II. EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS
Réunie le mercredi 7 février 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Bernadette Dupont sur le projet de loi n° 172 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de la protection juridique des majeurs .
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. exposé général du présent avis).
Mme Sylvie Desmarescaux a rappelé que M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, a inspiré certaines dispositions de ce projet de loi. Elle a soutenu l'idée consistant à prendre en compte l'ensemble des ressources de la personne protégée en matière d'accompagnement judiciaire, ainsi que celle visant à interdire de confier aux membres du personnel des établissements sociaux et médico-sociaux le rôle de préposé. Elle a également jugé nécessaire de distinguer clairement le domaine de la protection des majeurs de celui de la protection de l'enfance et appelé à un renforcement des moyens de la justice, en particulier en ce qui concerne les effectifs des greffiers.
M. Guy Fischer a souligné l'intérêt de ce rapport, tout en déplorant que les contraintes d'un calendrier législatif surchargé ne laissent que peu de temps aux sénateurs pour examiner ces questions importantes. Sur le fond, les dispositions du projet de loi apparaissent d'autant plus nécessaires que le vieillissement de la population, le développement de la précarité, de l'exclusion et du chômage tendent à accroître le nombre des majeurs protégés. La France compte ainsi sept millions de travailleurs pauvres et le nombre des personnes âgées augmente au rythme de 4 % par an.
Dans ce contexte, il a jugé nécessaire tout à la fois de préciser les statuts des personnels exerçant la protection juridique des majeurs, d'améliorer leurs qualifications et d'augmenter les moyens à la disposition de la justice. Faisant référence aux travaux de la commission sur la maltraitance des personnes handicapées, il s'est prononcé à son tour en faveur de la suppression de la possibilité pour les personnels des établissements sanitaires et sociaux d'exercer une protection judiciaire sur les personnes handicapées dont ils ont la charge. S'agissant du financement de ces dispositifs, il a noté que l'Etat, la sécurité sociale ainsi que les conseils généraux seront sollicités pour la mise en oeuvre de ces nouveaux dispositifs.
Après avoir pris connaissance des amendements proposés par le rapporteur pour avis, il a formulé au nom du groupe communiste républicain et citoyen, à ce stade de la procédure, une appréciation plutôt favorable sur ces dispositions, qui mérite toutefois d'être corroborée par des précisions en séance publique.
M. Paul Blanc a fait part de sa grande satisfaction à voir l'actuelle majorité mener à bien cette réforme attendue de longue date par les familles et les professionnels du secteur. Confirmant les propositions du rapporteur, il a jugé également nécessaire de supprimer la possibilité de désigner un préposé parmi le personnel des établissements sanitaires et sociaux. Sur la question du financement, il a rappelé que l'actuelle majorité avait veillé à accompagner la création de l'allocation dépendance par la mise en place de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ce que n'avaient pas fait les précédents gouvernement, le RMI et l'Apa ayant été tous deux institués sans que ne soit élaboré un schéma de financement durable.
M. Jean-Pierre Michel s'est dit en désaccord avec ces affirmations, dont il a regretté le caractère polémique au moment où la commission examine un texte de nature consensuelle. Sur le fond, il a considéré que ce projet de loi présente un grand intérêt et représente l'aboutissement de plusieurs années de travail, engagé aussi bien par les services du ministère des affaires sociales que par ceux du ministère de la justice. Il s'est ainsi félicité de la distinction nette à laquelle il est procédé entre les personnes nécessitant une protection judiciaire, d'une part, et celles qui doivent faire l'objet d'une simple protection sociale, d'autre part.
Après avoir observé que l'implication croissante des départements dans la gestion des dispositifs de protection juridique des majeurs est cohérente avec leurs compétences juridiques, il a néanmoins estimé indispensable que de véritables négociations aient lieu entre l'Etat et l'association des départements de France sur la question des financements.
Il a ensuite attiré l'attention du rapporteur pour avis sur le cas particulier de certains établissements psychiatriques qui assurent également des services médico-sociaux et considéré que ces structures ne doivent pas être privées de la possibilité de désigner des préposés pour les personnes dont ils ont la charge.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis , a précisé que les amendements présentés ne visent pas ces établissements.
Bien que se disant réticent au principe de prévoir le recours à un avocat dans l'ensemble des procédures administratives, M. Jean-Pierre Michel a jugé opportun en l'espèce de prévoir son intervention lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne doit faire l'objet d'une mesure de protection. Faisant référence à sa propre expérience professionnelle de juge des tutelles, il a souligné la difficulté extrême à apprécier le consentement de ces personnes et le risque qu'il y a de s'en remettre exclusivement aux membres des familles.
Il a également approuvé le dispositif du mandat de protection future, tout en jugeant nécessaire que la rédaction de ce document puisse avoir lieu sous seing privé. A ce sujet, il a fait part de son désaccord avec la position des députés socialistes qui se sont prononcés a contrario en faveur de l'obligation d'un document notarié. Puis il a indiqué, d'une façon générale, que le groupe socialiste aborde l'examen des dispositions de ce projet de loi sous un angle globalement favorable.
M. Alain Vasselle a attiré l'attention de la commission sur plusieurs points spécifiques de ce projet de loi. Il s'est inquiété tout d'abord du texte proposé pour l'article 411 du code civil qui ne prévoit plus l'intervention du conseil de famille lorsque la tutelle est exercée par une collectivité publique. Il a également jugé que les dispositions sur la rémunération des personnes physiques assurant la protection juridique des majeurs mériteraient d'être améliorées : toutes les familles ne sont pas suffisamment fortunées pour que l'un de leurs membres assume ce rôle de façon bénévole.
Sur la question du financement, il a appelé à une grande vigilance pour s'assurer que la sécurité sociale ne sera pas sollicitée pour compenser un éventuel désengagement financier de l'Etat ou des départements : les caisses de sécurité sociale ne peuvent, à son sens, intervenir que par le biais de leur fonds d'action sociale. Il s'est enfin inquiété de l'interprétation restrictive qui pourrait être faite des modalités de calcul du plafond de ressources en dessous duquel les personnes protégées seront exemptées de l'obligation de contribuer au financement des mesures dont elles font l'objet. A titre d'illustration, il a rappelé que les titulaires de l'AAH ne bénéficient pas de la CMU complémentaire en raison d'un effet de seuil de quelques dizaines d'euros.
En réponse à Alain Vasselle, M. Nicolas About, président , a précisé que la commission ne s'est pas saisie des dispositions du projet de loi modifiant l'article 411 du code civil. Il a toutefois invité les commissaires à déposer, s'ils le jugent utile, des amendements en leur nom personnel et à les défendre en séance publique.
En réponse à l'ensemble des intervenants, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que le renforcement des personnels judiciaires affectés à la protection des majeurs devrait intervenir à partir de 2007 et que les besoins les plus urgents concernent les huissiers. En ce qui concerne la croissance attendue, au cours des prochaines décennies, du nombre des personnes protégées, elle a souligné que si le phénomène du vieillissement de la population apparaît effectivement inéluctable, l'amélioration de la situation économique et sociale et la réduction du chômage demeurent possibles.
Après avoir jugé nécessaire d'actualiser les dispositions réglementaires sur la qualification des personnels protégeant les majeurs, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est prononcée en faveur, d'une part, de la rédaction sous seing privé des mandats de protection future, d'autre part, de l'indemnisation des frais engagés par les membres des familles protégeant les personnes majeures.
Se félicitant du large accord qui semble se dessiner au Parlement sur les dispositions du présent projet de loi, elle a estimé nécessaire de veiller à ce que ces mesurent soient effectivement mises en oeuvre.
Puis la commission a examiné les amendements proposés par le rapporteur.
A l'article 5 (organisation de la protection juridique des majeurs), elle a adopté plusieurs amendements pour :
- prévoir la prise en charge du coût d'établissement du certificat médical par l'aide juridictionnelle pour les personnes à faibles ressources;
- rendre obligatoire la consultation du médecin traitant par le médecin expert chargé d'établir ce certificat ;
- laisser au juge la faculté d'apprécier l'opportunité de la présence d'un tiers lors de l'audition de la personne à protéger ;
- supprimer les restrictions apportées à l'obligation, pour le juge, de l'auditionner ;
- préciser les personnes susceptibles d'engager des actions en annulation des actes passés par une personne placée sous sauvegarde de justice ;
- supprimer la restriction selon laquelle la protection juridique du majeur cesse dès lors qu'il établit sa résidence hors de France ;
- supprimer la faculté pour le juge de désigner comme tuteur ou curateur un préposé de l'établissement médico-social où la personne protégée est hébergée ;
- préciser l'obligation d'indépendance du tuteur et du subrogé tuteur lorsque tous les deux sont des mandataires professionnels ;
- préciser les personnes susceptibles de demander la réduction ou la rescision des actes de la personne sous tutelle ou curatelle ;
- permettre l'établissement d'un budget prévisionnel dans le cadre de la curatelle renforcée ;
- supprimer l'autorisation préalable du juge pour défendre en justice le majeur sous tutelle ;
- soumettre à une autorisation du juge la révocation de son testament par la personne sous tutelle ;
- faire prévaloir le mandat de protection future conclu par un majeur pour lui-même sur celui passé en sa faveur par ses parents ;
- remplacer l'obligation de produire un certificat médical rédigé par un médecin expert agréé par le procureur de la République par celle, moins contraignante, de produire un certificat de droit commun pour mettre fin au mandat ;
- préciser que le mandat de protection future est un régime de procuration, et non d'incapacité ;
- supprimer l'obligation de la présence simultanée de deux notaires pour la conclusion d'un mandat de protection future par acte authentique ;
- préciser le champ du mandat notarié lorsqu'il est rédigé en termes généraux ;
- autoriser le mandataire à demander au juge l'autorisation d'accomplir un acte non prévu par le mandat ;
- préciser le champ du mandat lorsque celui-ci est conclu sous seing privé ;
- étendre la mesure d'accompagnement judiciaire à toute personne, quel que soit le type de revenu qu'elle perçoit ;
- autoriser, à titre exceptionnel, le cumul d'une mesure d'accompagnement judiciaire avec une mesure de sauvegarde de justice ;
- obliger les personnes chargées d'une mesure d'accompagnement judiciaire et d'une mesure d'aide à la gestion du budget familial pour un même foyer à s'informer mutuellement des décisions qu'elles prennent.
Elle a enfin adopté six amendements rédactionnels, onze amendements de coordination et un amendement de précision.
A l'article 8 (création d'une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé), la commission a adopté trois amendements visant respectivement :
- à déconnecter l'accès à la mesure d'accompagnement social personnalisé de la perception d'une ou plusieurs prestations sociales :
- à supprimer l'agrément préalable des partenaires choisis par le département pour mettre en oeuvre la mesure d'accompagnement social personnalisé ;
- à clarifier les conditions de fixation de la participation des bénéficiaires de la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel et quatre amendements de coordination.
A l'article 9 (régime juridique de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs), elle a adopté un amendement créant une liste nationale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs interdits d'exercice dans leur département d'origine. Elle a adopté, par coordination avec l'article 5, un amendement supprimant les modalités de désignation des préposés d'établissements ou services sociaux et médico-sociaux comme mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel.
La commission a adopté conformes les articles 10 (insertion des services tutélaires dans la catégorie des établissements et services sociaux et médico-sociaux) et 11 (compétences en matière de tarification des services mandataires à la protection des majeurs).
A l'article 12 (financement de la protection judiciaire des majeurs), elle a adopté un amendement supprimant le critère d'état des personnes des indicateurs retenus pour le calcul de la dotation globale de financement des services tutélaires, ainsi qu'un amendement de coordination.
A l'article 13 (dispositions de coordination en matière de droits des usagers), elle a adopté, par coordination avec l'article 5, un amendement limitant aux seuls établissements de santé l'obligation de désigner parmi leur personnel un préposé à la tutelle.
La commission a adopté conformes les articles 14 (conditions d'exercice des personnes physiques mandataires judiciaires à la protection des majeurs) et 15 (dispositions pénales applicables aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs).
A l'article 16 (dispositions applicables aux mandataires judiciaires relevant d'un établissement de santé), elle a adopté un amendement de coordination.
A l'article 16 bis (conditions d'exercice de l'activité de tuteur aux prestations sociales), elle a adopté deux amendements de coordination avec les dispositions du projet de loi relatif à la protection de l'enfance.
A l'article 16 ter (assistance aux tuteurs et curateurs familiaux), elle a adopté un amendement prévoyant la mise en place d'actions de conseil pour les tuteurs familiaux, ainsi qu'un amendement rédactionnel.
La commission a adopté conformes les articles 17 (coordination), 18 (contrôle administratif des établissements et services sociaux et médico-sociaux), 18 bis (coordination au sein du code de l'action sociale et des familles) et 19 (approfondissement du contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux).
Elle a adopté un amendement supprimant l'article 21 bis (participation des majeurs protégés à des recherches biomédicales).
La commission a adopté conformes les articles 22 (dispositions de coordination dans le code de l'action sociale et des familles et dans le code de la sécurité sociale) et 23 (prorogation de l'échéancier d'expérimentation du financement par dotation globale).
A l'article 25 (délai de mise en conformité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs avec les nouvelles dispositions en matière d'agrément, d'autorisation et de déclaration), elle a adopté un amendement prévoyant une période transitoire de cinq ans pour mettre fin aux mesures de tutelle confiées à des préposés d'établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un amendement de coordination.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi amendé.