B. COMPLÉTER LES ARTICLES DU PROJET DE LOI, EN S'INSPIRANT DE LA PROPOSITION DE LOI, AFIN NOTAMMENT DE RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DE LA SPÉCIFICITÉ MILITAIRE
En s'inspirant directement des dispositions figurant dans la proposition de loi présentée par votre rapporteur pour avis, votre commission a souhaité compléter les articles du projet de loi relatifs à la justice militaire sur plusieurs aspects.
1. Prévoir l'avis du ministre de la défense en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif
En s'inspirant d'une disposition de la proposition de loi déposée par votre rapporteur pour avis, votre commission a jugé utile de renforcer la prise en compte de la spécificité militaire en précisant que l'avis préalable du ministre de la défense s'applique aussi lorsque, à la suite d'une plainte contre personne non dénommée, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif, les poursuites engagées font apparaître que les faits sont susceptibles d'avoir été commis par un militaire.
En vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, le Procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, hors cas de flagrance, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, sous peine de nullité. Cette disposition s'applique devant toutes les juridictions et pas uniquement devant le Tribunal aux armées de Paris.
Or, il est apparu à plusieurs reprises que lorsque les premiers éléments de l'enquête ne font pas apparaître qu'un militaire précisément désigné est susceptible d'être poursuivi, la procédure judiciaire est ouverte contre personne non dénommée (c'est ce que l'on désigne dans le langage courant par « plainte contre X ») et aucun avis n'est alors demandé. Mais, dans la suite de la procédure, si un militaire est directement mis en cause et susceptible d'être poursuivi, aucun avis ne sera alors sollicité. C'est en particulier le cas dans les procédures ouvertes sur constitution de partie civile devant le juge d'instruction.
Certes, la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale aurait pu être interprétée comme induisant la demande d'avis du ministre de la défense même dans le cas d'une procédure judiciaire ouverte contre personne non dénommée, dès lors que l'instruction montrait qu'un militaire était en cause. Cependant, tel n'a pas été le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 juillet 1997 28 ( * ) , la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, en effet, que l'article 698-1 ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République.
De même, dans un arrêt du 3 septembre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a écarté le moyen tenant à l'absence d'avis du ministre de la défense préalablement à un réquisitoire introductif ayant abouti à la mise en examen d'un médecin militaire à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée.
Par ailleurs, la pratique montre que l'avis du ministre de la défense n'est pas systématique en cas de plainte avec constitution de partie civile contre personne dénommée ou en cas de réquisitoire supplétif suite à la découverte de faits nouveaux découverts en cours d'instruction susceptibles de mettre en cause un militaire.
L'avis préalable du ministre de la défense ou de l'autorité militaire à l'engagement de poursuites constitue, aux yeux de votre commission, un aspect essentiel de la prise en compte de la spécificité du contentieux mettant en cause les militaires. Il permet notamment d'apporter un éclairage à des situations opérationnelles parfois très complexes, en particulier en opérations extérieures.
Le Sénat s'était d'ailleurs prononcé en faveur d'un avis du ministre de la défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée lors de l'examen de la réforme de 1999, mais l'Assemblée nationale s'y était à l'époque opposée.
Votre commission a donc adopté, à l'unanimité, un amendement afin de préciser à l'article 698-1 du code de procédure pénale que l'obligation pour la procureur de la République de solliciter un avis du ministre de la défense avant tout acte de poursuite, s'applique également, lorsque, en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif, un militaire est susceptible d'être poursuivi.
* 28 Cour de cassation, Crim. 16 juillet 1997, Bull. crim. n°275