D. LA CRISE DE L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE
La crise de l'ESB a marqué l'actualité tout au long de cette année en raison, notamment, de l'augmentation continue du nombre de cas décelés d'animaux atteints par la maladie en France. Au 6 novembre, 84 animaux atteints avaient été recensés depuis le début de l'année 2000. L'augmentation de cas repérés est néanmoins à mettre en relation avec le lancement d'une campagne de dépistage de grande ampleur. Ainsi, sur ces 84 cas répertoriés pour l'année 2000, 29 ont été identifiés grâce au test utilisé à l'occasion de cette campagne, les 55 autres ayant été repérés par le réseau de surveillance vétérinaire.
Les avancées de la recherche ont également alimenté les craintes à l'égard de la propagation de la maladie.
Un débat scientifique portant sur les causes possibles de l'ESB a été engagé. Si la contamination par des farines animales accidentellement infectées reste l'hypothèse la plus privilégiée, celle d'une transmission de la vache au veau, quoique non démontrée est également plausible. L'hypothèse d'une troisième voie de transmission, par l'intermédiaire de réservoirs naturels tels que les bouses ou le foin, a également été évoquée.
Par ailleurs, une étude britannique rendue publique fin août a montré que le prion responsable de l'ESB pouvait franchir la barrière d'espèce sans que la maladie se déclare sur les animaux infectés. Ce résultat inquiétant suscite des interrogations sur l'éventuelle contamination d'animaux, tels les porcs et les volailles, ayant consommé des farines contaminées.
Par ailleurs, la possibilité d'une transmission par voie sanguine de la maladie de Creutzfeldt-Jakob a été démontrée scientifiquement.
Votre rapporteur pour avis vous propose d'examiner les différents volets de ce dossier qui ont marqué l'année écoulée.
L'embargo sur la viande bovine britannique
La France est, pour l'heure, déterminée à maintenir l'embargo sur le boeuf britannique instauré en mars 1996, malgré la mise en oeuvre d'une procédure d'infraction à son encontre par la Commission européenne.
La France est actuellement le seul Etat de l'Union européenne à maintenir cette mesure, l'Allemagne ayant décidé au printemps dernier de lever cet embargo.
L'interdiction des tissus à risque
La Commission européenne avait proposé de rendre obligatoire le retrait des matériels à risque spécifiés (MRS) des bovins, caprins et ovins de la chaîne alimentaire à compter du 1 er juillet 2000. Il s'agit de tissus susceptibles de véhiculer l'agent infectieux de l'ESB :
- le crâne, les amygdales, les cordes vocales des bovins, ovins et caprins de plus de douze ans ;
- l'iléon (partie de l'intestin) du bétail de plus d'un an ;
- et la rate de tous les ovins et caprins.
Le conseil agricole de l'Union européenne n'ayant pas adopté ce projet, en raison de la réticence des Etats-membres non touchés par l'ESB, la Commission européenne a décidé en juillet 2000, conformément à la procédure du comité de réglementation, d'imposer elle-même ces mesures de retrait des MRS à compter du 1 er octobre 2000.
Par ailleurs, le ministre de l'agriculture a pris, le 10 octobre 2000, un arrêté ministériel interdisant l'utilisation alimentaire des boyaux de bovins, quel que soit l'âge de ces derniers. Adopté à l'issue d'une controverse qui a duré presque un an, cet arrêté durcit un premier projet présenté en juillet dernier qui prévoyait que seuls les intestins de bovins nés après le 1 er mai 1999 pourraient être utilisés pour la consommation humaine.
Il fait suite à un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) concluant à l'absence de fiabilité du délimonage, procédé industriel censé éliminer les éléments nerveux et lymphatiques des boyaux, potentiellement vecteurs de prions.
L'étiquetage de la viande bovine
Au plan communautaire, les Quinze, convaincus de la nécessité de mettre en place de manière urgente une réglementation relative à l'étiquetage et à la traçabilité de la viande bovine, ont finalement adopté, le 17 juillet dernier, un nouveau règlement destiné à entrer en vigueur en deux étapes.
A compter du 1 er septembre 2000 , l'étiquetage de la viande bovine doit indiquer :
- un numéro de référence qui fait le lien entre l'animal et la viande ;
- le nom de l'Etat-membre (ou du pays tiers) dans lequel l'animal a été abattu ;
- le nom de l'Etat-membre (ou du pays tiers) dans lequel l'animal a été découpé.
Au 1 er janvier 2002 , l'étiquette devra de plus mentionner :
- le nom de l'Etat (ou du pays tiers) de naissance ;
- le nom de l'Etat ou des Etats dans lesquels l'animal a été engraissé.
En outre, lorsque la viande provient d'animaux nés, élevés et abattus dans le même Etat membre ou le même pays, l'étiquette pourra indiquer, sous la dénomination " origine " le nom de cet Etat ou pays.
Un régime d'étiquetage et de traçabilité amélioré a été décidé pour la viande hachée. Ainsi, depuis le 1 er septembre 2000, l'étiquette doit mentionner :
- le code de traçabilité ;
- le nom de l'Etat dans lequel l'animal a été abattu ;
- le nom de l'Etat dans lequel la viande a été transformée.
Si votre rapporteur pour avis se félicite de la mise en place de standards communs à l'ensemble des Etats membres, il n'en regrette pas moins que le Conseil européen ait renoncé à rendre obligatoire la mention de la catégorie de l'animal abattu -boeuf, veau, vache, génisse- ce qui constitue un pas en arrière par rapport à la réglementation en vigueur en France. Les producteurs (Fédération nationale bovine) et les associations de consommateurs déplorent aussi ce choix.
Au plan national, des initiatives concernant l'étiquetage de la viande bovine ont également été prises.
L'accord national interprofessionnel, signé le 17 février 1997 et sur l'étiquetage de la viande bovine arrivant à échéance le 31 août 2000, les acteurs de la filière ont à charge d'élaborer un nouvel accord.
Votre rapporteur pour avis espère que cette renégociation sera l'occasion de conforter l'étiquetage actuel, qui mentionne l'origine (fait qu'un animal soit né, élevé et abattu dans un même pays), la catégorie et le type racial (lait ou viande) de l'animal. Le règlement communautaire autorise en effet l'application de normes plus strictes au niveau national.
Réflexions autour d'une éventuelle réforme de l'abattage
Sous la pression d'une partie des éleveurs, un débat s'est engagé sur l'opportunité de maintenir le principe, adopté en 1994, de l'abattage total du troupeau dans lequel un animal atteint de l'ESB a été découvert.
Selon certains, la pratique de l'abattage sélectif, moins traumatisante, permettrait en outre d'étudier l'évolution de l'état sanitaire du reste du troupeau. Le choix de l'abattage total a été notamment critiqué par le comité scientifique directeur européen.
Votre rapporteur pour avis rappelle que l'abattage systématique du troupeau, actuellement pratiqué en Belgique, en Irlande et aux Pays-Bas, est garant de la sécurité sanitaire. En Suisse, se pratique depuis juillet 1999 une formule intermédiaire, qui consiste à abattre la cohorte, c'est-à-dire les animaux du troupeau nés dans un délai d'un an avant ou après l'animal atteint.
Le Gouvernement a indiqué qu'il pourrait élaborer prochainement un nouveau protocole pour les animaux abattus, à l'occasion de la mise en oeuvre du programme de tests rapides et des protocoles scientifiques qui lui sont rattachés.
Le dépistage de l'ESB
Le programme de dépistage de l'ESB par des tests rapides, qui avait été annoncé en début d'année, a été lancé début juin, avec plusieurs mois de retard. Il se compose en fait de deux programme complémentaires : un programme de 12.000 tests qui anticipe le dépistage communautaire obligatoire en 2001, et un programme national ciblé de 40.000 tests, destiné à éprouver de nouveaux tests, plus rapides, et à évaluer la prévalence de la maladie.
Dans le schéma traditionnel de surveillance de la maladie, les éleveurs signalent les animaux présentant des troubles suspects à leurs vétérinaires. Un vétérinaire du réseau d'épidémiosurveillance décide ensuite de l'abattage de l'animal malade, dont la cervelle est analysée au laboratoire de l'AFSSA, à Lyon. Le test utilisé pour cette analyse, outre qu'il est d'un maniement complexe, ne donne des résultats que tardivement, après 48 à 72 heures.
La campagne ciblée de dépistage initiée par le ministère de l'agriculture vise à éprouver la fiabilité d'un des nouveaux tests, le test suisse Prionics, qui permet d'établir un diagnostic de la maladie en dix heures. Le choix de ce test au détriment du test mis au point par le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) a suscité une polémique, le comité d'experts français consulté sur ce choix ayant estimé le test français plus sensible.
Ce programme de dépistage, qui coûtera 271 millions de francs et qui mettra en oeuvre 40.000 tests, sera réalisé sur une période de huit mois au plus, un premier bilan des résultats ayant été annoncé pour l'automne 2000.
Il est doublement ciblé. D'une part, les tests seront pratiqués sur les animaux dits " à risque " : les bovins de plus de deux ans morts à la ferme, abattus d'urgence ou blessés à l'abattoir (soit environ 340.000 bêtes). D'autre part, ce travail de dépistage se concentrera sur les trois régions les plus touchées par l'ESB : la Basse-Normandie, la Bretagne et les Pays-de-Loire, qui regroupent douze départements.
Par ailleurs, 12.000 autres tests doivent être réalisés dans le cadre de la campagne européenne de dépistage. Ils concerneront 4.000 bêtes dans les départements du Grand Ouest -donc soumises parallèlement aux tests de la campagne nationale- et 8.000 bêtes provenant des autres départements.
Situation du marché français de la viande bovine
L'année 2000 semblait signaler l'amorce d'une sortie de crise, la consommation de viande bovine ayant rattrapé son niveau d'avant 1996, année pendant laquelle elle avait reculé de 8 %. Les prix à la production ont augmenté de 4 % entre janvier et juin 2000, selon une note de conjoncture de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'agriculture (OFIVAL) en date du 14 juin 2000.
Pourtant, le marché de la viande bovine, frappé par la méfiance des consommateurs, menace de s'effondrer de nouveau à la suite d'une série de révélations inquiétantes :
- la publication du rapport d'une commission d'enquête sur la gestion maladroite de la crise par les autorités britanniques ;
- la révélation d'une tolérance de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à l'égard de la présence de farines animales, dans la limite de 0,3 % dans les aliments pour animaux, alors que l'utilisation de ces farines, suspectées d'être le principal vecteur de l'agent infectieux de l'ESB, est interdite dans l'alimentation des ruminants depuis un arrêté du 24 juillet 1990 ;
- ou encore l'alerte alimentaire provoqué par la mise en vente accidentelle de viande provenant d'un troupeau dont l'une des vaches était atteinte d'ESB.
Les mesures annoncées par le Gouvernement -élargissement du programme de dépistage à des tests réalisés de manière aléatoire à l'entrée des abattoirs sur la viande destinée à la consommation humaine, interdiction de l'incorporation de graisses animales dans l'alimentation des ruminants- n'ont pas été de nature à rassurer l'opinion publique.
Selon la Confédération des entreprises bétail et viande (CEBV), l'activité aurait diminué de moitié dans les abattoirs, et au moins de 30 % dans les ateliers de découpe depuis le 23 octobre 2000, date de l'annonce de la commercialisation de viande suspecte dans plusieurs magasins de grande distribution. Le prix du boeuf aurait déjà baissé de 1 à 2 francs le kilogramme.