TITRE III
RÉPARATION DES RISQUES SANITAIRES

Le titre III du projet de loi, dont est saisie votre commission des lois, est consacré à la réparation des risques sanitaires. Il a pour objet essentiel de permettre une indemnisation de certains accidents médicaux au titre de la solidarité nationale. Il contient néanmoins quelques autres dispositions concernant notamment l'utilisation des tests génétiques par les entreprises d'assurance ainsi que l'assurance des personnes présentant des risques aggravés.

Article 58
(articles L. 1141-1 à L. 1142-28 nouveaux du code de la santé publique)
Responsabilité médicale et indemnisation de l'aléa médical

Cet article tend à insérer un nouveau titre dans le livre premier (protection des personnes en matière de santé) de la première partie (protection générale de la santé) du code de la santé publique. Le titre IV nouveau de ce livre serait consacré à la « réparation des conséquences des risques sanitaires ».

Trois chapitres sont appelés à composer ce titre nouveau :

- un chapitre consacré à l'accès à l'assurance contre les risques d'invalidité et de décès,

- un chapitre consacré aux risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé,

- enfin, un chapitre consacré aux dispositions communes.

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACCÈS À L'ASSURANCE CONTRE LES RISQUES D'INVALIDITÉ OU DE DÉCÈS

Le projet de loi tend à consacrer un chapitre, du code de la santé publique, à l'accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès.

Ce chapitre comporterait deux sections, l'une consacrée aux tests génétiques, l'autre aux risques aggravés.

Article L. 1141-1 du code de la santé publique
Interdiction de l'utilisation des tests génétiques par les assureurs

La section I du nouveau chapitre du code de la santé publique ne comporterait qu'un article, numéroté L. 1141-1.

Le texte proposé pour l'article L. 1141-1 du code de la santé publique prévoit que les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d'invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même lorsque ces résultats leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord.

Le texte prévoit également qu'aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats ne peut être posée aux personnes demandant à bénéficier d'une garantie. Les entreprises et organismes proposant une garantie des risques d'invalidité ou de décès ne pourraient naturellement pas demander à une personne de se soumettre à des tests génétiques avant la conclusion d'un contrat ou pendant la durée de celui-ci.

Le non-respect de ces dispositions serait puni d'un an d'emprisonnement et de 20.000 € d'amende.

Les interdictions posées par cet article sont particulièrement nécessaires. L'article L. 113-8 du code des assurances impose en effet aux personnes assurées une obligation de loyauté selon laquelle il peut y avoir nullité du contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part du cocontractant.

Il est cependant possible de se demander si le droit actuel ne couvre pas déjà les hypothèses visées dans le présent projet de loi.

L'article 16-10 du code civil, issu des lois dites « bioéthique » de 1994 prévoit que « l'étude génétique des caractéristiques d'une personne ne peut être entreprise qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique ». Cette disposition protectrice ne concerne certes que l'étude des caractéristiques et non l'usage qui pourrait ultérieurement être fait des résultats.

Néanmoins, l'article 226-26 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende « le fait de détourner de leurs finalités médicales ou de recherche scientifique les informations recueillies sur une personne au moyen de l'étude de ses caractéristiques génétiques ».

Ces dispositions interdisent probablement en elles-mêmes l'utilisation des tests génétiques par les assureurs. De plus, en 1994, par un moratoire, les assureurs se sont engagés à ne pas tenir compte des résultats de l'étude génétique des caractéristiques d'un candidat à l'assurance, même si ceux-ci leur étaient apportés par l'assurable lui-même. Ce moratoire a été renouvelé pour cinq ans en 1999.

Malgré l'existence de dispositions générales, le législateur a déjà commencé à « décliner » l'interdiction de l'utilisation des tests génétiques dans des textes particuliers. Ainsi la loi portant création d'une couverture maladie universelle interdit aux organismes susceptibles d'accorder une protection complémentaire en matière de santé de tenir compte de l'étude des caractéristiques génétiques d'une personne.

Dans ces conditions, il devient nécessaire de prévoir une disposition similaire pour les assureurs. Votre commission considère qu'une telle méthode n'est pas de bonne technique législative, dès lors qu'une interdiction générale pouvait suffire.

Il convient en outre de signaler que le présent projet de loi, dans son article 1 er bis tend à modifier le code civil et le code pénal pour interdire toute discrimination en raison des caractéristiques génétiques et rendre punissable une telle discrimination.

Or, que serait la prise en compte par un assureur des caractéristiques génétiques d'une personne sinon une discrimination ?

Par un amendement , votre commission vous propose de supprimer la sanction pénale prévue dans le texte proposé pour l'article L. 1141-1 du code de la santé publique, dès lors que des sanctions pénales sont déjà prévues à l'encontre du comportement visé.

Article L. 1141-2 du code de la santé publique
Convention relative aux personnes présentant des risques aggravés
en matière d'assurance

La section II du nouveau chapitre du code de la santé publique relatif à l'accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès serait consacrée aux « risques aggravés » et comporterait deux articles.

Le texte proposé pour l'article L. 1141-2 du code de la santé publique tend à prendre en considération la situation particulière, au regard de l'assurance, des personnes exposées à un risque aggravé du fait de leur état de santé ou de leur handicap. Il prévoit qu'une convention détermine les modalités particulières d'accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès de ces personnes qui ne peuvent trouver dans le cadre des pratiques habituelles de l'assurance de garantie des prêts à la consommation, immobiliers ou à caractère professionnel. Toute personne présentant, du fait de son état de santé ou de son handicap, un risque aggravé pourrait se prévaloir des dispositions de la convention.

Cette disposition a en fait pour objet de valider un processus conventionnel déjà accompli. En 1991, en effet, l'Etat et les fédérations professionnelles de l'assurance ont conclu une convention organisant les conditions d'assurance des personnes séropositives au VIH et de traitement de leurs données médicales par les compagnies d'assurance.

Le dispositif concernait l'assurance en cas de décès couvrant le remboursement d'un emprunt pour l'acquisition d'un logement ou de locaux et matériels professionnels.

En 1999, le Gouvernement a confié à M. Jean-Michel Belorgey une mission de réflexion sur la convention, afin d'améliorer la situation des personnes séropositives au VIH et d'étendre le bénéfice de la convention aux personnes atteintes d'autres maladies graves. A la suite du rapport rendu en mai 2000 par M. Belorgey, une nouvelle convention a été élaborée, qui s'adresse non seulement aux personnes séropositives au VIH mais également à toute personne présentant du fait de son état de santé ou de son handicap un risque de santé aggravé.

La validation du processus conventionnel était une revendication importante des associations de malades.

Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 1141-2 du code de la santé publique prévoit que la convention donne lieu préalablement à sa conclusion, à un avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour celles de ses dispositions qui prévoient les conditions de collecte et d'utilisation, ainsi que les garanties de confidentialité des données à caractère personnel de nature médicale.

Le quatrième alinéa prévoit qu'à défaut d'accord ou en cas de dénonciation compromettant la mise en oeuvre ou la pérennité du dispositif conventionnel, les conditions de collecte et d'utilisation ainsi que les garanties de confidentialité à caractère personnel de nature médicale, sont définies par décrets en Conseil d'Etat, après avis de la CNIL.

Article L.1141-3 du code de la santé publique
Parties à la convention - Comité de suivi

Le texte proposé pour l'article L. 1141-3 du code de la santé publique dispose que la convention est conclue entre l'Etat, des associations représentant les personnes malades ou handicapées, les organismes représentant les entreprises régies par le code des assurances, les établissements de crédit, les mutuelles régies par le code de la mutualité et les institutions de prévoyance.

Le texte prévoit qu'un comité de suivi veille à l'application du dispositif conventionnel. Ce comité serait composé de représentants des signataires, ainsi que de personnes choisies en raison de leurs compétences. Le comité serait présidé par une personnalité qualifiée, nommée par les ministres chargés de l'économie et de la santé.

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Le projet de loi tend à consacrer un chapitre du code de la santé publique aux « risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé ». Il s'agit en pratique de définir dans la loi les conditions d'indemnisation des accidents médicaux, notamment pour permettre l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, de l'aléa médical, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ayant actuellement des positions divergentes sur cette question.

Le texte prévoit la création d'une procédure entièrement nouvelle, reposant sur des commissions régionales chargées d'émettre un avis sur le régime d'indemnisation applicable. En l'absence de toute faute d'un professionnel de santé, l'indemnisation serait assurée, au titre de la solidarité nationale, par un office national d'indemnisation.

Le chapitre II du nouveau titre IV du Livre Ier de la première partie du code de la santé publique comporterait quatre sections respectivement consacrées aux principes généraux , à la procédure de règlement en cas d'accidents médicaux , d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales, à l'indemnisation des victimes , enfin aux dispositions pénales .

1. Les principes généraux

Article L. 1142-1 du code de la santé publique
Conditions d'indemnisation des accidents médicaux

Le texte proposé pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique définit les conditions d'indemnisation des personnes victimes de dommages à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins.

Le premier paragraphe prévoit que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Plusieurs observations peuvent être formulées :

- Les règles de responsabilité du fait des produits défectueux définies par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 ne sont pas remises en cause. Cette loi a transposé la directive communautaire du 25 juillet 1985 en créant un régime légal propre à la responsabilité des fabricants et des vendeurs professionnels pour le défaut de sécurité de leurs produits.

Dans le cadre de ce régime de responsabilité, la victime doit prouver son dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre l'un et l'autre. En revanche, elle est dispensée de prouver la faute du fabricant . La loi de 1998 précise qu'un produit est défectueux « lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ».

Deux causes d'exonération de sa responsabilité peuvent être invoquées par le fabricant :

* la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire ;

* l'existence, au moment de la mise en circulation d'un produit, d'un défaut que l'état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait pas de déceler à ce moment là (risque de développement). La loi exclut cependant le caractère exonératoire du risque de développement en ce qui concerne les dommages causés par les produits issus du corps humain.

- L'exigence d'une faute des professionnels de santé pour engager leur responsabilité correspond, pour l'essentiel, aux jurisprudences actuelles du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation.

Néanmoins, certaines évolutions jurisprudentielles ont permis au cours des dernières années à des victimes d'être indemnisées en l'absence de faute établie :

* ainsi, en 1993, le Conseil d'Etat a accepté le principe de l'engagement d'une responsabilité sans faute de l'hôpital du fait de la réalisation d'un acte médical comportant un risque connu mais exceptionnel et provoquant des préjudices anormalement graves sans rapport avec l'affection soignée ;

* la Cour de cassation a retenu pour sa part une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les dispositifs médicaux utilisés par le médecin pour l'exécution d'un acte médical d'investigations ou de soins ;

* de même, la Cour de cassation a récemment retenu une obligation de sécurité de résultat en matière d' infections nosocomiales .

- l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur M. Claude Evin, a souhaité que les règles législatives définissant la responsabilité des professionnels de santé ne soient pas moins exigeantes que celles posées par les jurisprudences judiciaire et administrative.

Elle a donc complété le paragraphe du texte proposé pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique pour prévoir que la responsabilité des professionnels de santé n'est engagée qu'en cas de faute « ou de manquement quels que soient, selon l'appréciation du juge compétent, la nature ou le mode d'établissement de cette faute ou de ce manquement, prouvé ou présumé ».

Une telle rédaction, qui avait pour objectif de reprendre des formules jurisprudentielles, ne peut être retenue. L'introduction de la notion de manquement dans un régime de responsabilité fondé sur la faute risque d'introduire une grave confusion. L'un des objectifs du présent projet de loi est d'unifier les jurisprudences pour éviter les traitements différents de cas identiques. Il n'est donc pas opportun d'utiliser une formulation telle que « selon l'appréciation du juge compétent ».

En conséquence, votre commission vous propose, par un amendement , de supprimer les dispositions ajoutées à ce paragraphe par l'Assemblée nationale.

Si la rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne paraît pas pouvoir être retenue, votre commission partage le souci de ne pas déresponsabiliser les établissements de santé en prévoyant dans la loi un régime moins exigeant que celui défini par la jurisprudence. En pratique, l'obligation de sécurité de résultat définie par la Cour de cassation concerne les dispositifs médicaux et les infections nosocomiales. Dès lors que le cas des produits de santé fait l'objet d'un autre cadre juridique protecteur pour la victime (la loi de 1998), le seul cas posant problème est celui des infections nosocomiales.

Bien souvent, de telles infections surviennent sans qu'une faute puisse être établie. La jurisprudence considère que les établissements sont toujours responsables de ces infections sauf s'ils apportent la preuve d'une cause étrangère. Votre commission, par un amendement , vous propose de reprendre ce principe dans le présent projet de loi.

Le second paragraphe du texte proposé pour l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit, innovation majeure du projet de loi, une indemnisation, au titre de la solidarité nationale, de l'aléa médical.

Il dispose en effet que lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement de santé ou d'un producteur de produits n'est pas engagée , un accident médical, une affection iatrogène ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale .

Dans la rédaction initiale du projet de loi, les infections nosocomiales étaient également mentionnées dans ce paragraphe, mais l'Assemblée nationale les en a écartées, souhaitant qu'elles relèvent toujours de la responsabilité des professionnels de santé. Votre commission a choisi, afin de ne pas abaisser le niveau de responsabilité, de prévoir que les infections nosocomiales demeureraient de la responsabilité des professionnels sauf s'ils apportaient la preuve d'une cause étrangère. Ce choix ne dispense cependant pas de mentionner les infections nosocomiales parmi les faits pouvant donner lieu à une indemnisation au titre de la solidarité nationale. En effet, si la preuve d'une cause étrangère est rapportée et que la responsabilité de l'établissement est dégagée, il faut néanmoins que la victime puisse obtenir indemnisation si son préjudice est grave. Par un amendement , votre commission vous propose de faire référence aux infections nosocomiales parmi les faits pouvant donner lieu à indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Un accident médical peut être défini comme un événement imprévu causant un dommage accidentel ayant un lien de causalité certain avec un acte médical.

Une affection iatrogène peut être définie comme le dommage subi par le patient lié au traitement délivré.

Enfin, une infection nosocomiale peut être définie comme une maladie provoquée par des micro-organismes contractée dans un établissement de soins.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l'indemnisation soit possible :

- les dommages doivent être directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;

- ils doivent avoir pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ;

- les dommages doivent présenter un caractère de gravité prévu dans le texte proposé pour l'article L. 1142-8 du code de la santé publique.

L'existence d'un certain degré de gravité du dommage permettant l'indemnisation du patient au titre de la solidarité nationale est probablement inévitable au regard du coût que représenterait l'indemnisation de l'ensemble des dommages. Néanmoins, il est regrettable, sur le plan des principes, qu'une telle distinction doive être opérée . Il faut espérer qu'il sera possible à l'avenir d'envisager une indemnisation pour l'ensemble des aléas médicaux, quelle que soit la gravité du dommage subi. Dans cette attente, les dommages les moins graves ne pourront être indemnisés que dans le cadre d'assurances éventuellement souscrites par les patients.

Votre commission estime souhaitable que le degré de gravité du dommage permettant d'obtenir une indemnisation au titre de la solidarité nationale soit défini dès l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et non renvoyé à l'article L. 1142-8.

Le texte proposé pour l'article L. 1142-8 prévoit que le caractère de gravité est fixé par décret en Conseil d'Etat et apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles mesurée en tenant compte du taux d'incapacité permanente ou du taux et de la durée de l'incapacité temporaire .

Afin de faire prévaloir une appréciation plus individualisée, l'Assemblée nationale a complété cette disposition en indiquant dans le projet de loi que « le caractère de gravité (...) est également apprécié au regard des conséquences sur la vie privée et professionnelle pour la personne concernée lorsque celles-ci sont d'une exceptionnelle gravité ».

Outre les difficultés posées par la rédaction de cette disposition, l'introduction d'un critère d'accès à l'indemnisation beaucoup moins objectif que celui de la perte de capacités fonctionnelles pourrait susciter des interprétations diverses de la part des commissions régionales et créer des inégalités préjudiciables à l'efficacité du nouveau dispositif. Votre commission comprend néanmoins le souci de l'Assemblée nationale de voir prévaloir une appréciation moins mécanique que la seule prise en compte de l'incapacité permanente.

Par un amendement , votre commission vous propose de compléter le texte proposé par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique afin que le degré de gravité du dommage permettant d'accéder à l'indemnisation soit défini dans l'article énumérant les conditions de l'indemnisation.

Elle vous propose de prévoir que le caractère de gravité, défini par décret en Conseil d'Etat, sera apprécié « au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou du taux et de la durée de l'incapacité temporaire ».

Article additionnel
Indemnisation des handicaps congénitaux

Votre commission vous propose d'insérer dans ce nouveau chapitre du code de la santé publique les dispositions de la proposition de loi de M. Jean-François Mattei relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux adoptée par l'Assemblée nationale le 10 janvier 2002.

Votre commission a décidé d'approuver les principes dégagés par l'Assemblée nationale tout en complétant le dispositif. Les modifications qu'elle propose ont été présentées dans l'exposé général du présent rapport.

Article L. 1142-2 du code de la santé publique
Obligation d'assurance des professionnels de santé

Le texte proposé pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique institue une obligation d'assurance de responsabilité civile couvrant les éventuels dommages causés aux tiers dans l'exercice de leur activité pour tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, les établissements et services de santé et tout autre organisme exerçant des activités individuelles de prévention, de diagnostic ou de soins.

Actuellement, dans le système de santé, il n'existe d'obligation d'assurance que pour la recherche biomédicale et pour les établissements de transfusion sanguine . Le texte proposé ne vise que les professionnels exerçant à titre libéral dès lors que les professionnels salariés bénéficient de l'assurance de leur employeur. D'ores et déjà, les professionnels libéraux sont, pour la plupart, assurés , soit auprès du « Sou médical », mutuelle spécialisée, soit auprès des sociétés membres de la Fédération française des sociétés d'assurance.

En ce qui concerne les établissements de santé, quelques établissements publics ne recourent actuellement pas à l'assurance, dès lors qu'ils ont un volume d'activité et un budget leur permettant de faire face aux conséquences financières des accidents dont ils peuvent être déclarés responsables. Ils devront désormais souscrire une assurance, seul l'Etat étant dispensé de cette obligation.

Les producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé sont également tenus de souscrire une assurance. Une exception est toutefois prévues pour les fournisseurs de produits et appareils destinés à la désinfection des locaux, de lentilles oculaires non correctrices et de produits cosmétiques. En outre, les loueurs de produits de santé ne sont pas tenus à l'obligation d'assurance.

Le projet de loi contient des dispositions destinées à permettre la mise en oeuvre dans de bonnes conditions de cette obligation d'assurance, en particulier la création d'un Bureau central de tarification . Ces dispositions, appelées à figurer dans le code des assurances, seront étudiées lors de l'examen de l'article 59 du projet de loi.

La mise en oeuvre du présent article constituera une obligation de très grande portée pour les assureurs présents dans le domaine de l'assurance médicale. Votre commission craint qu'en l'absence de toute autre précision, l'obligation d'assurance des professionnels de santé constitue un risque trop élevé pour des sociétés qui seraient alors tentées de se retirer de ce marché. Plusieurs compagnies ont déjà quitté ce secteur. Par un amendement , votre commission propose de prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les limites en montants et en durée qui peuvent être apportées aux contrats. Elle vous soumet également un amendement de coordination.

Article L. 1142-3 du code de la santé publique
Règles de responsabilité en matière de recherche biomédicale

Le texte proposé pour l'article L. 1142-3 du code de la santé publique précise que les principes d'indemnisation définis par le projet de loi ne sont pas applicables au promoteur de recherche biomédicale. En effet, sa responsabilité peut être engagée dans le cadre de l'article L. 1121-7 du code de la santé publique.

Cet article prévoit notamment que « pour les recherches biomédicales sans bénéfice individuel direct, le promoteur assure, même sans faute, l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête et celle de ses ayants-droit, sans que puisse être opposé le fait d'un tiers ou le retrait volontaire de la personne qui avait initialement consenti à se prêter à la recherche ».

Aux termes de cet article, pour les recherches avec bénéfice individuel direct, le promoteur assure l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête et celle de ses ayants-droit, sauf preuve à sa charge que le dommage n'est pas imputable à sa faute ou à celle de tout intervenant.

Le texte proposé pour l'article L. 1142-3 permet aux personnes subissant des dommages dans le cadre de recherches biomédicales d'accéder aux commissions créées par le projet de loi afin de faciliter leurs démarches. Il prévoit surtout que ces personnes peuvent accéder à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale lorsque, en cas de recherche biomédicale avec bénéfice direct, la responsabilité du promoteur n'est pas engagée.

Les victimes de recherches biomédicales se verront donc appliquer les mêmes conditions d'indemnisation que celles qui prévaudront, en l'absence de faute, pour les victimes d'accidents médicaux.

Par un amendement , votre commission vous propose de corriger une erreur de référence.

2. La nouvelle procédure de règlement en cas d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales

L'une des innovations majeures du projet de loi est la création d'une procédure amiable en matière d'accidents médicaux, devant permettre aux victimes d'éviter, aussi souvent que possible, de saisir la justice. La procédure judiciaire implique en effet des démarches parfois longues et coûteuses de la part des victimes qui ont souvent besoin d'une aide immédiate.

Votre rapporteur ayant déjà fait part, dans la présentation générale du projet de loi, des réserves que peut inspirer la création d'une procédure extra-judiciaire, qui risque de ne pas offrir des garanties comparables à celles de la procédure judiciaire, il n'y reviendra pas ici.

Le nouveau dispositif aura l'avantage de s'appliquer à l'ensemble des accidents médicaux, qu'ils soient survenus à l'hôpital ou dans un établissement privé .

Cette procédure n'empêchera pas le recours à la procédure judiciaire , celui-ci restant ouvert à la victime si elle estime que les propositions qui lui sont faites ne correspondent pas à une juste indemnisation du dommage qu'elle a subi.

Les règles relatives au déroulement de la procédure de règlement ont vocation à être rassemblées au sein d'une section 2 du nouveau chapitre du code de la santé publique relatif aux risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé.

Article L. 1142-4 du code de la santé publique
Droit à l'information des victimes d'accidents médicaux

Le texte proposé pour l'article L. 1142-4 du code de la santé publique permet à toute personne « victime ou s'estimant victime » d'un dommage imputable à une activité de prévention ou de soins d'obtenir une information de la part du professionnel ou de l'établissement sur les causes et les circonstances du dommage.

L'information devrait être délivrée dans les quinze jours suivant la découverte du dommage ou la demande lors d'un entretien au cours duquel la personne pourrait se faire assister par une personne de son choix.

Cette disposition vient compléter celle qui figure à l'article 6 du projet de loi, qui prévoit une information très complète du patient avant les investigations, traitements ou actions de prévention.

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.

Article L. 1142-5 du code de la santé publique
Création de commissions régionales de conciliation et d'indemnisation

Le texte proposé pour l'article L. 1142-5 du code de la santé publique tend à créer dans chaque région une commission régionale de conciliation et d'indemnisation. Cette commission serait chargée de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales , ainsi que des autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé, services de santé ou organismes ou producteurs de produits de santé.

Une ordonnance du 24 avril 1996 a créé des commissions de conciliation à l'intérieur des établissements de santé. Le Gouvernement fait valoir, dans l'exposé des motifs du projet de loi, que ces commissions « n'ont pas réellement la possibilité de jouer un rôle de conciliation ».

Il a donc souhaité réorienter les missions des commissions internes aux établissements. L'article 8 du présent projet de loi prévoit que ces commissions auront désormais pour mission « de veiller au respect des droits des usagers et de contribuer à l'amélioration de la qualité de l'accueil des personnes malades et de leurs proches et de la prise en charge ». Ces commissions devraient faciliter les démarches de ces personnes et veiller à ce qu'elles puissent, le cas échéant, exprimer leurs griefs auprès des responsables de l'établissement, entendre les explications de ceux-ci et être informées des suites de leurs demandes.

Toute mission de conciliation ne semble donc pas exclue du rôle des commissions internes aux établissements tel qu'il est défini dans l'article 8 du projet de loi.

Dans ces conditions, il est possible de s'interroger sur l'opportunité d'une définition large des compétences des commissions régionales. Le règlement des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales sera une mission lourde et difficile . Si les commissions régionales ne font pas preuve d'une efficacité immédiate, le nouveau système risque d'être lourd et plus complexe que le recours direct à la procédure judiciaire.

Dans leur rapport sur la responsabilité et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, dont le Gouvernement s'est inspiré pour l'élaboration du présent projet de loi, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des services judiciaires avaient proposé la création de commissions régionales ou interrégionales « chargées de désigner les experts à la demande des victimes d'accidents thérapeutiques et de rendre un avis, après expertise, sur le régime d'indemnisation applicable aux accidents qui leur sont soumis ».

Une telle mission est considérable et votre commission n'est pas certaine que le choix de confier en outre à ces commissions une mission de conciliation pour les autres litiges entre patients et établissements soit pleinement réaliste.

Néanmoins, elle vous propose de ne pas modifier le projet de loi sur ce point, dès lors que ces commissions présentent l'avantage d'être extérieures aux établissements et pourraient donc, si elles en ont les moyens, jouer un rôle utile de conciliation pour certains litiges autres que les accidents médicaux.

Votre commission approuve pleinement la précision apportée par l'Assemblée nationale selon laquelle la commission régionale siège en formation de conciliation et en formation d'indemnisation. Ces deux formations permettront de distinguer plus clairement les missions des commissions régionales.

Article L. 1142-6 du code de la santé publique
Composition et fonctionnement des commissions régionales

Le texte proposé pour l'article L. 1142-6 du code de la santé publique prévoit que les commissions régionales sont présidées par un magistrat de l'ordre administratif ou un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire. La composition des commissions et leurs règles de fonctionnement propres à garantir indépendance et impartialité seraient déterminées par décret en Conseil d'Etat, mais elles devraient, précise le projet de loi, comprendre notamment des représentants des personnes malades et des usagers du système de santé, des professionnels de santé et des responsables d'établissements et services de santé, ainsi que des membres représentant l'office d'indemnisation créé par le projet de loi et les entreprises d'assurance.

Le texte prévoit que les frais de fonctionnement des commissions régionales doivent être assurés par l'office d'indemnisation, qui devrait également mettre à la disposition des commissions le personnel nécessaire à leur fonctionnement.

Enfin, les membres des commissions et les personnes ayant connaissance des documents et informations qu'elles détiennent seraient tenus au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 236-13 et 226-14 du code pénal. L'article 226-13 punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire. L'article 226-14 prévoit des exceptions, notamment en ce qui concerne les personnes qui informent les autorités judiciaires, médicales ou administratives de punitions ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles dont elles ont eues connaissance et qui ont été infligées à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique.

Article L.1142-7 du code de la santé publique
Saisine de la commission régionale

Le texte proposé pour l'article L. 1142-7 du code de la santé publique dispose que la commission régionale peut être saisie par toute personne « victime ou s'estimant victime » d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins, ou par ses ayants-droit si la personne est décédée ou, le cas échéant, par son représentant légal.

La saisine est donc aussi largement ouverte que possible. Votre commission vous soumet un amendement d'amélioration rédactionnelle de cette disposition.

Par un amendement , votre commission vous propose d'insérer dans cet article l'obligation pour la personne saisissant la commission d'indiquer sa qualité d'assuré social ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles elle est affiliée pour les divers risques. La personne devrait indiquer également à la commission les prestations reçues ou à recevoir des autres tiers payeurs. Ces dispositions figurent actuellement dans le texte proposé pour un article relatif à l'expertise, ce qui ne paraît guère pertinent.

Le texte proposé prévoit que la saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure. Cette disposition est parfaitement justifiée dès lors que la nouvelle procédure n'empêche en aucun cas les victimes d'accidents médicaux d'entamer une procédure judiciaire . La personne devrait informer respectueusement la commission des procédures juridictionnelles en cours et le juge de la saisine de la commission régionale. Aucune sanction du défaut d'information n'est cependant mentionnée.

Article L. 1142-8 du code de la santé publique
Avis de la commission régionale

Le texte proposé pour l'article L. 1142-8 du code de la santé publique prévoit que la commission régionale émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable.

Toutefois, cet avis n'est prévu que « lorsque les dommages subis présentent un caractère de gravité, fixé par décret en Conseil d'Etat, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles mesurée en tenant compte du taux d'incapacité permanente, ou du taux de la durée de l'incapacité temporaire ».

L'Assemblée nationale a souhaité préciser que « le caractère de gravité (...) est également apprécié au regard des conséquences sur la vie privée et professionnelle pour la personne concernée lorsque celles-ci sont d'une exceptionnelle gravité ». Ces dispositions peuvent susciter une certaine perplexité.

Assurément, il est inévitable aujourd'hui de limiter l'indemnisation de l'aléa médical aux cas les plus graves . Votre commission a adopté un amendement dans le texte proposé pour l'article L. 1142-1 précisant que l'indemnisation n'était possible que pour les dommages graves, dont elle a retenu une définition proche de celle qui figure dans le texte proposé pour le présent article L. 1142-8 du code de la santé.

En revanche, il paraît singulier d'écarter tout avis de la commission lorsque le caractère de gravité nécessaire pour obtenir une indemnisation n'est pas établi. Comment l'évaluation se fera-t-elle dans un tel contexte ? La commission se contentera-t-elle d'entériner les évaluations qui auraient pu être faites auparavant par les médecins des demandeurs ? Seule une expertise permet d'avoir une évaluation précise de la gravité des dommages.

Par ailleurs, est-il légitime d'écarter de la procédure amiable, par le biais du seuil de gravité, des personnes qui seraient victimes d'une faute médicale mais dont le dommage ne serait pas suffisamment grave ? Un tel système ne paraît pas pouvoir être retenu.

Votre commission vous propose, par un amendement , de réécrire entièrement le texte proposé pour l'article L. 1142-8 afin de prévoir les règles suivantes :

- possibilité pour la commission d'écarter les demandes qui ne rentrent manifestement pas dans le champ des principes de la loi (responsabilité des professionnels en cas de faute , indemnisation des dommages graves par la solidarité nationale en l'absence de faute ) ; un tel rejet de la demande ne priverait naturellement pas le demandeur de la possibilité d'agir en justice ;

- dans le cas contraire, avis de la commission portant :

• sur la nature, l'étendue et la gravité des dommages subis ;

• sur les circonstances et les causes de ces dommages ;

• sur le régime d'indemnisation éventuellement applicable.

Votre commission propose également d'inscrire dans cet article que l'avis doit être rendu dans un délai de deux mois, porté à six mois lorsqu'une expertise est ordonnée, et qu'il est transmis, ainsi que, le cas échéant, le rapport d'expertise, à la personne qui a saisi la commission, à toutes les personnes intéressées par le litige et à l'office d'indemnisation.

Votre commission propose en outre de mentionner que l'avis ne peut être contesté qu'à l'occasion de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime ou des actions subrogatoires que prévoit le projet de loi.

Ces différentes précisions figurent actuellement dans le texte proposé pour un article du code de la santé publique consacré par ailleurs à l'expertise. Votre commission estime plus opportun de les faire figurer dans l'article posant le principe d'un avis de la commission.

Enfin, votre commission propose de maintenir dans le texte proposé pour l'article L. 1142-8 la mention selon laquelle la commission régionale saisit l'autorité compétente lorsqu'elle constate des manquements susceptibles de donner lieu à des poursuites disciplinaires .

3. L'expertise médicale

Le projet de loi prévoit naturellement que l'avis des commissions régionales peut être précédé par une expertise. Il va cependant plus loin en procédant à une réforme des conditions d'accès au statut d'expert et en créant une commission nationale de l'expertise médicale . Pour que ces règles soient clairement identifiées dans le code de la santé publique, votre commission vous propose par un amendement de créer une section spécifiquement consacrée à l'expertise dans le nouveau chapitre du code de la santé publique relatif aux risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé.

Article L.1142-9 du code de la santé publique
Possibilité pour la commission régionale
d'ordonner une expertise

Le texte proposé pour l'article L. 1142-9 du code de la santé publique mêle des dispositions relatives à l'expertise et plusieurs dispositions que votre commission a jugé préférable d'insérer dans d'autres articles (informations que la victime doit donner à la commission régionale, délai pour rendre l'avis, contestation de l'avis). Par deux amendements , votre commission vous en propose en conséquence la suppression.

En ce qui concerne l'expertise, le texte prévoit qu'avant d'émettre son avis, la commission peut diligenter une expertise, si elle l'estime nécessaire, et peut obtenir la communication de tout document, y compris d'ordre médical. Chaque partie concernée recevrait copie des demandes de documents formulées par la commission ainsi que tous les documents communiqués à celle-ci.

Dans leur rapport, l'IGAS et l'IGSJ avaient préconisé une expertise précontentieuse systématique tout en prévoyant une possibilité de mettre l'expertise à la charge du demandeur lorsqu'il apparaissait que sa demande ne relevait d'aucun régime d'indemnisation.

Le système retenu par le projet de loi, qui prévoit une expertise facultative mais jamais mise à la charge du demandeur, peut néanmoins être approuvé. Il pourra en effet arriver - rarement - qu'un cas soit particulièrement évident, tant en ce qui concerne la gravité des dommages que les causes et circonstances de ceux-ci. Il est donc utile de ménager la possibilité de ne pas recourir à l'expertise, même si celle-ci sera sans doute demandée le plus souvent.

Article L. 1142-10 du code de la santé publique
Commission nationale des accidents médicaux

Le texte proposé pour l'article L. 1142-10 du code de la santé publique prévoit la création d'une commission nationale des accidents médicaux placée auprès des ministres chargés de la justice et de la santé. Cette commission serait composée de professionnels de santé, de représentants d'usagers et de personnes qualifiées. Son président serait désigné par le ministre chargé de la justice et le ministre chargé de la santé.

Cette commission serait chargée :

- de prononcer l'inscription des experts sur une liste nationale d'experts en accidents médicaux après avoir procédé à une évaluation de leurs connaissances;

- d'assurer la formation des experts en matière de responsabilité médicale, dans des conditions définies par décret ;

- d'établir des recommandations sur la conduite des expertises , de veiller à une application homogène de la procédure par les commissions régionales et d'évaluer l'ensemble du dispositif dans le cadre d'un rapport remis chaque année au Gouvernement et au Parlement. Cette dernière mission est particulièrement importante. Il est particulièrement important qu'une « jurisprudence » des commissions régionales puisse progressivement s'établir afin d'éviter des saisines qui ne pourront se traduire que par des désillusions pour les demandeurs. Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir que le rapport sera remis avant le 15 octobre, afin qu'il puisse être débattu par le Parlement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission vous soumet également un amendement tendant à prévoir que le rapport dresse la liste de l'ensemble des avis rendus par les commissions régionales et mentionne le nom des établissements concernés lorsque l'avis n'a pas fait l'objet de contestation. Il convient en effet que le nouveau système d'indemnisation s'accompagne d'un effort de transparence en ce qui concerne les accidents médicaux.

La composition et les règles de fonctionnement de la commission nationale des accidents médicaux seraient fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article L.1142-11 du code de la santé publique
Inscription sur la liste des experts en accidents médicaux

Le texte proposé pour l'article L. 1142-11 du code de la santé publique définit les conditions d'établissement et de gestion de la nouvelle liste nationale des experts médicaux .

Actuellement, les règles relatives à l'expertise judiciaire sont déterminées par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires . Cette loi prévoit que les juges peuvent, en matière civile, désigner en qualité d'expert toute personne de leur choix sous les seules restrictions prévues par la loi ou par les règlements.

Elle dispose également qu'il est établi chaque année une liste nationale dressée par le bureau de la Cour de cassation et une liste dressée par chaque cour d'appel , des experts en matière civile. Ces listes permettent aux experts concernés de se prévaloir de leur qualité d'expert agréé par la Cour de cassation ou d'experts agréés par la Cour d'appel.

Le choix des experts lors des contentieux relatifs aux accidents médicaux suscitent aujourd'hui de nombreuses critiques. Dans leur rapport sur la responsabilité et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, l'IGAS et l'IGSJ ont dressé un constat inquiétant de la situation de l'expertise judiciaire : « S'il faut se garder de toute généralisation, il est apparu à de nombreuses reprises, lors des auditions effectuées par la mission, que l'indépendance fonctionnelle ou la compétence technique des experts n'étaient pas toujours garanties par les modes actuels de sélection ni contrôlées avec une suffisante vigilance. On ne peut que s'interroger sur la liberté de langage d'un médecin expert spécialiste qui devra se prononcer sur la pratique professionnelle du confrère de la même spécialité qu'il côtoie géographiquement et avec lequel il entretient nécessairement des relations professionnelles pouvant le conduire à examiner les mêmes patients ou à partager la responsabilité d'un diagnostic ».

Le présent projet de loi prévoit que les médecins experts figurant depuis au moins trois ans sur une des listes instituées par la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires peuvent demander à être inscrits sur la liste des experts en accidents médicaux s'ils justifient d'une qualification dont les modalités, comportent notamment une évaluation des connaissances et des pratiques professionnelles, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. L'inscription vaudrait pour cinq ans et pourrait être renouvelée une fois, le renouvellement étant subordonné à une nouvelle évaluation des connaissances et pratiques professionnelles.

L'article 63 du projet de loi prévoit cependant une dérogation à la règle suivant laquelle seuls les médecins inscrits sur une des listes judiciaires pourraient figurer sur la liste nationale d'experts en accidents médicaux. Votre commission vous proposera de limiter l'étendue de la dérogation afin d'éviter que le présent dispositif de réforme de l'expertise soit vidé de sa substance.

La liste nationale actualisée serait adressée chaque année d'une part au Conseil d'Etat, aux cours administratives d'appel et aux tribunaux administratifs, d'autre part, à la Cour de cassation, aux cours d'appel et aux tribunaux de grande instance. Elle serait tenue à la disposition du public. On peut supposer que, sans y être contraintes, les juridictions seront conduites à choisir les experts dans cette nouvelle liste, offrant des garanties sérieuses, lorsqu'elles seront saisies d'affaires de responsabilité médicale.

Conformément à la règle qui prévaut pour les experts judiciaires, les personnes inscrites sur la liste nationale des experts en accidents médicaux ne pourraient faire état de leur qualité que sous la dénomination d'expert agréé par la commission nationale des accidents médicaux.

Enfin, une procédure de radiation est prévue en cas de manquement de l'expert à ses obligations, de faits contraires à l'honneur ou à la probité ou s'il n'est plus en mesure d'exercer normalement ses activités. La radiation serait prononcée par la commission nationale des accidents médicaux, sur demande ou après avis d'une commission régionale de conciliation. L'intéressé devrait être appelé à formuler ses observations. Le texte prévoit que la radiation d'une des listes prévues par la loi du 29 juin 1971 entraîne de plein droit radiation de la liste nationale des experts en accidents médicaux. Un expert pourrait également être radié à sa demande.

Votre commission vous soumet un amendement permettant à la commission nationale de prendre l'initiative d'une procédure de radiation d'un expert. Dans certains cas, des informations concernant certains experts pourraient émaner de juridictions et non d'une commission régionale. Or, dès lors que le projet de loi permet d'inscrire, à titre transitoire, sur la liste nationale des experts médicaux ne figurant pas sur les listes des experts judiciaires, ceux-ci ne pourraient, par définition, faire l'objet d'une radiation des listes prévues par la loi du 29 juin 1971.

Article L. 1142-12 du code de la santé publique
Déroulement de l'expertise

Le texte proposé pour l'article L. 1142-12 du code de la santé publique précise les conditions du déroulement de l'expertise, lorsqu'elle est ordonnée par une commission régionale :

- désignation d'un collège d'experts choisis sur la liste nationale des experts en accidents médicaux en s'assurant que ceux-ci remplissent toutes les conditions propres à garantir leur indépendance vis-à-vis des parties. La constitution d'une liste nationale permettra en particulier d'éviter des situations de proximité géographique ou relationnelle de l'expert avec une partie ;

- possibilité, lorsque cela est suffisant, de désigner un seul expert choisi sur la liste nationale ;

- lorsque la nature de préjudice le justifie, possibilité de nommer membre du collège d'experts un spécialiste figurant sur une des listes prévues par la loi du 29 juin 1971 ou même un expert choisi en dehors de toute liste. Une telle possibilité paraît acceptable, dès lors qu'elle ne pourra s'appliquer que dans les cas où un collège est désigné et non dans les cas où un expert unique est choisi ;

- fixation par la commission régionale de la mission du collège d'experts ou de l'expert et détermination du délai dans lequel le rapport doit être déposé ;

- information de l'office national d'indemnisation de la mission d'expertise ;

- possibilité pour le collège d'experts ou l'expert d'effectuer toute investigation et de demander la communication de tout document sans que puisse lui être opposé le secret médical ou professionnel ; soumission des experts au secret professionnel ; par un amendement , votre commission vous propose de préciser qu'en cas de carence des parties dans la transmission des documents, la commission régionale puisse autoriser l'expert à rendre son rapport en l'état et tenir compte de l'attitude des parties dans son avis ; cette disposition, destinée à encourager la coopération de toutes les parties à la procédure, est reprise de l'article 275 du nouveau code de procédure civile, qui prévoit un système similaire lorsqu'une action judiciaire est engagée ;

- déroulement contradictoire de l'expertise : les parties doivent être présentes ou dûment appelées. Elles peuvent être assistées d'une ou plusieurs personnes de leur choix. Le collège d'experts ou l'expert doit prendre en considération les observations des parties et joindre au rapport, sur leur demande, tous documents y afférents. L'avis d'un autre professionnel peut être recueilli ;

- prise en charge du coût des expertises par l'office d'indemnisation ; un remboursement est cependant possible lorsqu'une faute est établie et que l'assureur du professionnel de santé fait une offre à la victime ou que l'office exerce une action subrogatoire contre la personne responsable ou son assureur qui n'a pas fait d'offre d'indemnisation.

4. Indemnisation des victimes

Une section du nouveau chapitre du code de la santé relatif aux risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé serait consacrée à l'indemnisation des victimes. Le texte distingue deux hypothèses :

- le cas où la commission régionale estime qu'une faute a été commise ;

- le cas où elle estime que l'indemnisation relève de la solidarité nationale.

Article L. 1142-14 du code de la santé publique
Règles d'indemnisation en cas de faute d'un professionnel
ou d'un établissement

Le texte proposé pour l'article L. 1142-14 du code de la santé publique définit les règles applicables lorsque la commission régionale estime que la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement ou d'un producteur d'un produit de santé est mise en cause.

Le texte prévoit que, lorsque la responsabilité d'un professionnel est engagée et que le caractère de gravité du dommage est constaté, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission régionale adresse à la victime, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. En cas de décès de la victime, l'offre serait faite à ses ayants-droit.

Par trois amendements votre commission vous propose de simplifier la rédaction de ces dispositions et surtout d'exclure toute référence au caractère de gravité du dommage. Certes, en l'absence de faute, une indemnisation ne sera possible que pour des charges graves ; toutefois, lorsqu'il y a une faute, il est indispensable que la commission régionale puisse jouer son rôle et qu'une offre puisse être faite à la victime dans le cadre de la nouvelle procédure, quelle que soit la gravité du dommage . Il paraît anormal d'accueillir une demande, d'ordonner une expertise, de constater qu'une faute a été commise, mais de renvoyer la personne devant les juridictions au motif que le dommage subi ne serait pas assez grave.

Le texte proposé dispose que l'offre d'indemnisation doit indiquer l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui revient à la victime, déduction faite des prestations qui donnent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.

Les prestations qui ouvrent droit à un recours des tiers payeurs sont énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation. Il s'agit notamment des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, ainsi que les salaires et accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage...

Le texte proposé dispose que l'assureur faisant une offre à la victime est tenu de rembourser à l'office d'indemnisation les frais d'expertise qu'il a supportés et que l'acceptation de l'offre de l'assureur vaut transaction.

En cas d'acceptation de l'offre, le paiement devrait intervenir dans le mois suivant l'acceptation par la victime , les sommes versées produisent intérêt au double du taux légal à compter de l'expiration de ce délai jusqu'au jour du paiement ou du jugement devenu définitif.

Si un assureur transigeait et estimait néanmoins que le dommage n'engageait pas la responsabilité de son assuré, il disposerait d'un recours subrogatoire contre le tiers effectivement responsable ou contre l'office national d'indemnisation en cas d'aléa médical.

La victime insatisfaite de l'offre de l'assureur pourrait engager une action en justice. Dans ce cadre, si le juge estimait que l'offre d'indemnisation a été manifestement insuffisante, il condamnerait l'assureur à verser à l'office d'indemnisation une somme au plus égale à 30 % de l'indemnité allouée.

Cette disposition est reprise du système prévu par la loi de 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation. Toutefois, la loi de 1985 prévoit que le juge peut condamner l'assureur à verser « une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime ». Par un amendement , votre commission vous propose de retenir le même dispositif dans le présent projet de loi, dès lors qu'aucun motif ne paraît justifier des pénalités différentes en matière d'accidents médicaux et en matière d'accidents de la route.

L'Etat serait soumis aux mêmes obligations que les assureurs pour les activités de prévention, de diagnostic ou de soins qu'il exerce.

Article L. 1142-15 du code de la santé publique
Absence d'offre de l'assureur

Le texte proposé pour l'article L. 1142-15 du code de la santé publique concerne le cas dans lequel, malgré l'avis de la commission, l'assureur ne fait aucune offre ainsi que le cas de l'absence d'assurance du responsable. Dans ces situations, l'office d'indemnisation serait substitué à l'assureur .

Le projet de loi prévoit dans un tel cas que l'office présente à la victime une offre d'indemnisation, l'acceptation valant transaction. Il dispose également que l'office est alors subrogé dans les droits de la victime contre la personne responsable du danger ou son assureur .

En outre, en cas de silence ou de refus de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge pourrait condamner l'assureur ou le responsable à verser à l'office d'indemnisation une somme au plus égale à 30 % de l'indemnité allouée. Pour les raisons énoncées lors de l'examen du texte proposé pour l'article L. 1142-14 du code de la santé publique, votre commission vous propose, par un amendement , de ramener à 15% de l'indemnité allouée le montant des pénalités auxquelles l'assureur pourrait être condamné.

Aux termes du texte proposé, en cas de transaction entre l'office et la victime, cette transaction serait opposable à l'assureur ou au responsable sauf contestation devant le juge du principe de la responsabilité ou du montant des sommes dues. En toute hypothèse, les sommes versées à la victime lui resteraient acquises .

Article L. 1142-16 du code la santé publique
Recours des tiers payeurs contre la victime

Le texte proposé pour l'article L. 1142-16 du code de la santé publique précise que lorsque la victime n'a pas informé la commission régionale des prestations reçues ou à recevoir des autres tiers payeurs que les caisses de sécurité sociale, ceux-ci disposent d'un recours contre la victime à concurrence de l'indemnité qu'elle a perçue de l'assureur ou de l'office au titre du même chef de préjudice.

Conformément à l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, les recours s'exerceraient dans les limites de la part d'indemnité qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité de caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ou, s'il y a lieu, de la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit.

Les tiers payeurs devraient agir dans un délai de deux ans à compter de la demande de versement des prestations.

Article L. 1142-17 du code de la santé publique
Règles d'indemnisation en l'absence de faute
d'un professionnel ou d'un établissement

Le texte proposé pour l'article L. 1142-17 du code de la santé publique vise l'hypothèse dans laquelle la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre de l' aléa médical . Dans un tel cas, l'office jouerait le même rôle que l'assureur en cas de responsabilité d'un professionnel :

- offre d'indemnisation à la victime ou à ses ayants droit dans les quatre mois suivant la réception de l'avis ; votre commission vous soumet deux amendements d'amélioration rédactionnelle.

- indication dans l'offre d'indemnisation de l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice ainsi que du montant des indemnités qui reviennent à la victime, déduction faite des prestations pouvant donner lieu à recours à des tiers payeurs ;

- caractère provisionnel de l'offre en l'absence de consolidation de l'état de la victime ;

- caractère de transaction de l'acceptation de l'offre par la victime ;

- paiement dans le délai d'un mois à compter de la réception par l'office de l'acceptation par la victime de son offre ;

- possibilité pour l'office d'exercer une action subrogatoire s'il estime que la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme, ou d'un producteur de produits est engagée. Cette dernière disposition est particulièrement importante pour qu'une harmonisation des « jurisprudences » des commissions soit possible. Il convient d'éviter en effet que, dans un souci de simplification ou de conciliation, certaines commissions régionales soient tentées de retenir aussi souvent que possible l'hypothèse d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Une telle évolution porterait gravement atteinte aux règles de la responsabilité civile, qui veulent que l'auteur d'une faute en assure la réparation.

Article L. 1142-18 du code de la santé publique
Accident médical ne résultant que partiellement d'une faute

Le texte proposé pour l'article L. 1142-18 du code de la santé publique vise l'hypothèse dans laquelle un accident relèverait pour partie seulement de la responsabilité d'un professionnel de santé. En pareil cas, la commission régionale devrait déterminer la part de préjudice imputable à la responsabilité et celle relevant d'une indemnisation au titre de l'office .

Article L. 1142-19 du code de la santé publique
Information par la victime de l'office et du juge

Le texte proposé pour l'article L. 1142-19 du code de la santé publique fait obligation à la victime d'informer respectivement l'office des procédures juridictionnelles en cours, le juge de la saisine de l'office. Une obligation similaire est prévue à l'égard de la commission régionale dans le texte proposé pour l'article L. 1142-7 du code de la santé publique.

Article L. 1142-20 du code de la santé publique
Absence d'offre de la part de l'office
ou refus de l'offre par la victime

Le texte proposé pour l'article L. 1142-20 du code de la santé publique permet à la victime ou à ses ayants droits d'agir en justice contre l'office si aucune offre ne lui a été présentée ou si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. L'action serait engagée devant la juridiction compétente selon la nature du fait générateur du dommage.

Votre commission considère que l'hypothèse de l'absence d'offre de l'office peut être rappelée pour mémoire, mais qu'il est difficile d'imaginer qu'une telle situation se produise dès lors qu'une commission régionale aurait estimé qu'un dommage doit être indemnisé au titre de la solidarité nationale.

Article L. 1142-21 du code de la santé publique
Appel de l'office en qualité de défendeur
lorsqu'une juridiction est saisie

Le texte proposé pour l'article L. 1142-21 du code de la santé publique prévoit que lorsqu'une action judiciaire en indemnisation est engagée et que la procédure fait apparaître que les dommages relèvent de l'aléa médical et sont donc indemnisables au titre de la solidarité nationale, l'office d'indemnisation est appelé en la cause et devient défendeur en la procédure.

Article L.1142-22 du code de la santé publique
Statut et composition de l'office national d'indemnisation

Le texte proposé pour l'article L. 1142-22 du code de la santé publique définit le statut et la composition de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales :

- il s'agira d'un établissement public à caractère administratif de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé,

- l'office aura pour mission l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des aléas médicaux. Il se substituera également aux assureurs lorsque ceux-ci refuseront de faire une offre à la victime ou lorsqu'il apparaîtra que le responsable d'un dommage n'est pas assuré.

- l'office sera administré par un conseil d'administration comprenant, outre son président, pour moitié des représentants de l'Etat et pour moitié des personnalités qualifiées ainsi que des représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé, des organismes d'assurance maladie et du personnel de l'office ;

- les agents de l'office seront régis par les règles actuellement applicables aux agents de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ;

- enfin, les membres du conseil d'administration et le personnel de l'office seront tenus au secret professionnel comme les membres des commissions régionales et les experts.

Article L. 1142-23 du code de la santé publique
Charges et recettes de l'office national d'indemnisation

Le texte proposé pour l'article L. 1142-23 du code de la santé publique énumère les charges et recettes de l'office national d'indemnisation.

Il prévoit que les charges sont constituées par :

- le versement d'indemnités aux victimes ;

- les frais de gestion administrative de l'office et des commissions régionales ;

- les frais des expertises diligentées par les commissions.

L'étude d'impact du projet de loi, dont les évaluations sont toutes présentées en francs, évalue à 150 à 170 millions de francs ( 23 à 26 millions d'euros) le coût de fonctionnement de l'office d'indemnisation et des commissions régionales.

En ce qui concerne le coût des commissions régionales, il est évalué entre 20 et 25 millions de francs (entre 3 et 3,8 millions d'euros). Le Gouvernement estime qu'un effectif de 75 agents est envisageable « compte tenu de la possibilité de créer des commissions interrégionales ». Votre commission ne voit guère comment des commissions interrégionales pourraient être créées dès lors que le projet de loi dispose que « dans chaque région », une commission est chargée de faciliter le règlement des accidents médicaux. Le chiffre de 75 agents pour assurer le fonctionnement des commissions régionales paraît donc modeste.

En ce qui concerne l'office, ses frais de fonctionnement sont évalués à 10 à 15 millions de francs par an (1,5 à 2,3 millions d'euros).

La charge des expertises est évaluée à 200 millions de francs par an (30,5 millions d'euros), mais la charge réelle ne représenterait, selon le Gouvernement, que la moitié de cette somme, le reste étant récupéré sur les responsables des accidents ou leurs assureurs.

En ce qui concerne les indemnités proprement dites, l'étude d'impact fournit les éléments suivants : « A partir des données disponibles sur les déclarations de sinistres faites aux assureurs, et en tenant compte d'un effet d'appel plus ou moins important, la charge d'indemnisation des aléas peut être estimée à 1 à 1,5 milliard de francs (152,5 à 228,6 millions d'euros), pour un nombre total de dossiers reçus par les commissions (accidents fautifs, aléas et demandes hors champ) qui serait au maximum, selon une hypothèse très haute, de 10.000 ».

Le texte prévoit que les recettes de l'office sont constituées par :

- une dotation globale émanant de l'assurance maladie , dont les modalités de fixation et de réunion sont déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

- le produit des remboursements des frais d'expertise ;

- le produit des pénalités qui pourront être infligées par le juge aux assureurs ;

- le produit des recours subrogatoires que peut exercer l'office.

Article L. 1142-24 du code de la santé publique
Règle de non cumul d'indemnités

Le texte proposé pour l'article L. 1142-24 du code de la santé publique prévoit que les indemnités accordées au titre des risques sanitaires ne peuvent se cumuler avec celles versées par le fonds d'indemnisation des transfusés et des hémophiles pour les mêmes préjudices.

5. Dispositions pénales

Le projet de loi tend à consacrer aux dispositions pénales une section du nouveau chapitre du code de la santé publique relatif aux risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé.

Article L. 1142-25 du code de la santé publique
Sanction du non-respect de l'obligation d'assurance

Le texte proposé pour l'article L. 1142-25 du code de la santé publique punit de 45.000 € le fait pour les professionnels et établissements de santé de manquer à l'obligation d'assurance prévue dans le texte proposé pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique.

Le texte précise que les personnes physiques encourent également la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Conformément à l'article 131-27 du code pénal, la peine pourrait être prononcée à titre définitif ou pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

Article L. 1142-26 du code de la santé publique
Responsabilité pénale des personnes morales

Le texte proposé pour l'article L. 1142-26 du code de la santé publique prévoit la responsabilité pénale des personnes morales pour le délit d'absence d'assurance prévu dans le texte proposé pour l'article L. 1142-25 du code de la santé publique. Les peines encourues seraient l'amende (dont le montant pourrait atteindre, conformément aux dispositions de l'article 131-38 du code pénal, le quintuple de celui prévu pour les personnes physiques) et l'interdiction d'exercer l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

Article L. 1142-27 du code de la santé publique
Sanction de l'usurpation de la qualité d'expert agréé

Le texte proposé pour l'article L. 1142-27 du code de la santé publique tend à réparer le fait de se prévaloir à tort de la qualité d'expert agréé par la commission nationale des accidents médicaux ou d'une dénomination présentant une ressemblance de nature à causer dans l'esprit du public une méprise. Cette infraction serait punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 € d'amende, conformément aux peines prévues par l'article 433-17 du code pénal pour usurpation de titres.

Une disposition similaire figure dans la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires pour punir les personnes utilisant à tort les dénominations d'expert agréé par la Cour de cassation ou d'expert agréé par la cour d'appel.

6. Prescription

Après le texte proposé pour l'article L. 1142-27, votre commission vous propose, par un amendement , d'insérer une section additionnelle dans le chapitre du code de la santé publique consacré aux risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé, afin d'inscrire dans le code de la santé publique les règles relatives à la prescription que l'Assemblée nationale a inscrite, sans les codifier, à l'article 58 ter du présent projet de loi.

Votre commission vous propose de préciser que les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage .

Rappelons qu'actuellement la prescription est de trente ans lorsqu'est en cause un établissement privé ou un professionnel libéral et de quatre ans lorsqu'est en cause un établissement public. Une telle différence est très choquante. Dès lors que le projet de loi ne procède pas à l'unification du contentieux de la responsabilité médicale, il paraît au moins nécessaire d'unifier les règles de prescription.

La durée de dix ans retenue par l'Assemblée nationale correspond à celle recommandée par le Sénat lors de la discussion de la proposition de loi de notre ancien collègue M. Claude Huriet relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale.

Votre commission des Lois considère simplement qu'une règle aussi importante doit être codifiée, raison pour laquelle elle propose, par amendement , son transfert dans le code de la santé publique.

C. DISPOSITIONS COMMUNES

Le projet de loi tend à insérer dans le nouveau titre du code de la santé publique consacré à la réparation des conséquences des risques sanitaires un troisième chapitre relatif aux dispositions communes et composé d'un unique article.

Article L. 1142-28 du code de la santé publique
Dispositions réglementaires d'application

Le texte proposé pour l'article L. 1142-28 du code de la santé publique prévoit que les modalités d'application du nouveau titre du code de la santé publique sont déterminées, sauf dispositions contraires, par décret en Conseil d'Etat.

Cette disposition peut laisser perplexe dès lors que sept décrets en Conseil d'Etat sont déjà prévus dans les différents textes proposés pour les articles du nouveau titre. Cette disposition ultime est peut-être de précaution...

Article 58 bis
(art. L. 133-1 nouveau du code des annexes)
Codification dans le code des assurances des règles relatives
aux tests génétiques et aux risques aggravés

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à insérer dans le titre III du livre 1 er du code des assurances, consacré aux règles relatives aux assurances de personnes et aux opérations de capitalisation, un chapitre III intitulé : « Accès à l'assurance contre les risques d'invalidité ou de décès ».

Ce chapitre comporterait un unique article L. 133-1 dans lequel seraient reproduits les articles L. 1141-1, L. 1141-2 et L. 1141-3 du code de la santé publique relatifs aux tests génétiques et à l'assurance des personnes exposées à un risque aggravé. Ces dispositions ont été examinées à l'article 58 du projet de loi.

Le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Claude Evin a estimé souhaitable que ces dispositions du code de la santé publique figurent également dans le code des assurances, en tant que « code suiveur » du code de la santé publique en cette matière.

Article 58 ter
Prescription en matière de responsabilité médicale

Cet article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, tend à unifier les règles de prescription en matière de responsabilité médicale. La durée de la prescription est actuellement de trente ans lorsqu'est en cause un établissement privé ou un professionnel libéral et de quatre ans lorsqu'est en cause un établissement public. Le présent article prévoit une durée unique de dix ans.

Votre commission ayant décidé, à l'article 58, de codifier cette disposition dans le code de la santé publique, elle vous propose la suppression du présent article.

Article 59
(art. L. 251-1 à L. 252-2 nouveaux du code des assurances)
Obligation d'assurance et rôle
du bureau central de tarification

Cet article tend à inscrire dans le code des assurances les règles relatives à l'assurance obligatoire des professionnels de santé définies dans le code de la santé publique. Il prévoit en outre le recours à un bureau central de tarification lorsqu'un professionnel ne parvient pas à s'assurer.

Formellement, cet article vise à insérer dans le livre II du code des assurances (Assurances obligatoires) un titre V consacré à l'assurance de responsabilité médicale. Ce titre comporterait deux chapitres respectivement consacrés à l'obligation de s'assurer et au bureau central de tarification.

1. L'obligation de s'assurer

Le chapitre 1 er du nouveau titre du code des assurances relatif à l'assurance de responsabilité civile médicale ne comporterait qu'un unique article, numéroté L. 251-1.

Article L.251-1 du code des assurances
Reprise dans le code des assurances des dispositions
sur l'assurance obligatoire des professionnels de santé

Le texte proposé pour l'article L. 251-1 du code des assurances tend à reproduire dans ce code le texte proposé par l'article 58 du projet de loi pour l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, qui prévoit l'obligation pour tous les professionnels et établissements de santé de souscrire une assurance de responsabilité civile. Ces dispositions ont été présentées lors de l'examen de l'article 58. Il paraît opportun qu'elles figurent à la fois dans le code de la santé publique et dans le code des assurances. Votre commission vous soumet deux amendements de coordination.

2. Le bureau central de tarification

Le chapitre II du nouveau titre du code des assurances relatif à l'assurance de responsabilité civile serait consacré au bureau central de tarification et comporterait deux articles numérotés L. 252-1 et L. 252-2.

Article L.252-1 du code de la santé publique
Bureau central de tarification
en matière d'assurance médicale

Le texte proposé pour l'article L. 252-1 du code des assurances permet aux professionnels de santé assujettis à l'obligation d'assurance prévue par le code de la santé publique qui se voient opposer deux refus de la part d'une entreprise concernant les risques de responsabilité civile en matière médicale de saisir un bureau central de tarification. Les conditions de constitution de ce bureau et ses règles de fonctionnement seraient fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le texte prévoit que le bureau a pour rôle exclusif de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé.

Néanmoins, le bureau central de tarification pourrait également déterminer le montant d'une franchise restant à la charge de l'assuré.

Dans son troisième alinéa, le texte proposé par l'article L. 252-1 proscrit, à peine de nullité, toute clause des traités de réassurance tendant à exclure certains risques de la garantie de réassurance en raison de la tarification adoptée par le bureau central de tarification.

Il s'agit donc de faire en sorte que l'obligation d'assurance proposée par le projet de loi pour les professionnels de santé puise être mise en oeuvre en toutes circonstances. Le recours au bureau central de tarification doit permettre à tout professionnel de souscrire une assurance garantissant sa responsabilité civile en raison de dommages subis par des tiers dans le cadre d'activités de prévention, de diagnostic ou de soins .

Votre commission approuve ces dispositions. Elle s'inquiète néanmoins du risque qu'un tel système permette en toute hypothèse à des professionnels qui seraient concernés de manière répétée par des accidents médicaux de continuer à souscrire une assurance et donc à exercer.

Par un amendement , votre commission vous propose que le bureau central de tarification puisse saisir le préfet de la situation de personnes qui présenteraient un risque d'assurance particulièrement élevé. Le présent projet de loi permet en effet au préfet de suspendre immédiatement un praticien dont l'activité serait susceptible de mettre en danger ses patients.

Article L. 252-2 du code des assurances
Sanction du refus d'assurer

Le texte proposé pour l'article L. 252-2 du code des assurances prévoit que toute entreprise qui maintient son refus de garantir le risque dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur.

Dans une telle situation, les entreprises qui doivent obtenir un agrément pour exercer certaines activités pourraient se voir privées de cet agrément. Les entreprises exerçant en France en libre prestation de services, sans qu'un agrément soit nécessaire, pourraient faire l'objet de sanctions prononcées par la commission de contrôle des assurances, qui pourrait interdire à l'entreprise de conclure des contrats en libre prestation de services sur le territoire français.

Article 60
Date d'applicabilité des dispositions relatives
aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes
et aux infections nosocomiales

Cet article prévoit que les nouvelles dispositions relatives aux accidents médicaux s'appliqueront aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales survenus à la suite d'activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées au plus tôt six mois avant la publication de la loi , qu'une action judiciaire ait ou non été engagée.

Cela signifie que tous les accidents survenus plus de six mois avant la publication de la loi et pour lesquels une procédure est en cours ne pourront se voir appliquées les nouvelles règles définies par le projet de loi.

L'interdiction de tenir compte des résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne, dans le cadre des contrats d'assurance, s'appliquerait aux contrats en cours à la date de parution de la loi .

Article 61
Présomption d'imputabilité de contamination
par le virus de l'hépatite C

Cet article crée une présomption d'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C à une transfusion sanguine ou à une injection de produits dérivés du sang pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi.

Concrètement, le demandeur devrait apporter des éléments laissant supposer que la contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang. Il incomberait alors à la partie défenderesse de prouver que la transfusion ou l'injection n'est pas à l'origine de la contamination.

1. Une connaissance encore imparfaite de l'hépatite C et de ses conséquences

Dans leur rapport sur la responsabilité et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, l'IGAS et l'IGSS ont présenté les principales données disponibles à propos de l'hépatite C.

On estimait, en 1995, que 500.000 à 650.000 personnes étaient séropositives au virus de l'hépatite C, dont 80 % étaient porteuses du virus, parmi lesquelles plus de la moitié ignoraient leur statut sérologique.

Les principaux modes de contamination sont :

- la transmission par voie transfusionnelle (le risque était très important jusqu'en 1989 faute de test de dépistage) ;

- la transmission par toxicomanie intraveineuse , dont on considérait en 1995 qu'elle représentait de 20 à 30 % des contaminations estimées ;

- la transmission nosocomiale .

L'évolution de la maladie est très variable selon les individus et dépend notamment de l'association éventuelle de la contamination à d'autres co-facteurs d'atteinte hépatique tels que la co-infection, par d'autres voies, l'âge au moment de la contamination, une alcoolisation excessive...

2. Le traitement juridictionnel du contentieux des contaminations transfusionnelles

Actuellement, les deux ordres de juridiction admettent une responsabilité sans faute des établissements de transfusion sanguine, quelle que soit la date de contamination.

Le lien de causalité est presque toujours considéré comme établi lorsque l'enquête post-transfusionnelle pratiquée dans toutes les expertises permet d'établir la séropositivité de l'un des donneurs. Lorsque tel n'est pas le cas, les juridictions considéraient jusque récemment que ce lien pouvait être considéré comme établi à partir de présomptions graves, précises et concordantes. Ces présomptions tenaient pour l'essentiel à l'importance en volume des produits transfusés, aux caractéristiques -notamment de dates- de l'apparition des troubles hépatiques, et à l'existence ou à l'absence d'autres facteurs de risques.

Par un arrêt du 9 mai 2001, la Cour de cassation a encore facilité l'action de la victime en considérant que lorsqu'une personne démontre que la contamination dont elle est atteinte est survenue à la suite de transfusions sanguines et qu'elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient au centre de transfusion sanguine de prouver que les produits sanguins qu'il a fournis étaient exempts de vices.

Malgré cette jurisprudence favorable, les victimes n'en rencontrent pas moins des difficultés de preuve importantes, compte tenu notamment de l'ancienneté des transfusions incriminées.

En ce qui concerne les principes et modalités d'évaluation des préjudices, les juridictions judiciaires et administratives ne retiennent pas le principe d'un préjudice spécifique de contamination similaire à celui consacré en matière de contamination par le VIH. Le Conseil d'Etat accepte cependant l'indemnisation du préjudice personnel résultant des troubles dans les conditions d'existence occasionnés par la contamination ; la Cour de cassation admet l'indemnisation du préjudice moral -résultant de l'anxiété induite par la nécessité d'une surveillance médicale stricte et régulière- dès le stade de la séroconversion, sans qu'il soit besoin d'attendre les manifestations pathologiques de l'infection.

3. Un progrès limité

Le texte proposé dans le projet de loi, en inversant la charge de la preuve, facilitera à l'avenir l'action des personnes victimes d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C.

Toutefois, les deux ordres de juridiction ayant d'ores et déjà procédé récemment à ce renversement de la charge de la preuve, le texte proposé ne vient que confirmer cette évolution.

Il est possible de se demander si une prise en charge par la solidarité nationale de l'indemnisation des personnes contaminées par ce virus n'aurait pas été préférable. Il semble cependant, d'après les explications données par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, qu'une telle solution ne soit guère envisageable, pour des raisons financières. Les multiples incertitudes relatives aux modes de contamination comme à l'évolution de la maladie rendent difficile la prise en charge par un fonds de l'indemnisation des personnes contaminées.

Article 62
(article L. 3111-9 du code de la santé publique)
Réparation des dommages imputables
à une vaccination obligatoire

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 3111-9 du code de la santé publique prévoit que la réparation d'un dommage imputable à une vaccination obligatoire est supportée par l'Etat, sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun.

Le présent article tend à compléter cette disposition pour prévoir que la réparation est versée pour le compte de l'Etat par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dans des conditions définies par une convention conclue entre l'Etat et l'office.

Article 63
Dérogation en matière d'inscription sur la liste nationale
d'experts en accidents médicaux

Le présent projet de loi tend à modifier certaines règles relatives à l'expertise en matière médicale. Il prévoit en particulier qu'une commission nationale procédera à l'inscription des experts sur une liste nationale d'experts en accidents médicaux. La commission ne pourrait inscrire sur cette liste, après évaluation de leurs connaissances et pratiques professionnelles, que des experts figurant depuis trois ans sur la liste d'experts dressée par la Cour de cassation ou sur une liste dressée par une Cour d'appel.

Le présent article prévoit néanmoins un dispositif dérogatoire puisqu'il tend à permettre à la commission nationale, pendant une période de trois ans, d'inscrire sur la liste nationale d'experts en accidents médicaux des experts ne figurant sur aucune des listes établies par les juridictions. Cette inscription serait possible en raison de la qualification particulière de certains experts.

A l'issue du délai de trois ans, ces experts devraient figurer sur une liste établie par une juridiction pour pouvoir continuer à figurer sur la liste nationale d'experts en accidents médicaux.

Votre commission craint qu'une dérogation aussi large ne vide largement de sa substance la réforme de l'expertise prévue par le présent projet de loi. Par trois amendements , elle propose :

- que le délai prévu pour inscrire sur la liste nationale des experts ne figurant sur aucune liste soit ramené à un an ;

- que l'inscription de ces experts soit à tout le moins précédée d'une évaluation de leurs connaissances et de leurs pratiques professionnelles ;

- que le délai à l'issue duquel ces experts devront figurer sur l'une des listes établies par les juridictions soit ramené à deux ans.

Article additionnel après l'article 63
Création d'un Observatoire de l'accueil
et de l'intégration des handicapés

Par un article additionnel , votre commission vous propose de prévoir la création d'un Observatoire de l'accueil et de l'intégration des handicapés. Cette disposition figure en effet dans la proposition de loi relative à la solidarité nationale et à l'indemnisation des handicaps congénitaux adoptée par l'Assemblée nationale.

Dès lors que cette proposition de loi a vocation à être intégrée dans le présent projet de loi, il convient de prévoir dans ce texte la création de l'Observatoire, qui pourra avoir une grande utilité pour formuler des propositions susceptibles d'améliorer les conditions dans lesquelles la collectivité nationale apporte son soutien aux personnes handicapées.

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Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle a adoptés, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont elle est saisie.

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