TITRE VI
MODERNISATION DES RELATIONS COMMERCIALES

Article 29
(art. L 470-4-1 nouveau du code de commerce)
Attribution du pouvoir de transaction pénale
au chef du service d'enquête pour les délits
prévus au titre IV du livre IV

Cet article tend à conférer au chef du service d'enquête, au sein de la direction générale de la concurrence, de la consommation et des fraudes (DGCCRF), un pouvoir de transaction pénale pour les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce 63 ( * ) .

Dans notre droit, le ministère public, représentant la société et ses intérêts généraux exerce l'action publique sans en disposer. Il n'a donc pas, en principe, la faculté de transiger avec l'auteur des faits incriminés pour lui éviter les poursuites. Cette règle connaît cependant certaines exceptions -outre la composition pénale dont il sera question à l'article suivant- la transaction pénale est également admise. En effet, aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique peut « s'éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ». Ainsi, la transaction pénale est possible dans certains contentieux spécifiques 64 ( * ) .

Dans ces différentes hypothèses prévues par la loi, l'administration a le droit d'abandonner les poursuites en contrepartie, d'une part, de la reconnaissance de l'infraction par l'intéressé et, d'autre part, du versement d'une somme d'argent au profit du Trésor public ou de l'accomplissement d'une prestation déterminée.

La jurisprudence a permis de préciser les effets de la transaction. Ainsi, dans la mesure où la transaction vaut reconnaissance de l'infraction, l'éventuelle action de la partie civile est recevable 65 ( * ) .

En outre, si la transaction est intervenue avec une personne morale, elle met également fin aux poursuites exercées contre le préposé.

Le règlement transactionnel du délit présente un triple avantage. En premier lieu, il permet d'apporter une solution définitive au conflit pénal dans un délai rapide . Ensuite, le versement d'une somme d'argent, qui constitue, le plus souvent, la condition de la transaction représente à la fois une sanction dissuasive pour l'auteur des faits et plus efficace que certaines amendes pénales dont le taux de recouvrement demeure traditionnellement faible. Enfin, certaines infractions dont la gravité reste limitée ne justifient pas toujours la publicité de l'audience correctionnelle : la transaction peut alors constituer une réponse appropriée.

Cette procédure semble bien adaptée au traitement de certaines infractions économiques même si la commission présidée par M. Guy Canivet ne l'avait pas envisagée expressément. Le nouvel article L. 470-4-1 que le présent projet de loi tend à insérer dans le code de commerce ouvrirait une telle possibilité.

Le pouvoir de transaction serait confié au « chef du service d'enquête compétent ». D'après les informations fournies par le Gouvernement, le chef du service d'enquête ne saurait être l'enquêteur qui a constaté l'infraction. Il pourrait s'agir du directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Cependant, pour certaines affaires d'importance, cette responsabilité pourrait également incomber au directeur général ou à ses adjoints -qu'il ne semble pas possible d'assimiler à un chef de services d'enquête. Ainsi, afin de ménager la souplesse nécessaire et par analogie avec les dispositions du code forestier (art. L. 153-1), du code de l'aviation civile (art. L. 150-16-1) et du code de l'environnement (art. L. 437-14), il semblerait préférable de viser l'« autorité administrative » chargée des prix et de la concurrence .

Votre commission vous propose un amendement dans ce sens.

Par ailleurs, aux termes du premier alinéa du nouvel article L. 470-4-1 du code de commerce, la transaction ne pourrait être engagée par le service d'enquête qu'avec l' accord du parquet. Tel est du reste le cas pour les infractions au code forestier, au code de l'aviation civile et au code de l'environnement 66 ( * ) .

Le ministère public exercerait donc un contrôle effectif sur le pouvoir de transaction de l'administration.

En outre, la proposition de transaction, elle-même, devrait recueillir l'accord du parquet. Le deuxième alinéa du nouvel article L. 470-4-1 prévoit que l'acte par lequel le procureur donne son accord interrompt la prescription de l'action publique.

En effet, la transaction ne présente pas le caractère d'un jugement exécutoire : si l'auteur de l'infraction se dérobe aux termes de la transaction, il ne peut être contraint de les exécuter. Les poursuites doivent donc pouvoir reprendre par une citation devant le tribunal par exemple.

Or, selon l'article 7 du code de procédure pénale, le délai de prescription ne peut être interrompu que par un « acte d'instruction ou de poursuite ». Sans doute, la Cour de cassation, par un arrêt du 10 décembre 1984, a reconnu à l'accord du parquet à la proposition de transaction des effets identiques à ceux d'un acte de poursuite au regard de l'interruption de la prescription. Il apparaît cependant utile, comme le prévoit le texte du projet de loi, de consacrer cette jurisprudence dans la loi 67 ( * ) .

Enfin, selon le troisième alinéa du nouvel article L. 470-4-1 du code de commerce, l'action publique serait éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exercé « dans le délai imparti les obligations » assignées par la transaction. Cette précision est nécessaire : en effet, en vertu de l'article 6, troisième alinéa, du code de procédure pénale, l'action publique peut s'éteindre à condition que la loi le prévoit expressément.

Une transaction pénale pourrait-elle être envisagée alors même que des poursuites auraient déjà été engagées ? Dans cette hypothèse, le parquet devrait refuser de donner son accord à une transaction, soit qu'il ait lui-même engagé des poursuites (par citation devant une juridiction répressive ou par saisine d'un juge d'instruction), soit que l'action publique ait été déclenchée par une victime (citation directe devant le tribunal ou plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction). En effet, le principe de séparation des autorités de jugement et de poursuites implique que l'autorité de poursuite ne peut mettre fin à une procédure dont l'autorité de jugement est saisie sans l'accord de celle-ci. Cependant, afin d'éviter toute atteinte potentielle à ce principe, votre commission vous soumet un amendement précisant que la transaction peut être proposée tant que l'action publique n'a pas été engagée .

La composition pénale est d'ailleurs soumise à une disposition comparable (art. 41-2 du code de procédure pénale).

Votre commission vous propose de donner un avis favorable à l'article 29 ainsi modifié.

Articles 30 et 36
(art. L. 470-4-2 nouveau code de commerce,
art. 495 du code de procédure pénale)
Extension du champ d'application de la composition pénale
et de l'ordonnance pénale

La commission présidée par M. Guy Canivet avait préconisé, dans le souci d'accélérer et de simplifier les procédures pénales applicables aux infractions économiques prévues par le livre IV du titre IV du code de commerce, de développer le recours à la composition pénale et de permettre l'utilisation de l' ordonnance pénale .

Tel est l'objet des deux présents articles.

L'article 30 tend à élargir les possibilités de recourir à la composition pénale pour certains des délits prévus par le titre IV du livre IV.

La composition pénale, instituée par la loi n° 99-515 du 23 juin 1999, constitue une alternative aux poursuites pénales .

Elle peut actuellement être proposée par le ministère public à une personne physique qui reconnaît avoir commis une contravention ou un délit punissable d'une peine de cinq ans d'emprisonnement maximum. Elle consiste en une large palette de mesures, à l'exclusion de l'emprisonnement, détaillées à l'article 41-2 du code de procédure pénale (versement d'une amende de composition au Trésor public, remise au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou en est le produit).

La proposition doit faire l'objet d'un accord de l'auteur des faits avant d'être soumise à un magistrat du siège (le président du tribunal correctionnel ou, pour les contraventions, le juge d'instance ou le juge de proximité sur délégation du président du tribunal de grande instance). Celui-ci rend une ordonnance de validation ; dans le cas contraire, la proposition devient caduque.

L' exécution de la composition pénale conduit à l'extinction de l'action publique -bien qu'elle ne constitue pas une condamnation pénale et ne peut, à ce titre, constituer le premier terme de la récidive- elle est en principe inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire.

La composition pénale a connu un développement significatif au cours de la période récente : ainsi le nombre de compositions pénales prononcées est passé de 1.511 mesures en 2001 à 21.600 mesures en 2004 (soit 5,2 % des affaires poursuivies devant le tribunal correctionnel).

L'exclusion des personnes morales du champ d'application de la composition pénale limitait nécessairement le recours à cette procédure pour les infractions à caractère économique.

L'article 30 du présent projet de loi vise à développer le recours à la composition pénale pour cette catégorie d'infractions. En conséquence, il prévoit deux séries d'aménagement au régime juridique de cette procédure lorsque celle-ci s'applique aux délits visés par le titre IV du livre IV .

En premier lieu, la composition pénale pourrait concerner non seulement les personnes physiques, comme tel est actuellement le cas, mais aussi les personnes morales . Une double restriction serait néanmoins apportée au champ des infractions concernées et à l'éventail des sanctions susceptibles d'être proposées. D'une part, alors que la composition pénale peut actuellement être proposée pour des délits passibles de cinq ans d'emprisonnement, elle ne serait applicable, s'agissant des personnes morales, que pour les délits pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue ainsi que pour les contraventions connexes.

D'autre part, seule l'amende de composition pénale versée au Trésor public prévue par le 1° de l'article 41-2 du code de procédure pénale serait applicable -les autres mesures énumérées par l'article 41-2 (accomplissement d'un travail non rémunéré au profit de la collectivité, suivi d'un stage, interdiction de contact avec la victime ou le complice de l'infraction...) ne sont en effet pertinentes que pour une personne physique. Aux termes de l'article 41-8 du même code, il convient de le rappeler, le montant de l'amende ne peut dépasser le montant maximum de l'amende encourue ; il est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de l'intéressé.

Le second aménagement apporté au régime de la composition pénale vise à permettre au procureur de la République de proposer la composition pénale à l'auteur des faits par l'intermédiaire des fonctionnaires de catégorie A du ministère chargé de l'économie visés à l'article L. 450-1 du code de commerce qui ont été spécialement habilités par le garde des sceaux afin de recevoir des juges d'instruction des commissions rogatoires.

En l'état du droit, la proposition de composition pénale peut déjà être présentée par un officier de police judiciaire.

En tout état de cause, comme le rappelle l'article 41-2 du code de procédure pénale, la proposition de composition pénale émane toujours du procureur de la République.

L'agent de la DGCCRF disposerait seulement de la faculté de la notifier. Les responsabilités ainsi reconnues apparaissent plus limitées que dans le cadre de la transaction pénale -dont l'usage est d'ailleurs exclusivement réservé aux chefs du service compétents.

L' article 36 tend à compléter le champ d'application de l' ordonnance pénale. Cette procédure, mise en oeuvre de longue date pour le jugement des contraventions 68 ( * ) , a été étendue aux délits depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Prévue par l'article 495 du code de procédure pénale, elle est actuellement réservée, en matière correctionnelle, aux délits du code de la route ainsi qu'aux délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres .

L'ordonnance pénale est une procédure simplifiée à laquelle le procureur peut recourir s'il résulte de l'enquête que les faits sont établis . Elle n'implique pas la comparution du prévenu : le dossier est transmis au président du tribunal qui statue, sans débat préalable, par une ordonnance pénale motivée portant relaxe ou condamnation à une amende et éventuellement à des peines complémentaires . Le ministère public peut faire opposition dans les dix jours et le prévenu dans les quarante-cinq jours.

En cas d'opposition, l'affaire est alors portée devant le tribunal correctionnel -qui pourra prononcer une peine d'emprisonnement si celle-ci est encourue pour le délit (art. 495-3 du code de procédure pénale).

La procédure présente une efficacité certaine. Ainsi, bien qu'elle ne s'applique aux délits que depuis 2002, elle représente désormais plus de 9 % des poursuites devant le tribunal correctionnel.

L'objectif d'effectivité de la réponse pénale gagnera certainement à l'extension de l'ordonnance pénale aux délits à caractère économique.

Votre commission vous propose de donner un avis favorable aux articles 30 et 36.

Article 37
(art. L. 470-4-3 nouveau du code de commerce)
Extension aux agents de la DGCCRF
du pouvoir de convocation du prévenu

Le présent article tend à permettre à certains agents de la DGCCRF de notifier directement au prévenu la convocation en justice.

Cette convocation vaut citation à personne : elle assigne directement le prévenu devant le tribunal correctionnel. Cette faculté est triplement encadrée :

- d'une part, elle ne pourrait intervenir que sur instruction du procureur de la République : elle ne présente donc que le caractère d'une notification ;

- d'autre part, elle serait réservée aux fonctionnaires de catégorie A du ministère de l'économie habilités par le garde des sceaux auxquels l'article 30 du présent projet de loi tend également à donner la possibilité de présenter une composition pénale ;

- enfin, elle ne pourrait s'appliquer que pour les délits du titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d'emprisonnement n'est pas encourue .

Cette disposition, inspirée d'une recommandation de la mission présidée par M. Guy Canivet, accélérerait la procédure actuelle. En effet, aujourd'hui, la saisine du tribunal se déroule en principe en trois phases successives : l'information du parquet par l'agent de la DGCRRF, la citation directe par exploit d'huissier délivré à la requête du ministère public, la comparution devant le tribunal au jour et à l'heure mentionnés dans la citation. Le dispositif prévu par le présent article permettrait de faire l'économie de l'assignation par huissier.

Une telle faculté a été ouverte par la loi du 30 décembre 1985 portant dispositions de procédure pénale et de droit pénal aux officiers de police judiciaire ou aux greffiers qui, sur instructions du procureur de la République, peuvent convoquer le prévenu en justice.

Aux termes de l'article 390-1 du code de procédure pénale, la convocation doit énoncer le fait poursuivi, viser le texte de loi le réprimant et indiquer le tribunal saisi, le lieu, la date et l'heure de l'audience. Elle précise également que le prévenu peut se faire assister d'un avocat. La convocation est constatée par un procès-verbal signé par le prévenu qui en reçoit copie.

Votre commission vous propose de donner un avis favorable à l'article 37.

* 63 Voir le tableau récapitulatif de ces infractions dans l'exposé général.

* 64 Délits et contraventions commis dans les bois et forêts soumis au code forestier (art. L. 153-2 du code forestier) ; infractions relatives à la législation relative au transport aérien (art L. 330-9 du code de l'aviation civile) ; infractions aux dispositions sur la pêche en eau douce (art. L. 437-14 du code de l'environnement) ; contentieux fiscal ou douanier (art. L. 248 à L. 251 du livre des procédures fiscales et 350 du code des douanes).

* 65 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 22 janvier 1970.

* 66 En revanche, l'administration des douanes et l'administration fiscale peuvent transiger sans l'accord préalable du parquet.

* 67 Cette consécration législative apparaît d'autant plus utile que l'arrêt de la Cour de cassation est resté unique et portait sur une procédure transactionnelle abrogée par ordonnance, le 1 er janvier 1986.

* 68 60 % du contentieux du tribunal de police est traité selon cette voie.

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