2. Audition de M. Jean-Pierre Moreau, délégué général et M. André Renaudin, délégué général adjoint de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA)
M. Jean DELANEAU, président - Nous accueillons à présent M. Jean-Pierre Moreau, délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) ainsi que M. André Renaudin, délégué général adjoint de la FFSA. Nos deux invités représentent une autre branche importante du secteur concerné par le projet de loi d'habilitation. Comme convenu, nous ne sommes pas filmés, mais les comptes rendus de commission seront joint au rapport élaboré par le rapporteur de la commission des Affaires sociales, MM. André Jourdain. Daniel Hoeffel et Denis Badré sont respectivement rapporteurs de la commission des Lois et de celle des Finances.
Je vous demanderai en premier lieu de nous exposer la position des groupes que vous représentez face au projet de loi d'habilitation. Avez-vous souhaité cette procédure d'ordonnance ou auriez-vous préféré la voie législative classique ? Avez-vous différentes remarques portant tant sur cette procédure que sur le fond, même si c'est aujourd'hui la procédure qui retient principalement notre attention.
M. Jean-Pierre MOREAU - Monsieur le Président, je vous remercie d'entendre la FFSA au sujet de ce projet de loi d'habilitation. Ce dernier porte sur la transposition dans la loi française des directives d'assurance et a un impact sur le code de la mutualité. Je vous remercie de nous avoir entendus car nous ne sommes pas directement concernés par cette transposition : les sociétés adhérant à notre fédération relèvent du code des assurances, déjà modifié en 1994 pour se trouver en conformité avec lesdites directives. Néanmoins, nous sommes fortement intéressés par l'évolution qui s'annonce. Les mutuelles du code de la mutualité opèrent en effet dans le champ bien précis de l'assurance complémentaire maladie et sont donc des concurrents directs pour nos sociétés opérant sur ce marché.
Concernant la répartition, au sein de ce marché, entre ces deux types d'organismes, les mutuelles du code de la mutualité y sont assez largement dominantes. Elles en occupent environ les deux tiers à l'heure actuelle. Nous en occupons un petit tiers ; le reste relève d'une troisième catégorie d'organismes, les institutions de prévoyance du code de la sécurité sociale, qui sont d'ailleurs dans le champ des mêmes directives, transposées dans leur cas dès 1994.
Vous nous invitez donc à vous faire part de notre proposition tant sur le fond que sur la procédure choisie. Je commencerai par le second point en précisant qu'il était surtout essentiel, aux yeux de notre Fédération, que cette transposition se fasse. Dans notre cas, cette transposition date en effet de 1994. La décision, prise par les mutuelles, de demander leur inclusion au sein des directives d'assurance remonte à 1992. Depuis huit ans, cette transposition est retardée. Nous souhaitons donc essentiellement qu'elle se fasse rapidement. Le choix de la procédure par ordonnances comporte un certain nombre d'inconvénients. Elle n'en présente pas moins l'avantage d'accélérer, sans doute, le processus de transposition.
Lorsque nous avons récemment pris connaissance du projet de loi d'habilitation, nous avons cependant constaté qu'il comportait deux volets. Le premier volet consiste en une transposition des deux directives d'assurances dans le code de la mutualité et était attendu.
Nous avons en revanche découvert un second volet dans l'article 3 de ce projet de loi, qui va pour sa part très au-delà de la simple transposition. Le projet prévoit que l'ordonnance pourra comporter des dispositions qui concernent les sociétés mutualistes, mais également les institutions de prévoyance et les entreprises d'assurances. Je ne vous cache pas que, pour notre Fédération, ce volet est une source de préoccupation. Jusqu'à présent, nous avions eu connaissance, de la plus officielle des façons, d'un projet de loi, au cours du Conseil national des assurances. Il comprenait un petit nombre de dispositions concernant à la fois les sociétés mutualistes et les sociétés d'assurance. Nous n'avions pas été consultés au cours de l'élaboration de ce texte qui nous concerne pourtant et nous avions déjà constaté que cela posait quelques problèmes.
En voyant cet article 3 du projet de loi en préparation, nous craignons qu'il comporte d'autres dispositions réformant le code des assurances et non pas seulement le code de la mutualité uniquement.
Sur la procédure, notre Fédération souhaite par conséquent se voir étroitement associée au processus de préparation de cette ordonnance, pour ce qui nous concerne directement. J'aborde à présent la question du fondÉ
M. Jean DELANEAU, président - Vous affirmez que vous avez découvert à la lecture du projet de loi que le code des assurances serait probablement modifié ?
M. Jean-Pierre MOREAU - En effet. Il n'y a pas eu de concertation avec notre Fédération sur l'article 3 du projet d'habilitation.
Sur le fond, je souhaite rappeler que ce n'est pas la FFSA qui avait demandé l'extension des directives " assurances " au monde de la mutualité. C'est la mutualité elle-même qui l'a réclamée et obtenue. Cette inclusion dans les directives lui ouvre l'accès au marché européen de l'assurance maladie complémentaire. Nous ne nous y étions pas opposés, en précisant que l'égalité de concurrence devait être réalisée concrètement.
Depuis de nombreuses décennies en effet, les opérateurs sur le marché de l'assurance maladie complémentaire exercent le même métier dans des conditions juridiques, réglementaires, jurisprudentielles et fiscales différentes, assurant aux mutuelles des avantages concurrentiels, qui confortent leur place dans ce marché. L'égalité de traitement était le corollaire de l'application des directives. Le Gouvernement de l'époque nous avait affirmé vouloir aller en ce sens et la taxe d'assurance a d'ailleurs été ramenée de 9 à 7 %. Mais les choses en sont restées là. La parfaite égalité n'a jamais été atteinte.
Notre position n'a pas changé. La transposition est aujourd'hui admise par les mutuelles, mais elles demandent que cette modification des règles ne nuise pas à leur spécificité, pour reprendre un terme qu'elles affectionnent.
Nous ne sommes pas opposés à l'idée de spécificité. La famille des sociétés d'assurance comprend nombre de mutuelles, qui concourent pour moitié au chiffre d'affaires global de l'assurance. La spécificité de nos mutuelles est parfaitement reconnue par le code des assurances. Donc oui à la spécificité, mais elle ne doit pas constituer un prétexte au maintien des actuelles distorsions de concurrence. C'est ce point qui déterminera notre attitude face au projet d'ordonnance définitif, qui risque d'être sensiblement différent de l'actuel projet de loi. Celui-ci avait été soumis au Conseil national des assurances, formalité au demeurant obligatoire. Le Conseil s'est prononcé sur ce projet. Si le texte de l'ordonnance diffère de ce texte, il nous semblerait nécessaire de saisir à nouveau le Conseil National sur le texte du projet d'ordonnance. Nous serons attentifs sur l'égalité de concurrence. Nous pouvons d'ores et déjà vous faire part de nos inquiétudes quant à un maintien de ces distorsions de concurrence, en nous référant à ce projet de loi que j'évoquais. Je me permets de passer la parole à mon collègue André Renaudin.
M. André RENAUDIN - Je voudrais souligner que mes remarques se rapportent au texte de loi dont nous avons eu connaissance, non à l'ordonnance telle qu'elle se présentera sous sa forme définitive.
Une première remarque est à mon sens fondamentale. Les directives européennes d'assurance unifient les règles relatives aux entreprises communautaires d'assurance. Quels que soient le pays et la forme juridique, ces directives instaurent des règles communes. Il devrait en résulter des règles communes pour tous les opérateurs d'assurance de notre pays. Des lois transversales existent d'ores et déjà. Je citerai l'exemple de la loi Evin du 31 décembre 1989, qui s'applique à tous les opérateurs français d'assurance.
Nous constatons que des disparités institutionnelles demeurent dans le texte que nous avons étudié et qu'il introduit deux grandes novations sur lesquelles j'insisterai.
Je souhaite relever sur cette question du maintien de disparités institutionnelles une remarque incidente faite devant le Conseil national des assurances par le président du GEMA, M. Roché. Notre corpus législatif comporte une anomalie. Il existe une loi-cadre pour les sociétés commerciales. Celles qui souhaitent opérer dans le secteur de la banque, de l'assurance, de l'automobile opèrent dans ce cadre. Une loi-cadre existe également pour les associations. Il n'y a pas de loi-cadre qui encadre l'activité des mutuelles. Supprimer cette anomalie pourrait être le moyen de combler ce vide juridique et permettrait d'organiser cette fameuse spécificité pour l'ensemble des acteurs désireux d'adopter ce statut de mutualiste, en les distinguant des sociétés commerciales et des associations. Actuellement, nous avons en France deux corps de règles différents pour des mutuelles pratiquant l'assurance.
Une autre particularité dans l'organisation institutionnelle et législative française tient au droit du contrat. Deux grands problèmes restent à résoudre en matière d'assurance. Le premier concerne les règles propres aux opérateurs (procédures d'agréments, de liquidationÉ) et le second relève du contrat d'assurance. Ce dernier était traité dans la loi du 13 juillet 1930. De façon fort inopportune, elle a été intégrée en 1976 au code des assurances. En raison de cette association factuelle, cette loi sur le contrat d'assurance constitue désormais la loi sur les contrats d'assurance pratiqués par les entreprises régies par le code des assurances. Cette loi très générale se trouve donc réservée à ces opérateurs. Depuis quelque temps, le législateur est contraint de réécrire les règles de la loi de 1930 dans deux autres codes : le code de la sécurité sociale pour les institutions de prévoyance et celui de la mutualité pour les mutuelles.
Ces remarques faites, le texte que nous avons étudié au Conseil national des assurances introduit deux innovations.
Nous constatons en premier lieu que le projet de code de la mutualité concerne des mutuelles dont l'activité ne s'exerce pas dans les assurances. Le code de la mutualité concernait auparavant les opérateurs d'assurance et eux seuls. La nouvelle version de ce code comprend désormais, afin de répondre aux directives européennes, plusieurs chapitres établissant respectivement les dispositions communes, les dispositions propres aux mutuelles d'assurance et celles qui concernent les mutuelles qui ne sont pas des entreprises européennes d'assurance.
Le texte comporte une seconde innovation. Des mutuelles d'assurance sont autorisées à exercer des activités ne relevant pas de l'assurance. Le texte que nous avons examiné parlait certes " d'opérations accessoires ", mais n'établissait aucune quantification précise. Aucune référence communautaire n'évoque au demeurant cette notion et nous pouvons légitimement nous interroger sur ce qu'elle recouvre.
Il est évident que la FFSA n'est pas la gardienne des directives européennes. C'est à vous-même et au Gouvernement de prendre parti. Cette notion d'accessoire n'existe cependant nulle part. Si elle se trouve introduite pour les mutuelles pratiquant des opérations de prévoyance, d'assurance maladie, d'assurance accident, cela doit concerner les autres branches d'assurances. Ces dispositions peuvent être lourdes de conséquences pour les assurés. Il y a là une innovation qu'il n'est pas possible de passer sous silence.
Par ailleurs, les mutuelles d'assurance régies par le code de la mutualité, et les entreprises régies par le code des assurances, sont dans plusieurs cas délégataires de la sécurité sociale, au sein du système des organismes conventionnés. Ces dispositions sont prévues par le code de la sécurité sociale, dans sa partie relative aux régimes obligatoires. Le projet que nous avons examiné recopie ces dispositions dans le code de la mutualité. Quand nous avons indiqué qu'il ne nous semblait pas nécessaire de réécrire le code de la sécurité sociale, il nous a été répondu que cela l'était pourtant. Pour respecter le principe de l'égalité de concurrence et, au titre de l'article 3 du projet de loi qui prévoit d'harmoniser les règles applicables aux organismes mutualistes, aux institutions de prévoyance et aux entreprises d'assurance, nous demandons à être également confirmés comme délégataires de la sécurité sociale pour un certain nombre d'opérations d'assurance maladie.
M. Jean DELANEAU, président - Monsieur le rapporteur ?
M. André JOURDAIN, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales - M. Moreau et M. Renaudin se sont montrés fort complets. Je souhaiterais néanmoins revenir sur quelques points. Je désirerais notamment savoir comment s'est déroulée la transposition des directives européennes en ce qui concerne les assurances, en janvier 1994, qui était censée régler la question. En effet, le Gouvernement semble pour sa part considérer qu'il reste encore à compléter l'opération, puisque l'habilitation doit permettre au Gouvernement de transposer des directives communautaires et à mettre en Ïuvre certaines dispositions du droit communautaire. Cela sous-entend que la transposition n'est pas entièrement complétée en ce qui vous concerne. C'est là une simple supposition. En dépassant la simple transposition des directives, le Gouvernement souhaite procéder à une refonte du code de la mutualité et à une modification du code des assurances. Je souhaite que vous reveniez sur cet élément.
Je reviens à présent sur la question de la distorsion, que vous avez abordée. Les spécificités des mutuelles justifient-elles en effet que leur soient appliquées des règles fiscales différentes ?
Je souhaitais également revenir sur cette notion d'activités " accessoires ", mais vous avez devancé mes questions à ce sujet.
M. Jean DELANEAU, président - Les rapporteurs des autres commissions ont-ils des questions ?
M. Daniel HOEFFEL, rapporteur au fond de la commission des Lois - Je ne poserai qu'une brève question, étant donné que la position de la FFSA présente l'avantage d'être unique et limpide. Ma question concerne le problème de la conciliation d'une certaine spécificité des mutuelles et de la transposition à venir. Au cas où le maintien de cette spécificité devrait s'avérer non compatible avec les directives européennes, quelle serait alors votre position ?
M. Denis BADRÉ - J'ai été désigné rapporteur par la commission des Finances en ma qualité permanente de rapporteur spécial des Affaires européennes. Il se trouve que le texte que vous évoquez dépasse le cadre de la simple transposition. J'ai également été membre du groupe de travail consacré aux assurances, lequel a produit le rapport que vous savez. A partir du moment où l'on dépasse ce cadre, voyez-vous dans ce rapport matière à un véritable projet de loi ?
M. Jean-Pierre MOREAU - M. Jourdain demande si la transposition de 1994 a laissé subsister quelques problèmes particuliers, qu'il s'agirait aujourd'hui de résoudre... Nous ne le pensons pas : cette transposition s'est faite dans la plus grande conformité aux directives " assurances ", tant pour les sociétés d'assurance que pour les institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale. Il n'y a eu aucun problème, y compris en ce qui concerne les institutions de prévoyance, qui sont pourtant des organisations sui generis et ont une forte spécificité.
Au sujet de la refonte du code de la mutualité, vous-même et M. Badré demandez si elle pourrait être l'occasion de procéder à des modifications du code des assurances que nous souhaiterions éventuellement. Le rapport auquel M. Badré fait allusion contient en effet différentes suggestions. Dans le cas d'une modification du code des assurances, la FFSA est prête à travailler dans le sens de son amélioration. En revanche, nous ne souhaitons pas que cette réforme soit traitée de façon accessoire, comme s'il ne s'agissait que du codicille d'une réforme dont l'objet est tout autre. L'amélioration du cadre de fonctionnement de notre secteur est certes toujours souhaitable, mais nous refusons une réforme qui ne soit qu'une annexe du code de la mutualité.
Vous avez abordé ensuite le problème délicat de la sélection en la reliant au statut fiscal. La question de sélection est toujours mise en avant par les mutuelles, qui en font la base de leur spécificité. Ce problème se voit trop souvent présenté de façon caricaturale. Dans le domaine de l'assurance maladie complémentaire, le problème ne se pose pas en termes de refus ou d'acceptation des risques. Nous intervenons au même titre que les mutuelles en tant que compléments de la sécurité sociale. Les assureurs couvrent toutes les personnes qui ont une assurance complémentaire et disposent d'un remboursement de la Sécurité Sociale. C'est cette dernière qui déclenche le paiement de la garantie complémentaire.
En matière d'assurances complémentaires, le régime est celui de l'assurance libre, laissant aux personnes le libre choix de l'assurance, dans un cadre de libre concurrence des différents opérateurs. C'est ce régime qui veut que les assureurs recherchent la meilleure adéquation possible entre la population qu'ils couvrent et la tarifications qui lui est appliquée. Ce n'est pas une question de discrimination ou de refus du risque.
Nous savons que la mutualité souhaite relier ce problème de sélection et le problème fiscal. Nous payons une taxe de 7 % tandis que les sociétés mutualistes ne sont soumises à aucun prélèvement. Dans le cas des contrats dits solidaires dans lesquels n'intervient aucune sélection, si tant est que cette sélection soit une réalité, elles souhaitent voir maintenu cet avantage fiscal. Nous ne sommes pas favorables à cette solution. Nous préconisons une exonération totale et commune à tous. L'assurance maladie complémentaire est en effet un service de première nécessité, compte tenu de l'abaissement des niveaux de remboursement obligatoire, au point de constituer une condition d'accès aux soins. Une personne sans couverture complémentaire ne dispose pas d'un réel accès aux soins. La CMU, destinée aux personnes disposant des plus faibles revenus, répond à cet état de fait. Il est absurde de maintenir cette taxe qui pénalise ceux qui font l'effort de souscrire une assurance complémentaire.
Nous sommes défavorables au système que propose la mutualité pour deux raisons : il maintient le différentiel fiscal et il utilise la fiscalité comme instrument de régulation du marché. Cette solution aurait à nos yeux des effets pervers : qui ira contr™ler cette notion de sélection ? Les inspecteurs du fisc ne sont pas qualifiés en la matière et n'ont pas les moyens de mettre en Ïuvre une procédure de vérification. Il s'agirait alors de les déléguer, mais à qui ?
Je reviens sur la question du sénateur Hoeffel, relative à la spécificité et à la transposition en cours. S'il s'avérait que le projet d'ordonnance s'écarte de la transposition des directives, nous envisagerions alors une série de recours devant la Cour de justice des Communautés européennes, afin de faire respecter la conformité de l'ordonnance aux directives.
Je crois avoir répondu à toutes vos questionsÉ
M. André RENAUDIN - J'apporterai un éclairage quelque peu complémentaire. Pour reprendre un slogan qui avait fait florès, la santé n'est pas un commerce ; mais elle est un marché. Les acteurs de ce dernier souffrent de la disparité des règles en vigueur en son sein, qui conduisent à des distorsions de concurrence.
Je veux revenir sur cette notion de spécificité des mutuelles. J'ai parfois l'impression que cette dernière est plus un argument commercial qu'une réalité. Les mutuelles sont répandues dans toute l'Union européenne, or la France est le seul pays où l'on mette en avant cette fameuse spécificité.
Si une spécificité doit être mise en avant, il me semble que c'est parce que coexistent deux sortes de mutuelles. En premier lieu, il existe celles constituées a priori où les adhérents sont définis hors de tout contrat d'assurance qu'ils souhaitent souscrire. C'est le cas des mutuelles d'enseignants, de boulangers, de fonctionnairesÉ Du fait de cette sélection en amont, des règles tarifaires particulières sont envisageables. En second lieu, il existe des mutuelles où c'est le contrat d'assurance qui établit le lien mutualiste. C'est le cas des mutuelles interprofessionnelles. Dans ces dernières, le gestionnaire est alors obligé de pratiquer une certaine sélection pour appliquer une politique tarifaire concurrentielle. Voilà le seul clivage objectif que je puisse définir.
Je reviens à présent sur la question de la transposition. Le code des assurances comme le code de la sécurité sociale ont fait l'objet de véritables lois de transposition. Le code de la mutualité est là totalement refondu et c'est à cette occasion que sont intégrées les directives communautaires.
M. Jean DELANEAU, président - Je laisse la parole à un ancien assureur devenu sénateurÉ
M. Jacques BIMBENET - J'ai en effet exercé ce métier pendant 52 ans, après mes parents et mes grands-parents. Je suis fort surpris par cet article 3. Notre commission est chargée de donner un avis sur ce projet de loi. Je ne vois pas d'inconvénient à avaliser cette ordonnance tant qu'elle se borne à transposer la réglementation européenne. Que l'on autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance à une réforme du code de la mutualité et à une modification du code des assurances et de la loi relative à l'orientation de l'épargne me semble hors de question !
Je suis parfaitement d'accord pour souligner la disparité qui existe depuis très longtemps entre les deux régimes. L'exemple des taxes qui ne concernent que les compagnies d'assurance et épargnent les mutuelles est à ce titre judicieux. Les compagnies d'assurance en payaient fut un temps plus de trente. Ce nombre a par la suite été ramené à vingt-cinq et je ne sais pas à quel point nous en sommes actuellement.
Je ne suis pas d'accord pour laisser ainsi toute latitude au Gouvernement sans savoir ce que prépare le futur.
M. Jean DELANEAU, président - La commission en débattra le 19 octobre.
M. Alain VASSELLE - C'est en écoutant la réponse de M. Moreau aux questions de M. Jourdain que m'est venue l'idée de mon intervention. Je souhaite recueillir son sentiment en ce qui concerne la taxation et la sélection. Vous avez dénoncé la taxe de 7 % que vous supportez et qui épargne les mutuelles en faisant référence à la CMU. Lorsque le Parlement a examiné la CMU, le rapporteur, Charles Descours, avait alors imaginé un dispositif progressif pour éviter les effets de seuil. Donneriez-vous votre accord à ce type de dispositif qui permettrait de mettre tous les partenaires au même plan en matière fiscale en prenant en compte la situation de la clientèle ?
La part mutuelle tient à prendre une part croissante au regard de l'abaissement du taux de remboursement de la sécurité sociale. Il faudrait mettre en place un dispositif permettant aux sociétés d'assurance d'intervenir en faveur de cette clientèle démunie, qui ne peut prendre en charge les taux que vous pratiquez en raison de cette distorsion.
M. Jean-Pierre MOREAU - Cela mériterait un examen plus attentif, puisque le dispositif actuel déjà passablement embrouillé se verrait encore davantage complexifié. Le taux de 7 % n'est au demeurant pas le seulÉ Tout ce qui va dans le sens d'une égalisation des régimes fiscaux est un progrès. Si ce dispositif envisagé, et qui consisterait à moduler le taux de la taxe en fonction des ressources des souscripteurs, s'applique à tous, l'avancée me semble positive. La faisabilité de ce projet me semble néanmoins nécessiter une expertise.
M. Jean DELANEAU, président - Cette rencontre touche à sa fin et je vous remercie de vos interventions qui nous semblent fort intéressantes. Je rappelle que le contenu de cette audition sera annexé au rapport de M. Jourdain.