EXAMEN EN COMMISSION
Lors de sa séance du 14 novembre 2007, la commission a examiné le rapport pour avis de M. André Dulait, qui a présenté les crédits de fonctionnement du programme 178. Il s'exprimait également au nom de M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, empêché.
Avant d'analyser ces crédits, il a rappelé le caractère spécifique du projet de loi de finances pour 2008 dans le domaine de la défense : il s'agit d'un budget de transition, qui clôt l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2003-2008, et qui a été construit dans l'attente des conclusions des travaux menés, tant par la commission du « Livre blanc » que par l'audit de l'ensemble des ministères. Pour accompagner cet audit, le ministre de la Défense a installé, le 4 septembre 2007, un groupe de travail composé de sept chefs d'entreprise chargés d'analyser les propositions d'économie et de réorganisation qui vont être proposées par cet audit.
Le but recherché est d'inscrire le ministère de la Défense dans une logique de maîtrise de la dépense publique, a souligné M. André Dulait.
Cette maîtrise portera, selon les termes du ministre, « sur différentes fonctions sans lien avec l'activité opérationnelle des armées, notamment la logistique, les transports, les achats, la communication et l'informatique ». L'ensemble de ces fonctions relève du titre 3, dont l'essentiel des crédits est cependant affecté au financement du maintien en condition opérationnelle (MCO) des différents équipements utilisés par les trois armées.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, s'est félicité qu'un effort marqué ait été accompli depuis 2000 pour en rationaliser l'organisation et en réduire les coûts. Il a précisé que les financements affectés au MCO des divers équipements en service dans les armées aient été nettement accrus depuis 2002, en contraste avec leur trop faible volume antérieur. Cet effort budgétaire, destiné à redresser des taux de disponibilité parfois inférieurs à 50 %, s'est accompagné d'une rationalisation, qui n'est pas achevée, de l'organisation et des modalités de réalisation des opérations de MCO. Le Service de Soutien de la Flotte (SSF) a été créé, a-t-il rappelé, en 2000 puis, en 2002, la structure interarmée de maintenance des matériels aéronautiques de défense (SIMMAD), qui a beaucoup contribué à mutualiser et rationaliser les opérations de maintenance aéronautique, et donc à freiner l'impressionnante croissance de leurs coûts. Le Service industriel de l'aéronautique (SIAé), sera institué au 1er janvier 2008 pour en prolonger l'action. Il aura pour tâche d'organiser la délégation au secteur privé des activités de soutien générales, et donc de limiter la maintenance au sein des forces aux activités de proximité.
Enfin, l'armée de terre mettra en oeuvre, durant l'année 2008, une politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP) qui vise à rationaliser l'utilisation de ses matériels et à réduire le coût de leur soutien.
A ces restructurations s'ajoute la création, depuis décembre 2003, de la Direction interarmée des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information de la Défense (DIRISI), pour gérer l'ensemble des systèmes d'information et de communication de la défense.
Ces efforts dans les domaines des matériels et des réseaux ont été accompagnés par la réforme intervenue en 2003 de l'économat des armées, qui est chargé du soutien logistique et de la fourniture de services, de denrées et de marchandises diverses aux formations militaires en France et à l'étranger.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, a ensuite estimé que l'ensemble de ces actions, pour la plupart destinées à restructurer et à mutualiser des moyens destinés aux trois armées, doit être salué, car il démontre que nos forces ne cessent, depuis la professionnalisation, de réfléchir à leur organisation et de l'optimiser, grâce à une démarche interarmées pragmatique.
Puis il a abordé la présentation synthétique des perspectives ouvertes par les crédits de fonctionnement pour 2008 pour chacune des armées. Pour l'armée de terre, il a souligné que les services du commissariat, chargés des commandes des effets de protection, vêtements de combat, ainsi que des tenues diverses, ont besoin au minimum d'un an pour notifier un marché public, éventuellement accru de la durée des recours des industriels écartés. De plus, l'industriel ayant remporté l'appel d'offres n'est pas toujours fiable, les livraisons n'étant pas toujours conformes aux échantillons fournis à cette occasion.
M. André Dulait a constaté que les premiers bilans tirés des expériences d'externalisation, qui se sont multipliées depuis la professionnalisation, sont contrastés : 230 millions d'euros ont été ainsi affectés, en 2007, par l'armée de terre, à la réalisation de tâches non militaires (gardiennage et entretien de locaux). Or, le résultat n'est pas toujours satisfaisant, et chaque renouvellement triennal des contrats est l'occasion d'augmentations de leurs coûts, parfois très fortes, allant jusqu'à 30 % dans certains cas.
Le caractère récurrent de la maintenance des matériels lourds de l'armée de terre, comme la croissance continue de son coût, notamment du fait de leur sophistication accrue, devraient être mieux pris en compte avec la nouvelle répartition des parcs décidée pour 2008.
Pour les forces navales, le budget de fonctionnement représente 10 % de l'ensemble du budget de la marine, soit environ 440 millions d'euros. La part de ces crédits affectée aux produits pétroliers est, sans surprise, en hausse, et a crû d'un montant d'environ 12 % du fonctionnement en 2004 à 19 % en 2007. Les 20 % prévus en 2008 sont probablement inférieurs à la réalité. La Marine procède elle-même à l'achat et la gestion des carburants de sa flotte, autonomie qui lui est nécessaire du fait de la dispersion de ses bâtiments dans le monde.
M. André Dulait, rapporteur pour avis, a rappelé que le MCO naval était spécifique, puisqu'à la différence des autres armées, qui fonctionnent selon une logique distinguant les matériels en parc et ceux en ligne, la flotte est utilisée en permanence. Elle compte 11 bâtiments à propulsion nucléaire (4 SNLE, 6 SNA et un porte-avions), dont l'entretien programmé consomme environ 70 % des ressources financières affectées au MCO.
Cet entretien passe par un partage des tâches entre industriels et équipages, dont le maintien des compétences est capital pour une flotte dont la centaine de bâtiments sont dispersés dans le monde, loin de leur base. La création du SSF, en 2000, conjuguée à des ressources financières apportées par la LPM 2003-2008, a permis de définir une stratégie, planifiée sur trois ans, de demande à l'industriel d'un nombre de jours de disponibilité (Plan Cap 2005). La visibilité ainsi assurée permet à ce dernier d'organiser et planifier ce travail dans la durée, et cette procédure va être renouvelée pour 3 nouvelles années (Cap 2008). Mais ces taux de disponibilité affichés ne portent que sur la plate-forme, et non sur le système d'arme dont elle est dotée, qui répond à d'autres critères. L'entretien des 240 aéronefs, de 19 types différents, et de 23 ans d'âge moyen est, lui, assuré par la SIMMAD. Tous les moyens techniques dont disposait la marine y ont été affectés, à l'exception des mécaniciens chargés de la maintenance des aéronefs embarqués.
L'entretien des infrastructures est source de préoccupation, car si elles ne couvrent que 3 % du domaine militaire, elles sont à la fois concentrées et disparates. La priorité incontestable étant l'entretien des installations nucléaires, celui des casernements en pâtit. De plus, les infrastructures héritées de DCN, relayée en 1995 par la DGA, sont dégradées, entraînant des risques majeurs, avec des fluides sous tension, ou des grues vieillissantes.
Pour les forces aériennes, l'essentiel du titre 3 est consacré au MCO, dont les crédits sont alloués à la SIMMAD. Les crédits consacrés à l'entraînement des personnels sont calculés en fonction d'hypothèses budgétaires sur le coût des carburants, aujourd'hui dépassées. Les objectifs retenus, dans ce domaine, par la LPM 2003/2008 risquent d'en pâtir ; tel est également le cas pour les autres armées. Jusqu'à présent, les niveaux d'activité pour les pilotes des différents aéronefs en service dans l'armée de l'air ont été globalement tenus. Ainsi, l'activité moyenne en heures de vol d'un pilote de combat était-elle de 171 h en 2005, 175 h en 2006 et était prévue à 178 h en 2007, alors que l'objectif était de 180. L'écart entre objectifs et heures réalisées est plus marqué pour les pilotes de transport : les heures effectives tournent autour de 300, contre 400 prévues. Cela est largement dû au vieillissement de cette flotte, notamment composée de Transall, que l'on s'efforce de ménager le plus possible.
Les crédits affectés à l'entretien des infrastructures existantes, dont les 38 bases aériennes situées en métropole, ne permettent pas de les entretenir de façon convenable. Ce déficit récurrent peut s'évaluer à environ 100 millions d'euros par an. Plusieurs éléments concourent à une réflexion spécifique sur les implantations de l'armée de l'air. En cinq ans, de 2000 à 2005, les flottes ont été réduites de 20 %, et l'armée de l'air retirera du service 500 appareils anciens de 2000 à 2012, alors que 150 appareils nouveaux lui seront livrés dans le même temps. A cette contraction du volume des flottes s'ajoute le caractère multinational des 50 avions de transport européens A 400 M, qui devraient être en service à partir de 2010. Cette construction en coopération devrait conduire à une mutualisation, entre les pays partenaires, des activités de soutien des appareils. L'ensemble de ces éléments conduira probablement à un resserrement des implantations de l'armée de l'air, qui ne sera d'ailleurs source d'éventuelles économies qu'au terme d'un processus coûteux étalé sur plusieurs années.
Avant de conclure, M. André Dulait, rapporteur pour avis, a mis l'accent sur les problématiques principales qui sous-tendent l'appréciation des financements consacrés au soutien des armées :
- le poste de dépense le plus important, le MCO, notamment aéronautique, a fait l'objet depuis 2002 d'une forte restructuration, fondée sur une « interarmisation » pragmatique avec la création de la SIMMAD. Cette structure doit encore améliorer son fonctionnement pour réduire les coûts d'entretien des matériels, mais beaucoup a déjà été fait ;
- en matière de dépenses courantes de fonctionnement, la sous-traitance d'activités non militaires présente, à l'usage, de dérives financières importantes faute de concurrence et de compétences suffisantes au sein des armées en matière de négociation de ce type de contrat. L'adjudication, la gestion de marchés publics comme la location de services sont des métiers à part entière, et l'on ne saurait reprocher aux militaires d'avoir besoin de temps pour les maîtriser. Cependant, il semble acquis que la location de services est coûteuse, et qu'elle le sera de plus en plus, car elle fait appel à de la main-d'oeuvre qui, même peu qualifiée, voit ses rémunérations croître régulièrement. L'efficacité des services ainsi accomplis n'en est pas pour autant garantie : l'entretien des locaux et des espaces verts, par exemple, présente des résultats très disparates. Or, des locaux dégradés pèsent notablement sur le moral des personnels. La seule piste réaliste pour réduire ces coûts passe, elle aussi, par le resserrement des implantations militaires.
En conclusion, et suivant l'avis du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».