EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 1 er juin 2005 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du projet de loi n° 297 (2004-2005), en faveur des petites et moyennes entreprises, sur le rapport pour avis de M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis .
A titre liminaire, M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , a indiqué que le projet de loi intervenait moins de deux années après la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil », étape importante en faveur de la création d'entreprises, du financement des PME et de la transmission de celles-ci.
Il a rappelé que la « loi Dutreil » connaissait un certain succès puisque depuis 2003, la création d'entreprise s'était accrue, avec plus de 220.000 entreprises nouvelles en 2004, contre 175.000 en moyenne à la fin des années 1990.
Cependant, il a souligné que si le projet de loi s'inscrivait dans la continuité de la « loi Dutreil », il affichait un objectif plus clair de pérennisation du tissu des PME.
Après avoir présenté les différents titres du projet de loi et leurs principales dispositions, il a indiqué que la commission des finances s'était saisie uniquement des mesures constituant le « coeur du métier de la commission », à savoir les mesures fiscales et les mesures destinées à améliorer le financement des PME :
- l' article 5 visant à prolonger, du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2010, la franchise de droits de mutation, jusqu'à 30.000 euros, pour les dons familiaux destinés à financer une opération de création ou de reprise d'entreprise ;
- l' article 6 tendant à la suppression du taux d'usure s'agissant des prêts aux entrepreneurs individuels ;
- l' article 8 introduisant une provision pour investissement s'agissant des entreprises individuelles de moins de trois ans ;
- l' article 22 tendant, d'une part, à augmenter l'abattement sur les droits de mutation à titre gratuit, de 50 % à 75 %, sur les parts de société, cotées ou non cotées, faisant l'objet d'un engagement collectif de conservation, et d'autre part, à étendre le dispositif, dit « Gattaz-Migaud », aux donations d'entreprises avec réserve d'usufruit ;
- l' article 47 prévoyant une exonération de taxe sur les salaires des centres de formation des apprentis relevant des chambres consulaires.
Sur l'ensemble de ces articles, M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , a souhaité faire deux observations générales.
Il a tout d'abord exposé l'impact des mesures fiscales du présent projet de loi sur le budget de l'Etat, en rappelant que la commission avait exprimé, au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, de fortes réticences quant à l'intervention de mesures fiscales dans des projets de loi simples en-dehors du cadre de la discussion budgétaire.
Il a expliqué, qu'après avoir étudié le chiffrage et la méthode de calcul des mesures fiscales contenues dans le présent projet de loi, aucune mesure n'aurait d'impact sur le budget 2005. Néanmoins, il a ajouté que « le paquet fiscal » contenu dans le projet de loi serait de l'ordre de 200 millions d'euros à compter de l'année 2006.
Il a détaillé ce chiffre en expliquant que l'article 8, mettant en oeuvre une provision pour investissement en faveur des entreprises individuelles de moins de 3 ans aurait un impact budgétaire de 111 millions d'euros en 2006, de 120 millions d'euros en 2007 et de 123 millions d'euros en 2008, ces chiffres s'inscrivant, toutefois, dans une « fourchette haute » compte tenu des hypothèses de calcul retenues.
Il a souligné que l'article 8 s'apparentait à un mouvement de trésorerie entre l'Etat et les entreprises, puisque conformément aux modalités prévues de réintégration de la provision dans les bénéfices des entreprises, l'Etat récupérerait les recettes perdues au cours des années précédentes.
Il a ensuite observé que l'article 47, exonérant de taxe sur les salaires les centres de formation des apprentis relevant des chambres consulaires, aurait un coût budgétaire annuel de 75 millions d'euros à compter de 2006.
S'agissant de l'impact de la franchise de droits pour les dons familiaux investis dans la création d'entreprise, il a souligné la difficulté à évaluer cette mesure dont le coût annuel pouvait être estimé à 4 millions d'euros. Enfin, il a fait part de l'impossibilité pour l'administration de chiffrer le coût de l'article 22 relatif aux engagements collectifs de conservation.
M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , s'est ensuite interrogé sur l'absence de culture d'évaluation s'agissant de l'impact des dispositifs fiscaux.
Après avoir remarqué que les dispositifs se sédimentaient pour certains au fil des années sans que leur « performance » ne puisse être examinée, il a pris l'exemple de l'article 22 du projet de loi relatif à l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit des titres détenus dans le cadre d'un engagement collectif de conservation.
Il a souligné que ce dispositif existait depuis 2000 pour les droits de succession et depuis 2003 pour les donations, mais que nul ne savait combien d'engagements avaient été conclus par les contribuables, faute de recensement informatique de ceux-ci. Il a ajouté qu'étaient tout aussi inconnus le nombre d'entreprises concernées, le volume global de capitaux concernés, le coût de la mesure pour le budget de l'Etat, et de ce fait l'échec ou la réussite du dispositif.
Il a déploré cette situation dans la mesure où le législateur « naviguait à vue », faute d'indicateurs fiables, et se trouvait dans l'impossibilité de proposer des modifications adéquates.
Suite à ces observations, M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , a présenté le contenu des amendements qu'il entendait soumettre pour approbation à la commission. Il a précisé que, compte tenu de l'impact que cela aurait eu pour le budget de l'Etat, il avait cru opportun de ne pas proposer d'amendements visant à une réforme des plus-values professionnelles, pourtant souhaitable, considérant que celle-ci avait véritablement sa place en loi de finances.
A l' article 5 , il a proposé deux amendements, visant à permettre, d'une part, que les dons familiaux effectués en franchise de droits puissent être effectués en nature, par apport de biens nécessaires à l'activité de l'entreprise, et d'autre part que ces dons puissent être utilisés pour acquérir des titres de sociétés, dans le cadre d'un projet de reprise.
A l' article 6 , il a présenté un amendement visant à tenir compte des inquiétudes qui s'exprimaient sur la suppression de la notion de taux d'usure pour les prêts aux entrepreneurs individuels. Précisant que la disposition partait d'une bonne intention de la part du gouvernement et visait à faire en sorte que le crédit ne soit pas rationné, même lorsque l'entrepreneur présentait un profil de risque important pour les banques, il a souhaité qu'une évaluation soit faite afin de savoir si la mesure ne conduisait pas à des cas difficiles de surendettement.
A l' article 8 , il a présenté trois amendements, dont deux communs avec la commission des affaires économiques, en expliquant qu'ils visaient à inclure d'une part dans le dispositif les EURL relevant de l'impôt sur le revenu, à étendre d'autre part le dispositif aux entreprises de moins de cinq ans, contre trois ans dans le texte proposé par le gouvernement, et enfin à prévoir, conformément à l'exposé des motifs, que la mesure concernât aussi bien les entreprises créées que reprises.
Enfin, il a présenté un amendement portant article additionnel après l'article 22 visant à améliorer le dispositif de « rescrit valeur » existant pour les personnes souhaitant transmettre leur entreprise par donation. Il a expliqué que le dispositif réglementaire actuel permettait à un chef d'entreprise de consulter l'administration fiscale sur la valeur vénale de l'entreprise qu'il prévoyait de donner mais que ce dispositif était trop peu utilisé. Dans cette perspective, il a souhaité donner une base légale à la procédure, ramener le délai de réponse de l'administration de neuf mois à six mois et considérer l'absence de réponse de l'administration comme un consentement à la détermination de la valeur vénale proposée par le donateur.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président , après avoir remercié le rapporteur pour avis, s'est félicité de ce que le nombre de mesures fiscales soit restreint, répétant son attachement à ce que celles-ci soient présentées, prioritairement, en loi de finances.
Après avoir relevé l'intérêt de certaines dispositions telles que celles en faveur de la transmission des entreprises, et remercié le rapporteur pour avis pour les indications chiffrées qu'il avait pu fournir, Mme Nicole Bricq a estimé que les mesures contenues dans le projet ne répondaient pas à l'objectif général du texte. Elle a regretté que la mobilisation de l'épargne en faveur des entreprises ne soit pas davantage développée par le projet de loi, alors même qu'il s'agissait d'une priorité. Elle a également déploré l'absence de dispositions concernant les entreprises innovantes ou les relations entreprises/collectivités territoriales.
En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'inquiétait du silence du texte s'agissant du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , a indiqué qu'une enquête avait été demandée au printemps 2005 à la Cour des comptes à ce sujet, au titre de l'article 58-2 de la LOLF, dont la commission serait destinataire en 2006.
En réponse à M. Aymeri de Montesquiou qui souhaitait avoir des précisions sur le nombre de créations annuelles d'entreprises, M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , a précisé que six entreprises reprises sur dix survivaient au-delà de la cinquième année, contre une entreprise nouvelle sur deux.
M. Aymeri de Montesquiou s'est ensuite interrogé sur la situation des artisans face au salariat avant d'évoquer les difficultés des PME à embaucher.
M. Henri de Raincourt s'est félicité de la présence de dispositions concernant la transmission d'entreprises, mais s'est en revanche inquiété des conséquences des dispositions de l'article 31 révisant le seuil de reventes à pertes.
Après avoir rappelé que cet article n'entrait pas dans le champ de saisine de la commission, M. Jean Arthuis, président, a souligné l'importance des questions touchant au droit de la concurrence.
A M. Adrien Gouteyron qui s'interrogeait sur l'absence de saisine de la commission s'agissant du titre VII relatif aux chambres de commerce et d'industrie, MM. Jean Arthuis, président , et Auguste Cazalet, rapporteur pour avis , ont répondu que les dispositions du titre VII s'inscrivaient dans la continuité des dispositions financières votées lors de la loi de finances rectificative pour 2004.
La commission a, ensuite, procédé à l'examen des amendements présentés par M. Auguste Cazalet, rapporteur pour avis.
Après l'intervention de M. Serge Dassault, la commission a adopté, à l'article 5, les deux amendements relatifs aux dons familiaux effectués en franchise de droits, qui avaient été précédemment exposés.
Après les interventions de Mme Nicole Bricq et de M. Jean Arthuis , président, la commission a adopté, à l'article 6, un amendement relatif à la suppression du taux d'usure s'agissant des prêts aux entrepreneurs individuels.
Après les interventions de MM. Serge Dassault et Jean Arthuis , président , la commission a adopté, à l'unanimité, à l'article 8, trois amendements relatifs à la provision pour investissement en faveur des entreprises individuelles de moins de trois ans.
Après les interventions de MM. Serge Dassault et Jean Arthuis , président , la commission a enfin adopté, à l'unanimité, un amendement portant article additionnel après l'article 22 relatif à l'amélioration du dispositif dit de « rescrit de valeur ».
A l'issue de cet examen, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi amendé.