NOTE DE SYNTHESE
Le
projet de loi relatif aux polices municipales, adopté en première
lecture par l'Assemblée nationale le 30 avril 1998, prévoit
de doter les polices municipales françaises d'un réel statut
juridique. Il fixe leurs compétences et les conditions dans lesquelles
elles doivent les exercer, déterminant notamment leurs relations avec la
police nationale et la gendarmerie.
Avant d'analyser les dispositions étrangères relatives aux
polices municipales, il convient de s'interroger sur leur place dans
l'organisation de la sécurité intérieure. En effet, les
rôles respectifs des polices municipales, de la police nationale et de la
gendarmerie - pour ne citer que les principales forces de
sécurité - diffèrent selon les pays.
Cette première question amène à séparer les pays
étudiés (
Allemagne
,
Angleterre et Pays de Galles
,
Belgique
,
Espagne
,
Italie
,
Pays-Bas, Portugal
et
province canadienne du
Québec
) en trois groupes.
- Dans le premier, qui comprend l'Angleterre et le Pays de Galles ainsi que
les Pays-Bas, les polices municipales n'existent pas.
- Le deuxième, où les polices municipales assument un rôle
prépondérant, comprend la Belgique et le Québec.
En Belgique, chaque commune a sa propre police, qui assume les
compétences habituellement dévolues à la police nationale.
Malgré le principe d'autonomie communale, l'organisation et le
fonctionnement des polices municipales sont toutefois très largement
fixés par des arrêtés royaux.
Au Québec, en revanche, seules les communes de plus de
5.000 habitants ont l'obligation d'avoir une police municipale
(
1(
*
)
)
, qui est compétente
non seulement en matière de police administrative, mais également
en matière de police judiciaire. Dans ce domaine, ses attributions
croissent avec la taille de la commune. La police municipale n'est cependant
jamais compétente dans les cas les plus importants, comme par exemple
les enquêtes sur les crimes les plus graves.
- Dans le troisième, les polices municipales, même si elles ne
portent pas ce nom, ne jouent qu'un rôle complémentaire dans la
sécurité intérieure. Elles occupent donc une place
comparable à celle qu'elles ont en France. L'Allemagne, l'Espagne,
l'Italie et le Portugal appartiennent à ce groupe, auxquels les
développements qui suivent sont donc consacrés.
* *
*
L'examen de l'organisation et du fonctionnement des polices
municipales en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Portugal permet de mettre
en évidence :
-
l'existence d'un cadre juridique général les
régissant ;
- le rôle de coordination dévolu aux régions en Espagne et
en Italie ;
-
la participation des polices municipales espagnoles et italiennes
à l'ensemble des fonctions policières et le rôle plus
limité des polices municipales allemandes et portugaises.
1) En Allemagne, en Espagne, en Italie et au Portugal, une loi régit les polices municipales
Dans ces
quatre pays, les compétences des polices municipales sont explicitement
définies, notamment par rapport à celles des autres forces de
sécurité. Cette situation contraste donc aujourd'hui avec celle
de la France, où les polices municipales se sont
développées au cours des dernières années en dehors
de tout statut juridique exprès.
En
Allemagne
, où la
police relève de la
compétence des Länder
, les lois et règlements des
différents Länder sur la police précisent le rôle que
peuvent jouer les services communaux chargés du maintien de l'ordre. En
effet, il n'existe pas en Allemagne de " police municipale ", mais
les collectivités locales, et notamment les communes, ont des services
spécialisés dans le maintien de l'ordre public.
En
Espagne
, où
seules les villes de plus de
5.000 habitants
peuvent créer des polices municipales,
celles-ci sont régies par la loi organique de 1986 sur les
"
forces et corps de sécurité
". Cette loi
détermine notamment le statut des différentes forces de police,
ainsi que leurs compétences respectives.
En
Italie
, il existe depuis 1986 une
loi-cadre sur la police
municipale
qui définit ses attributions. La réforme de cette
loi, actuellement à l'étude, devrait permettre d'améliorer
la coordination des différentes forces de sécurité.
Au
Portugal,
les polices municipales sont actuellement régies par
une loi de 1994 sur les services municipaux de police, qui leur interdit
d'exercer les activités qui relèvent de la compétence des
autres forces et services de police. Cependant, cette loi n'ayant pas
reçu d'application pratique, le gouvernement envisage de déposer
un
projet de loi-cadre
sur les polices municipales au cours de cette
année.
2) Les lois espagnole et italienne confient aux régions le soin de coordonner les polices municipales
En
application de ce principe,
toutes les communautés autonomes
espagnoles
,
à l'exception de celle des îles Canaries, ont
adopté des lois de coordination des polices municipales
. Ceci permet
de fixer des critères communs de sélection, de
rémunération, de formation et de promotion des policiers
municipaux d'une même communauté autonome, ainsi que de
déterminer les moyens techniques mis à leur disposition.
En Italie, les régions ont également
légiféré pour uniformiser le statut et le fonctionnement
des polices municipales, mais la plupart des règles ainsi
adoptées n'ont pas été mises en pratique.
3) La participation des polices municipales espagnoles et italiennes à l'ensemble des fonctions policières les différencie des polices municipales allemandes et portugaises
a)
L'intégration des polices municipales espagnoles au dispositif
policier
La loi organique espagnole de 1986 distingue trois catégories de
"
forces et corps de sécurité
" : ceux de
l'Etat, composés de la police nationale et de la garde civile, ceux des
communautés autonomes et ceux des collectivités locales. Comme
par ailleurs seules les communes peuvent créer des corps de police, la
troisième catégorie ne comporte que les polices municipales.
Totalement intégrées au dispositif policier, la plupart des
polices municipales sont
armées.
Elles ne jouent cependant qu'un
rôle secondaire en matière de police judiciaire : dans ce
domaine, tout comme les polices des communautés autonomes, elles
"
collaborent
" avec les forces de police de l'Etat, seules
compétentes.
La loi de 1986 prévoit que les policiers municipaux portent
obligatoirement un uniforme, dont les principales caractéristiques sont
déterminées au niveau national.
b) Les larges prérogatives des polices municipales italiennes
Bien qu'ils n'appartiennent pas explicitement aux forces de
sécurité, les policiers municipaux italiens peuvent être
considérés comme des policiers à part entière. En
effet, outre leurs pouvoirs de police administrative dans les matières
relevant de la compétence des communes, ils ont des fonctions de police
de la route, de sécurité publique et de police judiciaire. Les
agents de la police municipale sont agents de police judiciaire et les
responsables de service sont officiers de police judiciaire.
De plus, s'ils respectent certaines conditions de moralité, les
policiers municipaux sont
agents de sécurité publique
.
Cette qualité leur permet de
porter une arme sans avoir à
demander de licence
.
Un décret du ministre de l'Intérieur fixe les catégories
d'armes dont peuvent être équipés les policiers municipaux
qui sont agents de sécurité publique.
Actuellement, seules les
très petites communes ont une police municipale non armée.
La loi-cadre précise que l'uniforme des policiers municipaux doit se
distinguer de ceux de la police d'Etat et des forces armées.
c) Les compétences très limitées des polices
municipales allemandes et portugaises
En Allemagne, les services municipaux du maintien de l'ordre, responsables de
la sécurité publique, ont des compétences variables d'un
Land à l'autre. Le plus souvent cependant, outre leurs activités
de patrouille, ils peuvent procéder à des vérifications
d'identité, à des arrestations, voire à des expulsions.
Les agents de ces services sont
rarement armés.
Ils portent un
uniforme. Dans le Land de Rhénanie-Palatinat par exemple, un
règlement précise que l'uniforme de ces agents doit se distinguer
nettement de celui de la police.
Au Portugal, la loi de 1994 limite les compétences des services
municipaux de police aux seules missions de police administrative qui
reviennent aux communes. En conséquence, elle n'autorise que le port
d'une arme de défense. Elle prévoit par ailleurs que leur
uniforme se distingue nettement de celui des autres forces de
sécurité.
Dans les faits, comme la loi de 1994 n'est pas appliquée, la plupart des
communes portugaises disposent de " gardes municipaux "
chargés de veiller au respect des arrêtés municipaux.
Le projet de loi-cadre actuellement en préparation devrait permettre
d'augmenter le rôle des polices municipales en les associant pleinement
au maintien de l'ordre public.
* *
*
Les
polices municipales étrangères constituent donc un ensemble
hétérogène. Seules les polices municipales allemandes,
espagnoles, italiennes et portugaises sont comparables aux polices municipales
françaises. Dans ce groupe, il convient cependant d'opposer l'Espagne et
l'Italie, où la police municipale constitue une police à part
entière, à l'Allemagne et au Portugal, où les polices
municipales sont avant tout des services municipaux.
Il faut également préciser qu'en Italie, comme au Portugal, une
réforme des polices municipales est actuellement à l'étude
et que, dans ces deux pays, il est envisagé de confier le maintien de
l'ordre public sur le territoire communal à la police municipale.