c) La conjoncture ne permet pas à elle seule de " mordre " sur le noyau dur des personnes durablement installées dans le RMI
En 1998, près d'un tiers des allocataires ne perçoit l'allocation que pendant moins de six mois, tandis qu'à l'inverse plus d'un tiers reste dans le dispositif plus de quatre ans.
De fait, l'embellie conjoncturelle risque de n'avoir que peu d'impact sur cette situation contrastée.
En effet, les moins de 30 ans et les allocataires récents sont les premiers bénéficiaires de la conjoncture 5 ( * ) .
Les jeunes et les allocataires entrés récemment profitent davantage du contexte favorable de l'activité économique . Le nombre d'allocataires du RMI de moins de trente ans a ainsi diminué de 4 % en 1999, rejoignant son niveau de 1996. Les jeunes restent néanmoins encore nombreux au RMI, 26,2 % de l'effectif, contre 28 % en 1998 (métropole), en raison de la prise en charge moins fréquente par le système d'indemnisation du chômage de cette population.
Le nombre d'allocataires présents depuis moins d'un an a également chuté (- 9 %) sous l'effet conjugué de la baisse des entrées (- 4 %) et de la probabilité accrue de sortie des allocataires qui présentent une plus faible ancienneté au RMI. La baisse est particulièrement forte pour les allocataires de moins de 30 ans présents depuis moins d'un an (- 12 %), pour lesquels les effets positifs s'additionnent.
En fait, le RMI semble se recentrer autour des personnes " au potentiel professionnel le moins élevé " 6 ( * ) . Le nombre des bénéficiaires du RMI présents depuis plus d'un an au RMI et plus éloignés du marché du travail continue de croître.
A cet égard, il est inquiétant de constater qu'en 1999 le taux de couverture par les quatre principales mesures emploi (CES, CEC, CIE et SIFE) est passé de 20,2 % à 19 %.
La politique de recentrage de l'offre d'insertion autour des publics prioritaires annoncée lors de la préparation du programme national de lutte contre les exclusions ne doit pas masquer la diminution de la dotation globale en contrats et stages.
L'amélioration conjoncturelle ne dispense pas d'une réflexion en profondeur sur les moyens d'accompagner la réinsertion des personnes durablement enracinées dans le RMI. Celui-ci ne doit pas devenir sous couvert de solidarité une " trappe à pauvreté " sous l'effet conjugué d'une logique de " stigmatisation " des personnes en situation d'exclusion et des effets pervers liés au caractère insuffisamment incitatif de la reprise d'une activité.
Toutes les formules susceptibles d'aider les allocataires du RMI doivent être explorées, y compris les formules de " revenu minimum d'activité " 7 ( * ) .
Les mesures prises par le Gouvernement en 1998 et 1999 ont affaibli l'impact de la reprise conjoncturelle sur les effectifs du RMI . Les effets positifs de la conjoncture sur l'évolution du RMI ont été rendus moins visibles par les réformes réglementaires intervenues en fin 1998 et début 1999, dans la mesure où elles ont mécaniquement contribué à accroître le nombre d'allocataires.
La revalorisation par le Gouvernement de 3 % du montant de l'allocation de RMI à compter du 1 er janvier 1999 à l'instar d'autres minima sociaux (allocations d'insertion et de solidarité spécifique) et l'autorisation de cumul du RMI avec la majoration pour âge des allocations familiales et de l'allocation pour jeune enfant versée pendant la grossesse par le décret n° 98-950 du 26 octobre 1998 ont contribué mécaniquement à faire entrer entre 18.000 et 22.000 personnes dans le dispositif en 1999.
Cela montre bien au demeurant que le RMI est de plus en plus conçu comme un revenu minimum au détriment de la notion d'insertion .
Les mesures prises dans la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions pour allonger la durée de l'intéressement, conjuguées à la reprise économique ont eu un impact réel : on estime à 17 % la progression des allocataires du RMI ayant bénéficié d'une mesure d'intéressement en 1999. Au total, près de 140.000 allocataires, soit 14 %, ont travaillé en 1999 en conservant une partie de leur allocation.
L'objectif de la mesure de cumul du RMI et des revenus d'activité, dite d'intéressement, est de favoriser la reprise d'une activité professionnelle en garantissant un certain niveau de ressources, notamment pour aider les personnes les plus en difficulté à faire face aux dépenses induites par une reprise d'activité (frais de transport, grade d'enfants, habillement).
Le principe : pendant trois mois, le titulaire du RMI perçoit à la fois des revenus d'activités et la totalité des allocations. Pendant les neuf mois suivants, le cumul est au maximum de 50 %, ce qui signifie que la moitié seulement du revenu procuré par l'activité est déduit de l'allocation versée.
L'étude de la DREES précitée procède à une analyse sur les conséquences de l'intéressement, non pas en stock, mais en termes de flux annuels : elle révèle que l'intéressement aurait retardé la sortie du RMI de 6.000 à 11.000 personnes en 1999.
Votre rapporteur ne remet pas en cause les mesures d'intéressement qui constituent indéniablement un facteur très favorable à la reprise d'une activité. Il souligne en revanche que l'impact de ces mesures a été moindre sur la population du RMI que celui résultant du relèvement direct ou indirect du plafond de revenu au RMI .
La loi " Chevènement " du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France a, en outre, étendu à l'ensemble des étrangers qui résident régulièrement en France le droit aux prestations non contributives versées aux personnes âgées ou handicapées (minimum vieillesse ou invalidité et AAH).
Cette mesure aurait eu pour effet de diminuer de 7.500 allocataires la population des allocataires du RMI en 1999.
* 5 DREES, Etudes et Résultats, n° 86, octobre 2000.
* 6 DREES, Etudes et Résultats, n° 86, octobre 2000.
* 7 Cf. Proposition de loi - Sénat n° 317 (1999-2000) portant création du revenu minimum d'activité par MM. Alain Lambert et Philippe Marini.