La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble
Palais du Luxembourg, 28 mai 2003
Charles-Henri de PONCHALON Président de la Fédération Nationale des Chasseurs
La chasse, c'est 1,4 million de chasseurs en France et c'est 80 000 associations pour les regrouper. Il faut avoir conscience que c'est le principal réseau associatif du monde rural. Et si je prends le problème du côté économique, c'est 2,2 milliards d'euros, 23 000 emplois en France, l'établissement public qu'est l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, qui emploie 1 600 personnes, et les fédérations départementales, qui emploient 1 400 professionnels, et supportent la charge intégrale des dégâts causés aux cultures. Je m'excuse, Monsieur le président Plauche-Gillon, nous ne participons pas, c'est vrai, aux dégâts forestiers mais je vous dirai : que les forestiers régulent dans leurs forêts, pour éviter d'avoir trop de dégâts !
La chasse n'est pas non plus qu'une économie. C'est probablement le lieu le plus important où les barrières sociales s'effacent. Je ne pense pas qu'il y ait d'autres structures dans notre monde associatif en France où il n'y a plus de structures sociales quand on est entre chasseurs. C'est également une alliance originale entre le privé et le public, avec les missions de service public qui nous sont confiées, que ce soit la mission policière, la recherche appliquée sur la faune, l'indemnisation des dégâts, la formation des chasseurs et la validation simplifiée du permis de chasser. Toutes ces raisons font que nous sommes directement associés à la vie quotidienne de ce pays.
Le thème, aujourd'hui, était un peu les conflits d'usage. Je sais bien que nous ne sommes souvent pas très aimés dans les milieux urbains. Dans la société actuelle, le problème qui nous est reproché c'est celui des accidents, qui sont quand même en baisse de 28 % alors qu'il y a dix fois plus de grands animaux qu'il y a vingt ans, donc beaucoup plus de tirs faits.
Les accidents concernant des non-chasseurs sont extrêmement rares et je rappellerai quand même que les motos-neige ou les motos-mer font beaucoup plus d'accidents mortels que n'en fait la chasse. Malheureusement, les médias ne parlent que de ceux de la chasse : c'est plus facile à lire, je pense, dans le monde urbain. Ce sentiment d'insécurité n'est donc pas fondé dans les statistiques. Mais la chasse est d'abord un problème subjectif, culturel et de confiance à régler avec les promeneurs citadins. C'est vrai que l'urbain, qui va à la campagne pour ses vacances, pour faire de la randonnée, n'y va pas toujours en commun accord avec le calendrier des campagnes, qu'il faut également prendre en compte.
Pour combler cette absence de message entre campagne et ville, il faudrait trouver des lieux de conciliation et d'information. Le monde de la chasse s'y emploie mais c'est encore nettement insuffisant. Les sociétés communales indiquent souvent dans les mairies les jours où elles font leurs battues.
En outre il y a une pédagogie et une éthique de la conciliation et du respect des usagers qu'il faut que nous fassions passer. C'est un message que nous devons cultiver de façon à avoir des contacts de plus en plus fréquents avec le monde qui n'est pas rural. La chasse s'exerce dans un temps limité sur des espaces rarement en conflit. Il a été dit qu'il n'y avait pas de conflits entre le monde agricole et les ruraux et le monde de la chasse. Même s'il y en a peut-être eu à une époque, il n'y a pas de conflits avec les ruraux parce qu'ils sont élevés avec la vie de la faune, au milieu de cette faune sauvage, qu'ils la comprennent et donc en comprennent l'utilisation.
Si nous nous intéressons à ces problèmes de relation entre les uns et les autres, il faut absolument que nous mettions en place une citoyenneté dans le respect de l'usage, le respect des règles et le respect du contrôle. Mais il faut encore qu'il y ait des gens pour faire respecter le contrôle et des moyens pour que ces règles puissent être appliquées. C'est pour ça que nous avons suggéré que cela soit une fonction du CSP et de la garderie de l'Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage, qui pourraient jouer un rôle de police rurale plus large qu'ils ne le font aujourd'hui. Tout le monde a besoin d'une certaine sécurité, même dans le monde rural. Ces agents pourraient être des relais pour cette sécurité de proximité.
Depuis quelques années, notre tutelle nous avait mis dans une politique de zonage, avec une spécialisation de l'espace. C'était dangereux pour l'économie et pour l'écologie. La chasse est confrontée à ces excès : espace agricole intensifié - je n'en ferai pas le reproche au monde agricole, c'est la fiscalité qui l'a obligé à cette intensification - et espace naturel zone que sont les réserves naturelles et les ZPS, qui ont été un peu sanctuarisées. Nous devons aujourd'hui prendre conscience du fait que l'utilisation de la nature est depuis longtemps une multifonctionnalité. Cette multifonctionnalité a été théorisée mais rarement mise en pratique.
Il faut prendre conscience du fait que tout le monde peut profiter de la nature mais seulement en collaboration les uns avec les autres. La chasse s'exerce sur des espaces et sur des espèces ordinaires, à l'inverse de la défense des espaces et des espèces, qui touche des espèces exceptionnelles dans des zones exceptionnelles. Il ne faut pas mélanger l'ordinaire et l'exceptionnel. Une déconnexion est nécessaire entre la tutelle des espaces - agriculture - et la tutelle des espèces -environnement. C'est pour cela que nous avons demandé un rattachement au Ministère de l'Agriculture.
Pour terminer, la campagne et la chasse sont peut-être des produits de consommation. L'espace va être utilisé par l'agriculture et par autre chose que l'agriculture. La chasse peut être un atout économique important pour le monde agricole dans les années qui vont venir et probablement davantage encore pour les régions un peu défavorisées.