeunes à coups de frais de scolarité exorbitants. C'est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défendra, lors de sa niche, le 12 février prochain, des mesures visant à réguler ce secteur d'enseignement.

Pour l'ensemble de ces raisons, si nos amendements ne sont pas adoptés, nous voterons contre le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche qui nous est proposé cette année. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Mme Monique de Marco applaudit.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche. Les choix budgétaires qu'ils traduisent sont le signal du décrochage de la France face aux grandes puissances scientifiques du monde.

Premièrement, nous constatons encore et toujours un abandon profond de notre jeunesse. Les 18-29 ans sont, avec les mineurs, la classe d'âge la plus pauvre de notre pays. Pourtant, vous faites le choix, monsieur le ministre, de réduire le seul programme qui leur est spécifiquement consacré.

Pis, vous refusez d'indexer les bourses sur l'inflation. Résultat : des milliers de jeunes sont purement et simplement exclus du système. Nous comptons 17 000 boursiers de moins cette année, alors même que le coût de la vie étudiante explose. Un tiers d'entre eux ne touchent que 150 euros par mois : qui peut vivre, étudier, se loger avec une telle somme ?

Pendant ce temps, les enquêtes se succèdent, toutes plus alarmantes les unes que les autres. Aujourd'hui, 34 % des étudiants sautent des repas, tandis que 53 % réduisent leurs portions. Or rien – absolument rien – dans ce budget ne s'attaque à cette réalité.

Autre constat qui illustre clairement la situation alarmante de l'enseignement supérieur en France : l'état de nos universités. Depuis des mois, les universités nous alertent, car elles sont asphyxiées et laissées seules face à des choix impossibles. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2025, 80 % des universités ont voté un budget en déficit et les surcoûts non compensés atteignent entre 400 millions et 500 millions d'euros par an. En conséquence, les universités devront encore puiser dans leur fonds de roulement, fermer des antennes, réduire l'accueil et dégrader leurs formations.

Chers collègues, nous faisons face à un véritable cas de conscience. Avec ce budget, certains sites universitaires de vos départements fermeront : qui ici, peut s'y résoudre ? Certains sénateurs veulent profiter des rabots sur les budgets des universités pour relancer le débat sur une hausse des frais d'inscription. La ficelle est grosse ! On fragilise la vocation universelle de l'université, on met ses finances au pied du mur pour relancer la ritournelle sur les frais d'inscription et la sélectivité. Nous nous y opposerons frontalement.

L'université n'est pas un marché où l'on ajuste les prix, c'est un bien commun qui prône et continuera de prôner l'égalité des chances et d'accès au savoir. Nous devrions plutôt être en train de discuter de la manière d'adapter l'université aux enjeux d'aujourd'hui et de demain.

Le manque d'ambition du Gouvernement et de la majorité sénatoriale sur le volet des recettes nous oblige aujourd'hui à discuter d'ajustements budgétaires pour la survie même de notre modèle.

Je terminerai mon propos en disant quelques mots du volet recherche. Monsieur le ministre, vous multipliez les discours sur la souveraineté, l'innovation, l'excellence. Pourtant, ce budget acte, pour la deuxième année consécutive, un décrochage massif par rapport aux engagements qui ont été pris dans la loi de programmation de la recherche.

L'objectif consistant à porter l'effort national de R&D à 3 % du PIB est aujourd'hui devenu une illusion. La France continuera de stagner autour de 2,2 %, loin derrière l'Allemagne, les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud.

Les chercheurs eux-mêmes décrivent un système à bout de souffle : appels à projets incessants, perspectives d'évolution limitées, épuisement des équipes. Comment voulons-nous attirer des talents quand un doctorant gagne à peine plus que le Smic et que le doctorat est aujourd'hui si peu valorisé dans les parcours professionnels hors du cadre de la recherche ?

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défend une vision radicalement différente, celle qui impose d'abord de respecter la parole donnée au travers de la loi de programmation de la recherche. Il n'y a pas d'adaptation et de transition écologique possible sans connaissance, sans science, sans investissement fort pour la recherche publique. Il n'y aura pas non plus d'autonomie stratégique de la France sans des investissements importants en ce domaine. Il n'y a pas que la recherche appliquée qui doit être financée, il faut aussi soutenir la recherche en sciences humaines et sociales, ainsi qu'en sciences fondamentales ; on ne le répétera jamais assez.

Notre vision consiste aussi à assumer la défense d'une jeunesse précarisée, au moyen de plusieurs dispositifs : repas à 1 euro, droit à un logement digne, refonte totale des bourses vers une garantie d'autonomie, régulation ferme de l'enseignement privé lucratif, fin de Parcoursup et présence universitaire réelle dans tous les territoires.

Vous l'aurez compris, sans grande surprise, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission. Votre budget tourne le dos à l'avenir, délaisse la jeunesse, fragilise les universités et affaiblit la recherche française. Il est temps de revoir la copie : c'est précisément ce que nous tâcherons de faire au cours de ce débat budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)