B. DES INQUIÉTUDES PERSISTANTES
1. La réaction des industriels
Les industriels estiment que la combinaison des dispositions envisagées pour la taxation sur l'énergie dès 2001 et l'allégement des charges applicables aux entreprises passant aux 35 heures, conduit schématiquement à répartir les entreprises en trois catégories :
La première concerne plutôt des groupes industriels fortement soumis à la concurrence internationale, gros consommateurs d'énergie et relevant des activités de " process industriel ", comme la sidérurgie, la production d'aluminium, ou la chimie. Les effectifs de ces secteurs industriels comportent peu de salaires voisins du SMIC. Ces groupes risquent donc d'acquitter une lourde part de la future taxe sans obtenir de réelle contrepartie .
Les premières estimations globales effectuées sur ce type d'entreprises font en effet apparaître un déséquilibre important entre le coût de la taxe qui sera payée par celles-ci et le bénéfice qu'elles pourront tirer des allégements de charges sur les salaires.
A l'inverse, les industries dites de main d'oeuvre (textile-habillement, cuir, ameublement, partie de l'industrie alimentaire, etc.), comportant une assez forte proportion de salaires au voisinage du SMIC et relativement peu consommatrices d'énergie, seront les moins pénalisées par le système envisagé. Elles ne représentent pourtant qu'une part très minoritaire de l'emploi industriel.
Entre ces deux extrêmes, les industries qui, tout en étant peu ou moyennes consommatrices d'énergie, assurent la plus large partie de l'emploi industriel, sans pour autant faire appel à du personnel peu qualifié (construction électrique et électronique, mécanique, automobile, etc.) seront affectées de façon variable par le couple taxation de l'énergie / réduction des charges sociales, certaines de leurs branches de production étant néanmoins particulièrement défavorisées.
Les professionnels estiment qu'il est probable que le poids supplémentaire que fera peser l'élargissement de la TGAP sur les coûts de production des entreprises industrielles aura un impact négatif sur l'emploi industriel plus important que celui, positif, qui résultera de l'allégement des charges . En outre, ils font à juste titre remarquer que les allégements de charges sociales sont déjà destinés à compenser le coût de la réduction du temps de travail.
Par ailleurs, l'application de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie pourrait n'avoir d'impact environnemental que très limité.
Votre commission estime que la souplesse et le pragmatisme de nos voisins européens dans l'instauration d'une " écotaxe ", pays pourtant plus lourds émetteurs de gaz polluants que la France, devraient être médités.
Ainsi, en Allemagne, la taxe prévoit l'application de taux réduits, l'ouverture de droits à réduction, à remise ou à remboursement pour les entreprises les plus consommatrices d'énergie (celles dont la taxe sur l'énergie excède de plus de 20 % l'économie induite par la baisse des charges sociales). Elle pèsera ainsi pour un quart sur l'industrie et pour trois quarts sur les consommateurs.
En Grande Bretagne, de nombreuses exemptions ou exonérations sont consenties aux entreprises fortement utilisatrices d'énergie, éventuellement en contrepartie d'engagements volontaires quant à la protection de l'environnement.
2. L'exemple de l'industrie chimique
L'industrie chimique française serait une des premières concernées par cette taxe, au moment où elle doit assumer un surcoût de plusieurs milliards de francs lié à la flambée des prix de l'énergie.
Ce secteur, qui compte parmi les plus gros consommateurs industriels d'énergie (25 % de l'électricité et 40 % du gaz à usages industriels) et qui représente 15 % de la consommation française de produits pétroliers, a déjà diminué, en 20 ans, sa consommation d'énergie d'environ 35 % et a réduit de moitié, en 10 ans, ses émissions de gaz à effet de serre.
Elle s'oppose à l'extension de la TGAP qui aurait, à son sens, un effet environnemental faible. L'Union des industries chimiques fait ainsi valoir que, pour les petites entreprises , taxées à 100 % sans espoir d'exonération future, cette charge supplémentaire réduirait d'autant les efforts de recherche et les investissements, et irait même " par un effet pervers, à l'encontre de la protection de l'environnement, tout en étant sans effet sur les émissions de gaz à effet de serre ". Pour les grands groupes, la modulation de la taxe, sous réserve d'un accord de réduction de consommation énergétique, proposée par les pouvoirs publics, imposerait des investissements parfois très lourds.
L'industrie chimique propose, en lieu et place de l'extension de la TGAP, la conclusion d'un contrat de branche comportant notamment des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
3. Le cas de l'industrie papetière
L'industrie papetière estime que la concertation menée par le Gouvernement n'a pas permis la prise en compte de ses préoccupations. Cette industrie met en avant sa spécificité en matière de lutte contre l'émission de gaz à effet de serre.
En effet, l'industrie papetière absorbe plus de dioxyde de carbone (CO2) qu'elle n'en émet. D'après ses calculs, le solde net de ses émissions de CO2 serait largement favorable à l'industrie, à hauteur de 6 millions de tonnes par an.
Car l'utilisation des bois d'éclaircies en forêt permet aux arbres de mieux fixer le gaz carbonique, celle des sous-produits de la forêt évite l'émission de CO2 du fait de leur traitement. Cette profession estime que la fabrication des papiers et cartons fixe le carbone et que la gestion des déchets évite les émissions de gaz à effet de serre qui résulteraient de la mise en décharge des produits usagés.
Ce secteur pointe donc l'incohérence d'une taxation qui lui serait imposée pour l'inciter à limiter les émissions de gaz contribuant à l'effet de serre.
D'après les estimations de la profession, et pour la seule année 2001, l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises papetières entraînerait, en moyenne, un accroissement de 10 % des taxes d'exploitation.
Il faut noter qu'en raison du niveau élevé de qualification de son personnel, l'industrie papetière française bénéficierait elle aussi fort peu des allégements de charges sociales accordés dans le cadre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, qui seront financés par le produit de la TGAP Energie.