C. LA GESTION DE LA CRISE DU SECTEUR DES FRUITS ET LÉGUMES
1. Les difficultés de la filière
Les relations commerciales entre producteurs de fruits et légumes et distributeurs ont été encore tendues durant cette année, sur fond de débat au Parlement du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques.
La profession, et notamment la Fédération nationale des producteurs de fruits, ont multiplié les avertissements concernant le recours de la grande distribution, qui détient 70 % du marché français des fruits et légumes, à des pratiques commerciales abusives aboutissant à la vente par les producteurs de leurs produits à des prix inférieurs à leurs coûts de production.
Selon une étude du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) parue en mars 2000, les distributeurs réaliseraient plus de la moitié de la marge dégagée par la filière fruits et légumes.
Si l'exploitation de la dépendance des producteurs de fruits et de légumes par la grande distribution porte une responsabilité déterminante dans les difficultés de cette filière, il convient aussi d'évoquer le problème de la surproduction, ainsi que celui de l'insuffisante organisation économique des producteurs : moins de 50 % d'entre eux sont structurés en groupements, lesquels ne commercialisent que 40 % de la production.
Des productions ont particulièrement souffert cette année.
C'est le cas du secteur de la pomme. Confronté à une surproduction structurelle, le marché de la pomme a vu sa situation aggravée par le boycott britannique sur les importations de pommes françaises en réaction au maintien de l'embargo de la France sur le boeuf britannique. L'embargo serait ainsi responsable à lui seul d'une perte estimée à 2 milliards de francs par la Fédération nationale des producteurs de fruits, le marché britannique représentant plus du quart des exportations françaises de pommes.
Le marché de la pomme de terre a également subi des difficultés, en raison d'une sensible chute de ses prix de vente, imputable notamment à un chevauchement de la campagne des pommes de terre " primeur " avec celle des pommes de terre de conservation.
2. Les mesures prises par les pouvoirs publics
Les pouvoirs publics ont été à l'origine de différentes initiatives destinées à prévenir ou à juguler les crises conjoncturelles dans ce secteur.
Le 16 août 2000, le Gouvernement a étendu un accord de fixation d'un prix minimum de cession des pêches et nectarines, conclu entre producteurs et distributeurs, et valable jusqu'au terme de la campagne de commercialisation.
Un plan de maîtrise et d'adaptation des filières en difficulté est en cours d'élaboration, en concertation avec la fédération nationale des producteurs de fruits. Il devrait comporter notamment des mesures d'aide à la cessation d'activité et à l'adaptation des vergers, des mesures de relance de la consommation par la qualité, des incitations à l'organisation économique et à la structuration de l'offre.
Le Gouvernement a également pris un décret exonérant de charges sociales les travailleurs occasionnels, qui représentent une part significative de la main d'oeuvre des exploitations de ce secteur au moment de la récolte. Il est entré en vigueur le 1 er juillet 2000.
Enfin, concernant plus spécifiquement la filière pommes, le Gouvernement a annoncé un plan qui conditionne l'octroi des aides à la maîtrise de la production. Il s'agit de dépasser la simple logique d'indemnisation des crises conjoncturelles. Ce plan de maîtrise de la production de pommes devrait comporter plusieurs séries de mesures :
- des aides à l'arrachage des pommiers. L'arrachage de 12.000 hectares, soit 20 % du verger sur trois ans, serait nécessaire ;
- une politique d'accompagnement des producteurs souhaitant quitter le secteur ;
- des crédits destinés à financer des mesures fiscales et sociales.
Par ailleurs, le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, très attendu par la profession agricole, a été déposé en avril à l'Assemblée nationale et voté en première lecture par les deux assemblées.
Votre rapporteur pour avis tient à rappeler les grandes lignes des dispositions du titre premier de la seconde partie du texte, relatif à la moralisation des pratiques commerciales, qui intéressent les producteurs agricoles.
Dans sa version initiale, ce titre comportait des mesures destinées à rééquilibrer les relations entre producteurs et distributeurs :
- possibilité d'interdire par accord interprofessionnel les annonces promotionnelles de fruits et légumes sur catalogue par les distributeurs ;
- création d'une commission des pratiques commerciales destinée à observer et à rendre des avis sur les relations entre fournisseurs et distributeurs ;
- renforcement des sanctions contre les pratiques commerciales abusives, telle celle consistant à exiger des fournisseurs le versement de ristournes rétroactives.
L'Assemblée nationale a renforcé la protection accordée aux producteurs agricoles, en posant le principe d'une autorisation des annonces de prix promotionnelles par des accords professionnels, et en permettant au ministre de l'agriculture de rendre obligatoire un prix minimal de cession, déterminé par accord entre organisations représentatives de la production et de la distribution, en cas de crise conjoncturelle subie par une catégorie de fruits ou de légumes frais.
Le Sénat a approuvé ces dispositions et les a complétées. Il a notamment prévu que les accords de crise fixant un prix minimum pourraient être conclus dans le cadre interprofessionnel, et qu'ils devraient obligatoirement être étendus dans un délai de huit jours.