Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Masset, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » participe, cette année encore, à l'effort budgétaire national, bien que l'évolution de ses moyens apparaisse contrastée. En dépit des réserves que je formulerai, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission.
En préambule, je précise que j'ai mené onze auditions, auxquelles a participé Mme Audrey Linkenheld, que je tiens à remercier. Qu'il s'agisse des autorités administratives indépendantes ou des services du Premier ministre, nous n'avons rencontré que des interlocuteurs pleinement investis dans leurs missions et soucieux de la préservation des finances publiques.
Je citerai l'exemple de quatre autorités représentatives de l'État : la Cnil, le Défenseur des droits, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Toutes ont été confrontées, en 2025, à une intensification de leur activité.
La HATVP a dû absorber une hausse importante des saisines préalables aux nominations, notamment celles qui concernent les cabinets ministériels. S'y ajoutent les conséquences de la dissolution de 2024 et la perspective des élections municipales de 2026.
La Cnil et l'Arcom se verront confier, l'an prochain, de nouvelles responsabilités. Ces deux instances seront sollicitées à la suite de l'adoption de textes européens structurants sur les services numériques et l'intelligence artificielle, secteurs hautement stratégiques.
Les autorités que j'ai mentionnées ont exprimé leur vive inquiétude quant au niveau des moyens alloués. Le projet de loi de finances pour 2026 ne prend pas suffisamment en compte leurs besoins réels et risque de fragiliser des équilibres déjà précaires.
La Défenseure des droits m'a ainsi alertée sur la diminution de ses crédits de fonctionnement dédiés aux systèmes d'information, qui entravera les projets de transformation numérique et obligera l'institution à se tourner vers des solutions moins coûteuses, mais aussi moins performantes et moins durables.
Nous devons absolument éviter que la France ne perde son avance dans ce domaine. Les investissements numériques d'aujourd'hui conditionnent l'efficacité et la crédibilité de nos institutions de demain.
J'exprime également un regret concernant la cybersécurité et la lutte contre les ingérences étrangères. En dépit des nouveaux moyens accordés au SGDSN, l'effort n'a pas été décliné dans les budgets des différentes entités de la mission. Pourtant, la menace cyber s'intensifie dans un contexte international tendu, tandis que les opérations d'ingérence numérique gagnent en sophistication.
Je salue enfin la gestion rigoureuse du budget de la Dila.
La commission a donc émis un avis favorable sur cette mission.
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, pour la bonne information de tous, je vous indique que 40 amendements sont à examiner sur ces missions. La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures. Nous devrions donc terminer leur examen aux alentours de douze heures trente et passer à l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de ce bloc de missions serait reportée à la fin des missions de la semaine.
En outre, la conférence des présidents, réunie le mercredi 3 décembre dernier, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraissait pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
S'agissant des présentes missions, le nombre d'amendements à examiner rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui nous conduit à fixer les durées d'intervention à une minute.
Dans la suite de la discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote. Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Pouvoirs publics (suite)
Conseil et contrôle de l'État (suite)
Direction de l'action du Gouvernement (suite)
Budget annexe : Publications officielles et information administrative (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous incombe d'examiner aujourd'hui trois missions : « Pouvoirs publics » « Conseil et contrôle de l'État » et « Direction de l'action du Gouvernement ».
Si ces missions ne sont pas les plus onéreuses pour le budget de l'État, elles sont particulièrement scrutées par les Françaises et les Français, qui attendent une exemplarité financière de nos institutions républicaines.
S'agissant en premier lieu des crédits concernant la mission « Pouvoirs publics », le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se satisfait que ses dotations soient globalement constantes, ce qui permet d'éviter que de nombreuses incompréhensions se fassent jour au sein de notre population, dans un contexte austéritaire marqué.
Cette sobriété n'efface toutefois pas certaines interrogations.
S'agissant de l'Élysée, par exemple, si le coût moyen des déplacements du Président de la République est en baisse, le nombre de déplacements augmente, au point que la dépense globale atteint encore 20 millions d'euros, bien au-dessus des niveaux de 2022.
De manière curieuse, ce sont non pas les voyages internationaux, mais, au contraire, les voyages sur le territoire national qui explosent, en augmentation de 31,5 %.
Pour l'Assemblée nationale, la dotation est constante, mais les réserves financières de cette institution pourraient être épuisées d'ici à six ans.
Pour le Sénat, les dépenses sont maîtrisées aussi, ce qui ne veut pas dire que certaines questions ne se posent pas. Des amendements ont été déposés par plusieurs collègues pour mettre en lumière les conditions salariales de nos collaborateurs.
Finalement, seuls les crédits du Conseil constitutionnel bénéficient d'une hausse appuyée, à 11,5 %. Elle s'explique notamment par l'éventualité de l'organisation d'un référendum et par la préparation de l'élection présidentielle de 2027. Ces arguments sont entendables. Mais, comme chaque année, nous déplorons la pauvreté des documents transmis au Parlement par le Conseil. Ce manque de transparence interpelle grandement et mériterait d'être rapidement corrigé.
Ces éléments étant précisés, et suivant l'avis du rapporteur pour avis Éric Kerrouche, le groupe socialiste votera en faveur de la mission « Pouvoirs Publics ».
S'agissant de la mission « Conseil et contrôle de l'État », nous sommes plus réservés.
Cette mission finance ce qui constitue l'ossature de notre État de droit : le Conseil d'État, la justice administrative, la Cour des comptes, les juridictions financières, et le Cese. Ce sont là nos contre-pouvoirs, nos arbitres, nos vigies démocratiques.
Nous saluons la hausse des budgets de la Cour des comptes et des juridictions financières. À l'heure des déficits et de l'endettement, l'expertise de ces instances est plus qu'utile.
À l'inverse, les crédits alloués au Conseil d'État et aux juridictions administratives diminuent, alors même, cela a été dit, que le nombre de contentieux augmente substantiellement et entraîne des délais de traitement des dossiers inacceptables, particulièrement dans les cours d'appel. De même, nous déplorons les moyens en légère baisse du Cese, espace pourtant utile de dialogue avec la société civile.
Ce bilan mitigé conduit le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à s'abstenir sur l'adoption de ces crédits.
Il en sera sans doute autrement pour la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Avec ses deux programmes « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés », cette mission traduit en actes les priorités stratégiques et organisationnelles de l'État.
Pour 2026, un peu plus d'un milliard d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement, soit une augmentation de 3,3 %.
Cette hausse est bienvenue, mais elle est largement liée à celle du programme 129, en particulier à celle des moyens alloués à la coordination, d'une part, de la sécurité et de la défense, et, d'autre part, de la politique européenne, qui, ensemble, représentent près de la moitié de ce programme.
Comme M. le rapporteur pour avis Michel Masset l'a indiqué, l'évolution des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » est en réalité très contrastée.
L'augmentation des crédits et des effectifs du SGDSN est évidemment bienvenue, comme l'ont souligné Mickaël Vallet et Olivier Cadic, alors que les cybermenaces sont croissantes et les ingérences étrangères toujours plus fortes.
Toutefois, il est difficile d'entendre que cet arbitrage en faveur de notre souveraineté, notamment numérique, se fera au détriment de la protection des droits et libertés. Car tel est finalement le message de cette mission quand on compare le programme 129 et le programme 308.
Ce message antidémocratique, j'aimerais pouvoir dire qu'il ne tient qu'à l'affichage, mais si les amendements du rapporteur Szczurek de la commission des finances sont de nouveau retenus, ce sera au contraire un message d'une clarté totale !
À ce stade, les budgets alloués aux agences et autorités indépendantes chargées de garantir nos droits et libertés ne sont pas suffisants, sauf rares exceptions, alors qu'ils ont déjà été mis à rude épreuve dans le projet de loi de finances pour 2025.
La plupart des hausses ne sont que le fruit d'augmentations mécaniques, en particulier en personnels ; on constate même de nettes baisses.
D'ailleurs, les autorisations d'engagement diminuent globalement et le schéma d'emplois est nul, bien que certaines autorités voient le nombre de leurs saisines s'accroître fortement, ainsi que leurs missions, du fait même du législateur.
Au regard de ces situations et des auditions auxquelles j'ai pu participer, nous soutiendrons donc l'augmentation des crédits de la Cnil, du Défenseur des droits, de la HATVP ou de l'Arcom.
Nous déposerons aussi des amendements en faveur de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Dans le même esprit, nous voulons préserver la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), dont le rôle ne peut être contesté, tant le narcotrafic fait des ravages auprès de notre jeunesse et dans notre société.
Pour financer ces renforts utiles et répondre à la demande des Français, qui veulent que les efforts soient partagés par tous en cette période de rigueur budgétaire, nous proposerons enfin de restreindre les avantages dont bénéficient les anciens Premiers ministres, qui sont de plus en plus nombreux, il faut bien le reconnaître. (Sourires.)
Pour conclure, même si nous sommes optimistes quant à l'issue de nos amendements, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain conformera certainement son vote contre les crédits alloués à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mmes Nicole Duranton et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire intervient alors que vous avez perdu les élections législatives anticipées. Pourtant, vous restez en place pour appliquer la même politique !
Il n'existe pas un pays – enfin, un pays démocratique – où la force arrivée en tête des scrutins est privée de pouvoir et où les perdants continuent de diriger, comme si de rien n'était.
Pis, après deux Premiers ministres « essorés », le troisième se présente devant nous et nous appelle, sans honte, à la responsabilité, au compromis, tout en restant sourd aux revendications populaires, à la soif de justice sociale et fiscale, et en accélérant l'érosion de nos droits et liberté, faisant le lit de l'extrême droite qui toque aux portes du pouvoir et s'apprête à ramasser les lambeaux de notre République, que vous avez mise à terre.
Les missions du projet de loi de finances pour 2026 illustrent cette orientation sécuritaire : avec une hausse de 6 % des dépenses allouées à la sécurité et à la défense, l'État renforce ses outils de surveillance et de répression, quand la dotation des autorités de contrôles chute de 7 %.
Mes chers collègues, comment justifier la baisse du budget de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, alors que la surpopulation carcérale bat de tristes records, sans même parler des conditions indignes de détention dont souffrent les détenus et des conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire ?
Comment justifier la faiblesse de l'augmentation accordée à la Cnil ou à la Défenseure des droits, qui ne constituent même pas un pansement de premier secours vu leur charge de travail ?
Comment comprendre la chute du budget de la HATVP ? Prenons-nous la mesure du signal envoyé par l'affaiblissement de ce garde-fou démocratique, alors que nombre nos concitoyens se détournent peu à peu de nous, au moment où un ancien président de la République a été incarcéré pour un crime d'une gravité extrême ?
Pour notre part, nous considérons qu'il faut, au contraire, renforcer les contre-pouvoirs indépendants en matière éthique.
Concernant la juridiction administrative, comme chaque année, nous constatons un volume de saisines en hausse, mais des moyens qui ne suivent pas. Les délais s'allongent et les personnels sont laissés seuls pour gérer la hausse des contentieux relatifs au droit de l'urbanisme, aux libertés publiques ou au droit des étrangers.
Il en va de même pour les juridictions chargées du droit d'asile, un impératif d'humanité qui a été consacré au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Alors que partout des crises éclatent et contraignent des millions de personnes à prendre le chemin de l'exil, aucun budget supplémentaire n'est alloué pour faire face à l'explosion des recours. J'apporte d'ailleurs mon soutien aux salariés de la CNDA, mobilisés le 2 décembre dernier pour l'amélioration de leurs conditions de travail.
Dans cette saignée budgétaire de la fonction publique, seul le Conseil constitutionnel bénéficie d'une légère augmentation, que nous saluons, quand le budget de la Présidence de la République est stable, après une augmentation de 25 % en huit ans.
Le « deux poids, deux mesures » qui a cours dans notre pays ne peut durer. Partout s'exprime une soif de justice sociale, fiscale et environnementale, à laquelle il faudra bien répondre.
Choisir la stratégie du choc, en attisant la peur de la dette ou de la guerre pour faire passer en force un nouveau budget austéritaire n'est pas un mode de gouvernement auquel nous nous résoudrons.
Partout dans le pays, la démocratie sociale doit être renforcée, et non tuée, réprimée ou asphyxiée. C'est pourquoi, fidèles à nos convictions, nous voterons contre les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin trois missions dont les mouvements de crédits sont relativement stables, mais qui sont fondamentales pour notre démocratie, laquelle, vous le savez, est fragile et menacée.
Les budgets sont majoritairement gelés, et certains gels et baisses de crédits sont très préoccupants.
Comme l'année dernière, la Présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat ont décidé, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, de maintenir le gel de leurs dotations.
On peut comprendre le réflexe consistant à dire que les institutions doivent donner l'exemple dans un moment où nous cherchons des ressources. Mais il y a des endroits où cela se fait à rebours de la logique.
Nous avons en France un Parlement gravement sous-financé. Alors que l'on ne cesse de dire que le temps du Parlement est enfin venu, nous choisissons de maintenir ce sous-financement.
Mes chers collègues, j'ai passé dix ans au Parlement européen. J'aimerais vous donner un seul chiffre pour mesurer la différence entre les deux situations : les crédits pour les seuls collaborateurs des députés européens s'élèvent en 2025 à 30 769 euros par mois et par député.
Ces crédits ne sont pas un coût pour le Parlement européen ; ils sont une ressource précieuse. Ils permettent d'embaucher dans de bonnes conditions des équipes expertes, expérimentées, assez nombreuses, et d'attirer les meilleurs au service du plus important : l'intérêt général.
Ils rendent le Parlement européen fort, capable de bâtir sa propre expertise, une position de négociation indépendante vis-à-vis de la Commission et du Conseil ; bref, ils servent la démocratie. Pour tous les partis politiques qui y sont représentés, ils sont considérés comme essentiels.
Il faudra bien un jour que, en France, nous comprenions qu'il y va du respect des électeurs que de donner à ses élus les moyens de les représenter.
Concernant la mission « Direction de l'action du Gouvernement », nous tenons à alerter : de nouvelles tâches sont confiées aux autorités administratives indépendantes, quand, en parallèle, des économies leur sont imposées pour près d'un million d'euros. Or on ne peut pas faire les deux en même temps !
Comment espérer voir ces entités fondamentales, comme la HATVP ou le Défenseur des droits, assurer leurs missions essentielles, alors même que l'on réduit leurs moyens, déjà largement contraints ?
Dans le contexte géopolitique dangereux que nous connaissons, comment expliquer la coupe subie par la HATVP, alors que celle-ci indique ne pas disposer des moyens nécessaires pour assurer et renforcer ses capacités de contrôle en matière d'ingérences étrangères ?
Aussi, dans un contexte où la démocratie s'abîme et est la cible de menaces hybrides, où règne la désinformation, de véritables moyens devraient être alloués aux chaînes parlementaires.
Le Centre d'excellence européen contre les menaces hybrides à Helsinki, créé par l'Union européenne et l'Otan en 2017, est clair : pour lutter contre ces menaces, il faut renforcer les institutions démocratiques et garantir l'indépendance et la légitimité des médias. Là encore, ce n'est pas un coût : c'est la garantie de la protection de nos démocraties.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l'État », enfin, nous déplorons un budget en baisse, notamment celui des juridictions administratives, malgré un nombre de saisines qui explose.
Comment espérer une réduction des délais de jugement et une réponse à l'augmentation massive des recours devant les juridictions administratives quand on baisse les budgets ? Comment tout simplement ne pas nuire à la qualité des décisions rendues et ne pas étouffer ceux qui les rendent si les effectifs sont gelés et les budgets, réduits ? C'est impossible !
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Audrey Linkenheld applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les missions qui sont en débat ce matin financent ce qui fait tenir la République : les institutions qui garantissent l'équilibre démocratique, les autorités qui veillent au respect de nos règles fondamentales, le travail législatif et son contrôle, ainsi que les services publics d'information, qui rendent ce travail accessible à chacun.
Sans ces moyens, il n'y a ni stabilité institutionnelle, ni régulation indépendante, ni transparence démocratique. Ce budget n'est donc pas abstrait : il touche au cœur de notre démocratie.
Nous parlons ici de choses très concrètes : les moyens nécessaires au contrôle parlementaire et les outils qui assurent la continuité des institutions. Bref, ce qui garantit que le travail que nous devons rendre aux citoyens peut réellement être accompli.
Au nom du groupe du RDSE, je veux rappeler que nous abordons cette mission avec sérieux et sans positions préétablies. Nous n'avons pas tous la même appréciation des crédits proposés pour 2026, mais nous partageons le même objectif : trouver un équilibre crédible entre l'exigence de sobriété et la nécessité d'un fonctionnement institutionnel solide. Cette diversité d'approches exprime le sens des responsabilités qui nous anime.
Sur le premier volet, celui de la sobriété, nous savons que l'exaspération citoyenne est forte. Combien de fois n'avons-nous pas entendu : « Avant d'imposer des efforts à la société, faites-en vous-mêmes » ? Ce reproche n'est pas théorique. Il naît d'un vécu de services publics qui s'effritent, d'un pouvoir d'achat qui se dégrade.
Nos concitoyens observent le monde politique avec un regard critique, notamment face à certains avantages qui peuvent paraître disproportionnés. Reconnaître cette perception n'est ni de la démagogie ni un aveu de culpabilité ; c'est simplement avoir conscience de ce qui légitime leurs exigences.
L'amendement porté par notre collègue Henri Cabanel tend à eller dans ce sens. Il prévoit une réduction mesurée des dotations de certaines institutions, non pour affaiblir leur fonctionnement, mais pour défendre l'idée que l'effort doit être partagé pour être accepté. Et ces 26 millions d'euros d'économies parlent d'eux-mêmes : c'est l'équivalent d'environ 1 130 postes d'aides-soignantes en Ehpad, ou de 746 professeurs du secondaire, ou encore de 1 187 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) dans nos écoles.
Le second volet, tout aussi crucial, est celui de la nécessité d'un fonctionnement institutionnel solide. Nous ne pouvons pas demander à nos institutions de contribuer à l'effort collectif, si cela se fait au prix d'une fragilisation de leur capacité à remplir leurs missions.
Les années de gel pèsent concrètement : des équipes à flux tendu, des responsabilités qui s'accumulent, des missions qui s'élargissent, tandis que les moyens et certains salaires stagnent. Cela concerne particulièrement nos assemblées, dont le travail est au centre de la vie démocratique.
Dans ce contexte, les dispositions des amendements déposés par Michel Masset, moi-même et des collègues d'autres groupes prennent tout leur sens. Il s'agit de renforcer les moyens des équipes parlementaires et des groupes politiques, pour garantir un travail législatif sérieux, un contrôle efficace et une transparence réelle à l'égard de nos concitoyens.
Il s'agit non pas d'une dépense supplémentaire pour le principe, mais d'un investissement nécessaire pour préserver le fonctionnement même de la démocratie.
Sobriété et solidité institutionnelle ne sont pas opposées. Elles se complètent. Montrer l'exemple dans la maîtrise des dépenses, tout en assurant que nos institutions restent pleinement opérationnelles, est la marque de ce que nous défendons.
Ainsi, le groupe du RDSE votera dans sa grande majorité en faveur des crédits de ces missions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui trois missions essentielles au fonctionnement de nos institutions : « Conseil et contrôle de l'État », « Pouvoirs publics », et « Direction de l'action du Gouvernement ». Ces missions portent des choix budgétaires importants, et il me semble utile d'en proposer une lecture à la fois lucide et constructive.
En ce qui concerne la mission « Conseil et contrôle de l'État », les institutions concernées – Conseil d'État, juridictions administratives et financières et Cese – prennent clairement leur part à l'effort budgétaire.
La baisse de 2,6 % des crédits de paiement en 2026 est principalement liée à la fin de grands projets immobiliers et à la réduction des investissements. Cela montre une capacité à rationaliser les moyens et à maîtriser la dépense.
Toutefois, cette sobriété intervient dans un contexte où les contentieux ne cessent d'augmenter. Avec un schéma d'emploi stable pour la deuxième année, le risque d'allongement des délais de jugement est bien réel pour les juridictions administratives.
La situation de la Cour nationale du droit d'asile, dont les moyens stagnent à 52 millions d'euros malgré un contentieux toujours élevé, en est l'illustration la plus visible. Dans une période où l'on veut travailler sur la question de l'immigration, ne pas donner les moyens nécessaires à la CNDA me paraît quelque peu surprenant.
Il sera donc indispensable de suivre attentivement la soutenabilité de la justice administrative si l'on veut garantir un accès effectif au droit.
Enfin, comme le note le rapporteur, la mission met en lumière un enjeu démocratique important : la lisibilité budgétaire, en particulier pour les crédits destinés à la participation citoyenne au Cese. Une identification plus claire serait utile. La démocratie participative ne peut progresser que si chacun comprend précisément ses objectifs et les moyens qui lui sont consacrés.
En ce qui concerne la mission « Pouvoirs publics », là aussi, on note une maîtrise de la dépense.
Les dotations ont certes augmenté en valeur depuis 2011, mais, en euros constants, elles reculent de près de 10 %. Le Sénat, avec la baisse de dotation la plus importante, illustre particulièrement cette démarche de responsabilité. Mais il est bon de noter que ce budget comporte aussi l'entretien d'un patrimoine immobilier, qui est exceptionnel par sa richesse historique et qui nécessite de lourds travaux de rénovation énergétique.
Cette stabilité prolongée atteint donc aujourd'hui ses limites, et ces tensions doivent être prises en considération si nous voulons continuer à moderniser nos institutions.
Enfin, en ce qui concerne la mission « Direction de l'action du Gouvernement », nous retrouvons aussi cette logique de sobriété avec une baisse d'environ 3 % sur plusieurs programmes. Le choix est clairement assumé de renforcer les moyens consacrés à la sécurité nationale. Dans un contexte international tendu, l'augmentation des crédits du SGDSN est pleinement justifiée.
En outre, la fusion entre France Stratégie et le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan va dans le sens d'une simplification bienvenue. Elle permet 12 % d'économies, améliorant la mutualisation des fonctions prospectives publiques.
Enfin, les moyens de l'Anssi sont renforcés, alors que les cyberattaques ont augmenté de 15 % en 2024 et que le 17Cyber a été lancé depuis bientôt un an, malheureusement sans grande publicité. Ses effectifs progressent encore en 2026 pour répondre aux nouvelles obligations européennes. C'est indispensable si l'on veut garantir la sécurité numérique de l'État.
Pour terminer, la situation des autorités administratives indépendantes mérite une attention particulière. Si la rationalisation de la dépense les concerne elles aussi, un paradoxe demeure : elles voient leurs moyens gelés – certains voudraient même les diminuer –, alors que les missions qui leur sont confiées s'élargissent.
Les économies attendues représentent une baisse de 2,4 % des dépenses de fonctionnement, tandis que les dépenses de personnel augmentent mécaniquement, même si aucun poste n'est créé. La HATVP nous alerte sur le manque d'experts pour contrôler les risques d'ingérence étrangère, tandis que le Défenseur des droits continue de recourir à près de quatre-vingts stagiaires chaque année pour répondre aux demandes. De telles situations ne sont clairement pas tenables à long terme.
Le nombre de missions confiées à ces autorités augmentera encore en 2026 : elles devront assurer l'application du Digital Services Act, organiser les prochains états généraux de la bioéthique ou renforcer les exigences en matière de cybersécurité. Toutefois, aucun renfort budgétaire n'accompagne ces évolutions. Tôt ou tard, il faudra tirer les conséquences de la montée en charge de ces institutions.
Je le sais, certains considèrent que le Défenseur des droits constitue une dépenses inutiles. Il s'agit pourtant d'un aiguillon indispensable, parfois exigeant, souvent dérangeant, mais toujours utile pour rappeler que l'action publique doit rester à hauteur d'homme.
Mes chers collègues, son rôle n'est pas de compliquer la vie des institutions, mais de nous pousser à faire mieux, de corriger ce qui doit l'être et de garantir à chaque citoyen qu'il peut faire valoir ses droits. Au regard de l'ensemble des missions qui lui sont confiées, son budget n'est pas un luxe ; son coût est même modeste comparé aux injustices qu'il permet d'éviter.
En définitive, l'ensemble formé par ces trois missions est cohérent : il présente de réels efforts de rationalisation et de modernisation de l'action publique. Certes, des fragilités demeurent, qu'il s'agisse de pressions contentieuses, de besoins d'investissement ou de contraintes qui pèsent sur les autorités indépendantes, mais ces réserves ne remettent pas en cause l'équilibre général du texte.
Le budget de ces missions, responsable, est globalement satisfaisant. Le groupe Union Centriste votera donc en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)