CHAPITRE VI
DE L'AMÉNAGEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DES ZONES LITTORALES
Article 19
(art. L. 146-4-1 nouveau du code de l'urbanisme)
Création d'un schéma d'aménagement des zones littorales à risque
Reprenant les préconisations n°s 86 et 87 de la mission commune d'information sur la tempête Xynthia, cet article met en place un nouveau document d'urbanisme visant à garantir que les zones littorales exposées à un risque de submersion marine soient aménagées en tenant compte de ce risque.
Ce document, appelé « schéma d'aménagement des zones littorales à risque », serait élaboré par les communes ou les EPCI compétents (qui pourraient, dans ce cadre, disposer gratuitement de l'assistance technique et juridique des services déconcentrés) et établirait un zonage distinguant trois types de zones :
- les zones dans lesquelles l'intensité du risque interdit l'implantation de toute installation (zones inconstructibles) ;
- les zones dans lesquelles le risque est « sérieux », et qui seraient donc inhabitables -ce qui n'exclurait pas la construction ou l'utilisation de bâtiments à des fins économiques, agricoles, etc. ;
- les zones dans lesquelles le risque est « modéré », et qui seraient donc habitables : des modalités spécifiques de construction des bâtiments pourraient y être définies, ce qui permettrait d'obliger les résidents à prévoir des aménagements visant à assurer la sécurité des personnes (mise en place de pilotis, surélévation, interdiction des maisons de plain-pied, etc.).
• La position de votre commission des lois : un dispositif peu utile et source de complexité
Bien qu'elle comprenne l'objectif poursuivi par ce dispositif, votre commission a estimé que la création d'un nouveau type de document régissant l'occupation et l'utilisation des sols n'était pas opportune . En effet, le « schéma d'aménagement des zones littorales à risque » ne viendrait pas combler un vide juridique, mais viendrait à l'inverse se superposer aux documents déjà prévus par le législateur (notamment les PLU et les PPRN) : il risquerait donc d'être une source de complexité et d'obscurité tant pour les acteurs locaux que pour les citoyens. À cet égard, votre commission rappelle que l'objectif assigné aux schémas d'aménagement des zones littorales à risque peut déjà être remplis par le biais des PLU, puisque ces derniers peuvent rendre certaines zones inconstructibles, inhabitables ou habitables sous conditions : la création de ces schémas ne doterait donc pas, en pratique, les élus locaux de nouveaux outils de gestion des risques naturels.
En outre, votre rapporteur souligne que la création d'un nouveau document de planification urbanistique serait contraire à la position que le Président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, a adoptée dans le cadre du travail d'évaluation des normes mené récemment au sein de notre Haute Assemblée, sous l'égide de la Délégation aux collectivités territoriales : sollicitée pour contribuer à cette réflexion, la commission des lois avait ainsi estimé que les documents d'urbanisme étaient trop nombreux, ce qui pouvait rendre leur articulation entre eux problématique sur le terrain 25 ( * ) .
Votre commission a donc souhaité que les éléments que les auteurs veulent faire figurer dans le « schéma d'aménagement des zones littorales à risque » soient intégrés aux documents d'urbanisme actuellement existants : à cet égard, il est apparu que les plans locaux d'urbanisme étaient les véhicules les plus pertinents et les mieux adaptés à la mise en place d'interdictions ou de restrictions de l'utilisation des sols.
Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que les plans locaux d'urbanisme pourraient, pour les communes ou les EPCI exposés à des risques majeurs, effectuer un zonage en fonction du degré de risque et mettre en oeuvre des prescriptions adaptées à chaque type de zone. Comme l'a souligné M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme, lors de son audition par votre rapporteur, cette précision sera profitable aux acteurs locaux compétents en matière d'urbanisme, auxquels elle rappellera que les PLU peuvent limiter l'occupation des sols dans un but de prévention des risques naturels ou technologiques.
Sous réserve de l'adoption de cet amendement, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 19.
Article 20
(art. L. 562-1 du code de l'environnement)
Droit de délaissement pour les propriétaires de biens situés dans des zones exposées à des risques naturels majeurs
Cet article, qui reprend la proposition n° 91 de la mission commune d'information sur la tempête Xynthia, vise à créer un « droit de délaissement » au bénéfice des propriétaires de biens situés dans des zones exposées à des risques naturels majeurs.
Comme le prévoyait la mission, le dispositif du présent article est très largement inspiré du mécanisme de délaissement créé, en 2003 26 ( * ) , pour les zones exposées à des risques technologiques majeurs (II de l'article L. 515-16 du code de l'environnement), qu'il se borne à transposer aux cas de risques naturels majeurs.
Article L. 515-16 du code de l'environnement (extraits) À l'intérieur du périmètre d'exposition aux risques, les plans de prévention des risques technologiques peuvent, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique : I. - Délimiter les zones dans lesquelles la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ainsi que les constructions nouvelles et l'extension des constructions existantes sont interdites ou subordonnées au respect de prescriptions relatives à la construction, à l'utilisation ou à l'exploitation. Dans ces zones, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer le droit de préemption urbain dans les conditions définies à l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme. II. - Délimiter, à l'intérieur des zones prévues au I, des secteurs où, en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer un droit de délaissement des bâtiments ou parties de bâtiments existant à la date d'approbation du plan qui s'exerce dans les conditions définies aux articles L. 230-1 et suivants du code de l'urbanisme. Toutefois, pour la détermination du prix d'acquisition, la valeur du bien est appréciée sans tenir compte de la dépréciation supplémentaire éventuelle apportée par l'intervention de la servitude instituée en application du I. La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale peut, par convention passée avec un établissement public, lui confier le soin de réaliser l'acquisition des biens faisant l'objet du délaissement. |
À l'instar du dispositif prévu en matière de risques technologiques, cet article permettrait au préfet de délimiter, au sein des « zones de danger » définies par les PPRN, des secteurs où il existe des « risques importants de catastrophe naturelle présentant un danger grave pour la vie humaine » et où, pour cette raison, les communes ou leurs groupements compétents en matière d'urbanisme peuvent instaurer un droit de délaissement.
Votre commission a estimé que ce « droit de délaissement » serait à la fois utile et légitime, et qu'il permettrait de réduire effectivement l'exposition des populations aux risques naturels majeurs. En conséquence, elle a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 20.
Article 21
(art. L. 142-1, L. 142-3, L. 143-2 et L. 211-1 du code de l'urbanisme)
Utilisation des droits de préemption pour la prévention des risques de submersion marine
Cet article vise à permettre l'utilisation de plusieurs types de droit de préemption aux fins de garantir la « sanctuarisation » des zones exposées à des risques naturels graves. Pourraient ainsi être utilisés à cette fin, le droit de préemption « espace naturel sensible » (articles L. 142-1 et suivants du code de l'urbanisme), le droit de préemption pour la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (articles L. 143-1 et suivants du code) et le droit de préemption urbain.
Les caractéristiques des droits de préemption « espace naturel sensible » et « protection et mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains » Le droit de préemption « espace naturel sensible » : - est institué « afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues » (article L. 142-1 du code de l'urbanisme) ; - est exercé par le département, par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres lorsqu'il est territorialement compétent, ou par les communes ou les EPCI. Les périmètres de préemption sont, en tout état de cause, créés avec l'accord des communes dès lors que celles-ci sont couvertes par un POS rendu public ou un PLU. Le droit de préemption « protection et mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains » est institué, quant à lui, par département avec l'accord de la ou des communes concernées, ou de leur groupement compétent en matière d'urbanisme, et après avis de la chambre départementale d'agriculture (article L. 143-1). Il vise à « favoriser l'exploitation agricole, la gestion forestière, la préservation et la valorisation des espaces naturels et des paysages » (article L. 143-2). Les périmètres de préemption ainsi créés doivent, le cas échéant, être compatibles avec le SCOT et les documents d'urbanisme adoptés par les communes ou les EPCI ; réciproquement, les terrains soumis au droit de préemption ne peuvent pas être urbanisés sur le fondement d'un document d'urbanisme local -PLU ou carte communale- (article L. 143-4). |
Plus précisément, le présent article prévoit :
- de permettre l'utilisation du droit de préemption « espace naturel sensible » non seulement pour préserver les « champs naturels d'expansion des crues », mais aussi pour créer ou préserver de tels champs d'expansion pour les submersions marines : les travaux de la mission d'information sur la tempête Xynthia ont en effet montré que l'urbanisation de terrains qui avaient un rôle de « tampon » naturel des eaux marines avait aggravé le bilan des inondations en Charente-Maritime et en Vendée en facilitant le passage de la mer dans les terres ;
- d'élargir les conditions d'utilisation du droit de préemption « espace naturel sensible » dans les zones où existent des constructions. L'article L. 142-3 du code de l'urbanisme dispose en effet qu'« à titre exceptionnel, l'existence d'une construction ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en oeuvre de la politique des espaces naturels sensibles » : afin de permettre la préemption des terrains de taille limitée, mais qui seraient nécessaires à la création ou la préservation d'un champ d'expansion des submersions marines, le 2° du présent article vise à rendre ces deux conditions, qui sont actuellement cumulatives, alternatives ;
- de permettre l'utilisation du droit de préemption « protection et mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains » dans une optique de prévention des risques naturels majeurs, « et notamment des risques de submersion marine » (3° de l'article) ;
- de permettre l'utilisation du droit de préemption urbain dans les « zones de danger » et les « zones de précaution » délimitées par les PPRN (4° du présent article) : à cet égard, on soulignera que l'usage du droit de préemption urbain est déjà possible dans les zones dangereuses délimitées par les plans de prévention des risques technologiques (article L. 211-1, premier alinéa, du code de l'urbanisme).
Sous réserve de l'adoption de deux amendements rédactionnels de son rapporteur, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 21.
Article 22
(art. 43 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral)
Rôle du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres
Reprenant la proposition n° 90 de la mission commune d'information sur la tempête Xynthia, cet article donne compétence au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pour assister les acteurs locaux dans la mise en oeuvre de leur politique de prévention des submersions marines.
Il prévoir ainsi que le Conservatoire :
- sera compétent en matière de prévention des risques d'inondation par submersion marine et d'aménagement du territoire ;
- apportera son soutien aux acteurs locaux dans l'aménagement de leurs zones littorales à risque : ce second point est donc très clairement lié à la création d'un « schéma d'aménagement des zones littorales à risque » (article 19 du présent texte, que votre commission propose de supprimer).
Votre commission a considéré que, bien que ces innovations aient une portée normative limitée, elles pourraient permettre aux collectivités qui le souhaitent de disposer d'une assistance technique en matière de prévention des risques littoraux. Sous réserve de l'adoption d'un amendement de précision présenté par son rapporteur, elle a donc donné un avis favorable à l'adoption de l'article 22.
* 25 Voir, sur ce sujet, le rapport de notre collègue Claude Belot sur « La maladie de la norme ».
* 26 Ce mécanisme a été créé par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques naturels et technologiques et à la réparation des dommages.