I. UN CONTEXTE INQUIÉTANT
A. UNE INSÉCURITÉ EN ACCROISSEMENT
1. Des statistiques globales de la délinquance orientées à la hausse
Avec
3 771 849 faits constatés
, l'année 2000 a connu
une augmentation de
5,72%
des crimes et des délits.
Après plusieurs années consécutives de baisse entre 1994
et 1997, la délinquance est donc repartie à la hausse.
Les chiffres du premier semestre 2001 amplifient ce phénomène
puisqu'une augmentation de
9,58%
a été constatée.
ÉVOLUTION DÉCENNALE DE LA CRIMINALITÉ EN FRANCE
Années |
Nombre d'infractions |
Evolution
|
Taux pour 1000 habitants |
1990 |
3.492.712 |
+ 6,93 |
62 |
1991 |
3.744.112 |
+ 7,20 |
66 |
1992 |
3.830.996 |
+ 2,32 |
67 |
1993 |
3.881.894 |
+ 1,33 |
67 |
1994 |
3.919.008 |
+ 0,96 |
67 |
1995 |
3.665.320 |
- 6,47 |
63 |
1996 |
3.559.617 |
- 2,88 |
61 |
1997 |
3.493.442 |
- 1,86 |
60 |
1998 |
3.565.525 |
+ 2,06 |
61 |
1999 |
3.567.864 |
+ 0,07 |
61 |
2000 |
3.771.849 |
+ 5,72 |
64 |
Données communiquées par le ministère de l'Intérieur
Cette
augmentation concerne
l'ensemble des catégories d'infractions
.
Les vols représentent près du tiers des infractions. A notamment
été enregistrée une recrudescence de vols de
téléphones portables.
La délinquance de voie publique augmente de 2%.
LES
CATÉGORIES D'INFRACTIONS
Catégorie |
Faits constatés |
% du total |
Évolution 2000/1999 |
Vols |
2.334.696 |
61,9 |
3,7% |
Infractions économiques et financières |
352.164 |
9,3 |
19,1% |
Atteintes aux personnes |
254.514 |
6,8 |
9,1% |
Autres infractions (dont stupéfiants) |
830.475 |
22 |
5,6% |
Total |
3.771.849 |
100 |
5,7% |
Données communiquées par le ministère de l'Intérieur
On rappellera que, sur longue période, les chiffres de la criminalité ont été multipliés par plus de 6 depuis 1950 , la croissance ayant été constante depuis cette date, à des rythmes plus ou moins élevés, avec néanmoins un premier retournement de tendance de 1984 à 1988, et un autre de moindre ampleur de 1994 à 1997.
Données communiquées par le ministère de l'Intérieur
2. Une délinquance présentant des caractéristiques inquiétantes
La
délinquance est de plus en plus
violente
et elle implique de plus
en plus de
mineurs
.
On assiste à une
recrudescence de la violence
. Les
coups et
blessures volontaires
et les
vols avec violence
ont continué
à augmenter en 2000 respectivement de 11,8% et 15,8%, et ont chacun
plus que doublé depuis 1988
.
Évolution des infractions violentes les plus
courantes
|
|
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Données communiquées par le ministère de l'Intérieur
Les vols
à main armée, en diminution ces dernières années
ont connu une recrudescence de plus de 15% en 2000, plus de 8500 braquages
ayant été dénombrés. Les attaques spectaculaires de
convoyeurs de fonds
impliquant des
armes de guerre
se sont
notamment multipliées en 2000 et en 2001.
La
violence urbaine
devient de plus en plus préoccupante.
Plusieurs centaines de quartiers sensibles sont régulièrement le
siège de violences anti-policières. Certains quartiers, paisibles
en apparence, sont par ailleurs placés sous la coupe des trafiquants de
drogue, les forces de sécurité hésitant à s'y
aventurer. Devant votre commission, le ministre de l'intérieur a
indiqué que la multiplication des actions ciblées menées
par les forces de l'ordre pour éliminer les trafics des cités
alimentaient provisoirement une violence anti-policière
orchestrée par des trafiquants dérangés dans leurs
activités.
Le nombre de
mineurs
mis en cause s'accroît. En 2000,
175 256 mineurs ont été mis en cause, soit une
augmentation de 2,9% par rapport à l'année 1999.
La part des mineurs dans l'ensemble des personnes mises en cause s'est
élevée à
21%.
Elle n'était que de 10% en
1970 et de 13,2% en 1991.
Les mineurs sont responsables de plus de la moitié des vols de deux
roues à moteur et de plus du tiers de la délinquance de voie
publique.
Devant un tel constat, votre commission ne peut que regretter que les
propositions effectuées par le Sénat
dans le cadre du
projet de loi relatif à la sécurité quotidienne sur le
rapport de notre excellent collègue Jean-Pierre Schosteck
1(
*
)
, n'aient non seulement pas
été retenues mais encore qu'il ait été impossible
d'ouvrir un véritable débat avec l'Assemblée nationale et
le gouvernement.
Il s'agissait pourtant d'éviter l'ancrage des mineurs dans la
délinquance, notamment par une meilleure responsabilisation des parents
et par la sanction du recours aux mineurs pour commettre des infractions. Il
s'agissait également de renforcer l'efficacité des dispositions
répressives de l'ordonnance de 1945 sans remettre en question son
objectif éducatif et préventif.
3. La faiblesse des taux d'élucidation
La
faiblesse des taux d'élucidation
contribue à alimenter
l'insécurité et à décourager les citoyens de porter
plainte.
Le taux moyen d'élucidation
s'est établi à
26,8%
en 2000
. Il convient d'observer que ce taux est en
baisse constante
ces dernières années puisque qu'il était de 36,8% en 1991,
30,20% en 1996, 28,63% en 1998 et 27,63 en 1999.
Ce taux moyen cache de profondes disparités entre les infractions. Si
78,2% des homicides sont élucidés, seuls le sont 8% des
cambriolages d'habitations principales et 5,2% des vols à la
roulotte.
Les infractions subies le plus couramment par les citoyens ont donc une chance
minime d'être élucidées.
Une fois élucidées, elles ont en outre plus d'une chance sur
trois d'être
classées sans suite
par les parquets faute de
moyens. Votre commission a fréquemment déploré cette
rupture de la chaîne répressive
qui accroît le
sentiment d'impunité chez les délinquants et provoque
le
découragement des citoyens et des forces de police
.
4. Une réflexion en cours sur la mesure de la délinquance
Comme
votre commission l'a souligné les années antérieures, les
statistiques officielles de la criminalité issues des états dits
« 4001 » sont en décalage avec la
réalité. Elle reflètent en effet plus l'activité
des services de police ou la propension des citoyens à porter plainte
que la délinquance réelle si bien qu'il est justifié
d'évoquer un «
chiffre noir de la
criminalité
».
Le ministre de l'intérieur a évoqué la
création
d'un observatoire de la délinquance
qui permettrait d'évaluer
sans polémique la délinquance et l'insécurité
réelle.
Pour l'heure, une mission de réflexion a été
confiée à deux députés, MM. Christophe Caresche et
Robert Pandraud, afin d'élaborer un
nouvel instrument statistique
de mesure de l'insécurité destiné à entrer en
vigueur après 2002 et dont la mise en oeuvre conditionnerait
l'installation de l'observatoire précité.
Le ministère de l'intérieur souhaite que ce futur instrument
statistique permette, à la fois, de mesurer la délinquance et la
criminalité avec plus de rigueur et de transparence qu'aujourd'hui et de
suivre l'évolution des activités des services d'enquête,
ainsi que les suites données par l'autorité judiciaire aux
affaires dont elle est saisie.
B. UNE GÉNÉRALISATION DE LA POLICE DE PROXIMITÉ HYPOTHÉQUÉE PAR LE MANQUE DE MOYENS
Pour
lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement est
attaché au développement d'une politique de
sécurité de proximité, dans la ligne des orientations
définies au colloque de Villepinte en octobre 1997.
Il s'agit de substituer à une police chargée principalement
d'assurer le maintien de l'ordre, une police ayant pour objectif premier
d'assurer la sécurité quotidienne des citoyens et de lutter
contre la délinquance de masse.
Cette politique repose sur la définition de territoires
géographiquement identifiés, la responsabilisation et la
polyvalence des fonctionnaires concernés et la mise en place d'un
accueil personnalisé du public ainsi que d'un partenariat actif avec
tous les acteurs des contrats locaux de sécurité.
L'expérimentation a débuté au printemps 1999 dans
cinq circonscriptions de sécurité publique (Beauvais,
Châteauroux, Nîmes, Les Ulis, et Garges-les-Gonesse). Elle a
été étendue à partir d'octobre 1999 sur
62 sites ciblés.
Parallèlement a été mise en place à Paris,
dès le 18 avril 1999, une réforme de la préfecture de
police caractérisée notamment par la création d'une
direction de la police urbaine de proximité (D.P.U.P.) à laquelle
ont été rattachés les services locaux.
Au vu des conclusions de la mission d'évaluation des
expérimentations, placée sous l'égide de l'inspection
générale de la police nationale, rendues publiques le
30 mars 2000 lors des assises nationales de la police de
proximité, il a été décidé de
procéder à une
généralisation progressive en
trois phases de la police de proximité, qui devrait être
achevée au mois de juin 2002
:
- 1
ère
phase (avril à
décembre 2000) extension de la police de proximité
à l'ensemble du ressort des circonscriptions dans lesquelles
étaient inclus les 62 sites expérimentaux ;
- 2
ème
phase (octobre 2000 à
octobre 2001) : extension à 176 nouvelles
circonscriptions réparties sur 80 départements ;
- 3
ème
phase : juin 2001 à
juin 2002.
L'arrêté du 22 mai 2000 a modifié le
règlement général d'emploi de la police nationale du 22
juillet 1996 pour inscrire la police de proximité dans les missions
et l'organisation des circonscriptions de sécurité publique.
La circulaire du 11 juin 2001 a marqué le début du lancement
de la dernière phase de généralisation dont la mise en
oeuvre effective devrait débuter au début de l'année 2002.
Pour accompagner la mise en oeuvre de cette généralisation, des
enveloppes de 100 et de 200 millions de francs ont été
ouvertes par les budgets pour 2000 et 2001. Une nouvelle enveloppe de 22,87
millions d'euros (150 millions de francs) ouverte au budget 2002 lui sera
largement consacrée.
Un redéploiement de 1 206 agents du corps de maîtrise et
d'application est intervenu dans le courant de l'année 2000 au profit de
la police de proximité. 1600 nouveaux redéploiements devraient
intervenir en 2001. Ces redéploiements devraient se poursuivre en 2002.
Le Conseil de sécurité intérieur du 27 janvier 1999 avait
prévu le redéploiement de 1200 policiers par an pendant trois ans
au bénéfice des zones sensibles. Dans son rapport sur
l'exécution du budget 2000, la
Cour des comptes
fait ressortir
que les
26 départements classés les plus sensibles n'ont
en réalité bénéficié en 2000 que de
l'affectation de 132 policiers supplémentaires
, tous fonctionnaires
confondus.
Un effort particulier de formation a été engagé :
40 000 fonctionnaires devraient avoir bénéficié
d'une formation à la police de proximité à la fin du
processus de généralisation.
Cette formation est d'autant plus nécessaire que les conclusions de la
mission d'évaluation conduite par l'inspection de la police nationale
ont fait ressortir, au mois de juin dernier,
l'absence d'adhésion des
personnels de base à la réforme.
La mise en place de la police de proximité va de pair avec la mise en
oeuvre des
contrats locaux de sécurité
. En application des
circulaires interministérielles du 28 octobre 1997 et du 7 juin 1999,
ces contrats ont pour objet de mobiliser tous les partenaires publics et tous
les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre au niveau local d'un
véritable dispositif préventif et répressif de lutte
contre l'insécurité.
Ces contrats déterminent les objectifs à atteindre et les actions
à engager sur la base d'un diagnostic local de sécurité.
Au 31 août 2001,
528 contrats avaient été
signés
et 200 autres étaient en préparation. Ces
contrats sont cosignés par le préfet, le procureur de la
République et le ou les maires concernés et associent, outre les
services de l'Etat, des partenaires privés tels les bailleurs sociaux,
les sociétés de transports en commun, les organismes consulaires,
les commerçants ou des associations.
A la même date, environ
9000 agents de médiation sociale,
relevant de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au
développement d'activité pour l'emploi des jeunes et de son
décret d'application n° 97-954 du 17 octobre 1997,
avaient été recrutés dans le cadre de ces contrats.
Il semblerait que l'implication sur le terrain des différents services
de l'État soit souvent insuffisante et que le bilan de ces contrats soit
souvent décevant. Une majorité de
maires estiment ne pas
être suffisamment associés
à leur mise en oeuvre.
Une réelle politique de proximité exigerait à la fois
davantage de moyens placés au contact des populations et une meilleure
implication des élus locaux.
Votre commission regrette à cet égard que les propositions
effectuées par le Sénat, sur le rapport de notre excellent
collègue Jean-Pierre Schosteck
2(
*
)
, lors de la discussion du projet de
loi relatif à la sécurité quotidienne n'aient pas
été retenues. Il ne s'agissait pas de transformer le maire en
« shérif » mais de le placer au coeur des questions
de sécurité dans sa commune, notamment en lui permettant
d'obtenir l'information indispensable dont il est le plus souvent privé.
Le Premier ministre lui-même, lors du congrès des maires de
France, a reconnu la nécessité d'une meilleure association des
maires, évoquant notamment l'information sur les suites judiciaires
données aux plaintes, disposition que le Sénat avait pourtant
adoptée contre l'avis du ministre de l'intérieur, et qui n'a pas
été retenue par l'Assemblée nationale.
1. Un manque de policiers sur le terrain
Une
politique de proximité nécessite
des moyens importants en
personnels placés au contact des populations
. Or, les effectifs de
policiers sont à l'heure actuelle lourdement grevés par les
vacances de postes résultant du temps de formation des agents
appelés à remplacer les nombreux personnels partant en retraite.
En outre, de multiples policiers ne sont pas en contact avec les populations du
fait de l'accomplissement de tâches purement administratives, de gardes
statiques ou de tâches « indues » ne relevant pas en
principe des missions de la police.
Afin de mieux gérer la présence policière par tranche
horaire, en fonction des rythmes de travail propres à chaque
unité et des récupérations d'heures
supplémentaires, la police nationale a développé le
programme GEOPOL. L'alimentation de ce programme ne semble cependant pas encore
suffisamment automatisée pour être parfaitement crédible.
En tout état de cause, il semble que la montée en puissance de la
politique de proximité s'accompagne de
difficultés
réelles pour mettre en place les policiers nécessaires à
la réussite de cette politique.
Des recrutements conséquents
s'imposent en tout état de cause si l'on veut
éviter que la
police de proximité ne s'exerce au détriment des unités
d'investigation
.
En l'absence de recrutements, plusieurs voies ont été
recherchées sans réel succès pour redéployer des
effectifs sur le terrain.
a) Les redéploiements territoriaux entre la police et la gendarmerie nationale
A la
suite du rapport de nos collègues MM. Jean-Jacques Hyest et Roland
Carraz, le Gouvernement avait, lors du conseil de sécurité
intérieure du 27 avril 1998, retenu le principe d'un
redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie qui
aurait permis d'affecter un plus grand nombre de policiers et gendarmes dans
les zones sensibles. Ce plan aurait notamment conduit à la fermeture de
94 commissariats.
Devant les oppositions exprimées à ce projet, tant par les
élus concernés que par les personnels, le gouvernement avait,
dans un premier temps, chargé M. Guy Fougier de mener des
consultations complémentaires.
Le Premier ministre a en définitive annoncé, le 20 janvier 1999,
l'abandon du projet global de redéploiement, indiquant que
les
concertations seraient menées au cas par cas avec les élus
concernés
.
Depuis est intervenue la
fermeture de six circonscriptions
de
sécurité publique
3(
*
)
.
Sont également intervenus des
ajustements du ressort des
circonscriptions de sécurité publique
à la suite de
transferts de responsabilité entre la police et la gendarmerie nationale.
Au total, ces opérations ont impliqué le transfert de 43 617
habitants de la responsabilité de la gendarmerie nationale à
celle de la police nationale et de 145 846 habitants de la police vers la
gendarmerie nationale, soit un différentiel de
101 846 habitants
placés désormais sous la responsabilité de la gendarmerie
nationale.
b) La fidélisation des forces mobiles
Le
Conseil de sécurité intérieure du 19 avril 1999 a retenu
le principe d'une fidélisation dans les zones sensibles de forces de CRS
et de gendarmerie mobile à hauteur de 1500 CRS et
1500 gendarmes sur une période de trois ans. L'opération
devrait être achevée à la fin de l'année 2001.
Cette fidélisation devait être accompagnée de la
dissolution des compagnies départementales d'intervention dont les
effectifs devaient être redistribués au bénéfice de
la police de proximité. Ces compagnies ont été en fait
remplacées par des groupes d'appui à la police de
proximité.
Concernant les CRS,
cinq compagnies sont affectées à
résidence
pendant
trois ou quatre mois consécutifs
,
par roulement d'unités implantées sur un même site. Les
départements concernés sont les Bouches du Rhône (CRS
n° 53 à 55), la Haute Garonne (CRS n° 26 et 27), le
Nord (CRS n° 11 et 12), le Rhône (CRS n° 45 et 46) et
l'Essonne (CRS n° 5 et 8).
Conformément aux voeux du personnel, la période de
sédentarisation, initialement fixée à six mois, a
été réduite à quatre mois ou trois mois selon les
unités.
Des
détachements d'intervention à résidence
de
60 fonctionnaires sont prévus dans
douze autres compagnies
.
Ils sont également fidélisés par roulement des effectifs
affectés dans les unités concernées. Huit
détachements ont déjà été mis en place en
1999 et 2000 : Alpes maritimes (CRS n° 6) ; Ille-et-Vilaine
(CRS n° 9) ; Loire (CRS n° 50), Hauts-de-Seine (CRS
n°s 2 et 61) Seine-Saint-Denis (CRS n°s 4 et 7) et
Val-de-Marne (CRS n° 3).
Les quatre derniers détachements
sont en cours de création
: Meurthe-et-Moselle (CRS
n° 39), Moselle (CRS n° 30) et Seine-Maritime (CRS
n°s 31 et 32).
Cette opération ne rencontre pas véritablement l'adhésion
des personnels. Ces derniers font ressortir que la non perception de
l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT) n'est pas
entièrement compensée par l'indemnité
représentative d'heures supplémentaires dont ils
bénéficient.
c) L'externalisation de certaines tâches
Le ministre de l'intérieur souhaite encourager l'externalisation de certaines charges, concernant principalement la maintenance informatique et les ateliers de réparation de véhicules. La Cour des comptes a en effet relevé le nombre important de policiers se consacrant à ces tâches. Des consignes ont été données par une circulaire du 3 juin 1999 pour encourager le recours au secteur privé. L'ensemble des secrétariats généraux pour l'administration de la police ont eu recours en 2001 à des prestataires privés pour les petites réparations automobiles. 17,95 millions de francs ont été affectés à cette mesure. Il est envisagé en conséquence de redéployer 271 fonctionnaires de police actifs avant la fin de l'année 2001. Devrait être en outre conduite en 2002, dans deux secrétariats généraux pour l'administration de la police, une expérience de gestion pour compte du parc automobile de la police par des prestataires privés.
d) La limitation des « charges indues »
Par
ailleurs, la réflexion qui s'était engagée à
l'occasion du vote de la loi d'orientation du 21 janvier 1995
concernant la suppression de nombreuses «
charges
indues
», s'agissant notamment des gardes statiques, des
transferts de détenus, de la garde des détenus
hospitalisés ou de l'établissement des procurations de vote, n'a
pas encore abouti.
Le conseil de sécurité intérieure du
6 décembre 1999 a cependant prévu de transférer
à l'administration pénitentiaire les escortes de détenus
consultants médicaux ainsi que la garde des détenus
hospitalisés dans les unités hospitalières
sécurisées inter-régionales actuellement en cours de
création. En outre, une expérience, actuellement menée par
la chancellerie, de rationalisation des missions d'extraction des
détenus devrait être généralisée.
Il est également envisagé de limiter les
gardes statiques de
bâtiments
en ayant davantage recours aux systèmes de
vidéo-surveillance ou aux rondes mobiles motorisées. Ces gardes
ont en effet représenté 1,8 millions d'heures-fonctionnaire
en 2000 pour les seuls fonctionnaires de la direction de la
sécurité publique, ce qui correspond à l'emploi à
temps plein de plus de 1000 agents.
e) Le recours à des personnels administratifs
Les
recrutements de personnels administratifs
devant permettre de
décharger les policiers sont intervenus en nombre insuffisant par
rapport aux prévisions de la loi d'orientation du
21 janvier 1995. Alors que cette loi avait prévu la
création de 4 300 emplois administratifs au sens strict en
5 ans, moins de 500 créations de postes sont intervenues entre
le 1
er
janvier 1995 et le 1
er
janvier 2000. Les
550 emplois créés dans le budget 2001 et les 243 emplois
créés dans le budget 2002 ne permettront pas de rattraper le
retard.
Comme l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport paru en
janvier 2000, le coût d'un agent administratif est de 50%
inférieur à celui d'un policier actif. Or, la police
française apparaît sous administrée par comparaison aux
polices étrangères : le ratio des personnels administratifs
par rapport aux actifs y est inférieur à 10% alors qu'il est de
20% aux Pays-Bas, de 30% en Allemagne et de 32,5% au Royaume-Uni. Il est
indispensable
de décharger davantage les policiers de tâches
administratives
de manière à ce qu'ils puissent se consacrer
pleinement à leurs missions proprement policières sur le
terrain.
f) L'indemnisation plutôt que la récupération des heures supplémentaires
Plus de 9 millions et demi d'heures supplémentaires sont dues aux policiers, tous services confondus. Ces derniers ont pris l'habitude de les récupérer sous forme de repos compensateurs. Or, cette forme de récupération grève considérablement la capacité opérationnelle sur le terrain, principalement quand les agents choisissent de capitaliser les heures en fin de carrière, bénéficiant ainsi d'une retraite avancée sans pouvoir être remplacés. Une expérimentation a été conduite dans deux arrondissements parisiens et deux départements pour indemniser les heures supplémentaires des agents du corps de maîtrise et d'application plutôt que d'en prévoir la récupération. Cette expérience, conduite sur le principe du volontariat, a connu un échec. Sa généralisation demeure donc très hypothétique.
2. Une police de proximité reposant sur des emplois jeunes
Faute de
policiers sur le terrain, la police de proximité repose sur des emplois
jeunes dont le
recrutement s'avère difficile
.
Étaient en fonction au mois d'août 2001,
16 322 adjoints
de sécurité
, pour un effectif budgétaire de
20 000 et environ
9 000 agents locaux de médiation
sociale
sur les 15 000 prévus.
Le recours à ces agents, opéré dans le cadre des
dispositions de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au
développement d'activités pour l'emploi des jeunes
suscite de
nombreuses inquiétudes
alors même que
les adjoints de
sécurité sont appelés à représenter un
cinquième de l'effectif du corps de maîtrise et d'application.
Les adjoints de sécurité sont des
« emplois-jeunes » dont le statut relève du
décret n°2000-800 du 24 août 2000
4(
*
)
.
Ils comptent 35% de femmes et 8% d'entre eux sont issus des zones urbaines
sensibles.
Ils sont rémunérés au SMIC, ce qui rend leur fonction peu
attractive.
Leur effectif, fixé budgétairement à 20 000 depuis la
loi de finances pour 2000, n'a en fait jamais réellement
dépassé les 16 000 agents, en raison des
difficultés de recrutement rencontrées
,
particulièrement en Île-de-France.
Un tiers des agents recrutés depuis l'origine sont en outre sortis de
manière prématurée du dispositif. La plupart ont
démissionné. Parmi ceux-ci, 4500 ont réussi un concours de
la police nationale. Par ailleurs, 748 adjoints ont été
licenciés pour indiscipline ou atteinte à la déontologie,
ce qui représente 8,67% des causes de départ. Il est
désormais admis que le remplaçant d'un agent ayant rompu son
contrat soit recruté pour une durée de cinq ans et non seulement
pour la durée du contrat restant à courir.
L'article 13 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative
à la sécurité quotidienne leur a attribué la
qualité
d'agent de police judiciaire adjoint
. Ils assisteront
donc de manière générale les officiers de police
judiciaire. Ils pourront également constater par procès verbal
les
contraventions au code de la route
prévus par décret
en Conseil d'État.
L'article 16 de la même loi a prévu leur intégration dans
le cadre des gardiens de la paix en cas de décès intervenant dans
l'exercice de leurs fonctions ou de blessure grave contractée en mission
de police. Il est à noter que 29 adjoints de sécurité sont
décédés depuis l'origine.
Compte tenu des nouvelles prérogatives qui leur sont accordées
les adjoints bénéficieront désormais d'une
formation
initiale d'une durée de 14 semaines
, au lieu de
10 semaines, comprenant une partie théorique en école de 12
semaines et un stage de deux semaines dans un service. Une
formation
continue de deux semaines
sera dispensée aux adjoints actuellement
en fonction pour leur permettre d'accomplir leurs nouvelles missions.
Faute d'un
encadrement suffisant
, il est fréquent de rencontrer
sur le terrain
des adjoints de sécurité livrés à
eux-mêmes
ou simplement confiés à un jeune stagiaire,
le problème étant plus aigu en région Ile-de-France
où sont affectés beaucoup de gardiens de la paix stagiaires.
En outre, leur présence en priorité dans les zones sensibles,
conduit à
exposer aux risques les plus élevés des
jeunes qui n'y sont pas préparés.
S'agissant de la qualité des personnels, la nécessité de
recrutement en masse a parfois conduit à éluder les
vérifications nécessaires sur les
antécédents
judiciaires
des jeunes. Ont ainsi pu être embauchés des jeunes
dotés d'un casier judiciaire.
Concernant leur avenir, compte tenu du grand nombre de départs à
la retraite et des recrutements attendus dans le corps de maîtrise et
d'application dans les années à venir (environ 25 000 en
cinq ans), les jeunes embauchés auront toute facilité pour passer
les concours de recrutement et être à terme intégrés
dans la police. Le décret n° 99-904 du 19 octobre 1999 leur
réserve ainsi
40% des postes ouverts aux concours
de
recrutement de gardiens de la paix
, à condition qu'ils aient trois
ans d'ancienneté.
Une formation spécifique
est
proposée aux agents à cet effet.
Le ministère envisage en outre une
validation de l'acquis
professionnel
des jeunes qui ne pourront pas entrer dans la police par la
création d'une certification reconnue par les professionnels de la
sécurité privée.
Votre commission insiste à nouveau pour que soit assurée la
qualité de la formation et de l'encadrement
de ces jeunes peu
expérimentés, à qui sont confiées des
missions
parfois dangereuses
et qui sont
le plus souvent dotés d'une
arme
.
3. Une nécessaire complémentarité avec les polices municipales
Les
polices municipales peuvent être un atout important d'une politique de
proximité en complément des forces de police de l'État.
Lors de l'examen de la loi n° 99-291 du 15 avril 1999, le
Sénat avait, sur le rapport de M. Jean-Paul Delevoye au nom de la
commission des Lois, souhaité promouvoir la
complémentarité des polices municipales et de la police
nationale
dans un
cadre partenarial respectant l'autonomie des
communes
.
Le ministre de l'intérieur s'était engagé à faire
paraître plusieurs décrets dès le mois de juillet 1999. Les
délais annoncés sont loin d'avoir été tenus.
La plupart des décrets attendus sont parus dans l'année 2000. Le
dernier décret intervenu est celui relatif à la commission
consultative des polices municipales en date du
26 décembre 2000 (n° 2000-1329). Doivent encore
intervenir les décrets relatifs au code de déontologie des agents
et aux normes applicables aux équipements qui doivent être pris
sur avis de cette commission consultative.
Des
conventions de coordination
entre les polices municipales et les
forces de sécurité de l'État devaient être
signées avant le 27 septembre 2000 dans les communes employant au
moins cinq agents de police municipale, sous peine d'interdiction du travail de
nuit et de l'armement des agents.
A ce jour, ont été signées
1 442 conventions
,
en majorité dans des communes comptant moins de cinq agents de police
municipale souhaitant voir leurs policiers dotés d'une arme. Peu de
communes employant au moins cinq agents n'ont pas signé de convention.
Le nombre de policiers municipaux en fonction est en augmentation. Il
était de
14 442
au mois d'août 2001, contre 13 098 en
1998.
S'agissant de l'armement, ont été délivrées aux
agents, 4 531 autorisations de ports d'armes de la quatrième
catégorie et 8 749 autorisations de ports d'armes de la
sixième catégorie.
Il semble que l'application de cette loi sur le terrain s'effectue
globalement dans de bonnes conditions.
C. LE MALAISE DANS LA POLICE
Depuis
le 23 octobre dernier, se sont succédées des manifestations de
policiers dans tous le pays. Elles ont regroupé plusieurs dizaines de
milliers de policiers de tous les corps.
Ces manifestations traduisent un
malaise général
,
concernant aussi bien les gardiens de la paix que les officiers et les
commissaires de police.
L'élément déclencheur a été le meurtre de
deux policiers au Plessis-Trévise par un récidiviste remis en
liberté par la justice. Mais ces manifestations traduisent un malaise
plus profond accumulé depuis plusieurs années et catalysé
notamment par l'application de la loi sur la présomption d'innocence, la
mise en oeuvre à marche forcée de la police de proximité
et l'échec des négociations sur la réduction du temps de
travail.
Votre rapporteur a reçu les principaux syndicats de personnels actifs.
Tous lui ont exprimé le profond découragement qui gagne la
police.
La plupart souhaitent une
véritable programmation pluriannuelle
des moyens de l'ensemble des acteurs de la sécurité, certains
évoquant un « plan Marshall » de la
sécurité, d'autre un « Grenelle » de la
sécurité.
Ils soulignent que la lourdeur des procédures induites par
la loi sur
la présomption d'innocence
décourage l'action des policiers
et favorise la libération des prévenus par la justice
développant chez les « voyous » un sentiment
d'impunité.
Ils réclament plus de considération et une
meilleure
reconnaissance financière de leur action
, estimant que les risques
encourus et leur qualification ne sont pas reconnus à leur juste niveau.
Ils soulignent les difficultés particulières rencontrées
en Île de France et dans les grandes villes où le coût du
logement est élevé. Ils indiquent que la
rémunération des policiers français est inférieure
à celle de beaucoup de leurs homologues européens ou
américains.
S'agissant de la négociation sur la réduction du temps de
travail, ils se déclarent choqués de voir que le ministère
leur propose, au-delà d'une récupération très
partielle en journées de repos, une rémunération des
heures supplémentaires non récupérées à
57 F de l'heure.
Les négociations avec le ministère ont été
officiellement rompues le 19 novembre.
Devant votre commission, le ministre de l'intérieur a indiqué
avoir proposé aux personnels un
plan d'action renforcée contre
la violence
, autour de quatre objectifs : «
le
renforcement de la présence policière ;
l'amélioration de la protection physique et juridique des personnels de
police ; de nouvelles mesures de lutte contre la violence ; enfin des
mesures concrètes et significatives pour prendre en compte la
difficulté du métier de policier
».
Une évaluation de l'application de la loi sur la présomption
d'innocence a été demandée à M. Julien Dray.
Votre rapporteur estime que ce malaise des policiers doit être pris en
compte par le gouvernement.
Dans un premier temps,
un effort budgétaire significatif
doit
intervenir dans le cadre du présent budget, ne serait-ce que s'agissant
de la réduction du temps de travail et des moyens de fonctionnement et
d'investissement de la police.
Par la suite, il conviendra, s'il y a lieu, d'apporter les modifications qui se
révèleraient nécessaires à la loi sur la
présomption d'innocence.
D'une manière générale, il conviendra
d'élaborer
un état des lieux
des
moyens nécessaires à
l'ensemble des acteurs de la sécurité et
de se donner
enfin les moyens d'une véritable politique de sécurité
cohérente sur le long terme
.