TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE LA MINISTRE
Réunie le mardi 21 novembre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou , ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi de finances pour 2001 (crédits de l'emploi et de la formation professionnelle , de la santé et de la solidarité ).
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a tout d'abord rappelé que le budget de l'emploi pour 2001 diminuait légèrement, à structure constante, de 1,9 %, à 119,8 milliards de francs, alors que le budget de la santé et de la solidarité progressait, quant à lui, à structure constante, de 3,1 %, pour atteindre 93,6 milliards de francs.
Evoquant les modifications des différents périmètres, elle a souligné que, pour le budget de l'emploi, les compensations d'exonérations de cotisations sociales étaient transférées au fonds de financement des trente-cinq heures (FOREC) pour près de 7 milliards de francs, ce qui contribuait à la clarification des financements.
Concernant le budget de la solidarité et de la santé, elle a rappelé que, conformément à ce que le Premier ministre avait annoncé lors de la conférence de la famille en juin 1999, l'Etat reprenait à sa charge en 2001 les dépenses de fonctionnement et d'intervention du fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles (FASTIF), soulageant ainsi le budget de la branche famille de plus d'un milliard de francs de dépenses.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a insisté sur les quatre volets essentiels de l'action de son ministère : l'emploi, la formation professionnelle, la santé, la solidarité et la lutte contre les exclusions.
Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité , a présenté le quatrième volet de sa politique relatif à la solidarité et à la lutte contre les exclusions.
Elle a fait remarquer que l'année 2000 avait été la première année d'application de la couverture maladie universelle. Elle a souligné que les crédits inscrits pour 2001, à hauteur de 6,6 milliards de francs, devraient permettre, en prenant en compte les reports de crédits en 2000, de financer la montée en charge du dispositif, ainsi que les mesures nouvelles décidées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En matière d'hébergement social, 500 nouvelles places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) seraient créées en 2001 et les investissements de rénovation des centres se poursuivraient en 2001, dans le cadre de la contractualisation avec les régions.
Rappelant que la réponse à l'exclusion ne passait pas seulement par la création de places en institutions, elle a noté qu'une partie des crédits nouveaux visait à renforcer les mesures d'appui social individualisé (ASI), dispensées par des opérateurs sociaux pour aider les personnes en difficulté à accéder à l'insertion professionnelle et à l'emploi. Les crédits ouverts en 2001 permettraient de financer près de 50.000 mesures d'ASI.
Concernant les fonds d'aide aux jeunes (FAJ), qui permettent d'accorder une aide financière ou de financer l'accompagnement d'un projet d'insertion, elle a rappelé qu'une circulaire visant à une meilleure mobilisation de cette aide avait été adressée aux préfets en juillet 2000 et que l'objectif était de faire progresser de 10 % la consommation des crédits des FAJ en 2001.
S'agissant de l'hébergement d'urgence, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a noté que des crédits à hauteur de 184 millions de francs financeraient un plan d'accueil en Ile-de-France. Elle a estimé que les moyens en ce domaine étaient toutefois particulièrement sollicités par l'augmentation massive des demandes d'asile constatée au cours de ces derniers mois. Pour faire face à cet afflux de demandes, la capacité des centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), qui atteignait 3.800 places fin 1999, avait été accrue de 1.020 places nouvelles en 2000. Cet effort sera poursuivi : 125 millions de francs seront affectés en 2001 à ces créations de places, dont 40 millions de francs inscrits au collectif budgétaire pour 2000.
Après avoir précisé que le budget comprenait des moyens nouveaux en faveur des droits des femmes, de l'économie solidaire, de l'enfance et de la famille, des rapatriés et des anciens supplétifs de l'armée française en Algérie, Mme Elisabeth Guigou a souhaité évoquer l'action du Gouvernement en faveur des personnes âgées et des handicapés.
Concernant les personnes âgées, elle a rappelé que le Gouvernement conduisait une politique d'ensemble en vue du maintien et du soutien à domicile. Soulignant l'importance d'une mise en cohérence des dispositifs existants et d'une recomposition de l'offre de services dans le cadre d'une démarche d'approche globale et personnalisée, elle a estimé que, dans ce contexte, la création d'un réseau de coordination gérontologique assurant un maillage du territoire national à partir des " échelons de proximité " était une priorité.
Elle a considéré que les centres locaux d'information et de coordination (CLIC) seraient les supports de ce réseau territorialisé, car ils avaient une vocation pluridisciplinaire pour prendre en compte tous les aspects de la vie quotidienne des personnes âgées, qu'il s'agisse des soins à l'accompagnement de la personne, de la qualité et du confort d'usage de l'habitat et de son environnement, mais aussi de la vie sociale, culturelle et citoyenne. Elle a rappelé qu'après la mise en place de 25 centres pilotes en 2000, le Premier ministre avait annoncé la création de 1.000 centres supplémentaires à l'horizon de 5 ans et elle a précisé que 140 centres devaient être créés en 2001.
Les contrats de Plan 2000-2006 devraient par ailleurs permettre d'achever l'humanisation des hospices et d'accélérer la modernisation des maisons de retraite en y consacrant près de 1,3 milliard sur 7 ans.
S'agissant des personnes âgées, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que le Gouvernement, prenant acte de certaines lacunes de la prestation spécifique dépendance, entendait réformer en profondeur les conditions de prise en charge de la dépendance et garantir le soutien de la collectivité aux personnes ayant perdu leur autonomie. Elle a d'ailleurs précisé qu'un projet de loi était en cours de préparation sur ce sujet et qu'elle comptait le présenter au Parlement dès le début de l'année prochaine.
Concernant les personnes handicapées, elle a indiqué que le plan triennal (2001-2003) en faveur des handicapés du 25 janvier 2000 avait prévu la poursuite de créations de places dans les établissements spécialisés. Rappelant que les centres d'aide par le travail (CAT) occupaient une place centrale pour la prise en charge des personnes handicapées ayant une capacité réduite mais réelle de travail, elle a indiqué que 1.500 places de CAT supplémentaires, sur les 8.500 places prévues par le plan triennal, seraient créées par le budget pour 2001, afin de répondre, en particulier, aux attentes de jeunes adultes en attente d'une prise en charge plus adaptée.
Elle a précisé que le plan du 25 janvier 2000 avait, en outre, fortement mis l'accent sur l'intégration des personnes handicapées en milieu de vie ordinaire et notamment la généralisation à tous les départements des " sites pour la vie autonome " : le budget pour 2001 finançait ainsi une augmentation de plus de mille auxiliaires de vie et la création de 25 nouveaux sites pour la vie autonome qui constituent des lieux uniques de traitement administratif et financier des demandes, d'évaluation médico-sociale et de coordination des interventions des partenaires financiers.
En conclusion, elle a estimé que le budget pour 2001 mettait en oeuvre les priorités du ministère de l'emploi et de la solidarité en les adaptant au contexte créé par le retour d'une croissance économique forte. Elle a précisé que les moyens dégagés par l'amélioration de la situation de l'emploi étaient alloués à une meilleure prise en charge des publics prioritaires et à la croissance des crédits consacrés à la santé et à la solidarité.
Elle a considéré que la solidarité était donc la ligne directrice du budget, que la traduction budgétaire de cette ligne directrice était forte, comme était forte la volonté d'agir du Gouvernement.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la solidarité, s'est d'abord interrogé sur les mesures de réforme des COTOREP que le Gouvernement entendait conduire à la suite du récent rapport du Conseil économique et social. Il a souligné la nécessité de reconnaître un statut à la personne handicapée âgée, afin de faciliter le financement des établissements d'hébergement innovants en ce domaine. Il s'est interrogé sur la situation des organismes sociaux et médico-sociaux pour lesquels les accords relatifs à la réduction du temps de travail n'avaient pas été agréés. Il a rappelé la nécessité d'accroître les places d'hébergement pour les enfants polyhandicapés en déplorant que les parents soient parfois orientés vers des établissements spécialisés en Belgique bénéficiant d'une convention internationale permettant le financement par la sécurité sociale française.
Répondant à M. Jean Chérioux, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou a souhaité une amélioration du fonctionnement des COTOREP à travers une amélioration de la qualité de l'évaluation médico-sociale. L'objectif devrait être de parvenir à une fusion des deux sections des COTOREP afin de permettre une évaluation globale de la personne dans son environnement. A cette fin, des délégations inter-services seront expérimentées dans plusieurs départements et des contrats d'objectif viendront renforcer le dispositif. Par ailleurs, la fonction de médecin coordonnateur sera généralisée, afin que l'évaluation s'appuie sur des techniciens et des compétences reconnus.
Concernant les personnes handicapées vieillissantes, elle a précisé que l'objectif du Gouvernement était de développer et de diversifier les formules, afin que ces personnes puissent exercer leur droit au libre choix de la solution d'accueil. Rappelant que la loi du 30 juin 1975 n'avait pas prévu de dispositions particulières, elle a indiqué que la possibilité de demeurer, au-delà de l'âge de soixante ans, au sein d'une structure d'accueil pour adultes handicapés ne devrait jamais être écartée par principe.
S'agissant des établissements sociaux et médico-sociaux en attente d'agrément au titre de la réduction du temps de travail, elle a estimé que les conséquences seraient limitées pour les établissements concernés qui sont peu nombreux, et pour lesquels l'impact sur la masse salariale serait très limité. Elle a rappelé que les accords relatifs à la réduction du temps de travail avaient presque tous été examinés par la commission nationale d'agrément prévue à l'article 16 de la loi du 30 juin 1975 avec un taux d'agrément de 73 %. Elle a indiqué que si les difficultés venaient à se présenter ponctuellement pour certaines associations, les situations seraient examinées au cas par cas pour assurer la continuité des prises en charge et de la qualité des services.
Concernant les enfants polyhandicapés, elle a reconnu qu'il existait un important besoin de places mais elle a indiqué que, pour la période de 2000 à 2003, le Gouvernement avait décidé de consacrer 120 millions de francs à la création de sections d'établissements spécialisés pour enfants très lourdement handicapés et elle a rappelé que les maisons d'accueil spécialisées faisaient partie des moyens institutionnels de prise en charge des enfants polyhandicapés.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard a déclaré qu'elle souscrivait complètement à la démarche du Gouvernement tendant à favoriser le retour à l'emploi et à aider particulièrement les personnes en grande difficulté. Elle a néanmoins fait part de ses craintes concernant la diminution du nombre de contrats emploi-solidarité (CES), considérant que celle-ci pourrait fragiliser le fonctionnement de nombre d'associations qui se plaignaient déjà de certaines rigidités dans le recours à ce type de contrats aidés et militaient pour davantage de souplesse et de gestion déconcentrée.
Après avoir constaté que les femmes, à la recherche d'un emploi, profitaient moins du retour de la croissance, Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur le financement des actions en faveur des droits des femmes en saluant le rôle joué par le Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF).
Elle s'est déclarée préoccupée par la perte de vitesse du programme TRACE et les difficultés rencontrées par les contrats de qualification adulte.
Evoquant la mise en place des trente-cinq heures dans les PME, elle s'est inquiétée de la forte demande en conseil qui devrait difficilement trouver une réponse compte tenu du nombre limité de cabinets de conseil.
Mme Nelly Olin a souligné les retards d'instruction des dossiers par les COTOREP. Elle a regretté l'insuffisance du nombre de prospecteurs placiers ainsi que des équipes de suivi et de reclassement professionnel pour les personnes handicapées. Elle a confirmé que, dans certains cas, les organismes d'aide pour les personnes handicapées conseillaient aux parents la recherche d'une solution d'hébergement dans un établissement belge.
Mme Elisabeth Guigou a précisé que les moyens relatifs aux droits des femmes étaient renforcés dans le projet de budget et que les crédits, majorés de 7 millions de francs, atteindraient 107 millions de francs pour 2001.
Elle a déclaré partager les observations formulées sur la nécessaire amélioration du fonctionnement des COTOREP.