III. MIEUX TIRER PARTI DU TEMPS DE DÉTENTION AU SERVICE DE LA RÉINSERTION

La réinsertion des personnes détenues qui constitue l'un des objectifs fondamentaux de l'administration pénitentiaire implique que le temps passé en prison soit un temps utile au cours duquel formation et travail puissent être proposés. Au préalable, il importe que les conditions de vie en détention soient respectueuses de la personne et ne la désocialisent pas davantage. Sur ce point, le Gouvernement a décidé de se doter de nouveaux leviers d'action avec l'institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et l'adoption, à venir, d'une loi pénitentiaire.

A. DE NOUVEAUX LEVIERS D'ACTION

Avec l'instauration d'un contrôle extérieur des lieux de privation de liberté et l'adoption de la loi pénitentiaire, la France se sera dotée en 2007 et 2008 de nouveaux leviers pour faire progresser les conditions de détention.

Le contrôle général des lieux de privation de liberté

La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a, enfin, concrétisé une demande formulée depuis longtemps par le Parlement et notamment le Sénat qui, dès le 24 avril 2001, avait adopté une proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons. La loi de 2007 se distingue de cette proposition par le champ qu'elle recouvre puisque le contrôle portera sur l'ensemble des lieux de privation de liberté : les établissements pénitentiaires certes, mais aussi les locaux de garde à vue, les centres de rétention administrative ou encore les secteurs psychiatriques des centres hospitaliers accueillant les personnes hospitalisées sous contrainte.

Le Contrôleur général constitue une autorité indépendante et bénéficie à ce titre de plusieurs garanties. Les premières tiennent à ses conditions de désignation : le contrôleur est en effet nommé par décret du président de la République après avis des commissions des lois de chacune des deux assemblées 14 ( * ) .

Par ailleurs, comme pour les autres autorités administratives indépendantes, il ne peut être mis fin aux fonctions du Contrôleur général avant l'expiration de son mandat qu'en cas de démission ou d'empêchement. Enfin, il est soumis à un régime d'incompatibilité très complet puisqu'il ne peut exercer aucun autre emploi public, aucune activité professionnelle ou mandat électif.

De quels pouvoirs disposera cette autorité ?

Ils s'exerceront principalement par un droit de visite « à tout moment » sous réserve de restrictions limitées liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans les lieux visités -limitations qui ne peuvent en tout état de cause justifier qu'un report de visite . Sur place, le contrôleur peut s'entretenir avec « toute personne dont le concours lui paraît nécessaire » et le caractère secret des informations qu'il demande ne peut lui être opposé que dans des cas limitativement énumérés par la loi 15 ( * ) . A l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître ses observations aux ministres intéressés. Il peut rendre publiques ses observations et les réponses apportées. En cas de violation grave des droits fondamentaux d'une personne privée de liberté, il fixe un délai dans lequel l'autorité compétente doit répondre.

Le contrôle portera sur quelques 5.700 lieux de privation de liberté. Pour l'assister dans sa mission, le contrôleur dispose d'une équipe de contrôleurs dont l'effectif pourrait comprendre, comme l'a indiqué Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice lors de son audition par votre commission le 13 novembre dernier, une quarantaine de personnes. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une dotation de 2,05 millions d'euros 16 ( * ) pour la mise en place de cette nouvelle institution.

Le contrôleur général pourra s'appuyer sur les règles pénitentiaires européennes révisées en 2006 17 ( * ) et, surtout, la loi pénitentiaire qui devrait être adoptée en 2008 et dont les grandes lignes s'inspirent des préconisations d'un comité d'orientation mis en place l'été dernier.

Les « règles pénitentiaires européennes » et la France

Parmi les 108 recommandations des règles pénitentiaires européennes, 8, plus particulièrement, appellent une adaptation du dispositif français. Elles concernent pour l'essentiel l'amélioration de la prise en charge des détenus condamnés exécutant leurs peines en maison d'arrêt dans l'attente soit d'une affectation en établissement pour peine, soit d'une libération ou d'un aménagement de peine.

Elles portent ainsi sur l'organisation de l'accueil des détenus entrants, le repérage et l'orientation de la population pénale, l'élaboration d'un parcours d'exécution de peine, la création d'un quartier spécifique réservé aux condamnés, le traitement des requêtes des détenus, la possibilité pour le détenu de contacter à tout moment le personnel, y compris la nuit, le respect d'un cadre éthique pour les personnels, la nécessaire information du public.

L'administration pénitentiaire a mis en place six dispositifs expérimentés en septembre 2007 dans 67 sites pilotes -maisons d'arrêt, centres pénitentiaires et établissements pénitentiaires pour mineurs avant leur généralisation envisagée en 2008.

Ces dispositifs visent à :

- appliquer aux condamnés en maison d'arrêt un régime de détention comparable à ce qui se pratique dans les établissements pour peine ;

- mettre en place un « parcours d'exécution de peine » pour assurer une continuité dans la prise en charge de la personne depuis son écrou jusqu'au terme de son traitement judiciaire, qu'elle soit prévenue ou condamnée, d'un lieu d'affectation à l'autre ;

- renforcer la cohérence entre les différents interlocuteurs de la personne condamnée en les réunissant au sein d'une « commission pluridisciplinaire » (les observations de chacun étant consignées dans le « livret de suivi » du détenu) ;

- redynamiser le travail et la formation afin de proposer davantage d'aménagements de peine.

Les propositions du comité d'orientation sur la loi pénitentiaire

Les propositions du comité d'orientation sur la loi pénitentiaire s'inscrivent dans le cadre des règles pénitentiaires européennes tout en ayant vocation pour plusieurs d'entre elles à recevoir un caractère normatif.

Parmi ces préconisations, il convient notamment de relever, au titre de l'insertion, la création d'un parcours de mobilisation pour le détenu, à échéance annuelle et susceptible de prendre une forme contractuelle. Le comité d'orientation suggère aussi de permettre aux détenus d'élire domicile à l'établissement pénitentiaire ou au centre communal d'action sociale afin de faciliter leur accès aux droits sociaux.

Plusieurs propositions portent sur la nécessité d'assurer aux détenus les plus démunis un « minimum vital » à travers par exemple la mise en place d'une allocation d'insertion pour les détenus ne percevant par le RMI, en contrepartie du suivi d'un enseignement ou d'une formation professionnelle ou de toute autre activité concourant à un projet individualisé d'insertion. De même, les détenus indigents pourraient accéder gratuitement aux produits d'hygiène, au réfrigérateur et à la télévision.

Le maintien des liens familiaux serait favorisé par le droit d'accès au téléphone (sous réserve pour les prévenus d'absence d'opposition de l'autorité judiciaire compétente), le droit effectif de visite de la famille proche, au moins une fois par semaine, y compris pour les détenus en quartier disciplinaire ; l'extension des unités de vie familiale et leur systématisation dans tout nouvel établissement pénitentiaire.

S'agissant des régimes de détention , le comité d'orientation suggère de rendre effectives les dispositions de l'article 716 du code de procédure pénale sur l'encellulement individuel obligatoire des prévenus et accusés. Il propose par ailleurs l'instauration d'un régime de détention identique entre prévenus et accusés, l'extension de un à deux ans de la possibilité de maintien ou d'affectation de condamnés en maison d'arrêt si toutefois leur séparation d'avec les prévenus est effective, la création au sein des centres pénitentiaires d'unités regroupant des profils de détenus exigeant une prise en charge différenciée ou une protection particulière (toxicomanie, délinquants sexuels, etc...).

Quant au régime disciplinaire , le comité d'orientation recommande de fixer à 7, 14 ou 21 jours la durée maximale de placement en cellule individuelle -qui est aujourd'hui de 45 jours.

Ces propositions n'épuisent pas le champ de la loi pénitentiaire dont votre rapporteur souhaite qu'elle soit à la fois ambitieuse et consensuelle .

Si un tel texte apparaît aujourd'hui indispensable, il ne doit pas conduire cependant à mésestimer les avancées significatives accomplies par notre pays au cours des dernières années pour améliorer la condition pénitentiaire : l'accès aux soins et à la santé consacré par la loi du 18 janvier 1994, la création des unités de vie familiale depuis 1973, l'ouverture des premières unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) depuis 2006.

* 14 Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République a proposé que le contrôleur général ainsi que les autres autorités indépendantes soient désignés après avis d'une commission mixte ad hoc de l'Assemblée nationale et du Sénat composée à la proportionnelle des groupes.

* 15 Secret lié à la défense nationale, à la sûreté de l'Etat, à l'enquête et l'instruction, secret médical et secret professionnel applicable entre un avocat et son client.

* 16 2,05 millions pour les personnels et 450.000 euros en crédits de fonctionnement.

* 17 Les règles pénitentiaires européennes ont été adoptées en 1973 et révisées une première fois en 1987. Elles visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe qui en sont signataires.

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