B. QUELLES CONSÉQUENCES SUR LE CADRE JURIDIQUE NATIONAL ?
Le phénomène de convergence technologique évoqué ci-dessus nécessitait un aménagement de la loi du 30 septembre 1986 organisant une régulation fondée sur des distinctions selon la nature des supports.
L'ampleur de cet aménagement fait néanmoins, depuis la publication en décembre 1997 2 ( * ) par la Commission européenne du Livre vert relatif à la convergence, l'objet d'un vif débat dont l'enjeu reste d'actualité et peut être résumé ainsi : quel avenir pour le droit de la communication audiovisuelle ?
1. Vers un droit des communications ?
Certains considèrent en effet que la convergence des réseaux remet profondément en cause l'articulation des régimes juridiques applicables à la communication audiovisuelle et aux télécommunications.
Il convient de rappeler qu'une telle approche, loin d'être en rupture avec l'esprit de la loi du 30 septembre 1986, ne fait qu'y revenir. En effet, cette loi avait inscrit l'autorité de régulation (à l'époque la commission nationale de la communication et des libertés (CNCL)) dans la voie tracée par sa devancière américaine, la Federal Communications Commission (FCC). La volonté du législateur de confier à un organe unique la régulation de la communication audiovisuelle et celle des télécommunications s'exprimait dans l'article 2 de la loi :
« On entend par télécommunication toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature, par fil, optique, radio-électricité ou autres systèmes électromagnétiques.
On entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. »
Il s'agissait en effet de réaliser au niveau de l'autorité de régulation, l'unité des télécommunications, unité confirmée, en 1988, par le passage de Télédiffusion de France (TDF), instrument privilégié de la communication audiovisuelle, sous la tutelle de France Télécom, illustrant ainsi de façon symbolique et spectaculaire l'intégration de l'audiovisuel dans l'univers technologique des télécommunications.
Les auteurs de la loi du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications ont rétabli la séparation entre l'audiovisuel et les télécommunications en privant le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) des compétences qui lui étaient dévolues dans le domaine des télécommunications. En contradiction avec la définition des télécommunications de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986, article qui n'a pas été abrogé, ils ont opéré ce transfert d'attribution au profit du ministère des télécommunications en invoquant deux arguments principaux.
Le premier réside dans la distance qui sépare l'univers de l'audiovisuel de celui des télécommunications. La modalité de communication les distingue : alors que, d'un côté, l'audiovisuel diffuse des messages d'un point vers une multitude de points, les télécommunications transmettent des messages d'un point à un autre.
Le second met l'accent sur la différence de nature et de signification pour les usagers entre la mise à disposition de messages d'un émetteur vers une multitude de récepteurs et les échanges à double sens, où chacun est alternativement émetteur et récepteur des messages : l'audiovisuel met à la disposition d'un public anonyme des sons et des images alors que la télécommunication, en instituant un échange entre des partenaires qui sont mis sur un pied d'égalité, suggère le rapprochement avec la correspondance privée.
2. Adapter le cadre juridique sans bouleverser les principes de la loi du 30 septembre 1986
Le projet de loi prend ainsi en compte le rapprochement des secteurs de l'audiovisuel et des télécommunications au niveau des réseaux, tout en préservant les enjeux et les principes propres au droit de l'audiovisuel.
• Les réseaux de communications électroniques et services électroniques : un régime juridique unifié
La convergence des réseaux de communications électroniques, évoquée plus haut, et la nécessaire transposition des directives communautaires appelaient un rapprochement des régimes juridiques qui leur sont applicables, comme l'exigent désormais les directives communautaires publiées en 2002 qui réforment en profondeur le cadre réglementaire des communications électroniques.
Ainsi, l'établissement et l'exploitation des réseaux câblés, satellitaires et téléphoniques, en application des dispositions du « paquet télécom » constitué de sept directives et d'une décision communautaire, sont désormais soumis à une simple procédure de déclaration et regroupés sous le terme générique de « réseau n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ».
Cette unification du cadre juridique allège ainsi les contraintes pesant sur les réseaux câblés distribuant des services de télévision et de radio qui, outre la suppression du régime juridique de double autorisation jusqu'alors établi à l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 (autorisation d'établissement par la commune et autorisation d'exploitation par le Conseil supérieur de l'audiovisuel) ont bénéficié de la suppression, par l'article 11 de la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public de télécommunication et à France Télécom, du plafond limitant à huit millions d'habitants le bassin de population maximal susceptible d'être desservi par un même opérateur.
Il convient toutefois de souligner qu'en dépit de cette unification, le CSA reste compétent à l'égard des services de radio et de télévision diffusés sur l'ensemble de ces réseaux.
• Les fréquences hertziennes terrestres : une procédure modernisée mais confirmée
La procédure d'autorisation par le CSA concernant l'attribution de la ressource radioélectrique hertzienne terrestre, véritable clé de voûte de la régulation du secteur, est en revanche maintenue.
Fondée sur des critères plus qualitatifs qu'économiques, cette procédure, justifiée par la rareté de la ressource utilisée, garantit le maintien de la politique audiovisuelle ambitieuse et pluraliste qui caractérise notre pays.
Le projet de loi procède néanmoins à la modernisation du cadre juridique de cette procédure selon des modalités différentes selon qu'il s'agit des services radio ou télévisés.
Pour l'ensemble des appels aux candidatures :
- le délai d'instruction ne pourra excéder huit mois (article 42) ;
- le CSA devra procéder à une consultation publique préalable sur les modalités de l'appel dès que les décisions d'autorisation sont susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause (article 51) ;
- l'autorité de régulation pourra publier le plan de fréquences préalablement au lancement de l'appel aux candidatures (article 43).
* 2 Livre vert sur la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l'information, et les implications pour la réglementation : vers une approche pour la société de l'information, commission européenne, Bruxelles, décembre 1997.