B. LA POLITIQUE DE LA MONTAGNE
1. Orientations de la politique en faveur de l'agriculture de montagne
A l'occasion du " Forum mondial de la montagne " qui s'est tenu à Paris et à Chambéry du 5 au 12 juin 2000, le ministre de l'agriculture et de la pêche, Jean Glavany, a rappelé les orientations qu'il entendait privilégier dans la conduite de la politique en faveur de l'agriculture de montagne.
Il a souhaité que la politique en faveur de l'agriculture de montagne ne s'inscrive plus dans une simple logique de compensation des handicaps, mais permette plutôt à cette agriculture de se développer par la valorisation des atouts de la montagne, tels que son patrimoine culturel, la diversité de sa faune et de sa flore ou encore la qualité de ses produits, ainsi que par la diversification de ses activités.
Il a rappelé que le contrat territorial d'exploitation (CTE) devait permettre de rémunérer les multiples fonctions que ces derniers seraient conduits à assumer, et qui concernent la mise en valeur du paysage, l'entretien du territoire, la prévention des risques.
Enfin, le ministre de l'agriculture a réaffirmé le rôle vital, dans la préservation de l'espace montagnard, du pastoralisme, qu'il convenait d'encourager financièrement.
2. Les mesures d'aides prises par les pouvoirs publics en matière d'agriculture de montagne
a) Les aides à la modernisation des exploitations en zone de montagne
Il s'agit de subventions spécifiques, destinées à financer les investissements en bâtiments d'élevage, ainsi que l'achat de matériels adaptés aux zones de montagne. Depuis 1994, le bénéfice de ces subventions sont contractualisées dans le cadre des contrats de plan Etats-régions.
Pour l'année 1999, les engagements réalisés au titre de ces subventions se sont élevés à 93,3 millions de francs. Ils devraient être supérieurs à ce montant à la fin de l'année 2000, une circulaire du ministre de l'agriculture et de la pêche, en date du 2 juin 2000, ayant majoré les aides octroyées pour l'acquisition de matériels spécifiques.
L'ATTRIBUTION DES AIDES À LA MODERNISATION DES
EXPLOITATIONS
EN ZONE DE MONTAGNE (1999)
Montant
|
Nombre de dossiers |
Part dans le montant total des aides
attribuées
|
|
Aides aux bâtiments d'élevage |
86,7 |
1 608 |
93 |
Aides à la mécanisation |
6,6 |
283 |
7 |
TOTAL |
93,3 |
1 891 |
100 |
Votre rapporteur pour avis constate que l'augmentation de ces subventions est encore insuffisante pour répondre aux besoins des agriculteurs de montagne, ainsi qu'en témoigne l'importance des files d'attente au bénéfice de ces aides.
b) L'aide à la qualité du lait en zone de montagne
Instituée en vue de favoriser l'amélioration de la qualité des produits laitiers en zone de montagne, cette aide, qui s'adresse aux producteurs laitiers et aux fromagers, est attribuée sur la base d'une convention passée avec l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT).
La dotation octroyée au titre de cette aide est passée de 49 millions de francs en 1999 à 41 millions de francs en 2000, cette diminution étant partiellement compensée par le versement d'un complément par le biais des conventions de massifs.
c) Les crédits du FNADT en faveur de la montagne
La section générale du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) comprend notamment des crédits consacrés à l'autodéveloppement en montagne, qui correspondent en réalité aux crédits de l'ancien Fonds d'intervention pour le développement en montagne. Ils sont répartis par le préfets de région coordonnateurs de massif, sur proposition du commissaire à l'aménagement du massif et après avis du comité de massif.
En 1999, les crédits d'autodéveloppement en montagne du FNADT ont plus que doublé pour atteindre un montant de 30 millions de francs, alors que les deux années précédentes avaient été marquées par des diminutions significatives. Ils permettent de financer des actions axées sur la connaissance économique des massifs, le tourisme, la communication et la mise en réseau, mais également des actions en faveur de l'agriculture. Dans les Vosges, l'agriculture a ainsi bénéficié, en 1999, de 53 % des crédits distribués dans ce cadre.
d) Les mesures spécifiques au sein de dispositifs généraux d'aides
Des prêts bonifiés majorés au taux de 3,35 % sont accordés aux agriculteurs de montagne dans le cadre des plans d'amélioration matérielle (PAM). Ces prêts sont mêmes accordés au taux de 2,55 % en faveur des jeunes agriculteurs s'installant en montagne.
Par ailleurs, les aides versées au titre des organisations communes de marché sont assorties de compléments de primes qui, étant subordonnées à l'existence de faibles taux de chargement (nombre d'unités de gros bovins à l'hectare), sont le plus souvent attribués aux agriculteurs de montagne.
3. La réforme des ICHN
Créées par la France en 1972 et communautarisées en 1975, les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) constituent la principale mesure de soutien à l'agriculture de montagne.
Il s'agit d'aides au revenu, destinées à maintenir l'agriculture et la gestion de l'espace en montagne, en préservant la viabilité économique des exploitations.
Jusqu'à présent, les ICHN étaient versées aux éleveurs dont l'exploitation se situe à plus de 80 % en zone défavorisée, selon deux modalités :
- à l'unité de gros bovin (UGB) pour des productions animales, au titre desquelles l'essentiel du montant total de ces aides est versé ;
- à l'hectare pour les productions végétales.
Ces modalités d'attribution visaient à favoriser les petites exploitations, grâce à un plafonnement des aides à 50 UGB par exploitation, ainsi que l'extensivité, par un plafonnement à 1 UGB par hectare.
Le plan de développement rural national, élaboré conformément au règlement européen de développement rural et approuvé par le comité STAR le 26 juillet dernier prévoit une réforme du régime des ICHN.
Cette réforme a suscité un vif mécontentement des représentants du secteur agricole, et particulièrement des agriculteurs de montagne. Les critiques ont porté aussi bien sur les principes qui sous-tendent cette réforme, que sur les nouvelles modalités d'attribution des aides.
Le nouveau système reposera sur une logique fondamentalement différente de celle qui fonde le dispositif actuel. L'attribution des ICHN ne visera plus la compensation des surcoûts dus aux handicaps naturels, mais l'incitation au respect de " bonnes pratiques agricoles ", ce qui contribuera à nier les difficultés spécifiques à l'agriculture de montagne.
Par ailleurs, la réforme va se traduire par l'instauration d'une prime unique par catégorie de zone, attribuée à l'hectare et non plus à l'UGB.
En outre, des critères d'extensivité consistant en des taux de chargement définis par zones et exprimés en UGB par hectare de surface fourragère devront être respectés. En cas de dépassement du seuil minimal ou maximal d'exclusion, les agriculteurs ne percevront plus d'indemnités.
Ces critères vont exclure du bénéfice de ces aides près de 10 % des éleveurs, soit près de 9.000 exploitants (sur 113.000 bénéficiaires actuellement). Par ailleurs, les préfets pourront moduler autour d'un taux de chargement optimal les aides octroyées à l'intérieur de ces limites, ce qui entraînera une diminution des ICHN versées aux éleveurs qui y ont droit. Il est inacceptable de leur imposer une telle baisse de revenu, alors que l'agriculture est l'un des rares secteurs économiques dont le revenu ait diminué en 1999 (résultat net par actif en baisse de 4 %).
En outre, l'établissement de ces seuils risque d'avoir un impact négatif en termes d'aménagement de l'espace rural. Les éleveurs se situant en dessous du seuil minimal de chargement auront tendance à augmenter leur surface en friches afin de pouvoir entrer dans le barème. Les éleveurs dépassant le seuil maximal chercheront à tout prix à agrandir leur exploitation, au détriment des jeunes exploitants, dont le Gouvernement prétend pourtant vouloir faciliter l'installation.
Enfin, le nouveau dispositif, fondé sur l'octroi d'une prime unique, supprime le différentiel de prime qui existait auparavant en faveur de l'élevage ovin. A l'heure où la production ovine se trouve dans une situation particulièrement difficile, cette remise en cause est inacceptable.
L'adoption de cette réforme des ICHN sur proposition du Gouvernement français est d'autant plus inattendue qu'elle fait suite à une concertation de 18 mois entre des représentants du ministère de l'agriculture et des exploitants agricoles au sein du Groupe de travail sur la politique de la montagne.
Il semble difficile de revenir sur certains points de la réforme, tels que le paiement à l'hectare, la conditionnalité de l'octroi des aides au respect de bonnes pratiques agricoles ou encore l'interdiction de la modulation de la prime en fonction du type d'animal, qui répondent à des exigences posées par le règlement européen de développement rural.
Néanmoins, il existe des marges de manoeuvre permettant d'assouplir le dispositif prévu. Ces marges de manoeuvre sont inhérentes à la fixation des seuils de chargement et à la modulation autour d'un taux de chargement optimal des aides.
Le 24 octobre dernier, le Gouvernement s'est engagé auprès des organisations professionnelles agricoles à solliciter auprès de la Commission européenne la possibilité de modifier le régime des ICHN proposé dans le nouveau plan de développement rural. Votre rapporteur pour avis suivra avec attention l'évolution de ce dossier.
4. Le plan d'action loup/pastoralisme
Un nouveau projet de plan d'action visant à permettre la coexistence du pastoralisme et des loups a été présenté en juin 2000 par les ministères de l'agriculture et de l'environnement, devant le Comité national loup. Applicable aux Alpes françaises, ce projet adapte le principe du zonage, actuellement en vigueur.
Les territoires d'actions prioritaires - précédemment dénommés territoires d'expérimentation- , dans lesquels, la protection des troupeaux primant, des destructions de loup peuvent intervenir ponctuellement, font l'objet d'une définition moins précise.
Alors que le premier projet prévoyait expressément que le parc national du Mercantour et le parc naturel régional du Queyras, reliés par un corridor de circulation, voire une partie du parc national de la Vanoise, relevaient de ces territoires d'actions prioritaires, le second projet indique simplement que les parcs naturels nationaux, régionaux, ainsi que les sites Natura 2000 désignés pour le loup peuvent y être intégrés de manière privilégiée, sur décision du préfet, après avoir des comités de concertation et de suivi du loup.
Dans ces zones, l'indemnisation des éleveurs d'ovins, qui s'engagent en contrepartie à mettre en oeuvre des actions de préventions sur la base d'un cahier des charges, est garantie par l'Etat, qui souscrit dans ce but une convention globale de prestation de service auprès d'une société d'assurances.
Enfin, le projet de plan d'action autorise la délimitation, au sein des territoires d'actions prioritaires, de zones d'exclusion du loup. Ces zones sont déterminées par le préfet au nom d'intérêts techniques, sociaux ou économiques.
Sur le reste du territoire alpin s'applique le régime général, qui impose que le loup soit protégé conformément au droit international. Des interventions contre le loup peuvent néanmoins être envisagées, sur le fondement de protocoles spécifiques, lorsque qu'il est à l'origine des dommages importants. Le nouveau projet de plan d'action prévoit une consultation des organisations socioprofessionnelles au cours de la procédure d'approbation de ces protocoles, qui fait intervenir les ministres de l'environnement et de l'agriculture, après avis du Conseil national de protection de la nature.
Ce nouveau projet tend à faire croire que le zonage rendra compatible la présence du loup et le maintien d'un pastoralisme traditionnel dans le massif alpin.
Les territoires d'actions prioritaires, en effet, n'offrent pas aux éleveurs de protection systématique contre les attaques du loup, l'Etat préférant se décharger de ses responsabilités par l'indemnisation des éventuels dommages subis. En outre, la création de zones d'exclusion du loup apparaît difficile en pratique.
5. Un décret " montagne " toujours attendu
L'article 87 de la loi n° 99-574 d'orientation agricole prévoit que l'utilisation du terme " montagne ", en vue de qualifier une denrée alimentaire, doit être autorisée. Les conditions dans lesquelles cette autorisation est délivrée, ainsi que le contenu du cahier des charges qui matérialise l'engagement de l'agriculteur à respecter ces conditions, doivent faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat qui n'est toujours pas paru.
Votre rapporteur souhaite que ce décret soit publié au plus tôt, afin que la qualité et la spécificité des produits de montagne disposent d'une reconnaissance légale, et bénéficient de ce fait d'une meilleure valorisation auprès des consommateurs.