TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

Réunie le mardi 6 février 2007 , sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a procédé, en commun avec la commission des lois, à l' audition de MM. Pascal Clément , garde des sceaux, ministre de la justice, et Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi n° 172 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs (Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis).

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice , a déclaré que ce projet de loi complétait une série de réformes du droit civil de la famille engagées depuis quatre ans : droit du divorce, de la filiation et des successions et libéralités.

Il a rappelé que, depuis une dizaine d'années, de nombreux rapports avaient dénoncé les dysfonctionnements et les dérives du système actuel de protection des majeurs : les lois en vigueur de 1966 et 1968 ne permettent plus de protéger correctement les personnes les plus fragiles, ces textes ayant été conçus pour s'appliquer à quelques milliers d'individus, quand aujourd'hui plus de 700 000 personnes soit, plus de 1 % de la population, sont concernées. Il a ajouté qu'au rythme actuel, ce nombre pourrait atteindre un million en 2010.

Il a expliqué cette croissance de deux façons :

- l'allongement de l'espérance de vie ;

- une application de la loi progressivement détournée de son objet, de nombreuses mesures judiciaires étant prononcées pour des considérations sociales, qui ne justifient en rien la diminution ou la suppression de la capacité juridique des personnes.

Estimant que la protection judiciaire des personnes vulnérables ne devait être envisagée qu'en dernier recours et être limitée au strict nécessaire, il a indiqué que le projet de loi s'attachait à satisfaire ces exigences.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a expliqué que ce texte répondait à un triple enjeu :

- le vieillissement de la société ;

- la plus grande vulnérabilité sociale des personnes dans les sociétés modernes, qui exige de mieux les protéger, sans les déresponsabiliser ;

- l'implication des familles, qui sont aujourd'hui souvent éclatées et éloignées et qui revendiquent d'être mieux informées et plus écoutées.

Il a rappelé que cette réforme, longuement préparée, faisait l'objet d'un consensus auprès des familles et des professionnels concernés.

Il a ensuite présenté le dispositif de droit civil, en indiquant que M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille présenterait le volet social et financier de la réforme.

Il a indiqué que le projet de loi poursuivait trois objectifs :

- recentrer la protection juridique sur ceux qui sont atteints d'une réelle altération de leurs facultés ;

- renforcer et mieux définir leurs droits et leur protection ;

- professionnaliser les intervenants extérieurs à la famille qui exercent la protection juridique.

Concernant le premier objectif, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que, conformément au principe de nécessité des mesures, la mise sous curatelle ou tutelle d'un majeur ne devait être possible qu'en cas d'altération de ses facultés personnelles, le plus souvent mentales, ou parfois corporelles, cette altération devant être constatée par un certificat médical circonstancié établi par un médecin expert.

En conséquence, il a indiqué que la possibilité de placer une personne sous un régime de protection pour « prodigalité, intempérance ou oisiveté » serait supprimée et qu'à la place, des dispositifs d'accompagnement social adaptés et rénovés seraient mis en oeuvre.

Par ailleurs, il a indiqué que le juge des tutelles ne pourrait plus se saisir d'office, sur le simple signalement d'un tiers, intervenant social ou professionnel médical et que les possibilités de saisine seraient réservées aux membres de la famille, aux proches, ou au procureur.

Il a précisé qu'en proscrivant la saisine d'office du juge, ce projet de loi tendait à favoriser les solutions alternatives à la tutelle.

Il a en effet rappelé que pour protéger une personne vulnérable des solutions juridiques moins contraignantes et moins attentatoires à ses droits existaient ou étaient créées :

- la procuration ;

- le mandat de protection future ;

- l'accompagnement social ;

- la sauvegarde de justice, pouvant être utilisée pour un besoin ponctuel ;

- les règles d'habilitation propres aux régimes matrimoniaux qui permettent la désignation d'un époux pour représenter son conjoint, lorsque celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté à la suite d'un accident ou d'une maladie.

Enfin, il a indiqué que la subsidiarité impliquait qu'avant de recourir à la collectivité publique, on se tourne vers la famille, laquelle doit être davantage associée aux procédures judiciaires.

Concernant le deuxième objectif de la réforme, renforcer et mieux définir les droits des personnes protégées, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord mis en exergue la création d'un nouveau dispositif inspiré de certaines législations étrangères, en particulier de celle du Québec : le mandat de protection future.

Il a expliqué que ce dispositif intermédiaire entre la liberté civile et la privation des droits ordonnée par le juge donnerait à chacun le pouvoir d'organiser lui-même sa protection future de manière libre et personnalisée.

Il a précisé que chacun pourrait désormais devancer l'organisation de sa propre protection :

- en désignant un tiers de son choix pour veiller sur sa personne et ses intérêts le moment venu ;

- en définissant, par acte sous seing privé ou par acte notarié, la mission du mandataire et l'étendue de ses pouvoirs.

Il a précisé que la prise d'effet du mandat serait conditionnée à sa présentation au greffe du tribunal d'instance, accompagnée du certificat médical attestant l'altération des facultés personnelles du mandant.

Il a souligné que les parents d'un enfant handicapé pourraient passer un tel mandat pour le jour où ils ne seraient plus en état d'assumer eux-mêmes la protection de leur enfant.

Enfin, il a expliqué que ce mandat de protection future créait un régime de représentation sans entraîner l'incapacité de la personne représentée.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite souligné que le projet de loi était inspiré par la volonté de protection de la personne, et non plus seulement de son patrimoine.

Il a indiqué que ce principe se traduisait :

- dans le déroulement de la procédure judiciaire, à travers son caractère pleinement contradictoire, la personne étant systématiquement entendue, et pouvant se faire assister d'un avocat ;

- à travers l'obligation faite au juge de choisir la mesure de protection proportionnée à la vulnérabilité et aux besoins de la personne, afin de bannir les mesures de protection trop uniformisées ;

- à travers l'obligation pour le tuteur d'associer la personne protégée, dans la limite de ses capacités, à la gestion de ses intérêts ; en cas de conflit, le juge serait saisi et déciderait après audition de la personne concernée, et exclusivement en considération de son intérêt ;

- à travers le renforcement des modalités de contrôle de l'exécution de la mesure de protection (examen obligatoire tous les cinq ans, comptes rendus des actes et actions effectués pour le compte de la personne protégée, contrôle annuel personnalisé).

Concernant le troisième objectif de la réforme, c'est-à-dire la professionnalisation des tuteurs et curateurs extérieurs à la famille, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a observé que le régime actuel des gérants de tutelle, mandataires spéciaux, tuteurs d'Etat ou encore préposés à la tutelle, était hétérogène et injuste.

Il a indiqué que le projet de loi regroupait ces professionnels sous le régime nouveau des « mandataires judiciaires à la protection des majeurs », qui devraient obéir désormais à des règles communes, organisant leur formation et leur compétence, leur évaluation et leur contrôle, leur responsabilité et leur rémunération.

Il a expliqué que, conformément au droit commun de l'action sociale et médico-sociale, ces professionnels :

- seraient soumis à des procédures d'agrément ou d'autorisation selon qu'ils exercent à titre individuel ou dans un cadre associatif ou institutionnel ;

- devraient satisfaire à des conditions précises et strictes pour obtenir l'agrément par le préfet, en concertation avec le procureur de la République ;

- seraient soumis à un contrôle de leur activité, sous l'autorité du préfet et du procureur de la République, pouvant donner lieu, le cas échéant, à des sanctions.

Enfin, il a indiqué que le financement de l'activité de ces professionnels serait unifié et défini selon des critères plus équitables, plus précis et plus clairs, la personne protégée participant aux frais résultant de sa protection dans la mesure de ses moyens ; en l'absence de ressources suffisantes, un financement public subsidiaire assurerait la rémunération des mandataires.

Après avoir rappelé que le projet de loi constituait une réforme tant sociale que judiciaire, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a expliqué que la tutelle, privative de droits et pratiquement jamais révoquée une fois décidée, était actuellement trop souvent utilisée à des fins sociales, à défaut d'autres instruments plus adaptés.

Souhaitant, par conséquent, réserver cette mesure de protection à des situations d'altération grave et permanente des facultés mentales, il a expliqué qu'il convenait de ne plus l'utiliser à des fins d'accompagnement social et de l'encadrer davantage, tout en soulignant que le nombre de majeurs protégés ne cessait d'augmenter du fait des dérives actuelles, ainsi que de la progression de la maladie d'Alzheimer, précisant notamment que 220 000 nouveaux cas étaient ainsi diagnostiqués pour cette maladie chaque année.

Il a indiqué qu'avec le projet de loi, le gouvernement s'engageait à créer et développer des alternatives à la tutelle, à adapter la protection des personnes à l'évolution de leurs capacités, en créant un véritable parcours d'autonomie, à apporter des garanties nouvelles pour les personnes comme pour les familles, afin qu'elles aient toute confiance dans les mesures de protection, et à garantir un financement qui ne pénalise pas les départements.

Il a expliqué que des alternatives à la tutelle étaient indispensables pour les personnes dont les facultés mentales ne sont pas durablement altérées. Il a exposé que le projet de loi prévoyait à cet effet la création d'une mesure d'accompagnement social personnalisé, en amont du dispositif judiciaire, qui prendrait la forme d'un contrat passé avec le président du conseil général et qui comporterait, en vertu du texte adopté par l'Assemblée nationale, une aide à la gestion de l'ensemble de leurs ressources, et pas seulement de leurs prestations sociales.

Il a précisé qu'une mesure judiciaire ne pourrait être envisagée sans qu'un rapport soit établi par le président du conseil général afin d'informer le juge de la situation de la personne et des mesures déjà prises, puis a réaffirmé la nécessité de mettre en place un parcours progressif permettant de prononcer d'abord les mesures les moins contraignantes et, le cas échéant, de les modifier ensuite en fonction de la situation et des possibilités d'évolution de la personne.

Il a ajouté que les familles et les personnes concernées devraient également être mieux associées et mieux entendues au cours de la procédure, expliquant notamment que l'individu placé sous tutelle serait accompagné, écouté et responsabilisé, afin qu'il puisse, à terme, retrouver son autonomie.

S'agissant de la création d'un parcours vers l'autonomie, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a estimé qu'afin de protéger la personne et ses intérêts, il convenait de prévoir un placement sous protection judiciaire, tout en tenant compte de ses droits légitimes et en lui garantissant, autant que possible, l'exercice de ses libertés.

Il a indiqué que la mesure d'accompagnement social personnalisé était destinée à répondre à cet objectif, ajoutant qu'en cas d'échec, elle serait remplacée par une mesure d'accompagnement judiciaire, cette mesure d'autorité exercée sous le contrôle du juge offrant une dernière chance à l'action sociale. Il a précisé que, tout en conservant ses droits civiques et patrimoniaux, la personne protégée verrait ainsi ses prestations sociales gérées par un tiers.

Il a ajouté que la curatelle et la tutelle seraient désormais réservées aux personnes les plus vulnérables et ayant généralement une altération définitive de leurs facultés mentales.

Il s'est également félicité de la création du mandat de protection future, ce dispositif innovant devant permettre à toute personne d'organiser à l'avance, par la conclusion d'un contrat, sa prise en charge en prévision d'une éventuelle altération de ses facultés.

Après avoir rappelé que les familles assumaient directement plus de la moitié des tutelles, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué que l'Assemblée nationale avait prévu la mise en place d'un dispositif d'aide et d'information leur permettant de trouver plus facilement des solutions aux difficultés rencontrées.

Il a constaté que, si les associations tutélaires, les mandataires ou les établissements accueillant des personnes sous tutelle s'acquittaient généralement bien de leurs responsabilités, trop d'abus ou de négligences perduraient.

Il a indiqué que le projet de loi prévoyait en conséquence un meilleur encadrement et une formation plus adaptée des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, en professionnalisant cette fonction et en renforçant les contrôles, par la création d'un certificat national de compétences, par l'inscription obligatoire d'une liste tenue par le préfet sur avis conforme du procureur de la République et par un contrôle de l'Etat.

Réaffirmant la volonté du Gouvernement d'assurer le financement de cette réforme sans pénaliser les départements, il a indiqué qu'afin de répondre aux inquiétudes de ces derniers, le projet de loi prévoyait que l'Etat prendrait en charge le coût des tutelles des bénéficiaires des prestations sociales des départements. Il a précisé que ces collectivités devraient ainsi économiser 77 millions d'euros en 2009, la prise en charge financière de l'Etat représentant plus de 92 millions d'euros en 2013.

Il a estimé que les charges nouvelles induites par la création d'une mesure d'accompagnement social personnalisé devraient être inférieures aux économies ainsi réalisées par les départements. Enfin, il a ajouté que l'Assemblé nationale avait introduit une « clause de revoyure », obligeant à faire le bilan financier de la réforme.

Il a déclaré que la réforme n'entrerait intégralement en vigueur qu'au 1 er janvier 2009, afin de laisser du temps aux départements pour la mettre en place, ces derniers ayant récemment dû assumer un nombre important de nouvelles compétences. Il a précisé que les dispositions n'affectant pas leur charge de travail, telles que la professionnalisation des mandataires, le renforcement des contrôles ou la création du mandat de protection future, seraient immédiatement mises en oeuvre.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a précisé que le projet de loi autorisait les départements à mettre en oeuvre les mesures d'accompagnement social personnalisé, soit en s'appuyant sur leurs services d'action sociale, soit en faisant appel à des associations, celles-ci continuant comme aujourd'hui à assurer le suivi des personnes protégées.

En conclusion, il a qualifié le projet de loi de « réforme de citoyenneté », au même titre que la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées.

S'exprimant au nom de M. Henri de Richemont, rapporteur, empêché, M. Jean-Jacques Hyest, président, a demandé au garde des sceaux si des moyens matériels et humains suffisants seraient alloués aux parquets pour leur permettre d'assumer leur rôle nouveau dans la mise en place et le suivi des mesures de protection, en observant que le parquet civil disposait traditionnellement d'effectifs très limités. Il a également jugé nécessaire de renforcer les greffes, compte tenu des tâches nouvelles qu'ils auront à assumer.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a marqué sa volonté de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la réussite de la réforme de la protection juridique des majeurs. Après avoir rappelé que l'effectif actuel des juges des tutelles atteignait quatre-vingts emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), il a annoncé une augmentation du nombre de magistrats et de fonctionnaires, qui se traduirait par la création de vingt-deux ETPT de juges des tutelles, sept ETPT de magistrats du parquet, cinquante et un ETPT de greffiers et cinq ETPT de greffiers en chef.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a noté qu'une des avancées du projet de loi consistait à différencier plus strictement le champ de l'accompagnement social de celui de l'accompagnement judiciaire, en remplaçant la tutelle aux prestations sociales adultes par la mesure d'accompagnement judiciaire et en créant, en amont, une mesure d'accompagnement social personnalisé. Après avoir demandé au garde des sceaux si cette réforme permettrait de diminuer effectivement le nombre de placements sous une mesure de protection juridique, il s'est interrogé sur le champ d'application de la mesure d'accompagnement judiciaire, notamment sur l'opportunité de la limiter aux seules prestations sociales ou de l'étendre à tout type de ressources.

Après avoir souligné que la frontière entre ce qui doit relever de la sphère sociale et ce qui a trait à la sphère judiciaire était délicate à tracer, M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a rappelé le constat unanime dressé dans de nombreux rapports, selon lequel une grande part des mesures de tutelle ou de curatelle concernait des personnes en grande difficulté sociale, ce qui prouvait une certaine dérive par rapport à l'objectif initial de la loi du 3 janvier 1968 dédiée à la protection des personnes souffrant d'une altération de leurs facultés mentales. Il a estimé à environ 20 % la part des mesures de tutelle ou de curatelle prononcées sans qu'il y ait altération des facultés personnelles des intéressés, tout en reconnaissant qu'il était difficile de la quantifier précisément. Il a fait valoir que la réforme proposée permettrait la prise en charge des personnes connaissant des difficultés sociales dans le cadre du nouveau dispositif d'accompagnement social personnalisé, qui présentait le double avantage, par rapport à la curatelle, d'offrir une réponse mieux adaptée à leurs besoins et de préserver leurs droits.

Marquant son opposition à l'extension à l'ensemble des ressources de la mesure d'accompagnement judiciaire, votée par les députés, le garde des sceaux a estimé que cette initiative était en contradiction avec la philosophie du projet de loi. Il lui a paru logique et cohérent de confier à la collectivité publique le soin de gérer, y compris de façon contraignante, les prestations sociales pour garantir leur emploi à bon escient. Il a jugé a contrario qu'aucun argument valable ne justifiait d'étendre la portée de ce dispositif à l'ensemble des ressources. Il a souhaité que les travaux du Sénat puissent permettre de revenir à la rédaction initiale du projet de loi en limitant aux seules prestations sociales l'application de la mesure d'accompagnement judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a pris acte des indications apportées par le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur le financement de la réforme.

Puis il a interrogé le garde des sceaux sur les suites qu'il comptait réserver à l'expérimentation, concluante, tendant à faire intervenir des agents du Trésor public aux côtés des greffiers en chef des tribunaux d'instance pour contrôler plus rigoureusement les comptes de tutelle.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, a précisé que si l'expérimentation avait été bien accueillie dans les cours d'appel où elle avait été mise en place, le coût déraisonnable au regard du bénéfice attendu en matière de contrôle des comptes de tutelle rendait sa généralisation peu opportune.

Reconnaissant la difficulté pour les greffiers en chef, compte tenu de leur charge de travail, de contrôler l'ensemble des comptes déposés au greffe des tribunaux d'instance, il a indiqué que la réforme comportait une avancée en ce domaine, en permettant au juge de moduler la nature du contrôle des comptes en fonction de l'étendue du patrimoine et de la situation familiale et permettait de confier à un commissaire aux comptes la vérification des patrimoines les plus importants. A l'inverse, il a expliqué que, dans certaines hypothèses, le contrôle pourrait être allégé. Il a estimé qu'une telle souplesse permettrait de mieux contrôler les comptes des personnes faisant l'objet d'une mesure de protection.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est inquiétée de ce que certaines personnes, parce qu'elles ne perçoivent pas de prestations sociales, ne se trouvent exclues du dispositif de la mesure d'accompagnement judiciaire. Tel pourrait être le cas, a t elle observé, des personnes âgées percevant une très faible retraite.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a fait valoir que l'accompagnement social de ces personnes interviendrait en amont et qu'en cas d'incapacité, celles-ci pourraient bénéficier d'une mesure de protection judiciaire.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a estimé qu'il pourrait être opportun d'établir un fichier national des mandataires judiciaires à la protection des majeurs interdits d'exercice, afin que ceux qui se seraient vu retirer leur habilitation n'aient pas la possibilité de s'installer dans un autre département.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a reconnu que ce problème pouvait se poser, mais qu'il était difficile, à ce stade, d'en mesurer l'ampleur. L'inscription sur la liste départementale nécessitant la vérification préalable par le préfet du respect de l'ensemble des conditions de moralité et de professionnalisme, il a estimé que l'occurrence de tels phénomènes serait limitée.

Il a indiqué au rapporteur pour avis qu'il était déjà possible d'établir des statistiques sur le nombre des mesures de protection prises en charge par les familles.

Puis Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a émis des réserves sur la possibilité donnée au juge de désigner comme tuteur ou curateur un préposé d'établissement social et médico-social. Cette situation lui a semblé être généralement source de conflits d'intérêts, notamment lorsqu'il s'agit de traiter des litiges entre la personne protégée et l'établissement qui l'accueille.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a dit ne pas partager ces inquiétudes. Il a rappelé que la possibilité de confier une mesure de protection au préposé d'un établissement de santé ou de cure existait depuis un décret du 15 février 1969, le nombre de mesures ainsi exercées étant actuellement supérieur à 90 000. Il a ajouté que cette solution avait l'avantage d'offrir un service de proximité aux personnes protégées. Enfin, il a souligné que le projet de loi encadrait l'activité des préposés, notamment en exigeant l'intervention systématique du juge pour les actes sensibles qui concernent la situation médicale de la personne protégée.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est également interrogée sur la nature du régime du mandat de protection future, souhaitant que soit précisé si le mandant conserve la possibilité d'agir par lui-même ou si la délégation des actes au mandataire judiciaire entraîne l'impossibilité pour le mandant d'agir seul. Dans la mesure où il s'agirait d'un régime d'incapacité, elle a évoqué la possibilité de prévoir l'homologation du mandat par le juge.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que le mandat de protection future était destiné à permettre à toute personne d'organiser elle-même sa protection sans intervention judiciaire. Il a précisé qu'il s'agissait d'un régime de représentation, et non d'un régime d'incapacité : le mandataire représente la personne protégée dans les limites du mandat qui lui est confié et le mandant conserve en droit sa capacité juridique. Il a souligné que l'intervention a priori du juge n'était donc pas nécessaire et serait même contraire au principe du mandat. Pour la même raison, il a estimé que l'homologation du mandat par le juge réduirait à néant sa portée, puisqu'en définitive l'ouverture de la mesure serait décidée par le magistrat.

Il a exposé que l'intention du Gouvernement était au contraire de favoriser le développement de mesures conventionnelles de protection, sur le modèle de celles qui existent en Allemagne, en Angleterre ou au Québec. Il a ajouté que des garanties importantes étaient prévues, telles que :

- la mise en oeuvre du mandat à la diligence du mandataire, qui doit produire au greffe du tribunal d'instance le mandat et le certificat médical attestant l'altération des facultés de la personne protégée ;

- la notification du mandat au mandant ;

- la possibilité de saisir le juge des tutelles pour contester les conditions d'exécution du mandat ;

- le pouvoir du juge de compléter le mandat par une mesure judiciaire ou d'y mettre fin, s'il estime que son exécution ne présente plus d'utilité ou ne protège pas correctement la personne concernée.

M. Alain Vasselle a souligné que les personnes morales chargées des mesures de protection juridique bénéficiaient souvent d'aides, prenant la forme de subventions ou de facilités, telles que la mise à disposition de locaux, alors que tel n'était pas le cas des gérants de tutelles, personnes physiques. Il a jugé cette situation discriminatoire.

Il s'est interrogé sur la possibilité d'utiliser les mesures de protection définies par le projet de loi à l'égard d'adolescents ayant échappé à l'autorité de leurs parents et dilapidant les ressources de la famille. Dès lors que celles-ci sont constituées par des prestations sociales, il s'est interrogé sur la possibilité, pour le président du conseil général, de signaler une telle situation au procureur de la République.

M. Jean-Pierre Sueur s'est fait l'écho des préoccupations exprimées par les associations représentées dans le cadre de l'Union nationale des associations des parents et amis de personnes handicapées mentales, tenant à l'absence de prise en compte, dans le cadre du projet de loi, du principe de la compensation du handicap posé par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a estimé qu'il importait moins de multiplier les subventions aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs que de leur garantir une rémunération satisfaisante, ce qui serait désormais possible grâce au projet de loi.

Il a par ailleurs estimé que les dispositifs de protection des majeurs ne pouvaient constituer une solution au cas des adolescents évoqué par M. Alain Vasselle.

S'agissant de l'application du principe de la compensation prévu par la loi du 11 février 2005 aux frais de tutelle, il a estimé que ces éléments constitueraient une discrimination injustifiée entre les personnes protégées souffrant d'un handicap mental ou corporel et celles souffrant d'une altération de leurs facultés non liée à un handicap, par exemple dans le cas de la maladie d'Alzheimer.

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