B. LA PJJ FACE À LA DÉLINQUANCE DES JEUNES FILLES
1. Une délinquance peu nombreuse mais en augmentation
Une étude récente de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a attiré l'attention sur l'augmentation importante de la délinquance des jeunes filles au cours des années récentes, qui demeure malgré cela minoritaire au sein de la délinquance des mineurs.
Ainsi, en 2009, un peu moins de 1.175.000 personnes ont été mises en cause pour crimes et délits non routiers, dont 214.612 mineurs au sein desquels on compte 33.316 jeunes filles : ces dernières représentent 2,8% de l'ensemble des personnes mises en cause en 2009 , et 15,5% des mineurs délinquants .
Or, en 1996, seules 14.251 filles sur un total de 143.824 mineurs délinquants avaient été mises en cause par les services de police et de gendarmerie, soit une proportion inférieure à 10%. Sur cette période, la hausse du nombre de mineures mises en cause a été régulière , avec une augmentation moyenne annuelle de 6,8%.
Dans un peu plus de la moitié des cas, ces mineures sont mises en cause pour des atteintes aux biens. Dans un quart des cas, elles le sont pour atteintes volontaires à l'intégrité physique. Enfin, en 2009, plus de 22% des mineurs mis en cause pour vols sans violence étaient des filles.
Si les violences volontaires continuent à représenter une part minoritaire de la délinquance des jeunes filles, l'ONDRP observe toutefois les tendances suivantes :
- le nombre de filles mises en cause pour violences et menaces (hors vol) a augmenté de plus de 80% sur cinq ans ;
- en particulier, le nombre de filles mises en cause pour violences non crapuleuses a doublé entre 2004 et 2009. La hausse a essentiellement porté sur les violences, mauvais traitements et abandons d'enfants (+136% en cinq ans) et sur les coups et blessures volontaires non mortels sur personnes de plus de 15 ans (+97% sur la même période).
Ce constat a été partagé par la plupart des personnes entendues par M. Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d'Etat à la justice et auteur d'un rapport consacré à la prévention de la délinquance des jeunes 38 ( * ) , qui ont notamment souligné l'augmentation des phénomènes de bandes chez les jeunes filles, dont les comportements tendraient sur ce point à se rapprocher de ceux des garçons. Dans son rapport, M. Jean-Marie Bockel a préconisé la mise en oeuvre d'une politique de prévention et d'action spécifiquement ciblée sur les bandes de filles.
2. Une nécessaire adaptation de la prise en charge en structure d'hébergement et en détention
Parce qu'elles représentent une part minoritaire de l'ensemble des jeunes confiés à la PJJ, la prise en charge des mineures délinquantes nécessite un certain nombre d'adaptations, particulièrement en CEF et en détention.
Le nombre de mineures placées en CEF est très faible et très variable. De ce fait, un seul centre s'est spécialisé dans l'accueil de jeunes filles délinquantes - il s'agit du CEF de Doudeville (Seine-Maritime), que votre rapporteur pour avis a visité (voir supra ). Du fait du faible nombre de mineures placées, ce centre accueille des jeunes filles provenant de l'ensemble du territoire national, outre-mer inclus, ce qui ne facilite pas les relations avec les familles. Par ailleurs, une dizaine de CEF sont mixtes, sous réserve de pouvoir héberger au moins deux ou trois jeunes filles en même temps. La plupart de ces centres comportent des aires distinctes, avec des chambres réservées aux jeunes filles.
La détention des filles mineures obéit quant à elle en théorie à un double impératif : d'une part, une incarcération dans un lieu strictement distinct des lieux de détention des majeurs, conformément aux règles pénitentiaires européennes ; d'autre part, un hébergement en unité « non-mixte », sous la surveillance de personnels de sexe féminin 39 ( * ) .
Toutefois, ces deux impératifs paraissent difficiles à mettre en oeuvre compte tenu du faible nombre de jeunes filles détenues - une trentaine en moyenne.
La mixité a été prévue dans le cahier des charges des EPM : chacun dispose en théorie d'une unité « filles » de quatre places, les activités socioculturelles et d'enseignement pouvant avoir lieu en commun. Toutefois, du fait du petit nombre de mineures détenues, seuls les EPM de Quiévrechain et de Lavaur accueillent aujourd'hui des jeunes filles, à condition qu'elles soient en nombre suffisant. En effet, ces dernières sont fréquemment victimes d'insultes violentes de la part des garçons détenus. Un effectif critique est donc nécessaire afin d'éviter leur isolement.
En quartier mineurs, la disposition des établissements pénitentiaires ne permet généralement pas une séparation totale entre les différentes unités. De ce fait, la plupart des mineures détenues en établissement pénitentiaire sont généralement hébergées avec les détenues adultes, ce qui n'est pas satisfaisant. En outre, leur faible effectif rend difficile la mobilisation de professionnels à temps complet qui ne peuvent, de surcroît, disposer de locaux adaptés au sein des quartiers femmes.
Ces constats ont conduit la DPJJ et la direction de l'administration pénitentiaire à mettre en place un groupe de travail conjoint chargé d'envisager des modalités d'amélioration des conditions d'incarcération des jeunes filles. Ces dernières pourraient ainsi être regroupées dans sept établissements répartis sur le territoire métropolitain : les EPM de Quiévrechain, de Lavaur et de Meyzieu, les maisons d'arrêt pour femmes de Fleury-Merogis et d'Epinal et les centres pénitentiaires des Baumettes et de Rennes. Cette répartition permettrait aux jeunes filles de bénéficier d'une prise en charge adaptée et renforcée. Afin de limiter les effets de l'éloignement des familles, les services de l'administration pénitentiaire seraient chargés de faciliter les visites, tandis que les services éducatifs garantiraient l'accompagnement des familles sur le lieu de détention.
* 38 « La prévention de la délinquance des jeunes », rapport à M. le Président de la République, novembre 2010.
* 39 Conformément à l'article R. 57-9-12 du code de procédure pénale.