III. CRÉER LES AUTOROUTES DE LA MER
D'après le rapport précité de la DATAR, le transport maritime international est responsable de 2 % des émissions de CO 2 mondiales, contre 17 % pour la route. Sur une même liaison européenne, l'option intermodale basée sur la navigation à courte distance est 2,5 fois moins polluante en terme d'émissions de CO 2 que l'option routière. En outre, d'après la Commission européenne, ce mode de transport est le seul capable de suivre le rythme de croissance du transport routier : en 2001, la part du transport maritime à courte distance a représenté 40 % du trafic total en Europe contre 45 % pour la route.
La volonté de trouver une alternative au développement du transport routier a conduit le Gouvernement à prendre des mesures en faveur du cabotage et à encourager la création d'autoroutes de la mer.
En premier lieu, la France participe au financement du Bureau promotion du « short sea », organisme chargé de promouvoir le cabotage maritime.
En second lieu, le décret du 7 janvier 2004 et l'arrêté du 26 février 2004 ont permis l'extension de la dérogation relative au poids total roulant autorisée des plates-formes fer-route et fluvio-route aux opérations de transport combiné ports maritimes-routes.
En troisième lieu, en juillet 2004, un nouveau plan Douanes/Ports a été élaboré, et comprend des actions à mener en matière de dématérialisation et de simplification des procédures.
Enfin, conformément à l'autorisation donnée par la Commission européenne en 2002, le dispositif d'aide au démarrage de nouvelles lignes de cabotage maritime a été mis en place , afin d'apporter aux projets un soutien financier dégressif à hauteur de 30 % maximum des dépenses engagées sur trois ans. Sur les cinq dossiers déposés en 2003, trois ont reçu un avis favorable mais un seul est en cours de finalisation. Un nouveau projet a été déposé en 2004. Les crédits pour 2004 s'élèvent à 2 millions d'euros. En outre, d'autres outils européens peuvent permettre la promotion des autoroutes de la mer, comme les réseaux de promotion coordonnés au niveau européen, les possibilités de cofinancement par le programme Marco Polo ou par le budget du réseau transeuropéen de transport.
Le Comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire du 18 décembre 2003 avait retenu le principe de la création de deux autoroutes de la mer. Celui du 16 février 2004 a précisé les modalités de développement des projets et a souligné la nécessité d'accords franco-espagnol et franco-italien en vue de la finalisation d'un projet commun. Ces lignes devraient être financées dans le cadre de la future Agence de financement des infrastructures de transport à hauteur, d'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, de 200 millions d'euros sur 2006-2009.
En outre, des études sur la faisabilité économique, commerciale et juridique des lignes sont ou vont être lancées :
- l'étude sur la faisabilité d'une ligne maritime d'intérêt général entre un port de la façade atlantique française et un port du Nord de l'Espagne a été remise fin juin 2004 au ministre chargé des transports. Cette étude a permis de mettre en lumière un certain nombre de conditions nécessaires à la mise en oeuvre d'une autoroute de la mer ;
- une étude va être lancée afin d'identifier les lignes d'autoroutes de la mer pertinentes sur l'ensemble des façades maritimes françaises ;
- une autre étude, inscrite dans le cadre de la commission intergouvernementale franco-italienne, portera sur le potentiel de marché transférable de la route vers les autoroutes maritimes dans le Sud de l'Europe ;
- une étude sur l'analyse détaillée des montages juridiques et financiers possibles et sur l'élaboration du dossier de consultation des entreprises sera menée en vue du lancement d'appels à projets d'intérêt commun d'autoroutes de la mer sur les façades atlantique et méditerranéenne en lien avec les pays partenaires concernés.
S'agissant de l'Atlantique, le lancement des procédures d'appel d'offres est prévu pour 2005 pour le démarrage d'un projet d'intérêt commun avec l'Espagne en 2006. Le projet commun avec l'Italie et l'Espagne en Méditerranée démarrerait quant à lui en 2007.
Si les intentions apparaissent donc a priori claires, et le calendrier fixé, force est de constater la lenteur du démarrage des « autoroutes de la mer » . Celui-ci se heurte en effet à plusieurs obstacles, dont certains ont été identifiés par la Commission européenne dans sa communication du 2 juillet 2004 ; d'après ce texte, le cabotage n'est pas encore pleinement intégré dans la chaîne d'approvisionnement de porte à porte, il est soumis à des procédures administratives complexes, et requiert un degré élevé d'efficacité des ports.
Sont également à prendre en compte l'existence d'un hinterland commercial et technique, les coûts de passage portuaire, le manque de fréquence et de régularité et le fort attachement à la route.
Il convient donc de faire face à ce constat. Tout d'abord, il est clair que l'Etat doit intervenir fortement, en apportant notamment une garantie dans la durée , afin que les différents acteurs, chargeurs, armateurs, transporteurs, prennent le risque d'investir dans les projets.
En outre, conformément aux préconisations de la Commission, il apparaît nécessaire de créer des « guichets uniques » qui regrouperaient tous les acteurs de la chaîne logistique (chargeurs, armateurs, transporteurs routiers, ferroviaires, fluviaux) et pourraient proposer aux clients la gestion de l'intégralité des opérations.
Enfin, la modernisations des ports, et l'amélioration de leur desserte, notamment ferroviaire, est une condition sine qua non de la réussite de ces lignes. On relèvera ainsi que le coût de l'acheminement terrestre d'un conteneur peut, sur des distances de cinq cents kilomètres, représenter cinq à six fois celui de son passage portuaire. C'est pourquoi les ports qui n'arriveront pas à se doter de services performants sont condamnés à devenir des ports secondaires dans l'acheminement des conteneurs. Il convient de relever en outre que l'ouverture aux entreprises ferroviaires européennes constitue un enjeu très important pour les grands ports français qui ne disposent pas comme leurs concurrents d'un réseau fluvial de dimension européenne.
L'effort d'investissement de l'Etat dans la poursuite d'opérations favorisant la desserte ferroviaire des ports et les grands itinéraires de fret (nord-est de l'Ile-de-France-Monteville-Montérolier-Buchy et Longueau-Nesle, desserte du port du Havre) se poursuivra en 2005.
La desserte ferroviaire de Port 2000 au Havre, dont le financement a été bouclé en juin 2004, sous maîtrise d'ouvrage Réseau Ferré de France (RFF), prend en compte la nécessité d'optimiser la desserte ferroviaire des futurs terminaux.
Le port autonome de Marseille a lancé, en partenariat avec RFF et SNCF, l'étude d'un schéma directeur ferroviaire à Fos (optimisation de l'exploitation des infrastructures existantes et définition d'infrastructures nouvelles à mettre en place avant saturation). Les enjeux ferroviaires, liés au projet Fos 2XL de nouveaux terminaux à conteneurs, sont importants puisque la part modale du ferroviaire doit atteindre 30 % en 2015, contre 14 % en 2003.
Plus généralement, des aménagements des voies ferrées des ports seront indispensables pour faire évoluer l'organisation des voies de quais au fur et à mesure des mutations des ports. Dans ce contexte, l'ordonnance prévue par l'article 31 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales doit procéder à l'actualisation des dispositions relatives aux voies ferrées portuaires. Le traitement de ce dossier doit être l'occasion de réorganiser la gestion de ces liaisons terminales, qui ont un rôle stratégique dans la qualité et l'économie de la desserte ferroviaire des ports.
*
* *
Réunie le mercredi 1 er décembre 2004, la commission des affaires économiques a, suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la mer dans le projet de loi de finances pour 2005.