La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble
Palais du Luxembourg, 28 mai 2003
François MOUTOT Directeur Général de l'Assemblée Permanente des Chambres de Métiers
J'habite un petit village en zone périrurale où au début du siècle dernier il y avait 500 habitants - 200 ou 250 personnes qui travaillaient dans les fermes, tous les autres travaillant dans l'artisanat au soutien de l'activité agricole -et où il y en a aujourd'hui à peu près le double. Il reste toujours des activités artisanales mais évidemment ces activités artisanales ne soutiennent pas ceux qui travaillent dans les fermes, car il n'y en a quasiment plus, mais ceux qui habitent en milieu rural. Car l'artisanat et les commerces de proximité assurent une bonne partie du lien humain qui permet de se poser encore la question de savoir comment nous allons partager l'espace rural.
L'artisanat, c'est évidemment la fonction de service de proximité et de bouche. Il est évident que la disparition des boulangers et des bouchers est un élément déterminant dans la mort de nos villages. Je crois qu'il est important d'avoir cette fonction en tête. Mais il y a d'autres fonctions : l'artisanat ce n'est pas seulement ces activités traditionnelles, c'est aussi des activités de service de proximité qui créent des liens sociaux. Monsieur Buguet évoquait tout à l'heure pour faire rire les tempes argentées qui vont maintenant plus souvent chez le coiffeur qu'avant. Ces services sont créateurs d'emplois mais aussi créateurs de liens dont on a toujours besoin en milieu rural.
Les activités de l'artisanat sont aussi des activités de production : il y a de plus en plus de PME qui se créent en milieu rural pour des activités de production qui ne sont pas forcément des productions traditionnelles. C'est aussi l'émergence de nouveaux métiers, de nouveaux savoir-faire, qui peuvent accueillir là des ruraux à part entière et pas seulement des ruraux. C'est le développement d'entreprises artisanales mais c'est aussi la possibilité d'avoir des producteurs d'amont dans des techniques particulières au service de la ruralité et de l'agriculture.
Et nous avons évidemment les activités de métiers d'art, qui sont un peu la vitrine de nos terroirs mais qui sont aussi une vitrine économique.
On ne peut pas penser l'espace rural français comme un espace de seule vitrine, c'est un espace de production, de vie d'hommes et d'entreprises. Et pour cela nous avons besoin d'un environnement qui soit effectivement partagé tant dans l'espace que dans les services. On a parlé à l'instant du partage de l'espace. Nous avons besoin, pour maintenir ce milieu rural, qu'il y ait effectivement une égalité de traitement entre le développement des espaces urbains et des espaces ruraux. Nous avons besoin de voies de communication.
Nous avons besoin de services liés au développement des contraintes environnementales. Il est évident qu'aujourd'hui, on se pose peu la question du ramassage des ordures en milieu urbain. On est aujourd'hui avec des contraintes sur les entreprises en milieu rural beaucoup plus fortes que sur les entreprises en milieu urbain, ce qui n'est pas logique. Il doit y avoir des solidarités, il doit y avoir, pour un véritable partage de l'environnement, des contraintes qui soient mesurées et des services qui soient égaux. Ces services, vous les avez en tête : il est évident que les entreprises agricoles ou les entreprises artisanales ont des déchets. Elles produisent des masses de déchets qui sont considérables. Il convient d'avoir, pour pouvoir partager ces espaces, des solidarités nationales et des solidarités économiques.
La contrainte de l'environnement c'est aussi - on parlait du coq, on parlait de la tondeuse - la scie électrique du menuisier ou d'autres choses comme ça. Si on veut maintenir nos activités et le partage de l'espace et qu'il y ait une activité économique rurale soutenue, il faut effectivement qu'on comprenne peut-être que les ateliers à la campagne c'est mieux que les ateliers en ville et qu'il faut aussi ces solidarités.
Ça peut passer très certainement - et nous sommes très attentifs à l'évolution de la régionalisation - par une subsidiarité auprès des organismes qui sont chargés de suivre les entreprises. Je salue la présence en Luc Guyau d'un élément très favorable au rapprochement des réseaux consulaires qui sont, à travers cette démocratie économique que nous représentons, la possibilité pour les entreprises de se faire à la fois les interlocuteurs des pouvoirs politiques que vous êtes et les porteurs et les réalisateurs de vos projets. Dans le territoire français, nous avons à peu près 400 antennes qui sont destinées à accompagner les entreprises, leur création et leur reprise. C'est un tissu de solidarités auquel il faut faire très attention. Nous avons de nombreuses expériences interconsulaires qui vont dans le même sens et qui permettent également un meilleur partage du monde rural à travers ces solidarités.
Le message que l'on souhaitait faire passer c'est : pensons entreprise artisanale quand on pense entreprise rurale, pensons aux solidarités à la fois d'usage de l'espace et d'usage des moyens et demandons qu'on fasse en sorte, quand on met en place des politiques générales, qu'elles ne s'appliquent pas uniquement à 20 % ou 30 % des entreprises de France mais à 100 % des entreprises de France, donc à 65 % ou 70 % d'entreprises rurales.