B. DEUX OPÉRATEURS SOUMIS À UNE IMPORTANTE CONTRAINTE BUDGETAIRE
TV5 et RFI se sont lancés dans un travail de redéfinition de leur mission. Avec la signature d'un nouveau plan stratégique pour la première et les très lentes négociations relatives à la définition d'un contrat d'objectifs et de moyens pour la seconde, ces deux structures tentent de s'adapter à un environnement international de plus en plus concurrentiels.
Force est toutefois de constater que ces efforts, nécessaires au rayonnement de notre audiovisuel extérieur, se heurtent à une implacable contrainte financière.
1. TV5 : une chaîne francophone de plus en plus française
Depuis l'arrêt définitif des activités de diffusion de CFI, TV5 reste en 2005 l'unique chaîne de télévision financée et contrôlée majoritairement par la France présente à l'international.
Reçue par quelque 160 millions de foyers dans le monde, la chaîne est aujourd'hui le 2 e réseau mondial de télévision, après la chaîne musicale MTV mais devant CNN International. Ses 8 signaux 6 ( * ) sont diffusés à travers 59 transpondeurs satellitaires et recueillent une audience cumulée hebdomadaire de 73 millions de téléspectateurs, majoritairement en Europe, en Afrique et au Maghreb.
Votre rapporteur constate que, depuis la réforme conduisant en 2001 au regroupement de l'ensemble des signaux 7 ( * ) sous la responsabilité du pôle parisien de la chaîne, celle-ci a franchi un seuil en termes d'image, de crédibilité et d'audience dans de nombreux pays. Sans jamais prétendre devenir la chaîne d'information continue qu'elle ne sera jamais, TV5 a su, quand l'actualité l'imposait, offrir à son public une programmation renforcée en la matière grâce à la mobilisation des moyens de l'ensemble de ses chaînes nationales partenaires.
a) Les ambitions louables d'un organisme majoritairement financé par la France
L'année 2005 a été pour TV5 une année de transition à la suite du décès de M. Serge Adda. Depuis sa désignation en avril 2005, le nouveau président M. Jean-Jacques Aillagon s'est attaché à élaborer en concertation avec ses actionnaires un plan stratégique pour la période 2006-2009 présenté à la conférence des ministres le 19 septembre dernier à Bruxelles.
(1) Un plan stratégique trop ambitieux compte tenu de la contrainte budgétaire actuelle ?
Comme l'indique l'encadré ci-dessous, le plan stratégique 2006-2009 est orienté autour de deux axes : consolider l'accessibilité de la chaîne au niveau de sa distribution et de sa diffusion grâce à l'augmentation du sous-titrage et renforcer l'attractivité de celle-ci grâce à l'amélioration de sa programmation.
Votre rapporteur considère que ce plan qui nécessite près de 14 millions d'euros par an sur trois ans risque de ne pas pouvoir être mené à bien, faute de moyens budgétaires suffisants. Sans préjuger de la position finale des autres gouvernements bailleurs de fonds de la chaîne 8 ( * ) , le contexte budgétaire contraindra en effet vraisemblablement la chaîne francophone, au moins en 2006, à arbitrer entre différentes priorités parmi les mesures envisagées.
LES DEUX AXES DU PLAN STRATÉGIQUE 2006-2009 Accessibilité et attractivité : tels sont les deux axes stratégiques qui doivent guider les actions de TV5 dans les prochaines années. TV5 devra veiller à se rendre plus accessible à ses téléspectateurs en : - consolidant son réseau mondial de distribution, l'Afrique, le Monde arabe et l'Europe francophone étant des enjeux géo-culturels prioritaires pour TV5 Monde ; - mettant en place, zone par zone, une veille pour les nouvelles technologies afin d'être toujours prêt à y accéder ; - adaptant ses signaux aux attentes de ses téléspectateurs zone par zone ; - sous-titrant, de façon plus importante, ses programmes pour permettre aux francophiles et aux non francophones, de pouvoir y accéder. TV5 devra travailler dans 5 directions pour renforcer son identité et son attractivité : - l'information sur TV5 doit incarner « la différence » francophone. Le respect de la rythmique des journaux, l'enrichissement de l'alimentation en images venues du monde entier, le lancement de nouveaux magazines sont autant de volets à explorer. Une meilleure utilisation de l'information comme outil d'apprentissage du français et le resserrement des liens entre information et Internet vont aussi dans la bonne voie. L'ensemble de ces actions reposent sur la force de la relation entre les rédactions partenaires et celle de TV5, qui sera l'objet de mesures concrètes ; - les programmes doivent refléter les valeurs universelles de la francophonie et permettre une ouverture sur le monde : c'est là la marque de l'identité de la chaîne dans un paysage audiovisuel international en voie de banalisation et d'uniformisation. Pour une plus grande performance dans ce domaine, il faut plus de pertinence dans les choix opérés dans l'offre de programmes des chaînes partenaires et ces dernières doivent mieux intégrer la perspective TV5 lorsqu'elles produisent ou achètent. TV5 doit, en outre, être plus sélective dans le choix de ses productions propres ; - des grilles de programmes claires et stables qui prennent en compte la nécessité de toucher les jeunes alors que ces derniers constituent la population dominante dans de très nombreuses zones, font aussi partie des objectifs à mettre en oeuvre dès le début de l'année 2006 ; - la mission culturelle et éducative de TV5 doit se prolonger au-delà de ses antennes. Le site Internet de TV5 est devenu désormais « l'autre réseau mondial » de la chaîne et doit poursuivre son développement. Le dispositif « apprendre et enseigner le français avec TV5», doit aussi nous permettre tout à la fois d'attirer plus de téléspectateurs et de contribuer au rayonnement de la langue française tant auprès des jeunes que des fonctionnaires dans les organisations internationales ou des professionnels du tourisme, par exemple ; - la communication de la chaîne doit devenir plus offensive. Faire connaître le plus largement possible ce qu'est TV5, la puissance de son réseau, l'originalité de ses programmes, en particulier dans le domaine de l'information, la façon d'y accéder dans les différentes zones, leurs horaires de diffusion, est un objectif essentiel du plan. Une politique de marque ambitieuse et une information sur les programmes renforcée, en particulier grâce au développement des partenariats médias, doivent permettre de séduire davantage de téléspectateurs. |
(2) Un financement public assuré à 84 % par la France
Après l'effort très important réalisé en sa faveur entre 1999 et 2002, TV5 a vu depuis lors ses moyens quasiment stagner. La chaîne n'a pu poursuivre jusqu'ici son développement qu'en tirant parti des économies importantes permises par le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique.
Cette phase de redéploiement est aujourd'hui achevée et TV5 n'a désormais guère de marges de manoeuvre financières. En 2005 notamment, compte tenu du gel budgétaire, la dotation effective de l'État en sa faveur n'a pas progressé par rapport à celle de 2004. Elle sera reconduite à l'identique en 2006, à hauteur de 62,72 millions d'euros pour le ministère des affaires étrangères et de 3,99 millions d'euros pour France Télévisions, ce qui signifie une régression en euro constant.
Avec une contribution représentant plus de 84 % des contributions des gouvernements partenaires, la France finance actuellement plus de 77 % du budget de TV5. Sa contribution totale au budget 2005 9 ( * ) est de 69,6 millions d'euros, l'apport des gouvernements suisse, belge et canado-québécois s'élevant à 13 millions d'euros et les ressources propres à 7,5 millions d'euros.
Le Gouvernement a attiré à plusieurs reprises l'attention de ses partenaires francophones sur ce déséquilibre croissant, consécutif à l'effort unilatéral de la France entre 1999 et 2002, et a demandé, jusqu'ici sans effet, qu'ils contribuent davantage au financement de l'opérateur culturel commun qu'est TV5. Ce déséquilibre a été à nouveau souligné à Bruxelles par la ministre chargée de la coopération, du développement et de la francophonie, et certains de nos partenaires ont indiqué qu'ils s'efforceraient d'infléchir cette tendance.
Par ailleurs, les gouvernements partenaires ont demandé à TV5 de rechercher d'autres sources de financement. Malheureusement, les perspectives d'augmentation des ressources propres de la chaîne, recettes publicitaires essentiellement, qui lui permettraient d'autofinancer partiellement le plan s'avèrent, comme pour la plupart des télévisions transnationales, relativement limitées.
(3) Une évolution des ressources propres inquiétante
Malgré un ralentissement général des marchés publicitaires, TV5 pense réaliser l'objectif défini pour l'année 2005 mais sans atteindre vraisemblablement les performances de l'année 2004. Seul le report en 2005 d'une partie des campagnes publicitaires de l'échange marchandise ASTRA 10 ( * ) , qui se termine en 2005, permet à TV5 de dégager une plus-value de 281 000 euros sur ses recettes publicitaires.
On constate en 2005 une baisse sensible du chiffre d'affaires réalisé par la principale régie de TV5, France Télévisions Publicité, par rapport au chiffre d'affaires 2004 : entre avril et août 2005, les performances mensuelles sont inférieures de 14 % à 39 % selon les mois.
Cette baisse est concomitante avec l'arrivée de la TNT en France ; il est sans doute trop tôt pour évaluer l'impact de la TNT sur le marché du câble et du satellite en matière de recettes publicitaires, mais il conviendra de surveiller l'évolution du marché et de tenir compte de ce nouveau paramètre dans l'évaluation prévisionnelle des recettes publicitaires.
Par ailleurs, les conventions signées ou en cours de signature de vente d'espaces publicitaires sous forme d'échanges marchandises totalisent d'ores et déjà 2,03 millions d'euros. Ces opérations s'équilibrant en dépenses et en recettes, elles ne sont pas prévues au budget initial, mais c'est grâce à cet apport complémentaire de recettes que TV5 finance la grande majorité de ses partenariats avec tous les festivals et manifestations auxquels son image est associée.
La collecte des abonnements aux Etats-Unis poursuit sa progression et devrait dépasser l'objectif annuel de près de 216 000 euros.
b) Un signe de vitalité indéniable : la progression du nombre d'abonnements aux États-unis
Malgré les inquiétudes évoquées ci-dessus, force est de constater que le bilan de TV5 au cours de l'année écoulée reste cependant positif. Sa distribution a progressé aux États-unis, en Amérique latine, en Asie et en Afrique du Sud et ses positions ont été préservées en Europe, marché particulièrement encombré et concurrentiel.
En 2004, le nombre d'abonnés payants de TV5 USA est passé de 30 000 à 36 000, soit une augmentation de 20 %. Durant la même période, les recettes de la filiale TV5 USA sont passées de 2,4 millions de dollars à 3,03 millions de dollars, soit une augmentation de 26 %, et un taux d'autofinancement de la filiale de 70 %. Au 30 juin 2005, TV5 USA comptait 39 000 abonnés payants.
TV5 États-unis est par ailleurs toujours reçue en service « basique étendu » dans 165 000 foyers dans les Etats du Maine et de Louisiane, où les opérateurs de câble Adelphia et Cox Communications ont accepté de distribuer localement TV5 sur ce mode grâce à la forte composante de populations francophones.
LES PRINCIPAUX OBJECTIFS DE TV5 AUX ÉTATS-UNIS - Ajouter 6 000 abonnés nets payants ; - Poursuivre les négociations pour la reprise sur le câble sur les marchés prioritaires Comcast Los Angeles, Comcast Chicago (centre-ville), Cablevision New York, Atlantic Broadband et Comcast Miami, Cox New Orléans, Time Warner San Diego, et Comcast Atlanta ; - Maintenir une stratégie promotionnelle offensive et développer des plans d'actions marketing spécifiques pour chaque marché câble et satellite ; - Renouveler l'accord de distribution satellite avec Echostar et étudier l'opportunité de signer un accord avec la deuxième plateforme satellite Direct TV ; - Etudier la mise sur le marché d'une offre de vidéo à la demande complémentaire, pour les abonnés câble de TV5 Etats-Unis. |
Le coût marketing d'acquisition d'un nouvel abonné pour TV5 se maintient à 80 euros et reste très compétitif par rapport à la moyenne américaine. A titre de comparaison, un nouvel abonné coûte 600 euros à l'opérateur satellite Direct TV.
(1) Un développement rapide sur les réseaux câblés des grandes agglomérations
TV5 poursuit ses négociations avec les sociétés de câble américaines pour étendre sa distribution à d'autres réseaux prioritaires.
En 2004, la chaîne a été lancée sur le câble à Washington DC, Boston et dans la banlieue de Chicago, ces marchés ayant généré en un an plusieurs milliers de nouveaux abonnés payants. TV5 est en cours de finalisation d'un accord de reprise avec l'opérateur Comcast Los Angeles où elle devrait être lancée à l'automne 2005 et poursuit par ailleurs ses négociations avec Cablevision New York, Atlantic Broadband et Comcast Miami et Chicago pour le centre ville.
TV5 est maintenant accessible par câble sur l'ensemble des villes de San Francisco, Seattle et Houston où les câblo-opérateurs ont achevé la numérisation de leur réseau et élargi la distribution de la chaîne sur l'ensemble de ces métropoles. Cet élargissement a permis d'optimiser les actions marketing menées sur ces villes et de recruter de nombreux abonnés.
Des négociations sont également en cours avec l'opérateur Verizon qui se lance dans la distribution de contenu vidéo grâce à son réseau fibre optique à haut débit. Une première offre devrait être disponible dès 2005 dans certaines villes de Floride, du Texas et de Californie.
(2) Une distribution satellitaire renforcée
En juin 2004, TV5 a renouvelé son accord de distribution avec l'opérateur satellite Echostar. Ce nouvel accord a permis la reprise, depuis le 11 août 2005, de TV5 sur une 3 e position satellitaire 11 ( * ) à coûts constants. Cette nouvelle position, permet notamment la réception avec une seule parabole de TV5 et des programmes américains, ainsi qu'une réception de la chaîne à Hawaii et en Alaska.
TV5 a également renouvelé en décembre 2004 son accord de distribution avec la société International Channel pour une période de 5 ans. Cet accord, plus avantageux pour TV5 USA que l'accord initial signé en 1997 par le Canada, a permis une révision à la baisse de la commission perçue par International Channel et un maintien d'un coût à l'identique pour la capacité satellitaire sur Galaxy XI, utilisée pour la distribution du signal vers les réseaux câblés.
(3) Un marché prometteur : la vidéo à la demande
TV5 se positionne enfin sur le marché américain de la vidéo à la demande (VOD) devenue le nouveau moteur de croissance de l'industrie du câble américaine. Un premier accord national a été conclu en août 2005 avec Comcast. Une approche ville par ville est maintenant nécessaire. Des premiers essais devraient être effectués avec Time Warner Los Angeles et New York avant la fin 2005.
c) Les défis à venir
A court terme, TV5 est appelée à faire face à deux défis de taille : le nécessaire développement du sous-titrage lui permettant de conquérir de nouveaux marchés et l'affirmation d'une véritable complémentarité avec la future chaîne d'information internationale.
(1) L'indispensable progression du sous titrage
Le sous-titrage des programmes, moyen d'attirer l'audience non francophone et de faciliter la reprise de la chaîne par les distributeurs locaux, bien que renforcé partiellement, demeure insuffisant en termes de nombre de langues étrangères (neuf actuellement) et de volume (12 % de la programmation en moyenne).
Votre rapporteur estime pourtant que la progression du sous-titrage est une nécessité qui permettrait de conquérir un public significatif au delà des cercles francophones et de justifier le maintien en bonne place de la chaîne sur des réseaux saturés. Il regrette que le coût de cette entreprise, estimé à 10 millions d'euros pour un sous-titrage exhaustif en plusieurs langues et à 2 millions d'euros pour un effort substantiel minimal, ne puisse être pris en charge par le budget de l'Etat.
(2) Envisager des partenariats avec la future CII
Au plan des programmes, la diversité des cultures francophones, encore renforcée en ce qui concerne les pays du Sud, et la réactivité de la rédaction, capable de se démultiplier à travers ses chaînes partenaires à l'occasion d'événements internationaux majeurs, restent les points forts de TV5. La diffusion quotidienne d'un journal dédié à l'Afrique (fabriqué par RFO) désormais présent sur l'ensemble des signaux et la multiplication des émissions consacrées aux questions internationales ont été particulièrement appréciées depuis un an.
Votre rapporteur estime que, le moment venu, TV5 pourra contribuer utilement à la future chaîne d'information internationale en lui apportant l'expérience accumulée par la chaîne francophone depuis plus de 20 ans en matière de programmation sur 24 fuseaux horaires et de distribution sur les réseaux et les bouquets du monde entier.
2. RFI
Avec une dotation de plus de 132 millions d'euros 12 ( * ) en 2006, RFI reste l'opérateur audiovisuel extérieur français le mieux pourvu, tout en étant loin de disposer de moyens équivalents à ceux de ses principaux concurrents.
C'est malheureusement dans un contexte budgétaire très contraint que l'entreprise doit affronter cette difficile phase de réorganisation en profondeur. Ainsi, pour 2006, en l'absence de toute progression des ressources du ministère des affaires étrangères, il est prévu une reconduction à l'identique de la subvention de RFI (à hauteur donc de 72,13 millions d'euros). La dotation en redevance sera de 55,86 millions d'euros, en augmentation de 4 %. La société bénéficiera donc au total d'une progression de 1,7 % de ses moyens, qui lui permettra à peine de faire face aux augmentations conventionnelles de sa masse salariale.
a) Un impact contrasté en fonction des zones géographiques
Du fait de ce manque de moyens, l'impact de RFI dans le monde ne peut être que très contrasté. La réussite reconnue du programme en français, sans doute obtenue au prix d'un investissement insuffisant en faveur des autres langues, ne suffit pas à imposer RFI dans les zones non francophones.
(1) Un média de référence en Afrique
RFI reste le média de référence absolue en Afrique subsaharienne francophone. Plus largement, sa notoriété et la qualité, sans équivalent, de sa rédaction Afrique devraient lui permettre de consolider cette position sur l'ensemble du continent africain où la radio reste le média le plus populaire, à condition de renforcer sa production d'émissions en anglais et portugais et de proposer des émissions dans les grandes langues vernaculaires comme le swahili ou l'haoussa qui font défaut dans une zone où RFI entend toucher des publics bien au delà des élites urbaines francophones ou anglophones.
Cette place de premier plan confère à RFI une responsabilité particulière, pleinement assumée à travers une ligne éditoriale équilibrée qui contribue à consolider l'influence de la France et à favoriser un renforcement de l'état de droit partout où c'est nécessaire. En 2005, RFI continue de renforcer ses positions en Afrique, particulièrement en FM (5 nouvelles stations : Matadi, Bukavu et Kisangani en République démocratique du Congo, Monbasa au Kenya et Gabu en Guinée Bissau), sans pour autant abandonner la diffusion en ondes courtes qui reste utile pour toucher les zones rurales et, périodiquement, pour contrer l'interdiction par certains régimes de ses relais terrestres en FM (Togo et Côte d'Ivoire en 2005, et Mauritanie et Djibouti précédemment).
(2) La nécessité de renforcer RMC- Moyen-Orient
Au Proche et Moyen Orient, RFI a la chance de pouvoir s'appuyer sur une chaîne en arabe reconnue, RMC Moyen-Orient, dont l'audience et la notoriété se sont malheureusement dégradées face à la concurrence des nombreuses radios émettant en FM, ainsi qu'à celle des innombrables télévisions satellitaires qui arrosent la zone. En 2004, RMC Moyen-Orient a pourtant amélioré ses positions, avec l'ouverture de deux nouveaux relais FM à Mossoul et Koweït City. Cependant, la FM, à l'évidence plus efficace que l'onde courte ou l'onde moyenne, n'est pas la panacée : plusieurs marchés essentiels (Egypte, Arabie Saoudite, Yémen...) y sont pour l'instant fermés et les licences à payer aux États ou aux opérateurs locaux qui les acceptent sont de plus en plus coûteuses.
Le Gouvernement a demandé à RFI d'accorder une priorité à la modernisation et au renforcement des programmes de RMC Moyen-Orient. La nouvelle direction a élaboré un plan de relance visant à améliorer le contenu de l'antenne, à réorganiser la rédaction, à promouvoir davantage la radio et à renforcer sa diffusion en recherchant des partenariats. Ce plan impliquera une augmentation de la subvention de RFI en faveur de sa filiale, pour pallier l'impossibilité, du moins en 2006, d'un accroissement du soutien financier du ministère des affaires étrangères.
(3) Des résultats décevants en Europe
Les efforts réalisés depuis plusieurs années par RFI en Europe rencontrent pour leur part des résultats décevants. Dans ces pays à la francophonie déclinante et dont les marchés radiophoniques sont devenus très concurrentiels, il est difficile à une radio internationale, dont les équipes rédactionnelles restent, pour l'Europe de l'Est, marquées par la guerre froide, de s'adapter à la demande des publics locaux. Même quand RFI dispose d'une équipe locale comme à Lisbonne, les résultats restent très médiocres (0,1 % d'audience). D'une façon plus générale, la pertinence du concept de radio transnationale dans les pays développés et démocratiques devient d'ailleurs de moins en moins évidente.
(4) Une radio qui a parfois du mal à se faire entendre
Enfin, dans la plupart des autres régions du monde notamment en Asie, en Amérique et en Océanie, RFI n'a pas la capacité, notamment du fait d'un volume insuffisant de programmes en langues étrangères, d'atteindre des niveaux d'audience réellement significatifs.
Les moyens non négligeables qu'elle y consacre pourtant seraient probablement mieux utilisés à renforcer ses positions dans les zones où le potentiel de RFI est réel. En contrepartie, un renforcement des langues étrangères sur le site Internet « rfi.fr » ouvrirait l'accès à de nombreux publics de décideurs, dans des zones comme l'Asie ou l'Amérique du Nord. Dans ces zones notamment, ainsi qu'en Europe, les sites Internet du groupe RFI sont donc amenés à jouer un rôle croissant pour répondre à la forte demande (+ 26 % en variation des visites de 2003 à 2004) et soutenir la concurrence des grands médias internationaux. C'est un défi important que doit relever RFI car l'Internet sera de plus en plus une alternative à l'onde courte, dans les pays où l'information est bridée, aussi bien que dans ceux où il est devenu trop coûteux d'émettre par la voie des ondes.
b) Trois chantiers prioritaires
Faute de dotations publiques supplémentaires, RFI doit donc utiliser les marges de productivité mises en évidence par le récent rapport de l'Inspection générale des finances et entreprendre de véritables redéploiements qui n'ont jusqu'ici porté pour l'essentiel que sur la partie modulable des contrats onde courte.
Pour accompagner et encadrer la démarche de RFI, le Gouvernement a demandé à la nouvelle équipe de direction de reprendre l'élaboration d'un contrat d'objectifs et de moyens.
UN CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS TOUJOURS EN SUSPENS En 2001-2002, l'ouverture des négociations concernant la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens entre RFI et l'État a permis de réexaminer les orientations que les pouvoirs publics souhaitent assigner à la radio extérieure. S'agissant de la stratégie générale de la radio extérieure, les différentes tutelles et la direction de l'entreprise se retrouvent sur les orientations suivantes : - priorités géographiques : Afrique, monde arabo-musulman, secondairement Europe de l'Est ; - confirmation de la priorité à l'information décidée en 1996 ; - rapprochement des rédactions en français et en langues étrangères ; - remise à plat de la palette de langues étrangères ; - régionalisation des signaux, permettant une meilleure adaptation à chaque public ; - recherche d'implantations en FM et développement de l'Internet comme alternative à l'onde courte hors Afrique ; - recherche de synergies avec l'audiovisuel public national (notamment Radio France) et extérieur ainsi que l'AFP. RFI ayant jusqu'ici éprouvé une certaine difficulté à intégrer dans ses propositions de développement la contrainte budgétaire imposé au ministère des affaires étrangères, le contrat d'objectifs et de moyens n'a pu être signé. Celui-ci est indispensable. En effet, dans un monde dont l'évolution impose une adaptation permanente des priorités géostratégiques, et alors que l'effet budgétaire bénéfique des économies réalisées sur l'onde courte en 1999 est aujourd'hui passé et que les marges de progression des dotations de l'État sont devenues très étroites, voire nulles, RFI doit engager une véritable politique de redéploiement fondée sur le choix de priorités, arrêtées avec les tutelles, en matière de publics cibles, de zones géographiques et de modes de diffusion. |
Mais cet exercice, fondé sur des redéploiements en profondeur, ne devrait être finalisé qu'à la fin 2006. Il implique en effet des négociations sociales que la direction n'a pas encore menées à leur terme. Trois chantiers permettant de redéployer d'importants moyens financiers ont cependant été explorés.
(1) Repenser la diffusion en langues étrangères
Une analyse interne très précise réalisée début 2004 de la vingtaine de rédactions en langue étrangère en complément du rapport remis par l'Inspection générale des finances témoigne du caractère obsolète de nombre d'entre elles, de leur manque d'audience et met en évidence l'impossibilité pour certaines d'obtenir un impact minimal pour un coût supportable par l'entreprise.
Pour la plupart, la production n'atteint pas des volumes suffisants permettant une programmation efficace et, de plus, n'est parfois plus adaptée aux attentes des publics étrangers, faute d'un renouvellement suffisant des équipes rédactionnelles.
D'une façon générale, RFI concentre déjà ses efforts sur ses points forts, l'Afrique et le monde arabo-musulman, qui sont les premières priorités que lui a assignées le Gouvernement, et dans une moindre mesure sur l'Europe orientale et la Chine où ses positions et sa notoriété sont nettement plus fragiles.
Mais son impact est totalement marginal dans nombre de régions du monde faute de moyens de diffusion efficaces et de programmes adaptés, à tel point qu'on doit aujourd'hui se demander s'il reste utile de continuer d'émettre des fragments de programmes (une heure par jour, et parfois une heure par semaine...) vers des zones où notre radio internationale est à l'évidence totalement inaudible.
(2) Renégocier les contrats de diffusion en ondes courtes
Dans un monde où la télévision est presque partout devenue le média de masse dominant et où l'Internet connaît un développement exponentiel qui n'est plus réservé aux pays très développés d'Amérique du Nord et d'Europe, le modèle ancien de la radio internationale de souveraineté, né de Radio Londres et de la guerre froide, traverse depuis plusieurs années une crise existentielle profonde, symbolisée par l'obsolescence accélérée de l'onde courte, son mode de diffusion traditionnel, dont les derniers bassins d'audience significatifs sont concentrés dans les zones rurales de certains pays en développement, en Afrique subsaharienne notamment.
Votre rapporteur souhaite souligner que le coût de la diffusion en ondes courtes, actuellement 13 ( * ) de 22,3 millions d'euros par an, est un véritable handicap pour RFI. La station estime en effet que si ce coût pouvait être ramené au prix du marché et correspondre au volume d'émissions dont elle a effectivement besoin, il se limiterait à 7 millions d'euros par an.
Mais la renégociation des contrats très déséquilibrés signés avec TDF, qui représentent près de 70 % des coûts de diffusion de RFI, a jusqu'ici paru impossible dans la mesure où TDF s'appuie sur des contrats de très longue durée, signés à une époque de monopole où l'onde courte apparaissait comme le seul mode de rayonnement d'une radio internationale. Cependant, avec l'accord des tutelles, une étude juridique et financière a été entreprise en 2005, une première esquisse ayant montré qu'une économie de 65 millions d'euros sur 9 ans pourrait être réalisée, à volume inchangé, en dénonçant ces contrats et en faisant appel à des prestataires concurrents.
(3) Terminer le chantier de la numérisation de la diffusion et de la production
En engageant dès 1997 un processus de numérisation de la production et de la diffusion des ses programmes, RFI était en avance sur les autres radios, nationales ou internationales, publiques ou privées. En n'ayant toujours pas réussi à l'achever fin 2005, et en ayant à ce jour beaucoup investi sans générer d'économies 14 ( * ) , RFI a perdu une grande partie des bénéfices qu'on pouvait attendre de l'introduction de cette nouvelle technologie, faute d'avoir su mener en parallèle, et de façon cohérente, les chantiers nécessairement complémentaires qu'étaient les choix d'équipements, les formations, les négociations sociales et la réorganisation du travail qui, seule, donnait son sens à cette innovation.
• La numérisation de la diffusion
Dans un premier temps, RFI a engagé le renouvellement de sa cabine de programme. Le financement de cet investissement a été inscrit au budget 1997. Ce renouvellement s'est fait au profit d'une cabine de programme numérique permettant une meilleure gestion des départs des différents signaux de la radio internationale, une augmentation de la capacité de multiplexage et une meilleure sécurisation des programmes. Cette nouvelle installation permettait aussi à RFI de gérer directement les interconnexions entre les studios et la cabine.
Pour accompagner cet investissement, RFI a mis en oeuvre un plan de formation sur quatre ans (1997-2000) destiné aux 90 techniciens pour leur permettre d'acquérir un niveau de formation adapté aux techniques numériques. Ce plan a constitué également une aide aux changements d'organisation, des méthodes de travail et de procédures liées à l'arrivée de ces nouveaux équipements. Le coût total de ce plan de formation sur quatre ans s'est élevé à 380 000 euros, dont le tiers a été pris en charge par le Fonds social européen, RFI ayant pu bénéficier, sur la base de son argumentaire, d'une subvention de cette institution.
• La numérisation de la production
Un premier pas, resté sans suite, avait été engagé par la mise en service d'un nouveau centre de réception des appels des correspondants étrangers.
Aujourd'hui, RFI s'engage enfin, mais à pas comptés, dans la numérisation de la chaîne de production qui reposait sur des technologies obsolètes. L'essentiel de la captation du son, le montage et les mixages en studio se font encore sur bandes magnétiques, supports qui ne sont plus utilisés nulle part dans les pays développés et ne sont même plus fabriqués. Ainsi, toutes les duplications pour rediffusions ou diffusions simultanées nécessitent des copies de bande en temps réel, ce qui alourdit considérablement le travail de RFI. A ce jour, seules sont numérisées les rédactions « Français », « Afrique », « Anglais », « Espagnol » et Brésilien ». Les autres sont encore en analogique. L'ensemble ne bénéficie que de 8 studios entièrement numérisés et 10 partiellement.
Pour être pleinement efficace, l'évolution technologique doit s'accompagner d'une évolution des métiers et de l'organisation du travail. La production analogique reposait sur des équipes de trois personnes : journaliste/technicien/chargé de réalisation. En réduisant la technicité des tâches de montage et de mixage, mais en augmentant la portée éditoriale de tout acte technique, la numérisation entraîne naturellement le rapprochement des métiers de technicien et de réalisateur et permet, logiquement, de fonctionner avec seulement deux personnes : journaliste /technicien chargé de réalisation. La mise en place, inéluctable, d'une telle organisation, se heurte pourtant à RFI à des résistances acharnées.
De ce fait, après les lourds investissements qu'ont représenté le renouvellement complet du parc d'équipements, les formations et le remplacement des personnels en formation, les économies tardent à venir, car les négociations n'ont toujours pas permis la mise en place de cette nouvelle organisation. La direction de RFI estime néanmoins qu'un accord a minima pourrait être obtenu au dernier trimestre 2005, moyennant, faute de mieux, des gains de productivité beaucoup plus limités qu'ils pourraient l'être.
* 6 France-Belgique-Suisse, Europe, Afrique, Asie, Orient, États-unis, Amérique latine et Québec-Canada, ce dernier géré à Montréal.
* 7 Hors Canada.
* 8 Pour 2006, le montant de ces contributions gouvernementales devrait être connu au cours de la réunion des hauts fonctionnaires qui se tiendra le 12 décembre 2005 à Bruxelles au cours de laquelle sera arrêté le budget de TV5 pour 2006.
* 9 90,2 millions d'euros au total.
* 10 Contrat satellitaire rémunéré partiellement sous forme d'écrans publicitaires.
* 11 Echostar IX.
* 12 Ce montant comprend les crédits de la redevance et ceux du ministère des affaires étrangères. Il porte sur le financement de RFI et de RMC Moyen Orient.
* 13 Dès la fin des années 1990, le ministère des affaires étrangères a imposé à RFI un premier effort de redéploiement qui s'est traduit par l'abandon de 40 % de la capacité d'émissions en ondes courtes et une économie annuelle pérenne de 13,72 millions d'euros sur les contrats TDF. Depuis lors, RFI a du mal à poursuivre cet indispensable effort, bien que sa direction soit parfaitement consciente de l'inanité d'une grande partie des émissions ondes courtes qui subsistent en application de contrats signés pour 20 ans avec TDF.
* 14 Déjà le rapport d'audit de RFI, commandité par les tutelles à l'Inspection générale des finances et sorti en décembre 2003, émettait un certain nombre de critiques : un calendrier trop lâche, le choix d'un fournisseur selon des critères non explicités, des économies limitées au regard des calculs prévisionnels. Depuis lors, la nouvelle direction de RFI, devant la multiplication des incidents et des plaintes des usagers, a été contrainte de décider un abandon progressif du système technique retenu par l'ancienne direction et a lancé deux appels d'offres européens pour reprendre le chantier (en ce qui concerne l'outil de diffusion numérique et l'outil numérique de mixage multipistes).