III. QUELQUES DOSSIERS
A. L'AFP EN PANNE D'AMBITION
Nommé en mars 1999 à la tête de l'Agence France Presse pour un mandat de trois ans, M. Eric Giuily démissionnait de ses fonctions le 28 septembre 2000 à la suite du refus que l'Etat opposait à sa proposition d'élaborer un budget déficitaire pour 2001. Cette circonstance est significative. C'est pour avoir mis en évidence les causes structurelles du sous-financement de l'Agence, que M. Eric Giuily avait assorti de propositions statutaires le plan stratégique de développement à cinq ans élaboré conformément à son mandat. Si la tutelle n'a jamais formellement désavoué ce projet, elle a progressivement retiré son soutien au président, jusqu'à ce que, ultime dérobade, son refus d'accorder à l'AFP la possibilité de financer par l'emprunt la mise en oeuvre en 2001 de la stratégie de développement adoptée provoque l'aboutissement que l'on sait.
1. Le plan Giuily
La mission confiée à M. Eric Giuily par l'Etat et par les représentants de la presse au conseil d'administration de l'Agence a été résumée dans ces termes en mai 1999 par Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication : " rechercher les raisons pour lesquelles l'AFP ne parvient pas à être structurellement bénéficiaire, ce qui lui permettrait d'assurer par elle-même le financement des investissements nécessaires à son adaptation indispensable ", et proposer les remèdes.
Le plan stratégique de M. Eric Giuily en fonction de ces objectifs constatait le caractère structurellement déséquilibré de l'exploitation de l'AFP et pariait sur les perspectives offertes à l'entreprise par les nouvelles technologies, à la condition que soit effectué un investissement massif et rapide.
a) Un constat sans complaisance
Il est intéressant de rappeler très sommairement quelques éléments saillants de l'analyse présentée par M. Eric Giuily en prélude à ses propositions.
S'agissant de la structure des coûts, il était rappelé qu'un plan à 4 ans lancé au début des années 1990 avait fait descendre les frais de personnel à 60 % du chiffre d'affaires contre 70 % auparavant. Mais dès 1996, la tendance a repris son cours naturel, les frais de personnel remontant à 65 % du chiffre d'affaires en 1998, alors que la marge annuelle d'exploitation passait de 140 millions de francs en 1995 à 87 millions de francs en 1998.
M. Eric Giuily constatait aussi que la capacité d'investissement, de l'ordre de 100 millions de francs par an, et sur laquelle 60 à 80 millions de francs sont préemptés par l'entretien de l'outil existant, ne pouvait que diminuer.
En effet, la croissance du chiffre d'affaires de l'AFP est limitée par la réduction des marchés traditionnels, représentés par la presse écrite, et le chiffre d'affaires conquis ces dernières années auprès de nouveaux clients (250 millions de francs) a servi en grande partie à compenser la diminution du chiffre d'affaires auprès de la clientèle traditionnelle.
Dans ces conditions, l'AFP se trouve incapable de faire face à la révolution en cours du marché de l'information.
Or, et c'est l'idée clé du projet présenté par M. Eric Giuily, un échec dans le multimédia signerait le début du déclin irréversible de l'Agence. Avec l'évolution du marché de l'information consécutif à la révolution numérique, une clientèle nouvelle souhaite en effet disposer de services plus personnalisés et avoir accès non seulement à des flux d'informations, mais aussi à des archives rassemblées dans des banques de données. Ces services sont le plus souvent des " services groupés " c'est-à-dire comportant du texte, de la photo, et à terme des images animées, du son, des graphiques. Alors que le marché des médias traditionnels, particulièrement celui de la presse écrite, stagne, le marché du hors média semble appelé à un important développement, sur internet en particulier. Ceci permettrait de compenser les conséquences de deux importants ratages : la diversification dans l'information et les transactions financières réussies par Reuters dans les années 70 ; de la même façon, dans la première moitié des années 1990, l'Agence n'a pas su prendre le virage de l'information audiovisuelle, contrairement à ses principales concurrentes, Associated Press et l'agence Reuters.
b) Une démarche cohérente
L'objectif premier du plan était de proposer l'élaboration d'un outil susceptible de répondre aux besoins d'une clientèle internationale, les principales marges de croissance se situant dans cette direction. De nouveaux types de clientèle apparaissent aussi. C'est ainsi que la clientèle d'internet représente aujourd'hui 30 millions de chiffre d'affaires et que des entreprises demandent des contenus destinés à leur service intranet et à leur site web.
Le second axe prioritaire était le renforcement des métiers de base et la création, en aval, de services spécialisés. C'est en effet à partir du métier traditionnel de l'agence que devaient être élaborés, selon le plan, des services plus spécialisés, notamment dans quelques secteurs : l'économie et la finance en France et à l'étranger, les sports -une banque de données sportives est en cours d'élaboration-, les phénomènes de société et tout ce qui concerne la vie pratique, la consommation, le divertissement, la santé, les hautes technologies.
Le troisième axe stratégique était la fixation d'un objectif de croissance du chiffre d'affaires. Celui-ci devrait passer de 1,4 milliard à 2 milliards en cinq ans, essentiellement grâce aux activités internationales.
Le dernier axe stratégique était l'obtention des moyens financiers nécessaires, estimés à 800 millions de francs sur la durée du plan, la majeure partie étant investie dans les deux ou trois premières années.
Un volet institutionnel accompagnait ces propositions.
Il s'agissait de permettre l'établissement de partenariats industriels afin d'obtenir les moyens financiers nécessaires mais aussi de croiser les savoir-faire technologiques, et d'avoir accès aux images animées et au son.
Ceci a conduit à envisager l'adaptation du statut élaboré en 1957.
Celui-ci comporte des dispositions, comme la règle de l'équilibre budgétaire, qui gênent considérablement le financement de l'investissement.
En outre, l'Agence, n'ayant pas d'actionnaires, ne peut pas opérer d'augmentation de capital, émettre des obligations convertibles et des prêts participatifs, et n'a donc pas la possibilité de se financer sur le marché. Elle est condamnée à l'emprunt bancaire, au taux le plus élevé, dans la mesure où elle n'est pas adossée à un groupe bénéficiant d'une notation de qualité.
L'avant-projet de plan stratégique proposait d'effacer ces obstacles en prévoyant en particulier la constitution d'un capital social. La propriété de ce capital devait appartenir initialement à une entité commune aux partenaires historiques, prenant la forme d'une fondation. Une augmentation du capital social aurait ensuite été l'occasion d'associer à cette entité les nouveaux partenaires et le personnel. Ces projets exigeaient l'adaptation de la loi de 1957.
Le projet se proposait aussi de garantir juridiquement la pérennité des principes constitutifs d'indépendance et d'objectivité. Tout d'abord, il était considéré comme exclu d'adosser l'AFP à une seule entreprise. L'avant-projet de plan stratégique présentait une liste de cinq catégories de partenaires potentiels, la sélection de quatre ou cinq partenaires effectifs au minimum. L'objectif était de substituer à l'équilibre voulu par le statut de 1957 un équilibre élargi entre l'Etat, la presse, des opérateurs privés ou publics et le personnel. Il s'agissait d'élargir la base de l'AFP en réaffirmant sa vocation d'entreprise d'intérêt national et d'entreprise mondiale.
Une " charte du partenariat " devait traduire ces principes et orienter la recherche des partenaires.
2. Le choix de l'immobilisme
a) L'abandon du volet institutionnel
La présentation des premières esquisses du projet de stratégie de développement a suscité dans l'entreprise un débat marqué par l'opposition résolue d'une partie du personnel aux propositions statutaires du président.
Ce débat a été ponctué par l'annonce, le 29 novembre 1999, de la décision de M. Eric Giuily de retirer définitivement le projet de transformer de l'AFP en société anonyme et d'ouvrir son capital en vue d'établir un partenariat stratégique global.
La ministre de la culture et de la communication s'est alors félicitée de cette position en estimant que la stratégie de l'AFP devait " être élaborée avec les personnels de l'agence et ses administrateurs, c'est-à-dire les représentants de la presse et de l'Etat ".
La suite des événements allait montrer qu'il s'agissait en fait de la première étape de l'abandon de la tentative de M. Eric Giuily.
b) Le lancement ébauché de la stratégie de développement
Pour autant, l'année 2000 a vu l'ébauche d'un lancement des autres volets de la stratégie de développement, sous la forme de trois séries d'actions.
• L'adaptation des services existants (textes, photo, infographie) aux besoins de l'internet.
Cette action, engagée depuis 1997, a été fortement accélérée en 1999 et 2000. Elle se traduit notamment par :
- l'implantation d'unités de production multimédia, dans chaque région, et dans les principaux bureaux et services de l'Agence,
- le développement d'une nouvelle console rédactionnelle dite multimédia,
- l'augmentation des capacités en réseaux et en serveurs, et le recrutement de techniciens capables de faire face à l'extrême diversité des demandes des clients,
- la création d'une direction du marketing et d'un véritable réseau commercial international,
- la création de la direction du développement multimédia.
• L'enrichissement des contenus
Si la demande sur le web n'est pas encore stabilisée, il semble qu'elle se portera principalement sur trois domaines : le sport, l'économie-finances et les phénomènes de société (haute technologie, santé, environnement, culture-loisirs), exigeant une précision accrue des informations, des contenus plus détaillés, plus locaux, diffusés dans un plus grand nombre de langues.
L'Agence répond à ces exigences :
- en renforçant ses services de production (recrutement de 89 journalistes de production en 3 ans par réaffectation interne de postes en 1998 et 1999 et par augmentation des effectifs en 2000) ;
- en créant de nouveaux services de production dans le cadre de filiales qui lui permettent de s'associer à des partenaires et de partager l'effort d'investissement initial. C'est ce qui a été fait il y a 10 ans avec AFX pour l'information financière en langue anglaise, c'est ce qui vient d'être fait avec Sport Asia. Com pour l'information sportive en Asie, en anglais, en chinois et à l'avenir en japonais et en coréen.
D'autres projets sont en cours d'étude tels que la création d'un service économique et financier pour le Moyen-Orient, d'un service en français sur les activités maritimes, d'un service international d'information en 3 langues sur la culture et le divertissement.
- Pour le sport, un partenariat type Sport Asia.Com centré sur le football est étudié en priorité, en Amérique du Sud, le marché d'Amérique du Nord semblant déjà saturé. En Europe, le développement peut s'appuyer sur un renforcement du réseau interne et sur SID, la filiale allemande de l'AFP.
- Pour l'économie-finances, il est envisagé de se concentrer sur AFX sauf pour les produits en langue française. Le business plan d'AFX prévoit une implantation prioritaire aux USA, l'Amérique du Sud et le Japon venant en second rang. Pour les produits en langue française, plusieurs projets de partenariat sont en cours d'examen.
En mars 2000, l'AFP a repris pour 2 millions de livres les 50 % que le groupe Financial Times détenait dans AFX, en raison des conflits d'intérêt existant avec la filiale Internet FT. Com du Financial Times, avec l'objectif de rechercher de nouveaux partenaires pour financer un plan de développement ambitieux par augmentation de capital. Celle-ci est en cours de négociation.
Pour les phénomènes de société, l'Agence n'a pas à ce jour de projet significatif sauf dans le domaine culture-divertissement. La première étape est donc le renforcement de la couverture interne en matière de santé, haute technologie, environnement tout en poursuivant la recherche de projets de partenariats.
• La diversification des services
Pour être un acteur crédible sur le web à moyen terme, l'AFP cherche à compléter ses services traditionnels (texte, photo et infographie) par deux nouvelles séries d'activités.
Il s'agit, en premier lieu, de lier les flux d'information à des archives regroupées dans des banques de données.
Cela a été fait en interne pour la photo avec Image-Forum et pour le sport avec la Banque de données Sports (BDS) qui ont représenté des investissements importants, totalement autofinancés.
Le même processus, à l'étude dans les autres domaines prioritaires (économie et finances, phénomènes de sociétés), ne peut être engagé, eu égard au montant des investissements nécessaires, que dans le cadre de partenariats.
Parallèlement, l'AFP cherche à proposer à ses clients des images animées et du son pour le web. Elle est, on l'a vu plus haut, pratiquement absente de ce domaine d'activité investi par ses concurrents traditionnels, AP et Reuters, véritables agences d'informations télévisées.
La diversité des modalités de mise en oeuvre et des domaines à couvrir est considérable et, en fonction des choix éditoriaux et techniques qui seront faits, l'ampleur des investissements à réaliser variera significativement. La nécessité d'aller vite et l'absence de savoir faire de l'Agence en matière de production d'images la conduisent en outre, ici encore, à rechercher des partenaires.
En ce qui concerne la diversification, l'Agence en est ainsi davantage au stade des projets qu'à celui des réalisations : d'ici la fin de 2000 des études de marché devaient être menées, un cahier des charges éditorial défini, des expériences techniques de production et de transmission réalisées, avant que soient présenté un projet structuré et chiffré.
On ne sait pas encore si l'avortement brutal de la stratégie de M. Eric Giuily sera compatible avec la poursuite de ces projets.
c) L'avortement du plan Giuily
Après le retrait du volet institutionnel de son plan stratégique en novembre 1999, M. Eric Giuily a engagé une consultation avec l'ensemble des partenaires de l'AFP, à l'issue de laquelle il a exprimé le souhait que soient effectuées sans retard excessif les adaptations statutaires indispensables à la recherche des financements nécessaires au développement de l'entreprise.
Constatant l'immobilisme d'un gouvernement apparemment tétanisé par l'opposition désormais virulente d'une partie du personnel à toute initiative de la présidence, et convaincue de la nécessité vitale d'avancer, votre commission a adopté, sur la proposition de votre rapporteur, une proposition de loi adaptant de façon limitée la loi de 1957 aux exigences minimales d'une relance de l'AFP.
Il importe d'en rappeler le contenu afin de ramener toute polémique à sa vraie dimension :
- l'article premier de cette proposition modifie l'article premier de la loi du 10 janvier 1957 afin de permettre à l'AFP de prendre des participations dans toutes sociétés françaises ou étrangères constituées ou à constituer. Il s'agit d'inscrire dans la loi une possibilité que prévoit d'ores et déjà le sixième alinéa du décret du 9 mars 1957 pris pour l'application de la loi de 1957, en précisant le cadre et les finalités de cette possibilité ;
- l'article 2 modifie l'article 10 de la loi du 10 janvier 1957 afin de porter à cinq ans la durée du mandat du président. Il s'agit d'étendre à l'AFP le bénéfice de la réforme appliquée à l'audiovisuel public ;
- l'article 3 modifie l'article 12 de la loi du 10 janvier 1957 afin de permettre au conseil d'administration d'adopter un budget en déséquilibre, à titre exceptionnel et après avis motivé de la commission financière, à condition que le déséquilibre soit justifié par la mise en oeuvre des projets de développement et que les conditions du retour à l'équilibre dans les trois ans soient explicitement prévues ;
- l'article 4 complète l'article 13 de la loi du 10 janvier 1957 sur deux points : il consacre d'une part le droit de l'AFP de recourir à l'emprunt (cette possibilité n'est actuellement mentionnée que par le septième alinéa de l'article 14 du décret du 9 mars 1957), il permet d'autre part à l'Agence d'émettre des titres participatifs et des obligations.
Ces propositions réalistes et modestes -elles ne font qu'entériner et préciser des possibilités d'ores et déjà rendues possibles, mais dans des conditions imprécises et précaires, par le décret d'application du 9 mars 1957- semblent avoir suscité l'embarras de la ministre de la culture et de la communication qui leur a opposé en juin une fin de non recevoir abrupte en déclarant que la réforme de l'AFP n'était pas à l'ordre du jour et que pour l'instant l'AFP devait se développer dans le cadre de son statut actuel.
Le refus, en septembre, d'admettre l'adoption d'un budget dont l'exécution aurait été financée par l'emprunt a marqué un raidissement qui a inévitablement provoqué la démission du président Giuily.
Cet épisode méritait une mise en perspective. M. Henri Pigeat, ancien président de l'AFP, a présenté à cet égard d'utiles rappels et d'intéressantes analyses dans un article publié dans Le Monde du 13 octobre.
Ce texte confirme en substance que le statut de 1957, quels qu'aient été ses mérites passés, maintient aujourd'hui l'Agence dans un immobilisme désastreux : " les faiblesses économiques du statut sont devenues des handicaps rédhibitoires lorsque les techniques et les marchés ont commencé à bouleverser les charges et les obligations des agences de presse " . Il pointe les responsabilités de l'Etat, qui " oscille depuis quinze ans entre l'attentisme et un interventionnisme brouillon, plus soucieux d'intérêts électoraux à court terme que de vision d'avenir " . Il rappelle qu'une tentative de reconversion lancée en 1975 avec des moyens exceptionnels et donc difficilement répétitifs a été stoppée en 1986 " lorsque l'Etat s'est rangé aux côtés des organisations syndicales qui interdisaient la remise en cause d'un certain nombre d'intérêts acquis qu'il fallait pourtant rendre compatibles avec les contraintes de la concurrence internationale " . Il lance un message que votre rapporteur veut croire excessivement pessimiste : " l'AFP, agence mondiale, est aujourd'hui au bout du rouleau [...] Elle a gaspillé une partie de ses chances dans la photographie, dans l'information économique et dans les services de télécommunications. Elle n'a pas su entrer dans l'information télévisée. Elle a marqué trop longtemps le pas devant l'internet " .
L'article de M. Henri Pigeat appelle enfin l'Etat à prendre ses responsabilités en faisant de l'AFP " une entreprise véritable et responsable, dans le cadre de missions d'intérêt général garanties par la puissance publique " .
Cette conclusion semble démentir le verdict qui figure en tête de l'article : " quelle que soit la respectabilité du nouvel élu, il risque fort d'être impuissant. Tout démontre, en effet, que l'AFP est actuellement incapable d'élaborer et de mettre en oeuvre un projet qui lui garantisse le rang de grande agence de presse mondiale " .
Et pourtant, l'irrésistible rétraction de la ministre de la culture et de la communication devant les propositions adoptées par votre commission des affaires culturelles - combien modestes au regard des nécessités mises en lumière par tous les présidents de l'AFP ! - semble montrer que rien ne viendra de ce côté rompre le cycle régressif d'une entreprise en panne d'ambition, ou des moyens de son ambition.
C'est donc à M. Bertrand Eveno, nouveau président de l'AFP, qu'est dévolue la tâche ardue de rompre l'enchantement. On peut certes fonder des espérances sur ses qualités reconnues de gestionnaire et d'homme d'entreprise. Une réforme statutaire, qui suppose l'initiative des pouvoirs publics, n'en paraît pas moins incontournable.
Si l'octroi de ressources exceptionnelles par l'Etat a longtemps différé la mise en lumière des extravagantes contraintes juridiques qui pèsent sur le financement de l'AFP - et l'abandon du prêt participatif de 90 millions de francs consenti en 1990 sera sans doute une des toutes dernières manifestations de cette stratégie de l'esquive - l'Union européenne est de plus en plus attentive aux accrocs portés au droit de la concurrence. Force est alors d'en revenir au point de départ : afin de desserrer le goulot d'étranglement financier qui entrave tout développement, il est nécessaire d'apporter quelques adaptations au statut.
L'Etat se dérobe, a-t-on vu plus haut ? Il s'agit plutôt du gouvernement. Et quand le gouvernement se dérobe, le Parlement demeure, pour assumer ce qu'il y a dans l'Etat de conscience des enjeux et des nécessités. Voilà pourquoi le Sénat a souhaité mettre à son ordre du jour la proposition de loi dont le contenu est rappelé ci-dessus. Si l'AFP est réduite dans dix ans au statut de sous-traitante pour la France des grandes agences de presse anglo-saxonne, il y aura eu une institution, dans l'Etat, pour proposer une autre voie en temps encore utile.
Votre rapporteur, attendant sereinement que le courage revienne en cette affaire, met en garde le gouvernement devant le projet d'adoption -annoncé dans la presse et non dénoncé à ce jour- d'un budget de l'Agence en déséquilibre sur 2001 : cet exercice est illégal... en l'état actuel de la loi.