Art. 3
Habilitation à
procéder par ordonnance à la refonte du code de la
mutualité
Le présent article comporte une habilitation spécifique qui va au-delà d'une transposition de directive assortie des adaptations de la législation qui sont liées. Il s'agit en effet d'autoriser le Gouvernement à procéder par ordonnance à une réforme d'ensemble du code de la mutualité et à la modification du code des assurances, du code de la sécurité sociale, de la loi n° 78-741 du 13 juillet 1978 relative à l'orientation de l'épargne vers le financement des entreprises et de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.
I. La mutualité : un acteur central du système français de protection sociale
Le mouvement mutualiste s'appuie sur une histoire pluriséculaire. Il est aujourd'hui un acteur important de la protecti on sociale.
A. Une histoire pluriséculaire
1. Des sociétés de secours mutuels à la Mutualité
Les origines du mutualisme remontent en France au haut Moyen-Age. Sous l'Ancien Régime, l'entraide mutuelle s'incarne avant tout dans les communautés de métiers. Trois grandes formes d'organisation sociale s'imposent alors : la confrérie, la corporation et le compagnonnage.
La Révolution française va s'attaquer à ces corps intermédiaires : en 1791, le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier interdisent les corporations. Les sociétés de secours mutuels (SSM), organisées le plus souvent sur une base professionnelle, sont frappées de plein fouet par ces mesures.
Tout au long de la première moitié du XIXe siècle, la législation " antimutualiste " ne fait que se renforcer. L'article 291 du code pénal (1810), aggravé par la loi du 10 avril 1834, soumet la formation de toute association de plus de vingt personnes à l'agrément du Gouvernement.
Seule l'activité de prévoyance des SSM est tolérée. Étroitement surveillées par les autorités, ne disposant que de faibles ressources, leur développement est contrarié. Elles ne regroupent, à la veille du Second Empire, que 250 000 sociétaires, contre 3 millions en Grande-Bretagne.
Les idéaux de fraternité de la Révolution de 1848 conduisent à la reconnaissance des SSM par la loi de 1850 ; l'arrivée au pouvoir de Napoléon III, préoccupé par la question sociale, va permettre un véritable essor de la mutualité. Le décret du 22 mars 1852 institue une nouvelle catégorie de SSM, les sociétés " approuvées ". Les nouvelles sociétés bénéficient de nombreux avantages : privilèges fiscaux, placements à la Caisse d'épargne et à la Caisse des dépôts, soutien financier de membres honoraires recrutés parmi les notables, etc.
En mars 1852, Napoléon III est explicite : " Les sociétés de secours mutuels telles que je les comprends ont le précieux avantage de réunir les différentes classes de la société, de faire cesser les jalousies qui peuvent exister entre elles ; de neutraliser, en grande partie, le résultat de la misère en faisant concourir le riche, volontairement, par le superflu de sa fortune, et le travailleur, par le produit de ses économies, à une institution où l'ouvrier laborieux trouve conseil et appui. On donne ainsi aux différentes communautés un but d'émulation, on réconcilie les classes et on moralise les individus. "
En échange, les SSM approuvées sont placées sous l'étroite surveillance exercée par les préfets. Elles sont créées sur une base communale, à l'initiative du maire et du curé. La présence nombreuse de membres honoraires conduit le plus souvent à placer la gestion des sociétés sous l'influence des notables. Les SSM qui refusent l'approbation sont, dans le meilleur des cas, tolérées sous le nom de " sociétés autorisées ".
Après 1870, les républicains n'auront de cesse de tenter de " banaliser " la Mutualité, en incitant les SSM à adopter les modes de fonctionnement des compagnies d'assurance privées. Puis, devant l'opposition des radicaux à adopter un système obligatoire de sécurité sociale, la Mutualité deviendra un " moyen " de répondre aux enjeux de la solidarité sociale.
Les étapes s'accélèrent : le premier Congrès de la Mutualité se tient à Lyon en 1883, réunissant 251 sociétés représentant près de 110.000 sociétaires. En 1890, sous l'impulsion d'Hippolyte Maze, auteur d'un premier projet de loi en 1881 sur la Mutualité, et adversaire du principe d'obligation, est fondée la Ligue nationale de la Prévoyance et de la Mutualité.
La loi du 1 er avril 1898, loi " fondatrice " de la Mutualité, consacre la réconciliation, plus d'un siècle après la Révolution française, entre la République et la Mutualité. Cette loi, tout en conservant les trois types de SSM (libres, approuvées, reconnues d'utilité publique), substitue un contrôle d'ordre technique à la surveillance politique antérieure, élargit le champ de l'intervention mutualiste : retraites, assurances vie et accidents, réalisations sanitaires et sociales...
Les sociétés approuvées, si elles restent sous contrôle administratif, sont soumises à une vérification comptable plus que politique. Le risque est désormais moins politique que gestionnaire. Le refus d'approbation ne peut leur être opposé que s'il y a non-conformité des statuts avec les dispositions de la loi, ou que si les statuts ne prévoient pas des recettes proportionnées aux dépenses pour la constitution des retraites garanties ou des assurances en cas de vie, de décès ou d'accident.
" On voit donc , précise Robert Léger, auditeur au Conseil d'État dans un article de 1904 (Le Musée social, Annales, 1904) qu'il n'est rien abandonné à l'arbitraire gouvernemental [...]. L'approbation signifie uniquement que l'administration certifie le caractère et l'honnêteté financière de la société approuvée. "
Il n'est plus fait obligation aux SSM de s'organiser sur une base strictement communale ; plus rien ne s'oppose dès lors à une structuration de la Mutualité aux plans départemental et national. La Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) est créée en 1902.
Longtemps hostile au principe de l'obligation et à l'intervention étatique en matière de protection sociale, la Mutualité française s'y rallie progressivement à partir de 1904. Bien que réservée sur certains points, elle participe à la mise en place du système des Retraites ouvrières et paysannes en 1910. Vingt ans plus tard, elle s'investit davantage encore dans les Assurances sociales, jouant un rôle de tout premier plan dans leur gestion.
Cette période se traduit par une nouvelle progression des effectifs (9 millions de mutualistes en 1939), un rapprochement avec le monde du travail, l'essor de la mutualité de fonctionnaires, de la mutualité d'entreprise et la constitution d'un réseau national de caisses chirurgicales.