D. MENACES PERSISTANTES SUR L'AVENIR DU LIVRET A
Votre rapporteur pour avis avait consacré l'an dernier une partie de son rapport à l'avenir du Livret A. En effet, le mode de distribution de ce produit financier, principal outil de financement du logement social 53 ( * ) , a fait l'objet d'un recours de plusieurs groupes bancaires devant la Commission européenne, qui souhaitent obtenir la suppression du monopole de distribution dont bénéficient les Caisses d'épargne et La Poste.
Dans le prolongement de cette action, le 10 mai dernier, la Commission européenne a décidé de remettre en cause le droit spécial de distribution du Livret A et du Livret bleu octroyés à la Banque Postale, aux Caisses d'Epargne et au Crédit Mutuel, au motif que ce droit serait contraire au droit communautaire de la concurrence. Suite à cette décision, l'Etat a déposé, le 23 juillet 2007, une requête en annulation auprès du Tribunal de première instance des Communautés européennes, dont le résultat ne sera connu qu'au cours de l'année 2008.
Parallèlement à cette procédure contentieuse, le gouvernement a néanmoins décidé d'étudier sans délai la réforme de la distribution du Livret A, en veillant particulièrement à ce que cette réforme ne conduise ni à une dégradation des conditions de financement du logement social, ni à une remise en cause des conditions d'accès au Livret A. A cet effet, une mission a été confiée en juin 2007 à M. Michel Camdessus, gouverneur honoraire de la Banque de France. Cette mission porte sur les modalités d'une réforme de la distribution du Livret A pour se mettre en conformité avec les règles communautaires, tout en préservant pleinement les missions d'intérêt général de financement du logement social et d'accessibilité bancaire. Elle porte également sur la modernisation et l'amélioration des circuits de financement du logement social. Le rapport de la mission devrait ainsi être remis au gouvernement avant la fin de l'année 2007.
Sur ce dossier, votre commission pour avis souhaite simplement réaffirmer ses craintes quant à l'éventuelle banalisation de la distribution du Livret A. En effet, elle rappelle tout d'abord qu'avec 46 millions de Livrets A la marge de développement de ce produit financier parmi les épargnants français est assez limitée. Le Livret A ne représente au demeurant qu'une fraction marginale de l'épargne totale des ménages (4 % contre 26 % au début des années 1980).
Surtout, votre commission pour avis estime que la banalisation du Livret A pourrait conduire à réduire l'encours des fonds placés sur ce produit, ce qui fragiliserait toute l'architecture du financement du logement social. En effet, l'engouement des Français au cours de l'année 2006 en faveur de l'assurance-vie, au détriment de l'épargne-logement, démontre que des réorientations massives de fonds d'épargne peuvent être observées sur de courtes périodes. Il y a fort à parier qu'une fois le Livret A distribué par d'autres réseaux bancaires, les épargnants soient incités par leurs banques à réorienter cette épargne, qui est peu lucrative pour le réseau puisqu'il ne peut disposer librement des sommes 54 ( * ) , vers d'autres produits. Or, une diminution de l'encours des fonds du Livret A aurait des conséquences non négligeables sur la solidité financière du système de financement du logement social dont la Caisse des dépôts et des consignations est le garant.
Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis chargé des programmes « logement » soutient pleinement la démarche de l'Union sociale pour l'habitat qui est intervenue dans la procédure en soutien des recours du gouvernement, de la Caisse d'Epargne et de la Banque Postale, en tant que « tiers intéressé ». Compte tenu de l'impact très important que pourrait avoir une banalisation du Livret A sur le financement du logement social, votre rapporteur pour avis estimerait opportun que les principales associations de collectivités territoriales suivent la même démarche que l'USH.
En définitive, votre commission pour avis estime que le système actuel de distribution du Livret A répond avant tout à des impératifs d'intérêt général (financement du logement social, accès des ménages les plus démunis aux services bancaires) qui pourraient être fragilisés par une banalisation de ce produit d'épargne.
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Réunie le mercredi 28 novembre 2007 sous la présidence de M. Jean-Paul Emorine, votre commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, M. Pierre André ayant appelé à voter en ce sens et M. Thierry Repentin, à voter en sens inverse . |
* 53 Pour la présentation du fonctionnement du système, votre rapporteur pour avis renvoie à la lecture du rapport pour avis de la commission de l'an dernier - Avis n° 80 (2006-2007) de MM. Pierre André et Thierry Repentin, fait au nom de la commission des affaires économiques, sur les crédits affectés à la mission « ville et logement » par le PLF 2007.
* 54 Les fonds du Livret A sont obligatoirement centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations.