EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Particulièrement marqués par les flux massifs de populations temporaires et saisonnières, les territoires touristiques se retrouvent confrontés à une massification de la demande de logements de tourisme qui contribuent à la multiplication des résidences secondaires et des résidences meublées de tourisme de courte durée : à Biarritz, en trois ans, le nombre d'annonces de locations de courte durée est passé de 2 200 à 3 400, sur un parc de de 25 762 logements.

Sur les 198 000 logements que compte le territoire de la Communauté d'Agglomération Pays Basque (CAPB), près de 20 000 sont des meublés de tourisme de courte durée et 45 000 des résidences secondaires. Ainsi, le territoire totalise plus de logements dédiés au tourisme que de logements privés à louer toute l'année, dénombrés aux alentours de 42 000.

Les premières victimes de ce phénomène sont, une nouvelle fois, les travailleurs les plus démunis et les étudiants qui, faute de pouvoir se loger dans les villes à des prix décents, se retrouvent face à l'impossibilité de se loger, que ce soit en achat ou en location.

Ces difficultés ne concernent d'ailleurs pas uniquement les locataires, qui représentent 36 % des habitants sur le territoire de l'agglomération. Malgré leurs convictions personnelles, les propriétaires se retrouvent souvent contraints de s'aligner sur les prix du marché. Et parmi les arguments avancés pour justifier ce choix, nous retrouvons notamment la nécessité d'acheter un autre logement, qui lui sera au prix du marché, et la réglementation fiscale qui ne permet pas la sous-estimation d'un bien immobilier.

En conséquence, le prix de l'immobilier et du foncier sur le littoral sont devenus prohibitifs et exclusifs de la population locale. Les Pyrénées-Atlantiques sont touchées par un phénomène d'inflation et de raréfaction foncière inédit qui provoque d'importantes conséquences sur le parc immobilier du département et complique lourdement les démarches d'acquisition ou de location d'un logement. Cette dynamique alimente par endroit la crise du logement et la désertification des centres-villes.

Loin d'être une particularité du département des Pyrénées-Atlantiques, ces phénomènes se généralisent sur le territoire français et leurs répercussions se font de plus en plus ressentir.

Définies par l'article L. 324-1-1 du code du Tourisme comme « (...) des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois » , leur développement est largement favorisé par les plateformes numériques de réservation.

Celui-ci soulève des difficultés pour les professionnels de l'hébergement de courte durée, pour les clients de ces meublés de tourisme mais également pour les municipalités et les habitants des communes où elles ne cessent de se multiplier. Il existe une asymétrie entre les contraintes auxquelles doivent se conformer les hébergeurs professionnels et celles afférentes aux locations de meublés saisonnières proposées par des particuliers.

La crise de la COVID-19 a illustré une nouvelle fois cette situation. Ainsi, pendant le confinement, les propriétaires de locations de courte durée ont profité de l'absence de contrôles pour mettre sur le marché des logements sans qu'ils soient contraints d'appliquer le moindre protocole sanitaire. Durant la même période, les hébergeurs professionnels étaient eux soumis, pour l'ouverture de leur établissement, au respect d'un protocole strict négocié entre la profession et les autorités.

En outre, ce manque de règles encadrant les locations saisonnières non gérées par des hébergeurs professionnels a des conséquences négatives pour les locataires qui y recourent, souvent confrontés à des annonces mensongères, à des habitations ne respectant pas les normes sanitaires et de sécurité, voire à des locations inexistantes.

En effet, avant leur entrée dans les lieux, ces clients n'ont en effet souvent aucun moyen de s'assurer de la conformité de l'annonce au produit qu'ils louent et découvrent parfois que le propriétaire est en réalité une entreprise gérant une multitude de meublés de tourisme, bien loin de l'esprit initial de la location de courte durée entre particuliers.

Enfin, l'essor non maîtrisé de ce type de locations affecte le vivre-ensemble et l'ordre public. Méconnaissance des règles de copropriété, nuisances sonores, troubles de voisinage, stationnements gênants sont autant d'externalités négatives qui ne cessent de se multiplier dans les villes où elles se sont généralisées, dégradant les relations entre les résidents permanents et les locataires de passage. Au surplus, avec l'épidémie de la COVID-19, de nombreux meublés de tourisme se sont substitués aux lieux de fête temporairement empêchés, intensifiant parfois des relations déjà conflictuelles.

En l'absence de mécanismes visant à contrôler la mise en location des meublés touristiques et ne disposant pas de moyens juridiques et techniques suffisants pour contenir la transformation des locations de longue durée en locations saisonnières, les communes n'ont d'autre alternative que d'assister, impuissantes, à leur prolifération. Pour remédier à ce phénomène qui n'est pas nouveau, plusieurs textes ont tenté de pallier les dérèglements liés au marché de la location de courte durée.

En 2016, la loi pour une République numérique a instauré une limite de 120 jours par an pour la location saisonnière d'une résidence principale. En 2018, la loi Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a créé des sanctions en cas de non-respect des règles appliquées à la location meublée de courte durée à visée touristique. Elle a aussi prévu l'obligation de déclaration en mairie du logement par les propriétaires et la communication du décompte des nuitées à la demande de la commune. En 2019, la loi « Engagement et proximité » a renforcé l'obligation d'information et a soumis à autorisation la transformation d'un local commercial en meublé touristique.

En dépit du renforcement de cet encadrement, de nombreux déséquilibres demeurent dont les effets sont de plus en plus prégnants dans les zones les plus touristiques.

Aussi, pour répondre efficacement à la crise du logement que nombre de nos territoires rencontre, l'intervention du législateur est désormais indispensable. D'une part pour valoriser et optimiser le parc résidentiel des collectivités tout en gardant à l'esprit les considérations environnementales particulièrement nécessaires à notre temps. D'autre part pour renforcer le cadre applicable aux locations saisonnières de courte durée.

L'article 1 er souhaite donner aux maires des communes littorales la possibilité de solliciter, par une demande motivée, une dérogation aux dispositions de l'article L. 121-8 du Code de l'Urbanisme prévoyant la possibilité d'autoriser des constructions et des installations sur des secteurs déjà urbanisés exclusivement pour des motifs d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics.

De ce fait, les dispositions actuelles de la loi ELAN prohibent les projets de constructions ou d'installations à usage de commerce et d'activités sur ces secteurs déjà urbanisés. Les communes se retrouvent alors lourdement contraintes dans leurs projets d'aménagements et ne peuvent pas pleinement concourir à leur développement et à leur densification, point pourtant essentiel de la loi ELAN. Délivrée par le représentant de l'État dans le département, cette dérogation permet aux maires, dans le cadre de projet précis, d'esquisser plus librement des projets d'aménagements à visée plus larges sur leurs territoires.

L'article 2 vise à élargir le périmètre de l'expérimentation aux territoires dans lesquels des logements sont produits mais sans que cette production et cette disponibilité impactent les niveaux de loyers dans le parc privé. Le montant des loyers pratiqués constitue à lui seul un verrou pour accéder au logement pour de nombreux foyers, alors même que le marché produit des habitations.

La demande est parfois telle qu'une production importante de logements n'enraye pas la flambée des prix, au-delà de la capacité financière de nombre de ménages. C'est le cas de toutes les zones touristiques du territoire national, au sein desquelles se joue une concurrence forte entre logements permanents et logements d'usage temporaire. Les épisodes de confinement traversés ont accentué cette pression de la demande. La recherche de logements dans les territoires où il fait « bon vivre » participe à la forte augmentation des valeurs locatives, ce qui justifie de revoir les critères posés par la loi ELAN pour répondre à ces nouveaux comportements constatés.

L'article 3 précise le dispositif expérimental instauré par la loi Elan visant à encadrer les loyers pour étendre son champs d'application aux baux renouvelés en « tacite reconduction », afin d'éviter le contentieux latent sur ce point.

Telle que rédigée actuellement, la mesure s'applique aux baux « renouvelés », ce qui s'entend en matière de bail d'habitation des baux ayant fait l'objet d'un renouvellement exprès entre les parties. Toutefois, lorsque le bail se poursuit dans le silence de celles-ci il est dit se poursuivre par « tacite reconduction », sans que ces termes ne soient expressément cités dans le texte en vigueur. Faute de précision quant à cette finesse terminologique, cela risquerait de provoquer des situations gênantes, notamment en tenant compte de la décision n°2014-691 du Conseil constitutionnel qui a émis une réserve d'interprétation excluant les baux ayant fait l'objet d'une « tacite reconduction » de mesures prévues en cas de bail « renouvelé ».

Faire apparaitre la précision dans le texte sécurisera l'application générale de la mesure, que le bail soit expressément renouvelé ou tacitement reconduit, ce qui évitera une distorsion de régime entre ces deux cas si le juge judiciaire saisi décidait d'accueillir strictement la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel.

L'article 4 s'emploie à faciliter et fluidifier la procédure de régularisation des biens à l'abandon afin d'encourager la reconquête des biens sans maître, notamment au vu du nombre de biens concernés et de la responsabilité qui pèse sur les communes concernées.

Un bien n'a pas de maître si « aucun successible ne s'est présenté » ou en l'absence « de propriétaire connu ». Néanmoins, il est à noter que les publicités accomplies se révèlent la plupart du temps infructueuses et ne mettent aucunement les communes à l'abri d'une contestation d'un propriétaire qui se « présenterait » en revendiquant « être connu ».

Aussi, cet article propose d'ajouter le terme « identifiable » pour permettre d'avoir recours au fichier d'état civil, aux matrices cadastrales ainsi qu'à tout document objectif et accessible permettant de retrouver le propriétaire en question.

L'article 5 revient sur la procédure d'appréhension des parcelles présumées sans maître, déclenchée par l'élaboration d'une liste des parcelles concernées confiée au centre des impôts fonciers qui relaie le préfet à chaque commune de son ressort.

Destinée à aider les communes à identifier les biens sans maître non bâtis, les critères choisis ont toutefois provoqué un effet inverse, paralysant les communes désireuses d'agir sur leur territoire sur le fondement de cette procédure. Mais, dans les faits, les centres d'impôts fonciers et les préfectures peinent à remplir cette tâche.

Cet article souhaite donc faire de cette procédure une aide pour les communes sans les limiter dans l'appréhension de parcelles sans maître qu'elles ont identifiées et dont elles sont responsables.

Tel est l'objet du Titre 1 de la présente proposition de loi.

L'article 6 vise à étendre l'obligation de déclaration préalable du logement auprès de la commune à l'ensemble des meublés de tourisme, qu'il s'agisse de résidences principales ou secondaires.

Il instaure un certificat de décence pour le bien loué, garantissant la conformité du logement à l'annonce et au règlement de copropriété.

Il conditionne l'enregistrement de la déclaration préalable obligatoire à l'obtention de ce certificat et s'assure pour les meublés accueillant plus de quinze personnes de l'application de la règlementation relative aux Établissements Recevant du Public. Il renforce l'obligation de publicité du numéro de déclaration préalable. Il propose également que la limite de location de 120 jours par an d'une résidence principale soit appliquée à l'ensemble des communes, qu'elles aient ou non mis en place une procédure d'enregistrement préalable.

Il instaure une limite de 244 jours, soit 8 mois par an, à la mise en location saisonnière de courte durée d'une résidence secondaire. Il permet au conseil municipal d'adopter une délibération permettant de limiter le nombre de résidences secondaires pouvant être mises en location par un propriétaire sur le territoire de la commune. En outre, il lui permet d'adopter une délibération demandant aux plateformes numériques de mettre en place un blocage automatique des annonces au-delà des plafonds précités.

Enfin, il propose que chaque commune puisse adopter une délibération soumettant à autorisation préalable la location d'un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.

L'article 7 souhaite renforcer la fiabilité, l'utilité et l'effectivité des états déclaratifs de taxe de séjour transmis aux collectivités locales par les logeurs, les hôteliers, les propriétaires, les intermédiaires et les plateformes de location meublée.

Il encadre les périodes de référence utilisées pour les reversements de taxe de séjour. En effet, si les textes fixent le calendrier de reversement de la taxe, il n'en est rien concernant les plages calendaires de référence. Les collectivités reçoivent alors aujourd'hui des déclarations hétérogènes, rendant plus difficile contrôles et exploitations statistiques.

Il enrichit les données transmises, pour ce qui est des meublés de tourisme, en ajoutant aux déclarations le nom du loueur d'une part, pour faciliter l'identification précise des logements notamment en habitat collectif, et le statut d'occupation d'autre part, pour des contrôles de cohérence et la vérification du seuil maximal de 120 jours de location par an, s'agissant des résidences principales.

Également, il met en adéquation l'application de la taxe de séjour avec les réalités du marché, s'agissant des touristes logeant dans les places ou dans les meublés de tourisme non-classés. En effet, en réhaussant le tarif maximal susceptible d'être appliqué aux touristes logeant dans les palaces, il augmente le plafond applicable aux meublés de tourismes non-classés, dont les tarifs sont actuellement fixés entre 1 et 5 % du coût par personne de la nuitée dans la limite du tarif le plus élevé adopté par la collectivité.

Enfin, il introduit explicitement la responsabilité des plateformes de location meublée vis-à-vis des données transmises dans les déclarations accompagnant les reversements de taxe de séjour. En effet, de nombreuses données transmises sont erronées ou manquantes. Les plateformes mettent en avant la responsabilité du loueur qui atteste sur l'honneur l'exactitude des données saisies et se dégagent alors de toute responsabilité.

L'article 8 étend l'assiette de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale et locaux non meublés affectés à l'habitation.

Pour ce faire, il maintient les exonérations de droit préexistantes (logements sociaux, cas de vacances indépendante de la volonté du contribuable : logement ne trouvant pas acquéreur ou preneur à bail, logement nécessitant des travaux pour être rendu habitable etc.) et créer une exonération facultative pour les communes ou les EPCI qui ne souhaiteraient pas imposer les logements vacants.

De même, il maintient la possibilité d'une majoration de cette taxe en zones tendues, dont la définition géographique demeure inchangée. Par conséquent, il abroge la taxe d'habitation sur les logements vacants en zones non tendues (THLV) et la taxe sur les logements vacants (TLV).

L'article 9 étend à l'ensemble des communes la possibilité de soumettre à autorisation préalable le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, après délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme.

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