2. Une redistribution des crédits entre les ministères
Cette redistribution préfigure la nouvelle présentation des crédits consacrés aux départements et régions d'outre-mer, tel qu'elle résulte de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.
Les crédits du ministère de l'outre-mer, du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, ainsi que du ministère de la justice constituent 40,94 % des crédits de paiement et 49,95 % des autorisations de programme répartis entre les quatre départements et régions d'outre-mer .
a) Une augmentation des crédits du ministère de l'outre-mer plus apparente que réelle
Le montant des crédits répartis comme non répartis entre les différents départements d'outre-mer dans le budget du ministère de l'outre-mer s'élève à 1,38 milliard d'euros. Ces sommes représentent 73,5 % des crédits du ministère de l'outre-mer pour l'ensemble des collectivités situées outre-mer.
En comparaison avec les dotations ayant le même objet, intervenues en 2004, l'effort paraît considérable, puisque ces dotations s'élevaient à 809,53 millions d'euros, en augmentation de 70,40 %. Toutefois, il doit être relativisé en raison d'une politique de redéploiement des crédits entre ministères.
Le projet de loi de finances procède en effet, en particulier, au transfert des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer. Ces mesures, issues de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, étaient auparavant inscrites sur les crédits du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Le Gouvernement a souhaité que ces crédits soient désormais pris en charge directement par le ministère de l'outre-mer. En conséquence, les crédits de certains ministères en faveur de l'outre-mer connaissent une baisse majeure, compensée par la reprise de ces crédits au sein du ministère de l'outre-mer. Ainsi, par rapport aux dotations pour 2004, les crédits du ministère des affaires sociales consacrés au volet « travail » pour les départements d'outre-mer (y compris les crédits non répartis entre ces collectivités) sont passés de 832,56 millions à 15,75 millions d'euros, soit une baisse de 98,10 %. Ils ont cependant conduit à une hausse corrélative des crédits du ministère de l'outre-mer.
Les sommes inscrites au budget de l'outre-mer sont, comme l'an passé, pour l'essentiel affectées à deux objectifs prioritaires : le renforcement des mesures traditionnelles en faveur de l'emploi, du logement social et du soutien aux collectivités territoriales ; et la poursuite de la mise en oeuvre des dispositions de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer.
? Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2005 au profit du ministère de l'outre-mer permettront de maintenir l'effort particulier fait en 2004 en faveur de l'emploi et du logement.
? 67 % des crédits du ministère sont attribués aux missions de l'emploi et de l'insertion professionnelle.
La situation de l'emploi a connu incontestablement une amélioration lors du précédent exercice budgétaire. Ainsi, à la fin du mois de juillet 2004, le chômage a diminué de 5,6 % par rapport à l'année précédente -alors qu'il s'accroissait de 2 % en métropole-, le chômage de longue durée baissant en particulier de 13,5 %.
Toutefois, ces bons résultats doivent s'inscrire dans la durée . Il convient en effet de rappeler que le taux de chômage moyen dans les quatre départements d'outre-mer s'élève toujours à 23 % de la population active alors qu'il atteint 9,1 % en métropole. Aussi le projet de budget du ministère de l'outre-mer prévoit-il de consacrer 1,15 milliard d'euros à la politique de l'emploi et de l'insertion sociale .
Ces crédits permettront de renforcer les mesures et actions de formation exercées dans le cadre du service militaire adapté (SMA) qui constitue un dispositif de formation et d'insertion à la vie professionnelle des jeunes ultramarins dont l'efficacité n'est plus à démontrer.
Toutefois, on peut noter que les moyens du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM), dont bénéficient également les collectivités d'outre-mer de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, sont en diminution et s'établissent à 324,14 millions d'euros. Cette baisse des crédits est en partie compensée par la reprise de 41 millions d'euros qui figuraient auparavant au budget du fonds par le nouvel article regroupant l'ensemble des mesures d'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les départements et régions d'outre-mer. En dépit de cette restriction, il conviendra de maintenir l'effort nécessaire de soutien à l'emploi en outre-mer.
Enfin, 719 millions d'euros sont alloués cette année dans le cadre d'une ligne budgétaire nouvelle (article 51 du chapitre 44-03) à la compensation de l'exonération des cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, dépenses jusqu'alors prises en charge par les crédits du ministère du travail.
? Le précédent budget avait eu pour objectif d'encourager la construction de logements sociaux et de poursuivre la résorption de l'habitat insalubre . Cet effort est poursuivi, puisque 10 % des crédits du ministère sont consacrés à cet objectif.
Les conditions de logement dans les départements d'outre-mer sont tout à fait spécifiques et accusent un retard souvent considérable par rapport à la métropole, comme l'a récemment rappelé le Conseil économique et social dans le rapport établi par Mme Marie-Claude Tjibaou au nom de sa section du cadre de vie. 3 ( * ) Dans cette perspective, le présent projet de loi de finances prévoit d'augmenter les crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) retraçant les dotations de l'Etat en faveur du logement outre-mer. 270 millions d'euros en crédits de paiements y sont affectés, en augmentation de 5,3 % par rapport au précédent projet de budget. Les autorisations de programme s'établissent à un niveau identique à l'an passé, à 173 millions d'euros.
Cette mesure devrait permettre de conforter les politiques de construction de logements dans les départements d'outre-mer, d'accession à la propriété et de participation à l'aménagement des quartiers (PAQ), et conduira à l'édification de 1.000 logements supplémentaires en 2005. Interrogé par votre rapporteur pour avis lors de son audition par votre commission, le ministre de l'outre-mer a précisé que la construction de petites unités de logements sociaux serait privilégiée, contrairement à la politique qui avait pu être suivie dans les années 1970.
? Les crédits destinés à assurer la continuité territoriale dans les départements et régions d'outre-mer sont renforcés.
Pour limiter les effets de l'éloignement géographique par rapport à la métropole, le précédent projet de loi de finances avait prévu une dotation de continuité territoriale ainsi qu'une dotation financière destinée à faciliter la mobilité des jeunes ultramarins vers la métropole dans le cadre de leurs études ou de leur formation professionnelle (« passeport-mobilité »).
Ainsi, en 2003, le dispositif du « passeport-mobilité » a bénéficié à 8.170 personnes, pour un coût de 5,4 millions d'euros. La dotation de continuité territoriale a représenté 21,04 millions d'euros alloués aux départements et régions d'outre-mer en 2004, principalement au profit de La Réunion et de la Guadeloupe, en fonction de critères de population et d'éloignement par rapport à la métropole.
Ces deux dispositifs sont reconduits dans le présent projet de loi de finances, qui maintient, pour l'ensemble de l'outre-mer, 11 millions d'euros de dotation au profit du financement du « passeport-mobilité » et 30,98 millions d'euros au titre de la dotation de continuité territoriale qui s'accroît ainsi de 3,3 % par rapport à l'année précédente.
? L'effort en faveur des collectivités territoriales est également maintenu.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, les subventions obligatoires en faveur des collectivités territoriales de l'outre-mer connaissent un niveau identique à celui prévu pour 2004, avec une dotation de 4,40 millions d'euros. Les actions de coopération régionale voient leur financement assuré à hauteur de 3,61 millions d'euros de crédits de paiement et de 4,25 millions d'euros en autorisations de programme. En revanche, les crédits consacrés au FIDOM subissent une diminution par rapport au montant défini en loi de finances initiale pour 2004. Ainsi, les crédits prévus par l'article 10 du chapitre 68-01 s'élèvent, pour 2005, à 15,17 millions d'euros en crédits de paiement mais se maintiennent à 34,30 millions d'euros en autorisations de paiement.
? Les actions en faveur des personnes les plus démunies sont également poursuivies : 35 millions d'euros sont consacrés dans le budget 2005 à renforcer l'accès aux soins des plus démunis, par un rehaussement du plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle.
? Enfin, les mesures de défiscalisation prévues par la loi de programme pour l'outre-mer devraient prendre leur plein essor en 2005. S'élevant à 1,698 milliard d'euros en 2003, le montant de la dépense fiscale dans les départements d'outre-mer devrait s'élever, dans les années suivantes, à environ 2 milliards d'euros. 59,2 % de cette somme résulte de l'application de taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée dans ces collectivités.
Ces mesures devraient être de nature à encourager le développement touristique dans les départements d'outre-mer, le ministre ayant souligné, lors de son audition par votre commission, que les opérations de réhabilitation d'installations touristiques bénéficieraient des dispositifs de défiscalisation jusqu'alors réservés aux constructions d'infrastructures nouvelles.
b) Une légère augmentation des crédits du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales
Le projet de loi de finances pour 2005 marque une augmentation de l'action budgétaire du ministère de l'Intérieur en faveur des départements d'outre-mer. En dépenses ordinaires et crédits de paiements, si l'on prend en compte tant les crédits répartis entre les quatre départements et régions d'outre-mer que les crédits non répartis, la part des crédits passe de 1,56 milliard d'euros à 1,63 milliard d'euros, en hausse de près de 4,79 % par rapport aux dotations de 2004.
Cette augmentation doit cependant être relativisée . En effet, la hausse de 74,77 millions d'euros intervenue cette année s'explique , en partie, par le transfert de 37,7 millions de crédits initialement dévolus au ministère de l'outre-mer vers le ministère de l'intérieur afin de globaliser les crédits des préfectures de Guyane, de Guadeloupe et de La Réunion. Dans ces conditions, la hausse des crédits de paiements doit être ramenée à environ +2,4 %.
Alors que le montant des dépenses réparties est quasiment stable en Guyane et en baisse à La Réunion et en Martinique, le montant des dépenses accordées pour la Guadeloupe augmente dans des proportions considérables : +76,64 %. La baisse des autorisations de programme est, en revanche, très importante, puisqu'elle atteint -46,31 %, passant de 324,61 millions à 174,27 millions d'euros.
Ce cadre budgétaire amélioré permettra au ministère de l'intérieur d'assurer ses missions traditionnelles dans les départements et régions d'outre-mer dans des conditions encore meilleures que celles de 2004.
Ainsi, le budget du ministère continuera d'abonder les comptes des collectivités territoriales (départements, régions et autres collectivités) au moyen des dotations générales de fonctionnement (DGF) et d'équipement (DGE). Dans le cadre du présent projet de loi, les indices prévisionnels d'évolution sont de 3,29 % pour la DGF et de 3 % pour la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques.
De même, les actions de maintien de la sécurité publique dans les différents départements d'outre-mer, à commencer par la Guyane et la Guadeloupe, trouveront dans ces crédits les moyens de leur permanence.
c) La stabilisation des crédits du ministère de la justice
Par rapport aux dotations pour l'année 2004, les crédits du ministère de la justice consacrés aux départements d'outre-mer sont stables , tant en dépenses ordinaires et crédits de paiements qu'en autorisations de programme. Les dépenses ordinaires augmentent ainsi de +0,76 %, à 133,38 millions d'euros, tandis que les autorisations de programme progressent de +0,20 %, à 17,82 millions d'euros.
Ce budget devrait permettre de poursuivre l'action de modernisation des équipements du ministère de la justice , déjà engagée depuis deux exercices. Ainsi, le patrimoine immobilier du ministère, comprenant tant les établissements pénitentiaires que les locaux accueillant les juridictions, devrait bénéficier de 18 millions d'euros en autorisations de programme et de 3 millions d'euros en crédits de paiement. De même, des actions de modernisation du parc informatique des tribunaux administratifs des départements d'outre-mer seront engagées. Un effort particulier doit en effet être effectué dans ce domaine, les conditions de travail dans les juridictions et les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires étant préoccupants.
Des ouvertures de postes d'éducateurs en maisons d'arrêts en Martinique et en Guyane devraient également être financées sur ces crédits, poursuivant l'action déjà engagée en ce domaine en Guadeloupe et à La Réunion en 2004.
Enfin, dans les départements d'outre-mer, les crédits consacrés à l'aide juridique sont en notable progression dans le projet de budget, s'élevant à 6,7 millions d'euros, en augmentation de +7 % par rapport à 2004. Cette augmentation permettra de financer les nouvelles mesures d'amélioration de l'accès au droit et à la justice des citoyens, telles qu'elles résultent de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.
* 3 Le logement dans l'outre-mer français, juin 2004.