3. Deux freins à lever : la pesanteur du dégroupage et l'inquiétude croissante du public à l'égard des effets sanitaires de la téléphonie mobile
a) La laborieuse mise en oeuvre du dégroupage
Présenté il y a plus de trois ans par le précédent gouvernement comme une réforme majeure pour faire entrer la France dans la société de l'information, le « dégroupage de la boucle locale » 22 ( * ) devrait permettre d'ouvrir le marché sur le dernier tronçon du réseau et favoriser ainsi l'essor de voies complémentaires d'accès au haut débit.
L'année 2000 avait été marquée par la mise en place d'un cadre de travail pour le dégroupage de la boucle locale : un cadre juridique avait été fixé par le décret français de septembre 2000 et le règlement européen de décembre 2000, et un groupe de travail réunissant les acteurs du dégroupage avait été créé par l'Autorité pour préparer des expérimentations puis une mise en oeuvre concrète du dégroupage.
En 2001, l'Autorité de régulation des télécommunications s'est attachée à créer les conditions tarifaires et techniques permettant une mise en oeuvre commerciale du dégroupage puis à résoudre les problèmes opérationnels apparus avec l'entrée progressive des opérateurs dans cette phase commerciale.
Le dégroupage a commencé sur le terrain mi-2001, sur la base d'une offre de référence de France Télécom de juillet 2001, dont l'amélioration est rapidement apparue nécessaire afin d'encourager le dégroupage sur d'autres segments de marché que ceux qu'il concerne actuellement, à savoir essentiellement des clients professionnels dans quelques très grandes villes. Le bilan opérationnel actuel du dégroupage fait état de seulement 764 lignes dégroupées au 1 er juillet 2002 , principalement en région parisienne. Votre commission regrette que les conditions (techniques, opérationnelles et financières) du dégroupage aient restreint, de fait, son déploiement aux zones les plus rentables et donc aux grandes agglomérations.
La lenteur du démarrage opérationnel du dégroupage a fait la preuve, s'il en était besoin, des insuffisances de l'offre de référence, à la fois au plan tarifaire et technique.
Le travail mené sur les tarifs du dégroupage et visant à actualiser les tarifs du dégroupage en fonction de critère objectifs -coûts réellement encourus par France Télécom, économie générale du secteur- a abouti le 14 juin 2002 à une nouvelle offre de référence de France Télécom : ces nouvelles mesures devraient conduire à garantir aux opérateurs des conditions d'entrée viables sur le marché de l'ADSL (baisse de 38 % du tarif de l'accès totalement dégroupé et de 53 % de celui de l'accès partagé 23 ( * ) et réduction de 27 % des frais de mise en service) et devraient aussi améliorer de manière très significative la situation des fournisseurs d'accès à Internet sur ce marché.
Votre rapporteur attend impatiemment les résultats concrets de la mise en oeuvre, au 15 octobre 2002, de ces nouvelles offres tarifaires de France Télécom.
Concernant les aspects techniques et opérationnels du dégroupage, l'ART a également obtenu des améliorations dans la nouvelle offre de référence de France Télécom de juin 2002, en réponse aux deux difficultés majeures qu'elle avait identifiées : des conditions de colocalisation 24 ( * ) insatisfaisantes pour les opérateurs alternatifs et des processus d'interaction « complexes » -pour ne pas dire plus- entre ces opérateurs et France Télécom, notamment dans la phase de commande et de livraison des lignes dégroupées. La nouvelle offre intègre donc une offre de colocalisation des opérateurs dans les sites de France Télécom : pour tous les sites où aucune salle de cohabitation spécifique n'a été à ce jour commandée fermement par un opérateur, tout opérateur a la possibilité de placer ses équipements dans des salles existantes contenant des équipements de France Télécom et où il reste de la place disponible. Cette solution permet une réduction importante des coûts d'entrée par rapport à la solution précédente, qui consistait à faire construire de nouvelles salles réservées aux opérateurs. De même, pour que cette solution soit à la fois moins coûteuse et plus simple , des conditions d'accès aux équipements colocalisés ont été définies : ainsi, l'accès est permanent, non accompagné et sans rendez-vous.
S'agissant de la commande et de la livraison des paires dégroupées, l'Autorité prépare la publication, dans la prochaine offre de référence de France Télécom, d'un contrat de service définissant notamment les délais contractuels, afin d'accélérer le processus de traitement des commandes par France Télécom.
b) L'inquiétude croissante à l'égard des effets sanitaires de la téléphonie mobile
Aux termes de l'article L. 32 (12°) du code des postes et télécommunications issu de la rédaction de l'ordonnance du 25 juillet 2001, portant adaptation de ce code au droit communautaire, la protection de la santé des personnes est désormais incluse dans la définition des exigences essentielles auxquelles les opérateurs doivent se soumettre , y compris lors de l'exposition à des champs électromagnétiques.
Cet article prévoyait aussi qu'un décret définisse les valeurs limites que ne doivent pas dépasser les champs électromagnétiques émis par les équipements des réseaux de télécommunications. Ce décret est paru le 3 mai 2002 ; il transpose les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques préconisées par la recommandation du Conseil européen du 12 juillet 1999 25 ( * ) prise à l'initiative, faut-il le souligner, de la Direction générale de la santé et de la consommation de la Commission européenne.
Ce décret aurait dû permettre de concilier la protection de la santé et la couverture radioélectrique de la population dans les zones concernées. Votre rapporteur pour avis regrette de constater qu'il n'a pourtant pas suffi à clarifier les relations entre les acteurs du marché et les communes .
Il espère que l'effort de pédagogie entrepris par nos collègues MM. Jean-Louis Lorrain et Daniel Raoul, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation de choix scientifiques et technologiques, portera ses fruits. Ils rappellent que les conclusions des scientifiques montrent que, s'il existait un risque sanitaire lié à la téléphonie mobile, ce risque serait faible et aurait trait aux téléphones mobiles et non aux antennes-relais.
Dans leur rapport 26 ( * ) , qui vient de paraître, nos collègues Lorrain et Raoul formulent diverses recommandations, afin de mettre fin au paradoxe qui caractérise la perception sociale d'un risque éventuel lié à la téléphonie mobile : alors qu'aucun risque ni biologique, ni a fortiori sanitaire lié aux antennes-relais n'a pu être mis en évidence , nos concitoyens expriment, souvent avec force, des contraintes relatives aux antennes et non aux téléphones portables. Dans cette optique, ils proposent de traiter scientifiquement les questions scientifiques d'une part, et de traiter socialement les problèmes de société d'autre part, ce qui passe notamment par l'information des élus locaux.
Particulièrement sensible à ce dernier point, votre rapporteur pour avis estime qu'il est urgent de trouver le moyen de communiquer, en toute objectivité, à l'adresse des maires , qui sont en première ligne sur ce dossier d'importance croissante dans de nombreux pays de l'Union européenne. Il met en garde contre un usage exagéré du principe de précaution, qui transformerait ce principe en facteur de paralysie voire en refus de tout progrès.
* 22 Permettant un accès direct à l'abonné pour des opérateurs autres que France Télécom.
* 23 Cas où France Télécom ne fournit à l'opérateur tiers que l'accès aux fréquences non vocales sur la boucle locale et continue de fournir au client le service téléphonique.
* 24 Logement du matériel d'opérateurs concurrents dans les locaux de France Télécom.
* 25 Recommandation du Conseil 1999/519/CE du 12 juillet 1999 publiée au JOCE L199 du 30 juillet 1999.
* 26 Rapport n°52 de l'OPECST 2002-2003 « L'incidence éventuelle de la téléphonie mobile sur la santé » de MM.°Jean-Louis Lorrain et Daniel Raoul.