M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. - M. Louis Vogel applaudit également.)
M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dotée de 31,5 milliards d'euros, la mission « Recherche et enseignement supérieur » devrait incarner les choix d'un pays qui investit dans son avenir, sa jeunesse et la connaissance.
La réalité demeure toutefois contrastée. Si ce budget est un acte politique, force est de constater qu'il reste en deçà des enjeux.
Je tiens néanmoins à saluer, monsieur le ministre, votre engagement personnel. Dans un contexte où beaucoup de ministères subissent des coupes budgétaires sévères, la préservation relative de l'enveloppe de 18,8 milliards d'euros destinée à l'enseignement supérieur témoigne d'un effort réel.
Toutefois, soyons francs : ces moyens demeurent insuffisants pour répondre aux besoins croissants.
Investir dans la recherche et l'enseignement supérieur, ce n'est pas dépenser, c'est jeter les bases de la souveraineté scientifique, de la compétitivité économique et de la capacité d'innovation d'un pays. À l'inverse, sacrifier ces crédits, c'est prendre le risque d'un affaiblissement durable.
Je veux cependant souligner deux avancées importantes.
Je pense tout d'abord aux 35 millions d'euros consacrés à la restauration étudiante à tarifs modérés.
La loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dont j'ai été à l'origine et dont Jean Hingray a été le rapporteur, produit aujourd'hui des effets très concrets : 211 conventions ont été signées, 52 000 étudiants en bénéficient, plus de 44 millions de repas ont été servis. Alors qu'une partie de notre jeunesse doute de la République, garantir un repas sain et accessible est un acte politique fort.
Je pense, ensuite, à la promulgation le 31 juillet 2025 de la loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, dont j'ai été le rapporteur avec Bernard Fialaire.
Face à la montée des actes de haine, nous avons assumé une ligne claire, celle de la tolérance zéro. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour faire en sorte que sa mise en œuvre soit rapide et rigoureuse, afin que des référents formés soient désignés dans les établissements d'enseignement supérieur et que des dispositifs de signalement efficaces soient instaurés. Ce combat touche au cœur de nos valeurs.
Toutefois, les insuffisances demeurent, surtout en matière de recherche. La sixième « marche » de la loi de programmation de la recherche n'est financée qu'à hauteur de 87 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de moins que prévu. Ces crédits permettent certes de poursuivre certaines revalorisations, mais, par leur montant, ils envoient un signal préoccupant pour l'attractivité de nos carrières scientifiques et pour nos jeunes chercheurs, qui sont de plus en plus tentés par l'étranger.
Je veux saluer, par ailleurs, la progression de 14 millions d'euros des moyens en faveur des œuvres universitaires. Sans les Crous, la précarité étudiante exploserait. Ces crédits constituent des filets de sécurité, non des dépenses superflues.
Ma collègue Laurence Garnier et moi avons publié récemment un rapport d'information sur la stratégie universitaire de l'État, dans lequel nous appelons à une clarification des objectifs, afin qu'ils soient plus lisibles, à des financements stables et à une allocation des moyens cohérente.
Mon collègue Jean Hingray reviendra en détail sur les propositions techniques du groupe Union Centriste.
Plusieurs sujets exigent cependant un débat national dépassant les clivages : le financement durable des universités, la lutte contre l'échec en premier cycle, la régulation de l'apprentissage ou encore la question des frais d'inscription. Sur ce dernier point, très sensible, il est nécessaire de dialoguer et de prendre le temps de la réflexion avant de décider éventuellement de les augmenter.
Dans cet esprit, notre groupe soutiendra l'amendement de Stéphane Piednoir – de l'excellent Stéphane Piednoir (Sourires.) – visant à porter la compensation du glissement vieillesse technicité (GVT) de 81 millions d'euros à 141 millions d'euros. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.) Son adoption permettrait de corriger partiellement une injustice et de traduire concrètement les préconisations de notre rapport. Je suis cependant conscient que le résultat sera encore bien loin du compte en termes de compensation.
J'ai également déposé deux amendements, l'un tendant à renforcer la compensation relative à la hausse des cotisations au compte d'affectation spéciale « Pensions » pour les organismes de recherche, l'autre visant à octroyer à l'ANR les 30 millions d'euros nécessaires pour honorer ses engagements.
Pour ces raisons, notre groupe s'opposera, dans sa grande majorité, à l'amendement du rapporteur spécial Jean-François Rapin, qui vise à réduire de 135 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros en crédits de paiement les moyens affectés à l'ANR, car son adoption affaiblirait la parole de l'État et porterait un coup à la crédibilité de notre politique de recherche.
À ce stade et sous ces réserves, le groupe Union centriste votera pour les crédits de cette mission. Toutefois, si les coupes adoptées s'avéraient trop importantes lors de l'examen du budget de la mission, nous serions amenés à revoir notre position quant à notre vote.
Nous serons des partenaires exigeants, soutenant ce qui sert l'intérêt général, mais aussi des vigies attentives, prêtes à nous opposer si l'avenir de notre jeunesse et de notre recherche venait à être compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. - M. Louis Vogel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. - Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dotée de 31,5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026, la mission « Recherche et enseignement supérieur » concentre des moyens élevés, parmi les plus significatifs du budget de l'État.
Cependant, en tant que rapporteure de la loi de programmation de la recherche, je suis extrêmement inquiète pour l'avenir de la recherche française, et je ne suis pas la seule, monsieur le ministre, si j'en crois la tribune de huit de vos prédécesseurs parue dans la presse.
Pourquoi, en effet, voter un texte pluriannuel, qui suscite des attentes très nombreuses dans le milieu scientifique, si l'on ne se donne pas les moyens de ses ambitions, comme pour tout domaine régalien ?
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Laure Darcos. La trajectoire budgétaire fixée par la LPR n'est en effet pas respectée pour la deuxième année consécutive, même s'il faut rester positif au regard des moyens nouveaux alloués à la revalorisation des métiers de la recherche et, notamment, au déploiement des chaires de professeur junior ; je tiens d'ailleurs à vous remercier pour cela, monsieur le ministre.
La situation de l'Agence nationale de la recherche, en particulier, me semble très préoccupante. La LPR avait traduit la volonté de l'État de réinvestir dans la recherche publique, après des années de sous-financement, et l'ANR, son bras armé, avait vu ses moyens augmenter très significativement.
Permettez-moi de faire un petit rappel historique : en 2017, lorsque j'ai été nommée rapporteure pour avis de la commission de la culture du Sénat pour le budget de la recherche, le taux de succès aux appels à projets de l'Agence était de 12,6 %. Il s'est élevé à 19,2 % en 2020, puis à 25,2 % en 2023. Il décroît malheureusement depuis 2024 et devrait s'établir à 23 % cette année.
L'ANR se retrouve aujourd'hui dans une situation où elle ne dispose pas de suffisamment de crédits pour couvrir les décaissements liés aux projets qu'elle s'est d'ores et déjà engagée à financer.
Par ailleurs, la diminution de ses autorisations d'engagement de 70 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2026, qui intervient après une baisse de 90 millions d'euros en 2025, va mécaniquement entraîner un recul du taux de succès des appels à projets et réduire le nombre de projets financés portant sur les technologies émergentes, la santé ou l'environnement.
Je rappelle que l'ANR a pour mission de soutenir et de promouvoir la recherche sous toutes ses formes et dans toutes les disciplines. Actuellement, près d'un quart des projets de recherche fondamentale proposés à l'Agence bénéficient ainsi d'un financement. Elle encourage, en outre, les partenariats entre les équipes de recherche françaises, européennes et internationales, ainsi que les partenariats public-privé, dans une logique d'innovation et de transfert de technologie.
Un retour en arrière constituerait indéniablement un signal désastreux envoyé à la communauté scientifique, aux entreprises innovantes et à toute une génération de chercheurs. Nous risquerions également d'être distancés par certains pays européens qui ont fait de la recherche un levier de compétitivité pour leur économie ; je songe notamment à l'Allemagne.
Nous avons tous conscience, mes chers collègues, de la situation très dégradée des finances publiques et de la nécessité de mener une action vigoureuse pour réduire nos déficits. Si la situation reste encore tenable à court terme, elle pourrait devenir périlleuse à long terme pour la recherche.
Gardons-nous de porter atteinte à notre souveraineté, en prenant des mesures de régulation budgétaire inadaptées et surtout mal ciblées.
M. Pierre Ouzoulias. Absolument !
Mme Laure Darcos. Malgré ces réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires a décidé de voter les crédits de cette mission en signe d'encouragement ; ce ne sera pas mon cas. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enseignement supérieur et la recherche sont essentiels pour former notre jeunesse et pour préparer l'avenir de notre pays, mais la maîtrise de nos dépenses publiques est tout aussi essentielle pour protéger notre jeunesse et pour sécuriser l'avenir de notre pays…
Il nous faut donc tenir compte de ces deux impératifs et bâtir un budget 2026 raisonnable, qui permette à la fois de ne pas abîmer davantage l'enseignement supérieur et de ne pas casser les dynamiques à l'œuvre dans la recherche.
La légère augmentation des crédits par rapport à 2025, de l'ordre de 0,7 % pour l'enseignement supérieur et de 0,5 % pour la recherche, nous semble tenir sur cette ligne de crête, entre maîtrise des dépenses et maintien de nos ambitions. Le groupe Les Républicains votera donc en faveur des crédits de cette mission.
Ces deux politiques publiques partagent des problématiques communes, au premier rang desquelles figure la difficulté à faire face aux décisions prises unilatéralement par l'État concernant la rémunération du personnel : qu'il s'agisse des mesures Guerini, de celles relatives le compte d'affectation spéciale « Pensions » ou de l'instauration de la nouvelle protection sociale complémentaire, les compensations de l'État sont incomplètes et les restes à charge importants. Stéphane Piednoir a évoqué ce sujet au cours de son intervention, je n'y reviens donc pas.
Toutefois, les ressemblances entre ces deux politiques s'arrêtent là, car les dynamiques à l'œuvre dans les deux domaines suivent en réalité des courbes très différentes.
L'enseignement supérieur est clairement fragilisé aujourd'hui. La moitié des universités françaises est en déficit et la qualité de la formation en pâtit directement. Selon une étude de l'OCDE, 10 % – j'y insiste, mes chers collègues, 10 % ! – des étudiants de l'enseignement supérieur en France n'ont pas le niveau d'écriture d'un élève du primaire ! Ces chiffres sont dramatiques et doivent tous nous interpeller.
Au contraire, la recherche a connu une évolution plus positive au cours des dernières années à la suite de l'adoption de la loi de programmation de la recherche. Même si cette dynamique stagne depuis l'année dernière, il convient de rappeler qu'un effort réel avait permis de réaliser de véritables progrès.
Les crédits alloués à la recherche pour 2026, hors dépenses de personnel, nous paraissent rester à un niveau acceptable. Le taux de succès des appels à projets de l'ANR, qui s'est élevé jusqu'à 25 % au cours des dernières années, s'établirait autour de 23 %, ce qui nous semble encore acceptable.
Nous serons toutefois attentifs, comme Alexandra Borchio Fontimp l'a évoqué tout à l'heure, au maintien de ce taux de succès, qui permet à la recherche en France de rester au niveau des standards internationaux, ce qui est essentiel.
Les difficultés financières des universités sont récurrentes. Puiser dans leur trésorerie constitue, à nos yeux – nous avons déjà eu l'occasion de le dire –, une fausse bonne idée, dans la mesure où la quasi-totalité de la trésorerie apparemment disponible est en réalité fléchée vers des appels à projets pluriannuels.
La mission d'information sur les relations stratégiques entre l'État et les universités, que Pierre-Antoine Levi et moi-même avons menée, nous a conduits à nous interroger sur les modalités d'attribution de la subvention pour charges de service public, qui sont aujourd'hui particulièrement opaques et illisibles. De la même manière, les Comp portant sur 100 % de cette SCSP, qui ont été annoncés récemment, nous semblent avoir des contours encore très flous.
Enfin, il faut évoquer la question, qui a déjà été soulevée par les orateurs précédents, du montant des droits d'inscription. Ces derniers représentent aujourd'hui 1,45 % du coût réel de la formation. Lorsqu'un étudiant français paie 178 euros pour s'inscrire en licence, le coût pour l'État est de 12 250 euros. Voilà qui donne la mesure de l'enjeu !
Par ailleurs, si les droits d'inscription pour les étrangers extracommunautaires s'élèvent théoriquement à 2 770 euros, ils ne sont pas appliqués, puisque 92 % de ces étudiants bénéficient d'une exonération totale ou partielle.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. C'est vrai.
Mme Laurence Garnier. Sur ce point également, il nous semble qu'il conviendrait d'ouvrir un chantier de réflexion.
Je rappelle que notre pays accueille 430 000 étudiants étrangers, qui représentent près d'un étudiant sur six en France, dont la formation est payée, disons les choses, par le contribuable français.
Voilà autant de pistes de réflexion budgétaire que nous souhaitions vous soumettre aujourd'hui, monsieur le ministre. Il convient d'y travailler, sans pour autant, et j'insiste sur ce point, réduire le soutien de l'État au fonctionnement de nos universités.
Pour conclure, j'évoquerai la question de l'échec étudiant, qui, là aussi, est de nature à nous interpeller. Je rappelle que 36 % des étudiants seulement obtiennent leur licence en trois ans. Ils sont à peine 50 % à l'obtenir en cinq ans ou moins, c'est-à-dire avec deux années supplémentaires.
Cet échec engorge les bancs des premiers cycles universitaires et décourage nos étudiants. Ces derniers se heurtent en réalité à des échecs a posteriori, une ou deux années après leur entrée à l'université. Cet échec plombe nos finances publiques, puisque la Cour des comptes évalue son coût à 534 millions d'euros par an !
Nos universités sélectionnent aujourd'hui par l'échec. Une réflexion sur la sélection à l'entrée nous semble nécessaire pour permettre à notre système d'enseignement supérieur de renouer avec sa tradition d'excellence et pour que nos étudiants bénéficient d'une formation de qualité, capable de rivaliser avec celle des meilleurs établissements mondiaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Ros. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue Yan Chantrel a évoqué la situation budgétaire préoccupante des universités et du programme consacré à la vie étudiante. Je centrerai donc mon propos sur le budget de la recherche dans les universités et dans les différents organismes concernés.
Monsieur le ministre, pour rassurer la communauté universitaire, vous avez récemment déclaré, concernant la situation des universités : « Il y a des difficultés dans les établissements, mais ce n'est pas Zola non plus ! »
Pourtant, le budget affecté à la recherche ressemble de plus en plus à L'Assommoir !
En effet, la loi de programmation de la recherche devient la loi de programmation la moins bien respectée.
Le risque de décrochage est majeur : avec 2,18 % du PIB consacré à la R&D, nous sommes loin de l'objectif présidentiel, fixé à 3 %, et très loin derrière l'Allemagne, dont ce taux atteint 3,13 %, et la Corée du Sud, avec 5 %.
Après l'exercice budgétaire 2024, qui devait être une parenthèse exceptionnelle, puis le budget pour 2025, dont les crédits dans l'enseignement supérieur et la recherche ont subi une annulation de plus de 900 millions d'euros, dont 700 millions pour la recherche publique, ce budget ne permet plus de respecter la loi de programmation de la recherche.
Les écarts grandissants entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement placent notamment l'Agence nationale de la recherche dans l'incapacité de couvrir les décaissements liés aux projets qu'elle s'est engagée à financer. Résultat, des projets sont retardés ou abandonnés, et l'on manque de personnel. Pourtant, chaque jour, dans les universités, dans les organismes de recherche, ce personnel fait des miracles et participe à l'avenir de notre pays, dans des conditions matérielles de plus en plus difficiles.
Les organismes de recherche sont obligés de puiser dans leurs trésoreries, qui ne constituent pas des cagnottes, mais qui correspondent à des provisions pour des projets en cours ou à venir. À ce rythme, vous risquez d'écrire le Germinal de la recherche ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons, bien sûr, pleinement conscience qu'il est légitime de mettre à contribution l'enseignement supérieur et la recherche dans l'effort national de rétablissement des comptes publics, mais il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal, alors que l'Assemblée nationale vient d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Après Émile Zola, invitons dans cet hémicycle, pour éclairer nos débats, un ancien pair de France qui, avant de devenir l'illustre écrivain que nous connaissons, tenta de passer le concours de l'École polytechnique : je veux parler de Victor Hugo. Il s'agit non d'évoquer Les Misérables de la recherche (Sourires.), mais de contempler ce budget, avec ses « rayons et ses ombres ».
Ombre sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », dans lequel, malgré une hausse faciale des crédits de 1 %, inférieure à l'inflation, à peine une petite moitié des sommes nécessaires pour compenser la hausse du compte d'affectation spéciale « Pensions » est inscrite : 81 millions d'euros, alors que les besoins s'élèvent à 200 millions.
Ombre également sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », dont les crédits sont bien en deçà de ceux prévus par la LPR : 44 millions d'euros sont inscrits, alors que 350 millions étaient attendus. Les crédits de l'ANR baissent, tout comme ceux de dix actions du programme.
Léger rayon de lumière en ce qui concerne le programme 193 « Recherche spatiale », dont vous êtes sûrement l'étoile, monsieur le ministre (Murmures et sourires sur plusieurs travées – M. le ministre sourit également.), même si l'augmentation des crédits reste inférieure aux engagements pris dans le cadre de la LPR.
Faux rayon de lumière, en revanche, en ce qui concerne le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », car l'augmentation faciale de 5,5 % des moyens alloués est trompeuse, compte tenu de l'ombre portée par le coup de rabot budgétaire de 2025.
Le même constat s'impose pour le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » : ses crédits augmentent certes de 54 %, mais ils avaient diminué de 46 % en 2025.
Enfin, on observe une stagnation des moyens alloués au programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) », tandis que ceux du programme 142, consacré à la recherche en matière agricole, qui est particulièrement essentielle, progressent à peine au rythme de l'inflation.
Monsieur le ministre, je suis convaincu que, comme Victor Hugo, vous pensez que seuls l'art et la science élèvent l'homme jusqu'à la divinité.
Sans implorer Ploutos ou les dieux financiers de Bercy, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera, en l'état, contre ce budget et défendra tout amendement, tout rayon lumineux, qui tendrait à sortir cette mission de l'ombre dans laquelle elle est plongée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. - M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. Jean Hingray. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre mission se situe au carrefour de multiples attentes : celles du monde de la recherche, qui constitue le socle de notre souveraineté, un outil de partage avec nos partenaires européens et de potentielle confrontation avec d'autres ; celles de notre jeunesse, qu'il faut former et orienter, dans le respect de la promesse républicaine d'égalité des chances ; celles de nos universités, ancrées dans nos territoires ; celles de nos entreprises, car il faut soutenir leur potentiel de croissance et satisfaire leurs besoins de recrutement ; et, enfin, celles de nos territoires, qui sont en quête de revitalisation et de robustesse.
Après avoir confronté le projet de loi de finances pour 2026 à chacune de ces exigences, je veux vous faire part d'une interrogation, lancer une alerte et formuler un vœu.
L'interrogation porte sur l'effort de la recherche.
Les moyens alloués sont, par leur ampleur, au rendez-vous : les crédits de paiement de 12,7 milliards d'euros témoignent de la poursuite du réinvestissement dans la recherche publique amorcé en 2021. Notre nation se fixe pour objectif d'atteindre le seuil de 3 % du PIB consacrés à la recherche, et je sais à quel point vous avez veillé, monsieur le ministre, à maintenir ce cap, dans un contexte difficile.
Toutefois, la trajectoire suivie récemment dans l'exécution de la LPR est inquiétante. Nous avons d'abord monté les marches mais, depuis deux ans, nous les redescendons, puisque les crédits s'établissent en retrait, à 87 millions d'euros. En tenant compte du retard cumulé en 2025 et 2026 par rapport à la trajectoire prévue, les crédits relevant de la LPR seront inférieurs de 55 millions d'euros au niveau cible qui devait être atteint en 2026.
Cette situation pourrait affecter notamment l'expérimentation des contrats d'objectifs, de moyens et de performance à 100 % et déstabiliser le concept de « contractualisation rénovée », dans la mesure où la confusion entre les deux modèles n'est pas bien tranchée.
Mon interrogation porte aussi sur le poids de l'intelligence artificielle, qui se diffuse à grande vitesse dans les laboratoires et parmi les commanditaires de leurs travaux. Quel sera l'impact de cet outil en termes de gain de productivité, mais aussi et surtout comme générateur de processus et accélérateur d'évolutions technologiques ?
J'en viens à mon alerte.
Elle porte sur l'état de la recherche partenariale. L'empilement des dispositifs – chaires d'entreprise, laboratoires communs entre des organismes de recherche publics et des entreprises (LabCom), instituts Carnot, etc. – est source d'une opacité, voire d'une complexité administrative, qui est parfois déroutante, voire sélective. On gagnerait à simplifier, tant il est crucial de réduire le temps de transfert vers la phase d'industrialisation.
Lorsqu'on se tourne vers les appels d'offres européens si stratégiques, on se désole ou on se console, selon l'appréciation de chacun. La contribution de la France au budget du programme Horizon Europe est de 17,5 %, d'où un solde négatif de 783 millions d'euros en 2024. Il y a une marge de progression…
Il devient urgent de faire monter en compétence nos candidats, en leur prodiguant un accompagnement de haut niveau, comparable à celui, par exemple, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Le statut de lauréat du programme Horizon Europe valorise, stimule, encourage tous les acteurs.
Je formule maintenant mon vœu : que les chercheurs soient bien dans leurs laboratoires, les étudiants bien dans leurs universités, les universités bien dans leur territoire. Je suis sûr que tout le monde partage ce souhait.
Mon collègue et ami Pierre-Antoine Levi, sénateur du Tarn-et-Garonne, vient d'évoquer le volet de ce budget relatif à la vie étudiante, qu'il connaît très bien. Nous sommes tous les deux profondément attachés à l'aménagement du territoire.
À cet égard, le quatrième budget de la Nation constitue aussi un levier de développement pour nos économies locales. Je pense par exemple à la création de partenariats locaux, afin de lutter contre la précarité alimentaire.
Continuons d'investir pour nos territoires ruraux, nos petites villes, nos villes moyennes, afin que le savoir guide nos territoires et pour que nous ne soyons pas condamnés à vivre un roman à la Zola. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. - MM. Laurent Burgoa et Stéphane Piednoir applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Louis Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Louis Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la construction d'un budget doit refléter les objectifs et les priorités que nous nous fixons. En matière d'enseignement supérieur et de recherche, élément essentiel de souveraineté, au même titre que la défense, je crains, monsieur le ministre, que nous ne soyons pas à la hauteur.
Ma collègue Laure Darcos a plaidé en ce sens : il faut, aujourd'hui plus que jamais, soutenir beaucoup plus que nous ne le faisons la recherche en France.
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Louis Vogel. Nous vivons une quatrième révolution industrielle, comme l'a dit Philippe Aghion. Celle-ci est beaucoup plus forte que les trois précédentes. Elle repose sur l'intelligence artificielle, le numérique, le quantique et les biotechnologies. Dans ces domaines, nous sommes faibles. Nous ne voulons pas être les premiers, mais nous ne voulons pas disparaître pour autant.
En ce sens, je regrette à titre personnel que la réforme du crédit d'impôt recherche (CIR) que j'avais proposée, avec des collègues de toutes les travées, qui visait à réorienter les crédits vers les petites et moyennes entreprises (PME), les très petites entreprises (TPE) et les start-up, n'ait pas pu aboutir. Il faut réorienter le dispositif vers les petites et moyennes entreprises et maintenir les aides au dépôt de demande de brevet, qui sont actuellement monopolisées par douze très grosses entreprises en France. Ce sont elles qui seront aux avant-postes dans les domaines de recherche où nous sommes faibles.
Pour rattraper notre retard, il faut stimuler les relations entre les entreprises et les organismes de recherche. Le non-rétablissement du dispositif « jeunes docteurs », qui encourageait l'embauche de jeunes docteurs, pratique pourtant essentielle en matière d'innovation, est un très mauvais signal.
A contrario, la prorogation jusqu'en 2028 du crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative entre les organismes de recherche publique et les entreprises est une très bonne nouvelle.
L'enseignement supérieur et la recherche, c'est aussi la formation. Or nous devons réinventer notre politique de formation pour lutter contre l'échec en premier cycle ; c'est un gâchis inacceptable et qui coûte très cher !
Dans les pays développés, en moyenne, un tiers des étudiants s'inscrivent dans des filières généralistes, deux tiers dans des formations professionnelles. En France, c'est l'inverse. Il faut donc réorienter l'ensemble du système et repenser très profondément l'organisation de nos premières années universitaires, en offrant beaucoup plus de parcours professionnels et en prévoyant des passerelles.
Pour que les universités puissent ouvrir ces parcours, il faut toutefois qu'elles disposent de moyens. C'est pourquoi, à titre personnel, je proposerai à notre assemblée de compenser les décisions prises par l'État qui ne l'ont pas été jusqu'à présent : le compte d'affectation spéciale « Pensions », la complémentaire santé et la hausse du point d'indice. (MM. Bernard Pillefer et Pierre Ouzoulias applaudissent.)
Je salue le travail de notre rapporteur spécial Vanina Paoli-Gagin qui a abattu, au nom de la commission des finances, un travail considérable.
Pour conclure, le groupe Les Indépendants – République et Territoires portera a priori un regard favorable sur le budget présenté, sous réserve de ce qui pourrait être voté durant nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 s'inscrit dans un contexte budgétaire contraint que nul ne conteste. La nécessité de réduire notre dette impose des choix difficiles.
Pourtant, certains budgets sont stratégiques pour l'avenir de la souveraineté de la France ; c'est le cas de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Dans un environnement de plus en plus compétitif, il est essentiel de sanctuariser ce budget si nous ne voulons pas perdre du terrain par rapport aux autres pays et à nos concurrents économiques dans la course à l'innovation.
À la lecture de ce projet de budget, une question centrale se pose : est-il à la hauteur des ambitions de notre nation ?