III. DES RÉFORMES FONDAMENTALES MENÉES À UN RYTHME SOUTENU

Le fait est bien connu et a été largement commenté dans les médias occidentaux : la Hongrie a profondément transformé son édifice constitutionnel, à quatre reprises depuis 2010, entraînant une modification substantielle de l'équilibre des pouvoirs .

L'argument du Fidesz pour justifier cette évolution est que la Hongrie est le seul pays de la région post-communiste où était encore en vigueur une Constitution n'ayant pas été adoptée par un Parlement démocratiquement élu. Les modifications constitutionnelles apportées en 1989 ont, en effet, été élaborées par le dernier Parlement communiste, conformément aux accords et compromis avec les organismes représentant l'opposition de l'époque 9 ( * ) . D'où la nécessité de faire disparaître la faiblesse originelle de la Constitution provisoire que vingt années d'alternance n'avaient pas permis de modifier.

Outre l'introduction d'un préambule emphatique chargé en symboles historiques et légendaires, à la façon d'un grand roman national, le but était de marquer explicitement le passage à un nouveau régime politique , moins pour des questions d'opportunité qu'en raison d'une certaine nécessité historique. Il n'en reste pas moins que les réformes constitutionnelles incessantes n'ont pas manqué d'être ouvertement et fortement critiquées par les autres pays européens.

A. DES RÉFORMES CONTESTÉES TANT SUR LE FOND QUE SUR LA FORME

1. Des procédures législatives qui laissent perplexes

Nombreux sont les interlocuteurs à avoir signalé la très grande rapidité des procédures parlementaires : certaines propositions de loi sont préparées par des cabinets de consultants ou d'avocats, envoyées au ministre pour « validation », puis transmises à un parlementaire. Les propositions de loi ne font pas l'objet d'un examen en commission. Elles sont directement inscrites pour être débattues en séance plénière, où elles sont le plus souvent adoptées sans grande discussion. Les citoyens ne peuvent consulter les textes en amont de la procédure législative, et doivent en attendre la promulgation pour accéder au détail des textes.

Cette procédure parlementaire nuit à la qualité de la loi , et est source d'insécurité juridique pour tout le corps social. Conjugué à l'inflation législative de ces dernières années, la Hongrie fait partie des pays qui légifèrent « au-delà du nécessaire » . L'avocat Balázs Dénés, président de l'Union pour les libertés civiles hongroises, parle de la Hongrie comme d'une « usine à fabriquer des lois qui tourne à plein régime, mais hélas sans aucun contrôle de qualité ».

2. L'élaboration du cinquième amendement

Le Parlement hongrois a ratifié un cinquième amendement à la Loi fondamentale, le 16 septembre 2013, qui modifie partiellement les précédentes révisions constitutionnelles très critiquées par les instances européennes (Commission européenne, Parlement et commission de Venise notamment). Cette nouvelle révision constitutionnelle, adoptée à la majorité des deux tiers requise, a supprimé les trois clauses qui avaient fait l'objet de mises en demeure adressées par la Commission européenne. Les députés ont ainsi levé l'interdiction de la diffusion de publicités politiques dans les émissions de radio et de télévision privées, supprimé l'impôt spécial pour compenser les sanctions financières européennes et l'Office judiciaire national s'est vu retirer le droit de changer de tribunal pour le traitement d'une affaire judiciaire.

Lors de cette même séance, le Parlement a également étendu la surveillance bancaire à la Banque centrale hongroise ( Magyar Nemzeti Bank ) en la fusionnant avec l'organe de supervision des institutions financières ( Pénzügyi Szervezetek Állami Felügyelete ), entité qui exerce ses fonctions depuis le 1 er octobre 2013. Les députés ont également abrogé la disposition qui conférait à un comité parlementaire la possibilité d'accorder ou de refuser les autorisations préalables d'établissement des communautés religieuses, les subventions qui leur sont accordées restant néanmoins de la compétence du Parlement.

M. Gergely Pröhle, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des relations bilatérales avec l'Union européenne et de la diplomatie culturelle, a assuré à la délégation que la Hongrie entre désormais dans une période de stabilité constitutionnelle , les réformes jugées nécessaires ayant été entreprises et le cadre constitutionnel étant dorénavant jugé satisfaisant par les autorités pour mener à bien les réformes de structure qu'il reste à accomplir pour moderniser la Hongrie. Il a affirmé néanmoins comprendre les inquiétudes des autres pays européens, quand il est possible de voter et promulguer des lois organiques en moins d'une semaine.

Concernant les analyses qui sont faites sur le caractère eurosceptique du gouvernement actuel, il s'est voulu rassurant en observant qu'il s'agit d'une « rhétorique politique à usage essentiellement national » : si les discours paraissent parfois hostiles à la construction européenne, les actes laissent entrevoir un réalisme qui s'accommode très bien de Bruxelles. La relative jeunesse du « fait démocratique » en Hongrie requiert une certaine indulgence au regard des nécessaires apprentissages qui succèdent à tout changement de régime de grande ampleur.


* 9 Le préambule de la Constitution en vigueur entre 1989 et 2011 disposait :

« Pour promouvoir la transition politique pacifique vers un État de droit qui réalise un régime politique pluraliste, une démocratie parlementaire et une économie sociale de marché, l'Assemblée nationale fixe, jusqu'à l'adoption d'une nouvelle Constitution pour notre patrie , le texte de Constitution de la République de Hongrie comme suivant : »

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page