EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du projet de loi organique n° 314 (2003-2004), pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a indiqué que les amendements qu'il proposait à la commission étaient, à l'exception d'un amendement rédactionnel, identiques à ceux présentés au même moment, devant la commission des lois, par M. Daniel Hoeffel, rapporteur au nom de cette commission. Il a souligné que le projet de loi organique était nécessaire à l'application du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République. Il a rappelé que, selon cet alinéa, les ressources propres des collectivités territoriales représentaient, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. Il a estimé que l'importance accordée par les élus locaux à l'autonomie financière des collectivités territoriales provenait, en grande partie, de leur faible autonomie de gestion. Il a indiqué que le projet de loi organique comportait quatre articles, les deux premiers définissant respectivement les notions de catégories de collectivités territoriales et de ressources propres, le troisième définissant les notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante », et le quatrième fixant les modalités de mise en oeuvre de la garantie.

Il a considéré que l'article qui posait le plus de difficultés était l'article 2, relatif à la définition des ressources propres. Il a estimé que les élus locaux et le gouvernement n'avaient pas la même conception de celles-ci, les premiers les définissant, dans le cas des ressources fiscales, par la possibilité de fixer l'assiette ou le taux, alors que le gouvernement les assimilait aux impositions de toutes natures, y compris les impôts d'Etat partagés avec les collectivités territoriales sur lesquelles ces dernières ne disposaient d'aucune faculté de modulation. Soulignant le faible nombre d'impôts susceptibles d'être intégralement transférés de l'Etat aux collectivités territoriales, il a envisagé la mise en place d'une « co-responsabilité fiscale », par le transfert partiel d'impôts d'Etat aux collectivités territoriales, sur le modèle de ce qui se faisait en Espagne.

Il a donc proposé à la commission d'adopter deux amendements, le premier tendant à prévoir que les ressources propres étaient constituées du produit des impositions de toutes natures, dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, et le second ayant pour objet de prévoir que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales ne pourrait descendre en dessous de 33 %. Il a envisagé, en outre, d'exclure les dégrèvements des ressources propres.

Un large débat s'est alors instauré.

En réponse aux interrogations de MM. Yann Gaillard, Yves Fréville et Jean-Philippe Lachenaud, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a indiqué que les ressources propres ainsi définies excluraient, en particulier, dans le cas des départements, la fraction de tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont les départements ne pouvaient fixer ni l'assiette, ni le taux. Il a en revanche estimé que la taxe sur les conventions d'assurance, qui devait prochainement être transférée aux départements, constituerait une ressource propre, selon la définition qu'il proposait de retenir, dès lors qu'ils pourraient en moduler le taux .

M. Jean Arthuis, président , a considéré que la taxe sur les conventions d'assurance ne pourrait constituer une ressource propre que si les compagnies d'assurance parvenaient à en localiser les bases. Il a en outre jugé que l'article 72-2 de la Constitution était d'application délicate.

M. Aymeri de Montesquiou , en revenant aux principes mêmes de la décentralisation, a estimé que le renforcement de la démocratie locale était un enjeu essentiel de la réforme des finances locales et impliquait une responsabilité fiscale des élus locaux.

M. Paul Girod s'est demandé si l'amendement proposé par le rapporteur pour avis relatif à la définition des ressources propres impliquait de considérer un impôt comme une ressource propre, dès lors que la loi autoriserait uniquement les collectivités territoriales à en réduire l'assiette, auquel cas cet amendement risquait, selon lui, de perdre une grande partie de sa portée. Il s'est, en outre, interrogé sur l'opportunité de fixer la part minimale des ressources propres à 33 %, ce taux présentant, selon lui, le double inconvénient d'être peu élevé et identique pour toutes les catégories de collectivités territoriales.

M. Jean-Philippe Lachenaud a souhaité savoir si la position de la commission des finances était compatible avec celles du gouvernement et de la commission des lois, et a estimé que l'article 72-2 de la Constitution était loin d'être parfait. Il a déclaré partager les interrogations de M. Paul Girod sur le taux minimal de ressources propres de 33 % pour l'ensemble des catégories de collectivités territoriales, craignant, en particulier, que le Conseil constitutionnel ne considère qu'un tel taux soit contraire à la libre administration des collectivités territoriales.

En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a indiqué que les amendements proposés étaient identiques à ceux présentés, au même moment, devant la commission des lois par M. Daniel Hoeffel, rapporteur au nom de cette commission. Il a jugé que ces amendements pourraient ne pas obtenir l'accord du gouvernement. Il a estimé que si le taux-plancher de 33 % pourrait être modulé selon les catégories de collectivités territoriales, il devait être nettement inférieur aux taux actuellement observés, afin de ne pas empêcher des réformes ultérieures de la fiscalité locale. Il a en outre déclaré que l'amendement qu'il proposait dans le cas de la définition des ressources propres était peu restrictif, puisque, pour qu'un impôt soit considéré comme une ressource propre, il suffirait que les collectivités territoriales puissent en modifier l'assiette ou le taux, même si c'était seulement à la baisse.

M. Yves Fréville a jugé que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République plaçait le Sénat dans une situation délicate, compte tenu des difficultés de mise en oeuvre du nouvel article 72-2 de la Constitution. Il a estimé qu'un impôt localisé devait être considéré comme une ressource propre, même si son taux était fixe. Il a souligné les limites de la définition des ressources propres proposée par le rapporteur pour avis, dans la mesure où la possibilité qu'auraient les collectivités territoriales de réduire l'assiette ou le taux d'un impôt ne favoriserait pas forcément leur libre administration. Il a jugé que les dégrèvements devaient être exclus des ressources propres, afin de ne pas compliquer la mise en oeuvre des réformes de la fiscalité locale et en particulier, la prochaine réforme de la taxe professionnelle.

En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a souligné que si le deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution permettait aux collectivités territoriales de recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures, seul le troisième alinéa se référait explicitement aux ressources propres, ce qui impliquait, selon lui, que les impositions de toutes natures n'étaient pas toutes des ressources propres.

M. François Marc a estimé que la référence, par l'article 72-2 de la Constitution et par le projet de loi organique, aux catégories de collectivités territoriales, et non aux collectivités territoriales elles-mêmes, avait l'inconvénient de ne pas prendre en compte les disparités au sein d'une même catégorie. Il a en outre considéré qu'il n'était pas possible de se prononcer en connaissance de cause sur le projet de loi organique, faute de vision d'ensemble de la réforme des finances locales. MM. François Marc et Michel Moreigne ont considéré que, la péréquation ne pouvant pas être mise en oeuvre au travers des impôts dont les collectivités territoriales fixeraient l'assiette ou le taux, le projet de loi organique rendait difficile un renforcement de la péréquation.

En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a indiqué que le projet de loi organique ne pouvait aborder les sujets évoqués par M. François Marc, l'article 72-2 de la Constitution fixant pour seul objet à la loi organique de déterminer les conditions de mise en oeuvre de son troisième alinéa. Il a ajouté que si le seuil minimal de ressources propres qu'il proposait d'instaurer était inférieur aux taux actuellement pratiqués, c'était notamment pour permettre le développement de dispositifs de péréquation.

M. Roger Karoutchi a estimé que la fixation de ce seuil à 33 % empêcherait le transfert aux régions de compétences supplémentaires, le taux actuellement pratiqué par les régions étant en moyenne de l'ordre de 36 %. Il en a déduit que ce seuil devait être modulé selon les catégories de collectivités territoriales. M. Roland du Luart a souhaité connaître l'état de la discussion avec le gouvernement.

En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a considéré que, dans le cas des régions, ce taux de 36 % devait prochainement augmenter, le gouvernement ayant indiqué qu'elles pourraient voter le taux de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Il a en outre indiqué qu'il avait examiné plusieurs pistes avec le gouvernement, parmi lesquelles la fixation de deux planchers distincts, l'un concernant le taux d'autonomie financière, l'autre relatif au taux d'autonomie fiscale, ainsi que la possibilité de recourir à la notion d'assiette localisable, proposée par M. Yves Fréville.

Il a toutefois considéré que la localisation de l'assiette des impositions ne constituait pas un critère pleinement satisfaisant, compte tenu de leur inégale répartition, s'agissant par exemple de la TIPP.

M. Jean-Philippe Lachenaud a indiqué qu'il partageait l'analyse du rapporteur pour avis s'agissant de la distinction entre le deuxième et le troisième alinéas de l'article 72-2 de la Constitution, rappelant toutefois que le projet de loi organique avait pour objet de fixer la « part déterminante » des ressources propres prévue au troisième alinéa.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a salué les propositions constructives du rapporteur pour avis et souligné, pour s'en féliciter, l'unité de vues entre les rapporteurs des deux commissions.

Il a indiqué qu'il avait obtenu de la Commission européenne l'information selon laquelle, pour la fraction de TIPP que le gouvernement envisageait d'attribuer aux régions, seule pourrait être modulée la part non professionnelle de la consommation de carburant, soit environ un quart du total.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé que le seuil minimal de ressources propres proposé par le rapporteur pour avis, de 33 %, était trop bas, et devrait être modulé par catégorie de collectivités territoriales. Il s'est, en outre, demandé si l'amendement tendant à définir les ressources propres comme le produit des impositions de toutes natures dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, permettrait la « co-responsabilité fiscale », par le transfert partiel d'impôts d'Etat, que le rapporteur pour avis appelait de ses voeux. Jugeant nécessaire de parvenir à une unité de vues avec le gouvernement et avec la commission des lois, il a estimé que la commission n'était pas encore en mesure de se prononcer définitivement sur les amendements proposés par le rapporteur pour avis.

En réponse, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a rappelé qu'il proposait de fixer le seuil minimal de ressources propres à 33 %, pour conserver des marges de manoeuvre en matière de réforme de la fiscalité locale. Il a confirmé que ce seuil pouvait, selon lui, être modulé par catégorie de collectivités territoriales.

Au vu des différentes interventions, M. Jean Arthuis, président , a considéré que la commission ne pouvait pas encore se prononcer sur le projet de loi organique. Il a exprimé ses réserves quant à la référence éventuelle à un seuil chiffré de ressources propres, craignant qu'il n'en découle une rigidité excessive. Il a estimé que l'objectif poursuivi lors du vote de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui était de permettre aux collectivités territoriales d'être essentiellement financées par des impôts dont elles pourraient moduler le taux, était difficilement réalisable, compte tenu du faible nombre d'impôts susceptibles de leur être transférés. Il s'est interrogé sur la possibilité d'améliorer, de manière significative, le projet de loi organique, et a jugé que la commission devrait donc veiller à adopter des positions identiques à celles de la commission des lois.

La commission a alors décidé de reprendre l'examen du projet de loi organique lors de sa réunion de l'après-midi.

La commission a ensuite repris l'examen du projet de loi organique n° 314 (2003-2004), pris en application de l'article 72-2 de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a indiqué que la commission des lois, réunie le matin même, avait adopté plusieurs amendements identiques à ceux qu'il avait lui-même alors proposés à la commission, tendant notamment à prévoir respectivement que les ressources propres étaient constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, et que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales ne pourrait descendre en dessous de 33 %.

MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général , ont alors estimé que, dans un souci d'efficacité, la commission devait donc adopter une position identique à celle de la commission des lois.

M. François Marc a indiqué que, s'il était favorable à l'amendement définissant les ressources propres, il était défavorable à celui relatif au seuil de 33 %.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.

A l'article premier (définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales), la commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle.

A l'article 2 (définition de la notion de ressources propres), la commission a adopté à l'unanimité un amendement prévoyant que les ressources propres étaient constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi autorisait les collectivités territoriales à fixer l'assiette, le taux ou le tarif.

A l'article 3 (définition des notions d'« ensemble des ressources » et de « part déterminante »), la commission, après les interventions de MM. Paul Girod et Yves Fréville , a adopté deux amendements, le premier tendant à exclure les flux financiers entre collectivités territoriales ou entre communes et établissements publics de coopération intercommunale au titre d'un transfert expérimental ou d'une délégation de compétences du dénominateur du ratio d'autonomie financière des différentes catégories de collectivités territoriales, et le second ayant pour objet de prévoir que la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales, définie à l'article 2, ne pourrait descendre en dessous de 33 %.

A l'article 4 (mécanisme de mise en oeuvre de la garantie), la commission a adopté trois amendements, le premier ayant pour objet d'avancer du 1 er septembre au 1 er juin de la deuxième année suivant l'année de référence le délai de remise du rapport du gouvernement au Parlement présentant le taux d'autonomie financière des collectivités territoriales, le deuxième prévoyant que le rapport du gouvernement au Parlement devait présenter les parts des ressources propres dans l'ensemble des ressources des différentes catégories de collectivités territoriales, ainsi que ses modalités de calcul et son évolution, le troisième étant rédactionnel.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis , a rappelé qu'à l'exception de ce dernier amendement de nature rédactionnelle, tous les amendements qui venaient d'être adoptés par la commission des finances étaient identiques à ceux adoptés le matin même par la commission des lois.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi organique ainsi amendé.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ARTICLE PREMIER

Compléter in fine le dernier alinéa de cet article par les mots :

de la Constitution

ARTICLE 2

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées

par les mots :

sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif,

ARTICLE 3

Modifier comme suit le premier alinéa et la première phrase du deuxième alinéa de cet article :

1° Remplacer (deux fois)  les mots :

par l'Etat des

par le mot :

de

2° Supprimer (deux fois) les mots :

de l'Etat

ARTICLE 3

A la fin du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

au niveau constaté au titre de l'année 2003

par les mots :

à 33 %

ARTICLE 4

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer la date :

1 er septembre

par la date :

1 er juin

ARTICLE 4

Après le mot :

collectivités

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

territoriales, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources ainsi que ses modalités de calcul et son évolution.

ARTICLE 4

Au second alinéa de cet article, remplacer les mots :

par la loi de finances

par les mots :

par une loi de finances

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