B. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
Comme l'écrivait le prédécesseur de votre rapporteur pour avis, à propos du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, « le coût du drame de l'amiante est destiné à monter progressivement en puissance maintenant que les principaux éléments du cadre législatif sont fixés » 45 ( * ) .
Il convient de constater la justesse de cette analyse.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général est le principal contributeur des fonds créés pour assurer l'indemnisation des victimes de l'amiante : sur la période 2000 à 2003, elle devrait contribuer à hauteur de 1,87 milliard d'euros au financement de ces fonds, soit une contribution moyenne de 470 millions d'euros par an.
1. Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) (article 36)
L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé une allocation de cessation anticipée d'activité, c'est-à-dire une préretraite, destinée aux travailleurs de l'amiante âgés de plus de 50 ans, et a également institué le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) qui finance cette allocation.
Le dispositif était initialement ouvert aux personnes atteintes d'une maladie professionnelle liée à l'amiante et aux personnes ayant travaillé dans un établissement de fabrication de matériaux contenant de l'amiante.
L'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a élargi le dispositif aux personnes ayant travaillé dans un établissement de flocage et de calorifugeage à l'amiante, de même qu'il a été étendu aux personnes qui avaient exercé un métier dans un établissement de construction ou de réparation navale ou avaient été « ouvriers dockers professionnels ».
Enfin, un arrêté du 3 décembre 2001 a étendu le dispositif aux personnes atteintes de plaques pleurales.
Le nombre d'allocataires présents dans le dispositif, inférieur à 4.000 personnes fin 2000, a dépassé 12.000 personnes en juin 2002.
a) Les charges du FCAATA
En raison de l'augmentation du nombre de bénéficiaires, le montant de l'allocation - versé mensuellement par les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et financé par le fonds - ne cesse d'augmenter : en juin 2002, les CRAM versaient 16 millions d'euros à ce titre.
En outre, le fonds prend à sa charge les cotisations d'assurance volontaire vieillesse et les cotisations de retraite complémentaire des bénéficiaires de l'allocation.
Enfin, le fonds rembourse les frais de gestion avancés par les différents acteurs du dispositif : CNAMTS et CRAM, qui verse l'allocation, et la Caisse des dépôts et consignations, qui verse aux organismes concernés les prises en charge de cotisations.
Ainsi, en 2001, les charges totales du FCAATA ont triplé, à 166,4 millions d'euros (contre 54,4 millions d'euros en 2000). Elles représentaient à 74 % des versements d'allocations, à 25 % des prises en charge de cotisations (33,5 % des allocations servies) et à 1,4 % des charges de gestion (par convention 2 % des allocations servies).
À structure de charges identiques, la prévision escompte un doublement des charges en 2002 (autour de 337 millions d'euros) et moins qu'un doublement des charges en 2003 (autour de 634 millions d'euros).
Cette dernière prévision sur 2003 (faite pour le conseil de surveillance du fonds de juin 2002) est fragile, l'horizon 2003 restant lointain au regard de l'information statistique disponible : elle sera réactualisée pour les conseils de surveillance du fonds de décembre 2002 et juin 2003.
b) Les produits du FCAATA
Initialement, l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait instauré, pour financer les charges du fonds, une contribution de l'Etat et une contribution de la branche AT-MP du régime général.
L'article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a substitué à la contribution de l'Etat (30,5 millions d'euros) une rétrocession, pour un montant équivalent, d'une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs (article 5 de la loi de finances pour 2000). Enfin, l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a substitué à la rétrocession précédente une rétrocession d'une fraction égale à 0,39 % du produit du droit de consommation sur les tabacs 46 ( * ) .
L'Etat ayant finalement financé seul le fonds l'année de son démarrage en 1999, à hauteur d'une avance de 15,2 millions d'euros, qui s'était révélée largement suffisante pour couvrir les premières charges, le résultat du fonds en 1999, soit 6,6 millions d'euros, a été repris par l'Etat.
La contribution de la branche AT-MP du régime général n'a alors été effective qu'à partir de 2000 : elle a été fixée par arrêté en 2000 et 2001, et est inscrite en loi de financement de la sécurité sociale depuis 2002.
En 2001, les rentrées de droit de consommation sur les tabacs de 31,5 millions d'euros, et la contribution de la branche AT-MP fixée à 205,8 millions d'euros (après 102,9 millions d'euros en 2000) permettaient au fonds de dégager un résultat net largement excédentaire de 71,6 millions d'euros, équivalent au résultat net acquis en 2000 (79,4 millions d'euros).
En 2002, une contribution de la branche AT-MP - fixée initialement par la loi de financement pour 2002 à 200 millions d'euros mais rectifiée dans le présent projet de loi de financement ( article 36 ) à 300 millions d'euros pour tenir compte d'une réévaluation à la hausse des charges à couvrir estimées en juin dernier entre 323 et 351 millions d'euros - devrait assurer l'équilibre du fonds , avec des rentrées de droit de consommation sur les tabacs prévues à 33,2 millions d'euros. Compte tenu des réserves accumulées (150,9 millions d'euros à fin 2001), le fonds ne devrait avoir aucune difficulté à faire face à ses engagements en 2002.
Pour 2003, l'article 36 du présent projet de loi de financement propose une contribution de la branche AT-MP évaluée à 450 millions d'euros . Selon la prévision (estimée en juin dernier) des charges à couvrir, des rentrées de droit de consommation sur les tabacs (en progression de 0 à 4,2 % par rapport à 2002) et compte tenu des réserves accumulées (entre 134 et 162 millions d'euros à fin 2002), ce montant devrait assurer l'équilibre des réserves du fonds à fin 2003 .
2. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) (article 35)
Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), institué par l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, a mis en place ses organes de décision dans le courant de l'année 2002. Il poursuit son installation matérielle, en collaboration étroite avec l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (ONIAM) créé par la loi du 4 mars 2002.
Le conseil d'administration, nommé en avril, a tenu des séances en avril, juin, juillet et septembre 2002. Il a notamment approuvé une convention de gestion provisoire avec le Fonds de garantie des victimes d'accidents de la circulation et de chasse (FGA), chargé de la gestion technique des demandes d'indemnisation. Il se consacre principalement à l'élaboration du barème d'indemnisation. Il a adopté en juin un barème de provisions qui a permis de verser les premières provisions en juillet.
En ce qui concerne son financement, le FIVA est doté d'une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale, soit, aux termes de la loi de financement pour 2002, 438,30 millions d'euros au titre de l'année 2001 et 76,22 millions d'euros au titre de l'année 2002, soit un total sur ces deux années de 514,51 millions d'euros, auxquels s'ajoute en 2002 le montant de la dotation de l'État de 38,11 millions d'euros. 552,62 millions d'euros ont donc été inscrits en recettes de l'exercice, montant très supérieur aux dépenses qui devraient être constatées au cours de l'exercice.
Le ministère a indiqué que « les dépenses du fonds pour l'exercice 2003 sont très difficiles à prévoir, dans la mesure où, d'une part, le barème n'est pas adopté, et, d'autre part, subsiste une incertitude importante sur le nombre de personnes à indemniser (manque de données épidémiologiques ; écart important entre les données épidémiologiques et les déclarations et reconnaissance de maladies professionnelles, notamment de cancers) ».
Pour 2003 , il est proposé, par l' article 35 du présent projet de loi de financement, de fixer la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à 190 millions d'euros . Cette dotation, additionnée au report de l'exercice précédent, permettrait au fonds de satisfaire entre 10.000 et 20.0000 demandes d'indemnisation.
Vers une réparation intégrale du risque ? À la suite du rapport de M. Roland Masse, M. Michel Yahiel avait été chargé de conduire une réflexion sur les conditions de mise en place d'une réparation intégrale des risques professionnels. Il a remis son rapport à Mme Elisabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, en avril 2002. En effet, compte tenu notamment du développement de systèmes de réparation de « droit commun » et de l'évolution de la jurisprudence, la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui repose sur le « compromis » d'avril 1898, mérite un réexamen approfondi. L'évolution vers la réparation dite « intégrale » est ainsi une possibilité mise en avant par les associations de victimes. Toutefois, comme l'a souligné le rapport de M. Michel Yahiel, « la pauvreté des informations disponibles pour éclairer d'éventuelles décisions » et l'absence d'éléments d'analyse sérieux sur les incidences économiques des choix possibles « d'un point de vue général, mais aussi au regard des gains et pertes à anticiper pour les victimes » montrent « l'extrême incertitude entourant les conditions de réalisation et les conséquences de la réparation intégrale, à commencer par son coût ». Il apparaît ainsi impossible de s'avancer dans la voie de la réparation intégrale, avant même d'en avoir mesuré les conséquences, notamment financières. Dans son rapport, M. Michel Yahiel préconisait une méthodologie pour concevoir la réforme. Il proposait notamment : - de confier à la CNAMTS une série d'études et de simulations économiques portant sur un certain nombre de situations concrètes afin de mesurer les enjeux financiers du passage à la réparation intégrale, ainsi que les écarts d'indemnisation moyens entre la branche AT-MP et le régime de droit commun ; - d'examiner, sous l'égide du Haut comité médical de la sécurité sociale, les conditions dans lesquelles le barème habituellement utilisé dans le régime d'indemnisation de droit commun pourrait être appliqué, en matière de préjudice physiologique, aux accidents du travail et maladies professionnelles. M. Yahiel proposait également de mettre en place un comité de pilotage associant la direction de la sécurité sociale, la direction des relations du travail et la CNAMTS, qui sera chargé d'approfondir l'expertise sur la réparation intégrale dans ses aspects juridiques, financiers et organisationnels. Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé le mandat donné à M. Yahiel de conduire ce comité de pilotage, qui devra lui remettre ses premiers éléments de réflexion d'ici la fin de l'année. Un cahier des charges est en cours d'élaboration préalablement au lancement des études envisagées. Ce n'est qu'à l'issue de ce travail, qui interviendra au mieux mi-2003, que pourra être réalisée une évaluation du coût du passage à une réparation intégrale des préjudices. Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis. |
* 45 Sénat, n° 61 (2001-2002), page 184.
* 46 Cette fraction est fixée à 0,35 % par l'article 3 du présent projet de loi de financement.