Service des études juridiques (Mai 2010)
PAYS-BAS
Figurant dans le code de procédure civile depuis 2005, l'action de groupe nécessite, aux Pays-Bas, la conclusion d'un accord préalable entre les représentants des responsables d'un dommage et ceux des victimes de celui-ci. Les uns et les autres demandent ensuite de façon conjointe au juge une homologation de l'accord qu'ils ont signé. Avant de rendre sa décision au fond, le juge met, en organisant la publicité de la procédure, les victimes du dommage en mesure de lui indiquer, si elles le souhaitent, qu'elles ne veulent pas se voir appliquer le contenu de l'accord. |
La loi du 23 juin 2005 a introduit les articles 907 à 910 et 1013 à 1018 et modifié l'article 310 du code civil des Pays-Bas afin de déterminer le régime de l'action de groupe qui y est actuellement en vigueur.
Cette procédure repose tout d'abord sur la conclusion d'un accord entre des parties (victimes et auteur(s)) d'un dommage qui constituent un groupe pour fixer une indemnisation. Ceux-ci demandent ensuite au juge de conférer à cet accord un effet vis-à-vis des tiers qui n'y sont pas parties sous réserve de permettre, par le biais d'une procédure de publication de l'accord, aux tiers qui le souhaiteraient de ne pas se voir appliquer son contenu.
1. Le champ d'application de la procédure
• Conclusion d'un accord et demande d'extension de l'application de ses dispositions aux tiers
La procédure débute par la conclusion d'un « accord servant à l'indemnisation du dommage causé par un ou des événements analogues, conclu par une fondation ou une association dotée de la pleine compétence juridique avec une ou plusieurs parties » (art. 907.1).
Cet accord est conclu entre des représentants des victimes , personnes morales, (et non pas par des personnes physiques) et des auteurs du dommage qui conviennent des modalités d'indemnisation.
• Contenu de l'accord
En vertu de l'article 917.2, l'accord contient :
- la description du groupe et des sous-groupes de personnes pour le besoin desquelles l'accord est conclu, en fonction de la nature et de la gravité du dommage ;
- l'indication, aussi précise que possible, du nombre des personnes qui appartiennent à ce ou ces groupe (s) de sorte qu'il suffira aux victimes de prouver qu'elles sont dotées des caractéristiques nécessaires pour appartenir à un (sous)-groupe et donc pour recevoir l'indemnisation correspondante ;
- l' indemnisation qui sera attribué à ces personnes ;
- les conditions auxquelles ces personnes doivent répondre pour être prises en compte ;
- la façon dont on fixe l'indemnisation et celle dont elle peut être obtenue ;
- le nom et le domicile des personnes qui ont fait savoir qu'elles ne voulaient pas se voir appliquer le contenu de l'accord .
L'accord peut prévoir que le droit à indemnisation s'éteint à l'issue du délai d'un an à compter du jour où on a fait connaître la possibilité de réclamer une indemnisation en vertu de ses dispositions (art. 907.6).
2. La demande et sa recevabilité
• Une demande conjointe
Il revient aux signataires de l'accord de demander au juge de façon conjointe de le déclarer applicable et contraignant pour les personnes auxquelles le dommage est survenu (art. 907.1).
La demande est présentée, en première instance, à la Cour d'appel d'Amsterdam , par dérogation aux règles ordinaires de compétence juridictionnelle (art. 1013.3).
La demande contient :
- les noms et domiciles des demandeurs ;
- une description du ou des événements auxquels l'accord se rapporte ;
- les noms et domiciles des personnes connues des demandeurs au profit desquels l'accord est conclu ;
- une courte description de l'accord ;
- une claire description de la demande et des raisons sur lesquelles elle repose (art. 1013.1).
L' accord est annexé à la demande écrite (art. 1013.2).
Le dépôt de la demande a pour effet d' interrompre le délai de prescription pour l'indemnisation du dommage (art. 907.5).
• L'examen de la demande
Conformément à l'article 907.3, le juge rejette la demande si :
- l'accord ne contient pas les dispositions obligatoires précitées ;
- le montant des indemnisations n'est pas raisonnable , vu l' ampleur du dommage , la simplicité et la rapidité avec lesquelles les indemnisations peuvent être obtenues et les causes possibles du dommage ;
- il existe un doute sur le fait que les créances de ceux pour lesquels l'accord a été conclu seront bien honorées ;
- l'accord ne prévoit pas une fixation de l' indemnisation de façon indépendante ;
- les intérêts des personnes pour le besoin desquelles l'accord a été conclu sont insuffisamment garantis ;
- la fondation ou l'association à l'initiative de laquelle l'accord est signé n'est pas assez représentative des intérêts de ceux pour les besoins desquels l'accord est conclu ;
- le groupe n'a pas une ampleur suffisante ;
- une personne devra verser une indemnisation, en conséquence de l'accord, alors même qu'elle n'est pas partie à celui-ci.
Le juge peut demander aux parties de compléter l'accord ou de le modifier (art. 907.4).
Pendant l'examen de la demande , les procédures en cours concernant les réclamations sur la chose au sujet de laquelle l'accord prévoit une indemnisation sont suspendues à la demande d'une partie dont on exige l'accord dans la procédure (art. 1015.1). Une procédure suspendue dans ces conditions est reprise si :
- la demande tend à l'indemnisation, non prévue par l'accord, d'un dommage ;
- une personne qui estime avoir droit à indemnisation a déposé une demande tendant à ce que les effets de la « déclaration contraignante » formulée par le juge au terme de la procédure (voir infra, paragraphe 3.) ne lui soient pas opposables ;
- il est certain que la demande ne conduira pas à une indemnisation ;
- l' accord initial a été résilié ;
- l' examen de la question , en considérant les intérêts d'un ayant-droit à une indemnisation et en prenant en compte toutes les circonstances, doit se prolonger de façon inacceptable ;
- ou si une des parties, après que la décision prononcée est devenue irrévocable, exige la condamnation au paiement des frais de procédure (art. 1015, 1 à 5).
Au cours de cette phase d'examen le juge peut demander des expertises et mettre leur coût à la charge d'un ou plusieurs demandeurs (art. 1016).
3. La décision au fond et ses effets
• Le jugement
Avant l'audience , le juge convoque par courrier ordinaire les parties dont les noms figurent dans la demande qui lui est adressée et fait procéder à la publication d'une annonce dans un ou plusieurs journaux à l'attention des parties qui voudraient déposer un mémoire en défense (art. 1013.5 et 1014). Cette annonce contient une brève description de l'accord et des conséquences qu'aurait une décision rendue dans un sens favorable à la demande.
Dès que la décision du juge qui a déclaré un accord contraignant (on fera désormais référence à cet acte sous le nom de « déclaration contraignante » ( verbindendverklaring ) a reçu l'autorité de la chose jugée , cet accord a des effets au-delà de ses seuls signataires, sauf à l'égard des personnes qui auraient eu droit à une indemnisation et qui :
- prévenues dans un délai fixé par le juge à au moins trois mois après l'annonce de la « déclaration contraignante », ont fait savoir par écrit qu'elles ne voulaient pas être liées par celui-ci ;
- n'ont pas pu être mises au courant et après que le dommage s'est avéré ont fait savoir ne pas vouloir être liées par cette déclaration (art. 907.2 et 3).
Enfin la déclaration contraignante doit annuler toute clause qui libèrerait d'un engagement une partie à l'accord au détriment des personnes ayant droit à l'indemnisation sauf si cette clause permet à toutes les parties de résilier l'accord au plus tard dans les 6 mois après le terme fixé par le juge, au motif que la déclaration contraignante a des conséquences pour un nombre trop restreint de personnes ayant droit à une indemnisation. Ceci vise le cas où, un nombre trop important de victimes ne souhaitant pas se voir appliquer les conséquences de l' accord , celui-ci perdrait de son efficacité pour résoudre les litiges.
La résiliation de l'accord fait l'objet d'une publication dans deux journaux. Elle est communiquée par écrit à la fondation ou à l'association qui a pris l'initiative de la signature de ce document (art. 907.4).
La décision du juge est communiquée aux demandeurs, aux personnes qui ont droit à une indemnisation et qui sont connues, ainsi qu' aux autres requérants qui ont pris part à la procédure . Elle est déposée au greffe avec ses annexes afin d'être consultable par les personnes qui auraient droit à une indemnisation. Elle fait l'objet d'une annonce dans un ou plusieurs journaux désignés par le juge. L'annonce contient une courte description de l'accord, des modalités d'obtention de l'indemnisation et, si l'accord en dispose ainsi, du délai dans lequel les personnes concernées doivent revendiquer leurs droits ainsi que des conséquences de la décision contraignante et des délais ouverts pour le paiement des indemnités (art. 1017.1 à 3).
Si la demande est rejetée, il revient aux demandeurs d'en informer les personnes au bénéfice desquelles l'accord a été conclu (art. 1017.4).
Le jugement , dont il ne peut être fait appel, est cependant susceptible d'un recours en cassation qui peut être intenté par les demandeurs, le cas échéant de façon collective (art. 1018).
• Les effets de la « déclaration contraignante »
Le système retenu aux Pays-Bas tend toujours à permettre une indemnisation . Il est donc nécessairement « défavorable » aux défendeurs mais assure qu'ils donnent leur assentiment dans le cadre de l'accord conclu au début de la procédure.
Une décision définitive relative à une indemnisation prise à la suite de l'accord est elle-même contraignante. Toutefois le juge peut statuer sur l'indemnisation , si la décision par elle-même ou si la façon dont elle a été mise en oeuvre , est inacceptable au plan de la raison ou de l'équité (art. 909).
Le juge peut également fixer le montant de l'indemnisation si la décision relative à l'indemnisation n'est pas obtenue dans un délai « raisonnable » (art. 909.2).
Toutefois une personne recevant une indemnisation ne peut, de ce fait, obtenir une « position plus avantageuse » (art. 909.4).
Un système tendant à moduler le montant de l'indemnisation est prévu afin de faire face au cas où :
- des demandes d'indemnisation nouvelles apparaissent après qu'un montant global a été , dans un premier temps, fixé pour évaluer le montant du dommage ;
- l' indemnité peut être diminuée conventionnellement vu la nature et la gravité du dommage ;
- il est alors nécessaire de suspendre le paiement d'une indemnisation car l'on peut douter du montant qui devra être finalement versé aux victimes .