B. LES MESURES CONTRE LA VIOLENCE SCOLAIRE
1. La fin de l'école sanctuaire
La violence scolaire est devenue une donnée permanente, comme en témoignent les statistiques communiquées par l'éducation nationale en janvier 2000.
Au cours de l'année scolaire 1998-1999, les établissements du second degré ont transmis chaque trimestre 240 000 déclarations d'incidents de toute nature ; sur ces 240 000 déclarations, 6 300 sont des faits graves qui ont été signalés au Parquet et qui se répartissent entre violences physiques et sexuelles, coups et blessures, racket, port d'armes à feu ou d'armes blanches, violences verbales...
Les auteurs de ces faits graves sont pour 86 % des élèves, pour 12 % des personnes extérieures à l'établissement, pour 1,3 % des personnels et pour 0,7 % des parents d'élèves. Leurs victimes sont pour 78 % des élèves et pour 20 % des personnels. En moyenne, 17 % des collèges et des lycées déclarent un fait grave par trimestre.
Ces quelques chiffres sont sans doute loin de recenser la totalité des violences scolaires dont la presse se fait tous les jours l'écho pour les faits les plus graves.
2. Les plans contre la violence scolaire : un exercice obligé pour les ministres de l'éducation nationale
Votre commission ne peut que constater l'efficacité très relative des plans successifs de lutte contre les violences scolaires.
- mai 1992 : le plan Lang prévoit des créations d'emplois administratifs et une priorité de mutation pour les enseignants des établissements sensibles ;
- mars 1995 : le premier plan Bayrou présente 12 mesures tendant notamment à renforcer la collaboration entre police, justice et école, à créer un numéro d'appel téléphonique spécifique et à développer l'éducation civique ;
- mars 1996 : le second plan Bayrou est constitué de 19 mesures ordonnées autour de trois orientations : le renforcement de l'encadrement, les relations élèves-parents, les établissements et leur environnement ;
- novembre 1997 : la première phase du plan Allègre, mise en oeuvre au début de l'année 1998 concentre des moyens supplémentaires dans dix sites expérimentaux répartis sur six académies (Aix-Marseille, Amiens, Créteil, Lille, Lyon, Versailles).
Ce plan concernait 411 collèges et lycées regroupant 270 000 élèves et 1 742 écoles de leur secteur accueillant 330 000 élèves.
En 1998 et 1999, ces écoles et établissements ont bénéficié de 485 emplois d'infirmières et assistantes sociales, de 100 postes ETP de médecins scolaires, de 400 emplois ATOS, de 100 emplois de CPE et de 4 728 aides-éducateurs.
Ce plan a été complété par trois mesures : la mise en oeuvre de la loi du 17 juin 1998 qui aggrave les sanctions pénales encourues pour des faits de violence commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou à ses abords, la signature en mars 1999 dans 14 départements d'une convention avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation, la création d'une cellule " SOS violences " dotée d'un numéro spécifique. Outre ces mesures de prévention, ce plan a permis d'engager un programme de partition des plus gros collèges ;
- janvier 2000 : la seconde phase du plan Allègre tend à étendre le dispositif initial à dix académies et vingt sites, soit 506 collèges et lycées et 2 338 écoles. Les moyens supplémentaires prévus consistent en 181 emplois d'infirmière, 107 emplois d'assistant de services sociaux, 18 emplois de médecin scolaire, 100 emplois de conseiller principal d'éducation ; 400 emplois de surveillant, 2 005 aides éducateurs et 1 028 aides au cadre de vie.
En outre, à la rentrée 2000 ont été mis en place 1 000 emplois " d'adultes-relais " qui sont des collaborateurs recrutés à partir d'une aide forfaitaire de l'Etat dans le cadre de la politique de la ville pour établir des liens avec les jeunes.
D'autres mesures tendent à renforcer les équipes de terrain, les équipes de direction des établissements et à mobiliser tous les services de l'Etat (gendarmerie, police, justice...) afin de développer les procédures rapides d'intervention en cas d'incidents. Les observatoires départementaux des phénomènes de violence sont chargés d'établir des diagnostics communs.
Par ailleurs, l'aide aux victimes est développée : cellules d'aide, de soutien et d'écoute, présence de représentants de l'éducation nationale aux côtés des victimes au cours des procès.
Enfin des recommandations aux chefs d'établissement ont été données sur la conduite à tenir face aux principales situations de violence, à l'égard de la victime et de l'auteur, et sur les mesures à prendre dans le cadre de la vie scolaire.
Ce dispositif a été complété par une série de mesures de prévention :
• suivi spécifique des élèves en difficulté grâce au tutorat, aux classes relais et aux contrats de réussite scolaire ;
• augmentation du nombre de classes et d'internats-relais (250) permettant d'accueillir temporairement près de 5 500 collégiens en risque de marginalisation scolaire ;
• mise en place de structures de prévention : comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, lieux d'écoute pour les élèves et de communication avec les familles, lancement de l'opération " Ecole ouverte " ;
• création en juin 2000 d'un comité national antiviolence constitué de magistrats, de policiers, de représentants des enseignants et des parents d'élèves : ce comité aura pour fonction d'évaluer l'évolution des violences scolaires, de coordonner les services ministériels concernés et de fournir des propositions au ministre ;
• publication de deux circulaires du 11 juillet 2000 visant à renforcer la discipline scolaire dans les lycées et collèges.
- juillet 2000 : annonce de cinq chantiers destinés à limiter la violence scolaire à la rentrée 2000 :
• lancement d'une dizaine de chantiers-pilotes d'internats éducatifs destinés à accueillir des jeunes en rupture familiale ou scolaire ;
• inscription de 50 millions de francs dans le collectif pour la réfection d'écoles primaires ;
• attribution de 5 000 bourses de mérite pour des lycéens en ZEP ;
• confirmation de la mise en place d'" adultes-relais " pour faciliter les relations entre l'école et les quartiers ;
• relance des contrats éducatifs locaux afin de prendre en charge les élèves hors du temps scolaire.
3. Des résultats décevants
Force est de constater que les résultats enregistrés par ces plans successifs ont été décevants.
Le plan lancé en 1998 a certes permis de diminuer la violence dans certains établissements, mais la dégradation de la situation s'est poursuivie dans d'autres.
Ainsi, la violence a-t-elle baissé de 40 % dans les établissements expérimentaux de l'Oise, concernés par le plan, alors qu'elle n'a fait que se stabiliser dans le reste du département.
Dans les Bouches-du-Rhône, les faits graves ont baissé de 27 % en deux ans dans les lycées et collèges concernés, contre 15 % dans l'ensemble du département.
Dans le Vaucluse, la baisse est de 40 % sur les sites expérimentaux contre 27 % dans le reste du département.
En revanche, la situation a continué à se dégrader à Paris et dans sa banlieue : si la baisse des violences a été estimée à 5 % en Seine-Saint-Denis, les faits graves ont augmenté et les agresseurs sont de plus en plus jeunes.
Sur un plan général, les statistiques de la dernière année scolaire révèlent une aggravation de la violence pour certains faits graves :
- les dégradations, qui représentent le quart des faits graves, ont augmenté de 4,6 % par rapport à l'année précédente ;
- les vols, qui représentent 12,6 % de ces faits graves, ont augmenté de 4 % ;
- la consommation de drogue (3,3 % de ces faits graves) a également augmenté ;
- les signalements de port d'armes blanches et de bombes lacrymogènes (2 % des faits graves) ont doublé.
En revanche, les intrusions extérieures dans les établissements auraient été réduites de moitié, les violences verbales et les atteintes physiques aux personnes seraient en légère baisse, tandis que le port d'armes à feu restait stable.
Enfin, une enquête du ministère de l'éducation nationale montre que les établissements associant les personnels, y compris les aides-éducateurs, les parents d'élèves et les délégués des élèves, ont obtenu les meilleurs résultats, mais aussi que le recours aux classes de niveau peut contribuer à aggraver les phénomènes de violence.