La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble
Palais du Luxembourg, 28 mai 2003
Discours de clôture
Jean-Pierre RAFFARIN Premier ministre
Je vous prie de m'excuser de ne pas rester avec vous mais je dois expliquer aux Français la réforme des retraites à la télévision ce soir et je veux m'y consacrer quelque peu pour être sûr de les convaincre. Mais je ne voulais pas être infidèle, être infidèle à Ladislas, être infidèle à chacun d'entre vous, être infidèle au Sénat et être infidèle à une cause que j'ai au plus profond de moi-même qui est l'équilibre de la France grâce à une ruralité vivante.
C'est pourquoi je suis venu vous dire combien, pour moi, la réflexion que vous engagez est importante. Vous êtes au début d'une démarche, avec Hervé Gaymard, l'un des meilleurs ministres de l'Agriculture depuis Jacques Chirac, qui va engager une consultation, une concertation pour avoir un projet de loi auquel nous ajouterons, avec un Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire, les décisions qu'il sera nécessaire de prendre sur le plan réglementaire pour donner à notre ruralité les moyens nécessaires. C'est pourquoi je suis très attentif à la réflexion que vous engagez et je remercie beaucoup Ladislas d'avoir organisé ce colloque comme point de départ d'une réflexion - avec les travaux qui ont été menés, notamment dans les deux assemblées, dans les différents groupes de travail -, comme point de départ d'une démarche constructive qui doit déboucher sur un projet de loi.
Il est clair que toutes les chances nécessaires n'ont pas été données, dans le passé, à la ruralité. La ruralité est apparue comme toujours un peu sacrifiée à un phénomène d'urbanisation mal maîtrisée, parce qu'on a vu que la ville n'arrivait pas à régler les problèmes qu'elle créait. Nous avons donc vu combien il était difficile de pouvoir maintenir aujourd'hui un équilibre de nos territoires et pourtant le territoire est un élément essentiel de la cohésion sociale. Et si dans notre pays, il y a souvent tant de déracinés, tant de gens sans repères, c'est peut-être quelques fois qu'il leur manque ce lien social que l'on trouve dans le territoire, que l'on trouve dans l'organisation humaine de la vie quotidienne, dans laquelle l'ensemble de la vie dynamique, associative est très importante. C'est pourquoi, je vous le dis - et je vais laisser Hervé Gaymard s'exprimer devant vous et vous présenter les orientations qui sont les siennes - je crois qu'il faut travailler ensemble pour pouvoir retrouver le moyen de donner à la France une ruralité vivante.
Nous ne sommes pas un pays tout urbain. Le tout agglo ne fait rêver que les technos. On ne peut pas rêver d'être agglomérés. L'agglo n'est pas un projet de société. Qu'il y ait de l'intercommunalité ! Qu'il y ait des grandes villes. Je souhaite que Lille, que Marseille, que Strasbourg, que Bordeaux, que Toulouse et bien d'autres puissent avoir plus de force pour exister dans l'Europe qui est en train de se dessiner, dans ces 25 pays qui sont en train de se rassembler. Il nous faut des villes fortes mais il nous faut un territoire équilibré. Il faut que, derrière ces villes fortes, il y ait une ruralité vivante avec des projets économiques, des projets sociaux, des projets culturels et qu'il n'y ait pas ce qu'on entend quelques fois en France cette hiérarchie entre ce qui se passerait dans les sommets, dans les hauteurs et qui serait noble et intellectuellement respectable et puis tout ce qui touche la ruralité et qui serait d'un second ordre. J'en suis issu donc vous pouvez compter sur ma détermination pour me battre pour cette égalité territoriale qui fait partie de l'égalité républicaine.
Mais plus que tout, au fond, aujourd'hui, ce que doit être le choix de société de la société française, c'est le choix d'une croissance durable et nous devons aller chercher partout les points de croissance nécessaires. Il y a des points de croissance à gagner dans nos lourdeurs administratives. Il y a des points de croissance dans la création d'entreprise. Il y a des points de croissance dans la dynamique rurale, dans l'animation des territoires, dans la fertilité de la France. C'est cela, je crois, le plus important pour nous : c'est d'inscrire dans un projet pour la France une place d'une ruralité qui est une ruralité qui a confiance en son avenir, qui dépasse ses tendances nostalgiques pour s'inscrire dans une perspective de création, création de richesse, création d'initiative, création de valeur. C'est ce qui est, je crois, très important. C'est pourquoi je vous remercie de vous impliquer. Le pays a besoin d'une réflexion fondamentale pour replacer la ruralité dans ses priorités nationales.