INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Selon le projet de loi de finances (PLF) pour 2011, les crédits de paiement de la mission « justice » 2 ( * ) progresseront de 4,15% en 2011 par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 et atteindront 7,128 milliards d'euros. 550 nouveaux postes seront créés pour permettre au ministère de la Justice de remplir ses objectifs 3 ( * ) .

Néanmoins, au sein de cette mission, les crédits de paiement alloués au programme n° 182 : « protection judiciaire de la jeunesse », continuent à diminuer : après une baisse de 2% en 2009 et de 1% en 2010, les moyens dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) diminueront à nouveau de 2% en 2011, pour atteindre 757,9 millions d'euros. 117 emplois en équivalents temps plein travaillé (ETPT) seront supprimés en 2011, portant ainsi le nombre total de suppressions de postes sur la période 2008-2011 à 347.

Cette diminution globale masque des évolutions de structure importantes. Alors que, jusqu'en 2008, les missions de la PJJ s'exerçaient indistinctement en direction, d'une part, des mineurs en danger et des jeunes majeurs protégés par des décisions des juges des enfants statuant en matière civile, et, d'autre part, des mineurs délinquants faisant l'objet d'une mesure, d'une sanction ou d'une peine prononcée par une juridiction pour enfants statuant en matière pénale, la PJJ a progressivement recentré son action sur la seule prise en charge des mineurs délinquants : en 2011, la PJJ cesse de prendre en charge les mineurs en danger et les jeunes majeurs, à l'exception des mesures d'investigation dont le financement continue à relever de la compétence exclusive de l'Etat.

L'article 7 du décret n°2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice assigne désormais à la PJJ les trois missions suivantes : concevoir les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs ; garantir, directement ou par son secteur associatif habilité, une aide aux décisions de l'autorité judiciaire ; enfin, assurer directement, dans les services et établissements de l'Etat, la prise en charge de mineurs sous main de justice.

Au cours des trois années écoulées, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a profondément rénové, dans un cadre budgétaire contraint, son organisation et ses méthodes d'intervention.

Après avoir retracé les éléments essentiels de ces évolutions, votre rapporteur pour avis examinera les modalités d'adaptation de la PJJ à l'évolution de la délinquance des mineurs.

I. LE RECENTRAGE DE LA PJJ SUR LES MINEURS DÉLINQUANTS : UN CHOIX POLITIQUE FORT AUX CONSÉQUENCES ENCORE INSUFFISAMMENT ÉVALUÉES

La mise en oeuvre des décisions prises par le juge des enfants, qui est compétent à la fois en matière civile (protection judiciaire de l'enfance et de l'adolescence en danger) et pénale (application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante), fait intervenir à titre principal deux acteurs différents :

- l'Etat , qui, à travers la PJJ, finance désormais les seules mesures d'investigation ainsi que l'exécution des décisions prises au pénal par les juridictions pour enfants ;

- les conseils généraux , dont les services d'aide sociale à l'enfance se sont vu confier, à partir de la loi de décentralisation du 22 juillet 1983, la protection administrative de l'enfance en danger ainsi que l'exécution des mesures de protection ordonnées par le juge des enfants.

Alors que la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a réaffirmé la compétence des conseils généraux en matière de protection des mineurs en danger et des jeunes majeurs, la PJJ a souhaité recentrer son action sur la seule prise en charge des mineurs délinquants, tout en restant garante de la bonne exécution, sur l'ensemble du territoire national, de l'ensemble des décisions prises par les juges des enfants. Cette évolution a été formalisée dans le cadre du troisième Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008 ainsi que dans le cadre du projet stratégique national 2008-2011 de la PJJ .

A. L'ACHÈVEMENT D'UNE ÉVOLUTION ENGAGÉE EN 2008

1. Un choix politique fort

Le principe de la compétence du département en matière d'aide sociale à l'enfance a été affirmé par les lois de décentralisation de 1982-1983. La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a réaffirmé le rôle central du conseil général en matière de protection de l'enfance en danger.

Malgré cela, PJJ et conseils généraux ont pendant longtemps continué à exercer une compétence concurrente en matière de mise en oeuvre des mesures judiciaires de protection. La part des mesures civiles prises en charge par la PJJ était cependant très minoritaire. Selon l'Observatoire national de l'enfance en danger 4 ( * ) , au 31 décembre 2006, la PJJ assurait l'exécution de 438 des 114.708 mesures judiciaires de placement (moins de 0,4 %) et 8.045 des 112.271 mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) (environ 7 %) 5 ( * ) .

L'expérimentation conduite sur le fondement de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales visait à supprimer toute intervention de la PJJ au civil et à confier au département l'intégralité des mesures civiles, hors investigation 6 ( * ) . Toutefois, prenant appui sur les orientations définies par le troisième Conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008, la DPJJ a décidé de généraliser cette évolution avant que le bilan de l'expérimentation puisse être tiré. Celle-ci a été traduite dans le projet stratégique 2008-2011 de la PJJ, dont le second axe assigne à cette dernière le renforcement de son intervention en direction des jeunes confiés au pénal.

Lors des auditions qu'il a conduites dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances, votre rapporteur pour avis a pu constater que les acteurs de la justice pénale des mineurs avaient pris acte de ce recentrage au pénal de la PJJ. Toutefois, plusieurs personnes entendues ont critiqué le caractère trop rapide et sans nuances de cette évolution, ainsi que le manque de coordination entre les services de l'Etat et les services d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux s'agissant de l'exécution des mesures judiciaires de protection (voir infra ).

2. Une adaptation consécutive de la nomenclature budgétaire dans un contexte de baisse globale des crédits

En 2011, le budget de la PJJ diminuera globalement de 2% par rapport à la loi de finances initiale pour 2010. Cette diminution se traduira par une perte réelle de 117 ETPT.

En particulier, la PJJ appliquera la décision du quatrième conseil de modernisation des politiques publiques qui impose une baisse des dépenses de fonctionnement de 10% sur trois ans, dont 5% en 2011 , par optimisation des achats. Cette baisse des dépenses de fonctionnement de 5% par rapport à 2010 s'appliquera à l'ensemble des prises en charge, à l'exception de l'hébergement diversifié 7 ( * ) . Cette décision sera appliquée indistinctement au secteur public comme au secteur associatif.

Au sein de cette enveloppe globale, la PJJ achève en 2011 son recentrage sur la seule prise en charge des mineurs délinquants, ce qui se traduit par une extinction en 2011 des crédits alloués à la PJJ pour la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs, hors investigation 8 ( * ) .

En conséquence, l'action n°02 , qui retraçait les crédits consacrés à la mise en oeuvre des décisions judiciaires concernant les mineurs en danger et les jeunes majeurs, est supprimée .

Toutefois, l'Etat-PJJ continue à assurer le financement et l'exécution des mesures d'investigation ordonnées par les juges des enfants, en matière pénale comme en matière civile. En effet, les mesures d'investigation constituent un soutien essentiel à la décision des magistrats et ont de ce fait vocation à continuer à relever de la compétence exclusive de l'Etat.

Afin de rendre compte de l'effort budgétaire consacré aux mesures d'investigation, une nouvelle action n°05 intitulée : « aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger » est créée .

Néanmoins, comme l'indique le projet annuel de performances consacré à la mission « justice », la plupart des services de milieu ouvert du secteur public sont polyvalents. Ils réalisent à la fois des mesures d'investigation et l'exécution de décisions prises au pénal par les juridictions pour enfants (mesures de suivi en milieu ouvert, réparations pénales, travaux d'intérêt général, etc.). Répartir entre actions les crédits consommés par ces services paraît difficile au stade de l'imputation comptable : pour cette raison, le PLF pour 2011 a fait le choix d'inscrire l'ensemble des crédits des structures polyvalentes du secteur public sur l'action n°01 (« mise en oeuvre des décisions judiciaires : mineurs délinquants »), les crédits inscrits sur la nouvelle action n°05 ne regroupant que les crédits relatifs aux seules mesures d'investigation réalisées par le secteur associatif habilité.

Les crédits de paiement demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 se répartissent de la façon suivante :

Crédits de paiement demandés en 2011

Évolution par rapport à la loi de finances pour 2010 (LFI 2010 retraitée)

01

Mise en oeuvre des décisions judiciaires : mineurs délinquants (libellé modifié)

561 550 759

+1,45%

03

Soutien

98 407 660

-16,32%

04

Formation (École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse)

33 791 585

+0,11%

05

Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger (nouveau)

64 183 266

-7,25%

Total

757 933 270

-2,08%

Source : PLF pour 2011


* 2 Qui est composée de cinq programmes : « justice judiciaire », « administration pénitentiaire », « protection judiciaire de la jeunesse », « accès au droit et à la justice » et « conduite et pilotage de la politique de la justice ».

* 3 En 2011, les priorités du ministère de la justice demeurent inchangées : moderniser le fonctionnement des juridictions ; mieux assurer l'exécution des peines ; poursuivre la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire ; poursuivre les efforts en matière d'accès au droit et d'aide aux victimes.

* 4 Chiffres cités par la Cour des comptes dans le rapport précité, page 48.

* 5 Le niveau d'intervention de la PJJ au civil était néanmoins variable selon les départements et ne semblait pas dépendre d'un critère préétabli. Dans le Loiret et à Paris, elle n'intervenait presque pas ; dans d'autres départements, les juges continuaient de la solliciter. Généralement, la PJJ constituait un recours pour des mesures concernant les adolescents difficiles ou déjà connus de ses services au titre d'une affaire pénale.

* 6 Une convention avait été conclue en ce sens avec les trois départements de l'Aisne, de la Haute-Corse et du Loiret.

* 7 Pour lequel les marges de manoeuvre sont réduites.

* 8 Pour mémoire, ces crédits avaient diminué de 50% l'an passé, passant de 146,26 millions d'euros de crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale pour 2009 à 73,57 millions d'euros demandés en loi de finances initiale pour 2010.

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