2. La nécessité d'intervenir dans le cadre de coalitions
Selon les estimations usuelles, pour attaquer une armée il faut disposer d'effectifs au moins équivalents, et si possible au moins 2 fois supérieurs 68 ( * ) . Dans le cas d'opérations de contre-insurrection, on évalue même généralement ce ratio à 10 ou 20 69 ( * ) .
Avec 30.000 combattants pouvant être projetés un an sans relève, la France pourrait donc, au mieux, affronter des forces d'un effectif équivalent. Elle serait donc loin de pouvoir l'emporter, à elle seule, contre une armée ennemie, qui comporte généralement plusieurs centaines de milliers de combattants. L'armée française est donc nécessairement amenée à intervenir dans le cadre de coalitions.
Actuellement, parmi les pays occidentaux, seuls les Etats-Unis sont capables de projeter plusieurs centaines de milliers de combattants, ce qui est permis par leurs effectifs 70 ( * ) . Il faut par ailleurs rappeler que, dans le cas de la France, cette capacité de projection de 30.000 combattants parmi un « réservoir » de près de 100.000 combattants constitue un net progrès par rapport à la situation à la fin de la Guerre Froide, alors que le « réservoir » de forces projetables était tombé à seulement 25.000 combattants 71 ( * ) .
3. Le problème fondamental : le manque de capacités de projection européennes
Le fond du problème n'est pas la capacité de projection de la France, mais l'insuffisance de celle de l'Union européenne, considérée dans sa globalité. En effet, la modestie des capacités de projection des différents Etats européens (France et Royaume-Uni exceptés) s'auto-entretient, chacun considérant avoir intérêt à faire supporter le poids de la défense de l'Europe par les autres (ou par les Etats-Unis).
En 1999, le Conseil européen d'Helsinki a fixé pour l'ensemble de l'Union européenne l'objectif de pouvoir projeter seulement 60.000 combattants en 2 mois à 4.000 km. Cet objectif est repris par le rapport annexé au présent projet de loi, qui prévoit qu' « une capacité d'intervention globale de 60.000 hommes, déployables pendant un an sur un théâtre éloigné, avec les composantes aériennes et maritimes nécessaires, doit être ainsi effectivement développée ».
Cet objectif modeste, correspondant en gros à la somme des capacités de projection actuelles de la France et du Royaume-Uni (sans prise en compte des considérations de délai 72 ( * ) ), est loin de permettre à l'Union européenne de disposer de capacités de projection suffisantes.
Si, proportionnellement à sa population, chaque Etat de l'Union européenne se dotait d'une capacité de projection analogue à celle de la France ou du Royaume-Uni (0,05 % de la population), les Etats de l'Union européenne pourraient projeter 225.000 combattants. On en est loin.
* 68 Cf. en particulier : Stephen Biddle, « Military Power », Princeton University Press, 2004 et colonel Michel Yakovleff, « Tactique théorique », Economica, 2006.
* 69 Chiffres cités par David Galula dans son ouvrage « Contre-insurrection » (1964), considéré par de nombreux spécialistes, et par l'armée américaine, comme l'une des principales théorisations de ce type de conflit.
* 70 Pour la seule armée de terre, environ 500.000 combattants, auxquels il faut ajouter 350.000 combattants pour la garde nationale et 200.000 combattants pour la réserve.
* 71 Serge Vinçon, rapport pour avis n° 90 sur le projet de loi de finances pour 2002, tome VI : Défense - Forces terrestres, 22 novembre 2001 (2001-2002).
* 72 Les manques de moyens de transport empêchent actuellement de réaliser cette projection en 2 mois.