B. QUELLE ADAPTATION À LA CONCURRENCE ?

1. Respecter enfin les engagements de 1997

Malgré l'opportunisme du précédent Gouvernement en cette matière, profitant de multiples « véhicules législatifs 43 ( * ) » pour transposer -sans bruit- la directive postale de 1997, au moins deux points importants de cette directive n'ont toujours pas été transposés en droit français ou réellement mis en pratique.

a) Les modalités de la régulation postale

L'article 22 de la directive impose la désignation d'autorité(s) réglementaire(s) nationale(s) pour le secteur postal, « juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes » des opérateurs postaux.

La Commission européenne a mis en demeure la France, par lettre du 3 août 2000, de se conformer aux obligations de la directive, considérant que, de par ses tâches, le Ministère de l'économie et des finances ne peut être considéré comme fonctionnellement indépendant de l'opérateur postal public La Poste. En effet, elle estime qu'un même ministre ne peut à la fois exercer la fonction d'autorité réglementaire nationale et la fonction de tutelle d'un opérateur postal.

Toutefois, la Commission souligne qu'elle n'impose pas de définition du statut d'une ou plusieurs autorités réglementaires nationales, qui peuvent être une autorité publique ou une entité indépendante désignée à cet effet, cette définition relevant de la compétence de l'Etat membre (considérant 39 de la directive postale). De même, il ne s'agit pas pour la Commission de contester le régime de la propriété d'un opérateur postal en France, notamment le cas où l'Etat est totalement ou partiellement propriétaire de l'opérateur postal chargé du service universel. Le droit européen est, en vertu du traité, neutre à cet égard.

Dans leur réponse, les autorités françaises estiment au contraire que la réglementation nationale assure une séparation des fonctions de réglementation et d'exploitation postale, en particulier depuis la mise en place d'un « médiateur du service universel postal ».

En effet, le décret n° 2001-1335 du 28 décembre 2001 institue un médiateur du service universel postal et organise une procédure de traitement des réclamations des usagers du service universel postal. Ce médiateur traite donc les différends relatifs au service universel entre La Poste et les usagers d'une part, entre La Poste et ses partenaires, d'autre part.

Le 26 juin 2002, la Commission a adressé à la République française un avis motivé au titre de l'article 226 du Traité instituant la Communauté européenne en raison de l'incompatibilité entre la réglementation française et les obligations qui résultent de l'article 22 de la directive 97/67/CE. Elle estime, en effet, que la séparation des fonctions de réglementation et d'exploitation n'est toujours pas assurée : le médiateur n'intervient effectivement pas dans certaines fonctions régulatrices (surveillance de l'étendue du domaine réservé, contrôle tarifaire du service universel postal, adoption de normes de qualité de services, surveillance du système de comptabilité analytique de La Poste et accès aux informations comptables détaillées qui en découlent).

Les autorités françaises ont répondu fin septembre à la Commission qu'elles réfléchissaient à un nouveau schéma pour la régulation postale, sur lequel elles ne manqueraient pas de solliciter l'avis de la Commission européenne dès qu'il serait précisé.

N'ayant jamais été convaincue de la légitimité du Ministre en charge de La Poste à assurer la fonction de régulateur postal, votre Commission des Affaires économiques ne peut pas être surprise par la tournure prise par les événements.

Votre rapporteur se félicite donc que le gouvernement s'attelle à résoudre cette question et s'apprête, à cette fin, à soumettre prochainement au Parlement un texte répondant aux demandes formulées par votre commission et son groupe d'études « Poste et Télécommunications » dans son rapport de 1999 et évitant notamment tout conflit d'intérêt pour le ministre chargé de La Poste.

b) La clarification de la comptabilité du prestataire de service universel

Les obligations comptables fixées par l'article 14 de la directive sont essentielles : elles visent en effet à rendre transparents les coûts des différents services et à rendre vérifiable le fait que des subventions croisées du secteur réservé au secteur non réservé ne se produisent pas.

La transparence comptable, c'est la clé de la confiance de la Commission européenne et des concurrents dans le comportement du prestataire du service universel. C'est donc la condition de l'absence de remise en cause non seulement des services réservés, mais aussi de services concurrentiels vitaux à son activité, tels que les services financiers. C'est enfin le meilleur moyen de déterminer objectivement le coût réel du service universel.

Selon les termes de l'article 7-2 du contrat d'objectifs et de progrès entre l'Etat et La Poste pour la période 1998-2001, La Poste s'est engagée à présenter une comptabilité respectant les principes posés par la directive 97/67/CE. Cette exigence a été formalisée dans le décret du 8 février 2001 modifiant l'article 33 du cahier des charges de La Poste, qui impose une « tenue de comptes séparés pour chacun des services dont l'exclusivité lui est réservée d'une part, et pour les autres services, d'autre part, en isolant parmi ces derniers, ceux qui relèvent de l'offre de service universel et ceux qui relèvent de ses activités financières ».

Un accouchement long et difficile

Depuis 1996, La Poste établit un compte analytique des branches du courrier et des services financiers. Ce compte identifie également les charges du réseau postal et les charges de structure de La Poste, avant leur répartition sur les deux métiers. Pour établir cette comptabilité par métiers, La Poste a mis en place un dispositif de recueil de données comptables et de statistiques de production.

En 1998, cet outil a connu une amélioration méthodologique importante puisqu'il a distingué un troisième métier correspondant aux activités « colis » de La Poste.

En 1999, des affinements supplémentaires ont été mis en oeuvre, dans le sens d'une plus grande identification des charges imputables directement aux métiers, d'une amélioration des clés de ventilation et d'une meilleure répartition du résultat financier.

Toutefois, la Cour des Comptes, dans un rapport particulier relatif à la comptabilité analytique de La Poste, tout en soulignant que le système de recueil des données, particulièrement détaillé, ne faisait pas l'objet de critiques fondamentales, a présenté les limites de la méthode employée par La Poste et indiqué les pistes à développer.

La Cour rappelle que la comptabilité analytique doit satisfaire à deux objectifs : répondre aux exigences réglementaires de transparence des coûts qui sont posées aux niveaux national et européen et procurer, à tous les échelons de l'entreprise, un instrument d'aide à la gestion et au pilotage. Tout en soulignant la potentialité des outils développés par La Poste, notamment en matière de calcul de coûts, la Cour a constaté que ce deuxième objectif n'était que partiellement atteint. En outre, le secteur postal étant caractérisé par l'importance des coûts mutualisés entre produits, la Cour souligne l'incertitude liée à l'imputation des charges indirectes.

La Poste a, depuis, fait le choix de développer, depuis plusieurs mois, une méthode alternative à celle des coûts complets, reposant sur le principe d'une comptabilité par activités (tri, distribution, guichet, ...) dont les coûts sont ensuite répartis sur les produits, selon un principe dit de « coûts incrémentaux ». Il s'agit de fournir des éléments de coûts de revient nécessaires au pilotage interne et devrait permettre de mieux connaître les résultats des trois métiers de La Poste (courrier, colis, services financiers).

La Poste a ensuite présenté à ses autorités de tutelle fin 2001 les résultats de ce nouveau système de comptabilité analytique , appliqué à l'exercice comptable 2000.

Afin de les assister dans la validation du schéma comptable proposé par La Poste, le Gouvernement a alors eu recours à un expert indépendant, le cabinet Andersen. Les conclusions du cabinet Andersen ont été récemment communiquées à La Poste pour observations.

La directive postale européenne prévoit une validation des principes comptables par l'autorité réglementaire nationale. Le décret du 8 février 2001 précise que cette approbation ressort du ministre chargé des postes, du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé du budget. Cet exercice d'approbation est en cours.

Mise au jour du coût du service universel et, en son sein, des services réservés

En application du décret du 8 février 2001, La Poste a isolé les périmètres comptables suivants :

- le secteur universel réservé , en détaillant à l'intérieur de ce périmètre les charges et les produits des correspondances de moins de 350 grammes, du publipostage de moins de 350 grammes, et du courrier international ;

- l e secteur universel concurrentiel hors secteur réservé , en détaillant à l'intérieur de ce périmètre les charges et les produits de la presse et en les distinguant des autres produits du secteur universel concurrentiel ;

- et le secteur non-universel , en détaillant à l'intérieur de ce périmètre les services financiers et les autres produits.

Selon les réponses du Ministère aux questions posées par votre commission dans le cadre de la préparation de la discussion budgétaire, l'ensemble du chiffre d'affaires du secteur universel (réservé et concurrentiel) représente aujourd'hui 64 % du chiffre d'affaires et le chiffre d'affaires du seul secteur réservé représenterait 49 % du total du chiffre d'affaires de La Poste (maison-mère). Ainsi, la moitié de l'activité de la maison-mère est déjà effectuée en concurrence et cette proportion va aller croissant dans les prochaines années.

L'affectation des charges se fait à partir d'une analyse systématique des relations de causalité directes et indirectes permettant le rattachement des coûts aux produits. Lorsque des charges sont non attribuables , c'est à dire lorsque aucun lien de causalité directe ou indirecte ne peut être établi entre ces charges et les produits ou services de La Poste, ces charges ne sont pas attribuées . Il n'y a pas de clé de répartition de ces charges sur les secteurs.

Dans la comptabilité analytique 2000 de La Poste, les charges non attribuées représentent 10,2 % du total des coûts . La Poste recouvre l'ensemble de ses coûts à travers les revenus des produits, dont les prix doivent couvrir les coûts attribués ainsi qu'une contribution aux charges non attribuées et à la marge de l'entreprise.

Votre Commission des Affaires économiques se félicite des avancées enregistrées ces derniers mois dans la mise en place de cette nouvelle compatibilité analytique , après les pas de fourmis de ces dernières années. Elle espère que cet outil sera sans délai mis au service des réformes de structure qui s'imposent.

* 43 Loi d'orientation, d'aménagement et de développement durable du territoire du 25 juin 1999 ; loi autorisant la transposition des directives communautaires par ordonnance, projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier...

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